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Commission scolaire francophone, A.B., F.A., T.B., J.J. et E.S. c Ministre de l’Éducation

2020 TNOCS 28

 

DATE : 2020 07 23

DOSSIER : S-1-CV-2019-000355

S-1-CV-2019-000356

S-1-CV-2019-000357

S-1-CV-2019-000358

S-1-CV-2019-000359

 

 

COUR SUPRÊME DES TERRITORIES DU NORD-OUEST

 

ENTRE :

 

Commission scolaire francophone des Territoires du Nord-Ouest, A.B., F.A., T.B., J.J. et E.S.

Requérants

Et

 

Ministre de l’Éducation, de la Culture et de la Formation des Territoires du Nord-Ouest

Intimé

 

MOTIFS DE DÉCISION

A.               SURVOL

[1]             Ces demandes de contrôle judiciaire portent sur cinq demandes d’admission aux écoles de la minorité francophone des Territoires du Nord-Ouest (« TNO »). Les demandes d’admission ont été présentées par des parents non-ayants droit au sens de l’art. 23 de la Charte canadienne des droits et libertés avec l’appui de la requérante, la Commission scolaire francophone des TNO (la « CSF »), qui gère les écoles de la minorité. Puisque les parents n’étaient pas des ayants droit et ne qualifiaient pas en vertu de la Directive ministérielle sur l’inscription des élèves aux programmes d’enseignement en français langue première, émise en 2016 (la « Directive »), ils ont demandé que l’ancienne ministre de l’Éducation, de la Culture et de la Formation des Territoires du Nord-Ouest (la « Ministre ») exerce sa discrétion ministérielle pour permettre aux six enfants concernés d’être admis.

[2]             Le 30 août 2019, les demandes ont été refusées. Selon les motifs de la Ministre, les avantages pour les enfants et pour la communauté franco-ténoise étaient moins importants que les considérations budgétaires et la nécessité de limiter l’utilisation du pouvoir discrétionnaire à des cas exceptionnels.

[3]             Les requérants font valoir que ces décisions étaient déraisonnables en ce qu’elles sont basées sur des conclusions erronées concernant le coût de l’admission des étudiants et l’épanouissement de la communauté franco-ténoise et n’accordent pas un poids approprié aux valeurs qui sous-tendent l’art. 23 de la Charte. Selon les requérants, en se demandant si l’admission était « nécessaire » et si les demandes d’admission étaient « uniques », la Ministre a entravé sa discrétion ministérielle. De plus, ils affirment que la Ministre a enfreint les principes d’équité procédurale.

[4]             Les requérants demandent à la cour d’annuler ces décisions et de rendre une ordonnance enjoignant à l’intimé d’admettre les enfants aux écoles de la CSF. Selon eux, une telle ordonnance est justifiée, car la Ministre n’a pas suivi correctement les instructions de la cour dans l’affaire A.B., Commission scolaire francophone c. Ministre de l’Éducation, 2019 NWTSC 25, 62 Admin. L.R. (6e) 300, la situation est urgente et l’ordonnance évitera des allers-retours interminables entre l’intimé et la cour.

[5]             Pour sa part, l’intimé maintient que les décisions de la Ministre sont raisonnables et pleinement justifiées. Les motifs démontrent qu’elle a analysé et pondéré l’art. 23 de la Chartre, les intérêts des élèves, leurs familles, mais aussi les coûts additionnels et les intérêts de la population générale.

[6]             Pour les motifs qui suivent, les demandes de contrôle judiciaire doivent être accueillies, les décisions de la Ministre doivent être annulées et les demandes d’admission doivent être renvoyées à l’intimé aux fins d’un nouvel examen.

[7]             En résumé, je conclus que les décisions de la Ministre sont déraisonnables. Ses conclusions reposent en grande partie sur des considérations illogiques ou non étayées par la preuve dont elle disposait. Le résultat est que ses décisions sont fondées sur une analyse irrationnelle et ses motifs ne reflètent pas une mise en balance proportionnée de l’art. 23 de la Charte.

[8]             Cela étant dit, l’état du droit est tel qu’il n’existe pas de droit légal clair à l’admission. Il relève de la Ministre de soupeser les différents facteurs, y compris les valeurs qui sous-tendent l’art. 23. Bien que l’un des requérants ait maintenant obtenu gain de cause lors de sa deuxième demande de contrôle judiciaire du refus de la Ministre d’admettre son enfant, et qu’il soit souhaitable d’éviter plus de va-et-vient entre l’intimé et la cour, ces faits ne l’emportent pas sur le respect dû au pouvoir discrétionnaire qui est conféré à l’intimé.

B.                CONTEXTE

(1)         Le cadre juridique

[9]             L’art. 23 de la Charte accorde aux parents des TNO visés par cet article le droit à l’enseignement en français pour leurs enfants.

[10]          Les écoles à Yellowknife et Hay River qui offrent cet enseignement sont gérées par la CSF, conformément au Règlement sur l’instruction en français langue première, Règl. des T.N.-O. 166-96, et au Règlement sur la Commission scolaire francophone, Territoires du Nord-Ouest, Règl. des T.N.-O. 071-2000, faits en vertu de la Loi sur l’éducation, L.T.N.-O. 1995, c. 28. Comme je l’ai noté dans A.B., aux TNO, comme dans certaines autres régions du Canada, la minorité a souffert en raison de l’absence historique d’écoles de langue minoritaire ainsi que des phénomènes d’assimilation et de mariages exogames qui contribuent à un faible taux de transmission de la langue : au para. 57, citant Territoires du Nord-Ouest (Procureur général) c. Association des parents ayants droit de Yellowknife, 2015 CATN-O 2, 593 A.R. 180, au para. 111, autorisation d’appel refusée, [2015] C.S.C.R. no 95.

[11]          En 2008, le ministre de l’époque a émis une directive ministérielle limitant l’accès aux programmes d’enseignement en français langue première aux enfants de parents ayants droit en vertu de l’art. 23 et aux enfants de parents non-ayants droit admis selon la discrétion du ministre. La CSF est obligée de suivre les directives ministérielles : Règlement sur la Commission scolaire francophone, art. 7(1)(u). La CSF a contesté cette directive et maintenait que l’admission des enfants de parents non-ayants droit relevait de la CSF et non du ministre. La cour a rejeté cet argument : Territoires du Nord‑Ouest (Procureur général) c. Commission Scolaire Francophone, Territoires du Nord‑Ouest, 2015 CATN-O 1, 78 Admin. L.R. (5e) 343, autorisation d’appel refusée, [2015] C.S.C.R. no 94.

[12]          Le ministère a par la suite entrepris un examen de cette directive et a préparé un rapport (le « Rapport final ») : Gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, Ministère de l’Éducation, de la Culture et de la Formation, Rapport final : Examen de la directive ministérielle sur l’inscription des élèves aux programmes d’instruction en français langue première (30 juin 2016). Tel que je l’ai noté dans A.B., au para. 59, des observations faites dans le Rapport final incluent :

L’application au sens strict des critères d’admission de l’art. 23 « nuit à la diversité culturelle dans les écoles francophones »[.]

Puisque les écoles de la majorité peuvent admettre autant d’enfants de la minorité qu’elles le veulent, l’égalité de traitement des écoles de la minorité et de la majorité « signifie que les écoles francophones doivent également avoir la possibilité d’intégrer un certain nombre de non-ayants droit dans leur école »[.]

Il est raisonnable que les écoles de la minorité « admettent un petit nombre de non-ayants droit, toutes proportions gardées, en vue de maintenir les programmes en place »[.]

Un élément important de la revitalisation de la minorité « consiste à favoriser la croissance de la population. La croissance naturelle de la population ténoise d’ayants droit de même que l’immigration d’ayants droit d’autres collectivités peuvent s’avérer insuffisantes pour maintenir un niveau de population qui appuie l’existence des écoles francophones. »

[13]          À la suite du Rapport final, en 2016, le ministre de l’époque a émis la Directive, conformément à la Loi sur l’éducation, pour remplacer la directive de 2008. La Directive établit un processus par lequel les enfants de parents non-ayants droit en vertu de l’art. 23 de la Charte peuvent être admis dans les écoles de la CSF.

[14]          Dans la section « raison d’être » de la Directive, on explique ce qui suit :

Le GTNO est également déterminé à appuyer la revitalisation des langues et des cultures. Or, un aspect fondamental du processus de revitalisation consiste à soutenir l’accroissement démographique des groupes concernés. La [Directive] vise à soutenir la croissance de la population d’ayants droit francophones aux TNO en permettant à un nombre restreint d’enfants de parents non-ayants droit de fréquenter une école francophone ténoise.

[15]          La Directive spécifie un processus à deux étapes par lequel les enfants de parents non-ayants droit peuvent accéder aux écoles de langue française des TNO. La demande est évaluée par la CSF, qui formule une recommandation. Ensuite, tenant compte de cette recommandation, l’intimé décide si l’enfant sera admis.

[16]          La Directive décrit trois catégories de parents non-ayants droit dont leurs enfants sont admissibles aux écoles de la CSF : (1) le parent aurait été un ayant droit mais il ou elle (ou ses propres parents) n’a pas eu la possibilité de fréquenter une école francophone (« restitution »); (2) le parent n’est pas citoyen canadien mais répond aux critères de l’art. 23 (« francophone non citoyen »); et (3) le parent a immigré au Canada et l’enfant, à son arrivée, ne parle ni le français ni l’anglais et est inscrit dans une école canadienne pour la première fois (« nouvel arrivant »).

[17]          Quoique ce ne soit pas prévu dans la Directive, l’intimé retient toujours la discrétion d’admettre des enfants dont leurs parents n’entrent pas dans ces catégories : A.B., au para. 42.

(2)         Les demandes d’admission

[18]          Les requérants contestent le refus par la Ministre de cinq demandes d’admission concernant six enfants. Les parents de ces enfants n’entrent pas dans l’une des trois catégories établies dans la Directive. Les requérants demandaient donc à la Ministre d’exercer sa discrétion résiduelle pour admettre les enfants de parents non-ayants droit. La CSF a recommandé l’admission de chaque enfant.

(a)  L’enfant W.[1]

[19]          W. est né au Canada de parents immigrants qui parlent le néerlandais et l’anglais. Ils ont choisi de s’intégrer dans la communauté franco-ténoise et sont actifs dans cette communauté. W. a appris le français à la Garderie Plein Soleil, une garderie francophone qui partage un immeuble avec l’école de la CSF à Yellowknife. W. maîtrise mieux le français que l’anglais.

[20]          Le 13 mai 2018, les parents de W. ont présenté une demande d’admission à la Ministre avec la recommandation de la CSF. Le 28 mai 2018 et le 29 août 2018, la Ministre a refusé l’admission de W. Le 2 juillet 2019, cette cour a annulé les deux refus de la Ministre et l’affaire a été renvoyée à la Ministre aux fins d’un nouvel examen, tout en tenant compte de sa discrétion ministérielle et l’objet de l’art. 23 : A.B., au para. 91. Le 25 août, la Ministre a déposé un avis d’appel de cette décision. Elle n’a pas demandé de sursis en attendant l’issue de l’appel.

[21]          À la suite du jugement, A.B., le parent de W., a envoyé une lettre à la Ministre demandant qu’elle admette W. Il n’a pas été admis pour l’année scolaire 2018/2019 et a fréquenté une école d’immersion française. A.B. a indiqué à la Ministre que le programme d’immersion dans l’école de la majorité n’était pas convenable et a mené à la diminution des compétences linguistiques de W. en français.

(b)  L’enfant A.

[22]          A. commençait la prématernelle et elle a fréquenté la Garderie Plein Soleil. Elle parle couramment le français. Ses deux parents sont bilingues et travaillent en français pour soutenir la population franco-ténoise dans le domaine de la santé. Elles utilisent le français quotidiennement, de façon équivalente à l’anglais, et sont ancrées dans la communauté franco-ténoise à Yellowknife. Un des parents siégeait sur le conseil d’administration de la Garderie Plein Soleil.

[23]          La demande initiale de A. a été présentée à la Ministre le 26 mars 2019 sous la catégorie « restitution » et subsidiairement sous la discrétion ministérielle. Le 18 avril 2019, la Ministre a refusé la demande parce que les parents n’avaient pas fourni les preuves exigées pour établir qu’elles entrent dans la catégorie « restitution ». Le 20 juin 2019, le parent de A., F.A., a encore une fois demandé à la Ministre d’exercer sa discrétion pour admettre A., et ce, même si aucun des parents n’entrait dans une des trois catégories prévues par la Directive.

(c)   L’enfant V.

[24]          V., qui commençait la prématernelle, parle le vietnamien et très peu d’anglais, tout comme ses parents. Les parents ont émigré du Vietnam. Le grand-père maternel de V. parlait français durant son enfance. Ses parents veulent que V. s’intègre dans la communauté franco-ténoise de Yellowknife.

[25]          La demande initiale de V., avec la recommandation de la CSF, a été présentée le 3 avril 2019 sous la catégorie « nouvel arrivant », et a été refusée le 10 avril 2019. Le 1 août 2019, son parent, T.B., a envoyé une lettre à la Ministre lui demandant de reconsidérer sa décision en exerçant sa discrétion ministérielle.

(d)  Les enfants T. et N.

[26]          T. et N. commençaient la huitième et la neuvième année. Ils sont trilingues (anglais, français et espagnol). Ils sont originaires des États-Unis et se sont installés à Yellowknife en 2018. T. et N. ont chacun reçu le prix du meilleur élève dans leur cours de français dans un programme d’immersion aux TNO et ont suivi des cours particuliers en français.

[27]          Leur parent, J.J., a présenté leur demande avec l’appui de la CSF le 12 août 2019.

(e)   L’enfant E.

[28]          E. commençait la prématernelle. Ses parents ont émigré des Philippines et parlent le tagalog et l’anglais. E. n’a pas eu la chance d’accéder à une garderie francophone, car il n’y en a pas à Hay River. Il s’agit de l’unique demande d’admission présentée par de parents immigrants à Hay River depuis que la Directive de 2016 a été émise.

[29]          La demande d’admission initiale d’E. a été présentée à la Ministre le 27 mars 2019 sous la catégorie « nouvel arrivant » et subsidiairement sous la discrétion ministérielle. Le 10 avril 2019, la Ministre a refusé la demande d’admission initiale parce que E., étant né au Canada, était inéligible sous la catégorie « nouvel arrivant ».

[30]          Un tableau en annexe à ces motifs présente un sommaire des demandes, des aptitudes linguistiques des enfants et de leurs parents ainsi que le lien culturel qu’ont les familles avec la minorité linguistique. 

(3)         Les décisions de la Ministre

[31]          Le 26 juillet 2019, la Ministre a invité la CSF et les parents qui avaient présenté des demandes d’admission à fournir, dans un délai de dix jours, « des informations supplémentaires » pour l’aider « à prendre une décision sur la base des éléments … mandatés par [cette c]our ». La CSF a déposé ses observations supplémentaires le 7 août 2019.

[32]          Le 30 août 2019, la Ministre a refusé les demandes d’admission de W., A., V., T., N. et E. Bien qu’il y ait eu cinq refus distincts, les motifs de chaque décision abondent tous dans le même sens.

[33]          D’une part, la Ministre a reconnu que l’admission était à l’avantage des enfants puisqu’ils apprendraient et maîtriseraient une deuxième langue. De plus, la CSF recommandait l’admission de chaque enfant, certifiant que l’inscription des enfants bénéficierait l’école et la communauté francophone et ne nécessiterait pas de ressources humaines ou matérielles additionnelles.

[34]          De l’autre part, la Ministre a expliqué que les communautés francophones de Yellowknife et Hay River s’épanouissent et que les inscriptions aux écoles françaises de ces communautés sont à la hausse. Ainsi, elle a noté que la Directive  remplit son objet « [d’]appuyer la revitalisation des langues et des cultures [et] l’accroissement géographique ».

[35]          Plus important encore, elle a expliqué que le fait de faire une exception pour une des demandes d’admission rendrait caduque la Directive et donnerait lieu à une imprévisibilité budgétaire étant donné que le coût moyen additionnel pour chaque élève qui fréquente une école francophone est de 2 280 $ par année.

[36]          Selon la Ministre, l’enfant de parents qui n’entrent pas dans l’une des catégories prévues par la Directive ne devrait pas être admis, à moins qu’il y ait une raison unique et distincte pour l’admettre. Sinon, comme elle est tenue d’exercer son pouvoir discrétionnaire en accord avec ses décisions antérieures et de manière équitable, l’admission d’un enfant n’ayant pas de caractéristique unique et distincte l’obligerait à admettre un nombre potentiellement important d’étudiants ayant un profil similaire à l’avenir. Cela aurait des conséquences budgétaires et sur le plan pratique, équivaudrait à une politique de porte ouverte, ce qui représenterait un manquement à l’obligation du gouvernement de protéger l’enseignement en langue minoritaire. La Ministre a conclu qu’aucune des demandes d’admission ne présentait des circonstances exceptionnelles. Le fait que l’enfant parle déjà le français, que l’admission favoriserait le développement de l’enfant, que la famille est immigrante ou que l’enfant a fréquenté une garderie francophone ne présente pas d’élément distinctif pouvant justifier l’exercice de sa discrétion.

[37]          Ainsi, les refus de la Ministre reposent sur trois piliers :

1.    sous la Directive, il y a eu des améliorations au niveau de la revitalisation linguistique et culturelle;

2.    l’admission des enfants entraînerait un coût pour le gouvernement; et

3.    l’admission des enfants saperait l’exercice cohérent et équitable du pouvoir discrétionnaire.

C.               Les questions en litige

[38]          Les demandes de contrôle judiciaire soulèvent les questions suivantes :

1.    La Ministre a-t-elle enfreint les principes de l’équité procédurale?

2.    Quelle est la norme de contrôle appropriée?

3.    Est-ce que les décisions de la Ministre sont déraisonnables?

4.    Quelle est la réparation appropriée?

D.               L’analyse

(1) La Ministre n’a pas enfreint les principes d’équité procédurale

[39]          Selon les requérants, la Ministre n’a pas respecté les obligations d’équité procédurale. La règle audi alteram partem exige qu’un décideur qui a l’intention de rejeter une demande l’indique, explique les raisons pour son rejet et accorde un délai raisonnable pour y répondre. Selon les requérants, le contexte exigeait que, dans sa lettre du 26 juillet où elle a sollicité des observations additionnelles, la Ministre fournisse plus de détails concernant les facteurs dont elle tiendrait compte dans sa prise de décision.

[40]          Selon l’intimé, le processus d’admission est un processus administratif, et non un processus judiciaire ou quasi judiciaire. La lettre de la Ministre avait pour objet de permettre aux requérants de compléter leur dossier, et non pas de mettre en place un processus contradictoire. De plus, autre qu’un tableau indiquant les coûts supplémentaires engendrés par l’admission des enfants, tous les renseignements pertinents étaient soit dans la possession de la CSF ou disponibles au public. Selon lui, l’avis a permis aux requérants de faire des représentations valables.

[41]          À mon avis, les requérants n’ont pas réussi à établir qu’il y a eu une violation des principes d’équité procédurale. Les exigences d’équité procédurale sont intrinsèquement contextuelles : May c. Établissement Ferndale, 2005 CSC 82, [2005] 3 R.C.S. 809, au para. 90. En général, elles exigent que le décideur communique les renseignements à partir desquels il fonde leur décision : May, au para. 92. En l’espèce, les requérants avaient accès au Rapport final qui a mené à l’adoption de la Directive et à la Directive. Ceux-ci fournissaient certains paramètres et objectifs guidant l’exercice de la discrétion ministérielle. De plus, l’affaire A.B. a étalé un nombre de considérations pouvant servir à guider l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Ministre. Il était suffisamment clair quels facteurs seraient pris en considération par la Ministre lors de sa prise de décision. Je note également que les requérants n’ont pas demandé de renseignements supplémentaires après avoir été avertis de l’intention de la Ministre de réexaminer les dossiers à la lumière de la décision A.B. : voir Siad c. Canada (Secrétaire d’État), [1997] 1 C.F. 608 (C.A.), autorisation d’appel refusée, [1997] S.C.C.A. No. 47.

[42]          Dans le contexte d’un processus qui ne ressemblait pas, et qui n’aurait pas dû ressembler, à une procédure judiciaire, la Ministre n’était pas tenue de divulguer, avant sa prise de décision, chaque élément dont elle allait tenir compte dans l’exercice de sa discrétion. Dans le contexte de l’affaire A.B. et le contexte établi par le Rapport final et la Directive, je n’ai aucun problème à conclure que les requérants connaissaient raisonnablement les renseignements à partir desquels la Ministre fonderait sa décision.

[43]          En l’absence d’un défaut de procédure, je dois examiner le contenu des décisions.

(2)         La norme de contrôle appropriée est celle de la décision raisonnable

[44]          J’accepte la position des parties que la norme de contrôle appropriée en l’espèce est celle de la décision raisonnable. Suite à la décision de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, 441 D.L.R. (4e) 1, il est présumé que la norme de la décision raisonnable est la norme applicable : au para. 16. Aucune exception ne s’applique en l’espèce.

[45]          Par conséquent, les requérants ont le fardeau de démontrer que les décisions de la Ministre sont déraisonnables.

(3)         Les décisions sont déraisonnables

(a)  La position des parties

[46]          Les requérants maintiennent que les décisions de la Ministre sont déraisonnables parce qu’elles souffrent de lacunes fondamentales de raisonnement, d’objectivité, de rationalité et de logique. Selon eux, la Ministre a entravé son pouvoir discrétionnaire ou l’a exercé de manière déraisonnable pour arriver à une conclusion prédéterminée. Pour étayer leur argumentation, ils invoquent diverses erreurs alléguées dans les motifs de la Ministre.

[47]          Les requérants soutiennent que la Ministre n’a pas raisonnablement tenu compte de l’art. 23 de la Charte. Ils soulignent que l’art. 23 a pour objet de favoriser l’épanouissement des communautés minoritaires et que la Directive elle-même en fait un objectif. Selon eux, la Ministre a conclu, de façon déraisonnable, que les refus n’empiétaient pas sur l’objet et l’esprit de l’art. 23.

[48]          Ils sont en désaccord avec les conclusions de la Ministre selon lesquelles la communauté est « en progression » et les inscriptions aux écoles de la CSF sont « à la hausse ». La Ministre s’est appuyée sur des données démographiques démontrant que le nombre de personnes qui parlent le français était à la hausse pour étayer sa conclusion selon laquelle la communauté francophone s’accroît. Par contre, selon les requérants, le fait de parler le français n’équivaut pas à faire partie de la communauté minoritaire. Dans son analyse des inscriptions aux écoles de la minorité, la Ministre a choisi de comparer les inscriptions à des périodes arbitraires et n’a pas tenu compte du fait que les chiffres n’étaient pas comparables. Dans un cas, ils comprenaient la prématernelle et dans l’autre, la prématernelle n’était pas encore offerte. De plus, la Ministre a considéré que la Directive fonctionnait bien étant donné le nombre d’enfants de parents non-ayants droit admis, mais en réalité la grande majorité des admissions des enfants de parents non-ayants droit ont eu lieu à Hay River et non à Yellowknife. Ainsi, selon les requérants, la Ministre n’a pas tenu compte de la situation particulière des deux communautés.

[49]          Les requérants contestent aussi les conséquences financières des admissions. Selon eux, la projection des coûts de la Ministre sur 14 ans exagère le coût supplémentaire par élève, un coût qui est tout au plus modeste. Ils suggèrent également qu’il était déraisonnable pour la Ministre de conclure que l’admission de ces enfants l’obligerait à admettre un plus grand nombre d’enfants à l’avenir. Ils affirment qu’il s’agit là d’un faux dilemme, compte tenu du nombre relativement faible de demandes qui ont été présentées au titre de la Directive et du fait que la CSF trie les demandes et prend au sérieux son mandat découlant de l’art. 23. C’était donc une erreur, à leur avis, d’adopter un critère d’unicité dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire.

[50]          L’intimé soutient que les décisions de la Ministre sont raisonnables. Il soutient que la Ministre a pondéré les considérations de l’art. 23 pertinentes. Il fait remarquer que l’art. 23 ne peut être interprété comme donnant à la CSF le pouvoir unilatéral d’admettre des enfants de parents non-ayants droit dans leurs écoles. Selon l’intimé, étant donné qu’il était loisible à la Ministre de conclure que le programme scolaire n’était pas en danger, le refus d’admettre des enfants de parents non-ayants droit ne viole pas l’art. 23.

[51]          L’intimé note que la Ministre a pris ces décisions après avoir pondéré un certain nombre de facteurs et qu’aucun facteur n’était déterminant en soi. Plus précisément, elle a reconnu l’avantage pour la communauté et les élèves, le fait que la communauté francophone et le système scolaire progressaient bien, le coût pour le gouvernement de chaque admission et l’impact de ses décisions sur l’exercice cohérent et équitable de sa discrétion. Selon l’intimé, il n’appartient pas à cette cour d’intervenir dans la manière dont la Ministre a pondéré ces différents facteurs.

(b)  Principes juridiques régissant le contrôle judiciaire selon la norme de la décision raisonnable

[52]          La révision d’une décision selon la norme de la décision raisonnable s’intéresse avant tout au raisonnement suivi par le décideur : Vavilov, au para. 84. En même temps, l’exercice doit tenir compte du contexte, tel que la preuve devant le décideur, les observations des parties, les politiques dont le décideur a tenu compte et les décisions antérieures : Vavilov, au para. 94. Pour conclure qu’une décision est déraisonnable, la cour doit être satisfaite que, à cause des lacunes ou insuffisances se rapportant au fond de la décision, elle ne rencontre pas les exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence : Vavilov, au para. 100.

[53]          Selon l’arrêt Vavilov, il y a deux catégories de lacunes fondamentales : au para. 101. La première est un manque de logique interne du raisonnement. La cour doit pouvoir suivre le raisonnement du décideur sans buter sur une erreur de logique déterminante. La décision sera alors déraisonnable lorsqu’elle est fondée sur une analyse irrationnelle, si la conclusion ne peut prendre sa source dans l’analyse ou s’il est impossible de comprendre le raisonnement du décideur sur un point central : Vavilov, au para. 103. 

[54]          La deuxième lacune se présente lorsque la décision est injustifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur la décision. Ces contraintes comprennent, par exemple, le régime législatif, la common law, la preuve soumise, les observations des parties, les décisions antérieures et les conséquences pour l’individu : Vavilov, au para. 106.

[55]          La Charte comprend une partie importante des contraintes juridiques à l’égard desquelles les décisions de la Ministre doivent être justifiées. En effet, le pouvoir discrétionnaire de la Ministre doit être exercé « à l’aune des garanties constitutionnelles et des valeurs que comportent celles-ci » : Doré c. Barreau du Québec, 2012 CSC 12, [2012] 1 R.C.S. 395, au para. 35, citant Multani c. Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, 2006 CSC 6, [2006] 1 R.C.S. 256, au para. 152, motifs du juge LeBel (concordant). Cela inclut non seulement les droits protégés par la Charte, mais aussi les valeurs qui « sous-tendent chaque droit et qui leur donnent un sens » : Law Society of British Columbia c. Trinity Western University, 2018 CSC 32, [2018] 2 R.C.S. 293, au para. 57, citant École secondaire Loyola c. Québec (Procureur général), 2015 CSC 12, [2015] 1 R.C.S. 613, au para. 36.

[56]          Dans ses observations, l’intimé s’est appuyé sur l’arrêt Commission scolaire francophone du Yukon, district scolaire #23 c. Yukon (Procureure générale), 2015 CSC 25, [2015] 2 R.C.S. 282, pour suggérer que les requérants avaient le fardeau de démontrer que l’approche de la Ministre « fait obstacle » à la réalisation de l’objet de l’art. 23. Dans cette affaire, la Cour suprême du Canada a conclu que, dans le contexte d’un règlement qui limitait expressément l’admission des enfants aux écoles de langue française, la commission scolaire au Yukon n’avait pas le pouvoir d’admettre des élèves qui ne répondaient pas aux critères d’admissibilité prescrites : au para. 74. La Cour suprême du Canada a ensuite noté que cette conclusion n’empêchait pas la commission scolaire « de soutenir que l’approche adoptée par le Yukon à l’égard des admissions fait obstacle à la réalisation de l’objet de l’art. 23 ».

[57]          Selon ma lecture, « l’approche adoptée » fait référence au règlement limitant l’admission des enfants aux écoles de la minorité, et la Cour suprême du Canada ne s’est pas prononcée sur l’argument selon lequel le règlement pourrait être inconstitutionnel. Par contre, dans le cas qui nous occupe, les requérants n’ont pas contesté la validité constitutionnelle du régime législatif ou de la Directive. En l’espèce, il s’agit plutôt d’une question qui porte sur l’exercice par la Ministre d’un pouvoir administratif. Contrairement à l’argument présenté par l’intimé, il n’est pas nécessaire que les requérants démontrent que les décisions de la Ministre font « obstacle » à la réalisation de l’art. 23 pour que les requérants puissent avoir gain de cause. La jurisprudence démontre clairement, à mon avis, que dans le contexte administratif, la question est de savoir si les décisions sont déraisonnables et reflètent une mise en balance proportionnée des protections conférées par la Charte, selon le cadre d’analyse Doré/Loyola.

[58]          L’analyse se fait en deux étapes : TWU, au para. 58. Tout d’abord, la cour évalue si la décision met en jeu les droits protégés par la Charte ou les valeurs qui sous-tendent la Charte. Ensuite, la cour évalue si la décision est le fruit d’une mise en balance proportionnée des droits en cause, compte tenu du contexte.

[59]          Cette analyse est intrinsèquement liée aux faits de chaque cas en espèce et s’effectue dans le contexte de l’examen du caractère raisonnable de la décision. Ainsi, il convient d’accorder une attention et une déférence particulières aux motifs invoqués par la Ministre dans cette affaire. Néanmoins, afin d’assurer la protection des droits garantis par la Charte, l’analyse doit être « robuste » : TWU, au para. 80.

(c)   Les décisions mettent en jeu l’art. 23 de la Charte

[60]          Cette cour a déjà déterminé que la Ministre doit tenir compte de l’art. 23 dans l’exercice de sa discrétion d’admettre des enfants de parents non-ayants droit dans les écoles de langue française des TNO : A.B., au para. 65. Cette discrétion a un impact direct sur la viabilité des écoles de la CSF et la communauté francophone et donc met en jeu les protections conférées par l’art. 23.

[61]          L’objet qui sous-tend l’art. 23 de la Charte est de maintenir « les deux langues officielles du Canada ainsi que les cultures qu’elles représentent » : Mahe c. Alberta, [1990] 1 R.C.S. 342, à la p. 362. Cela inclut l’objectif de remédier aux injustices passées et de créer des circonstances qui permettent l’épanouissement de la communauté minoritaire : Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique c. Colombie-Britannique, 2020 CSC 13, au para. 15 [« CSF »]. Le fait que l’art. 23 vise à favoriser la préservation et l’épanouissement de cette communauté lui donne une dimension collective, même si cet article confère un droit individuel : CSF, au para. 17.

[62]          Bien que les parents-requérants n’aient pas de droits en vertu de l’art. 23 de la Charte, la décision d’admettre ou non leurs enfants a fait le sujet d’une recommandation de la CSF comme représentante des ayants droit. La recommandation concernait l’impact qu’aura l’admission des enfants sur la viabilité des écoles de la CSF et la communauté franco-ténoise. L’impact est de deux types.

[63]          Premièrement, le taux d’inscription est un facteur important pour la réussite des écoles de la CSF. Le Rapport final préparé par le ministère qui a mené à l’adoption de la Directive en 2016 souligne l’importance de ce facteur :

Une part inhérente de la revitalisation consiste à favoriser la croissance de la population. La croissance naturelle de la population ténoise d’ayants droit de même que l’immigration d’ayants droit d’autres collectivités peuvent s’avérer insuffisantes pour maintenir un niveau de population qui appuie l’existence des écoles francophones…. Ainsi, il est de l’intérêt du [gouvernement] et des ténois de veiller à la viabilité des populations d’élèves dans les écoles francophones existantes.

[64]          Un faible taux d’inscription pourrait réduire le financement des écoles de la CSF et diminuer les options éducatives que les écoles seront en mesure d’offrir. De cette manière, un faible taux d’inscription peut logiquement mettre en jeu la viabilité des écoles de langue française et éroder la qualité de l’enseignement dispensé dans ces écoles.

[65]          En ce sens, la décision de ne pas admettre un enfant de parents non-ayants droit a un impact sur les droits conférés par l’art. 23 aux parents de ceux et celles qui sont déjà dans le système scolaire francophone et aux ayants droit qui inscriront leurs enfants dans le futur. La viabilité du système scolaire francophone favorise, à tour de rôle, la viabilité et l’épanouissement de la communauté francophone : Mahe, aux pp. 362-363.

[66]          Deuxièmement, au-delà de la viabilité des écoles, la décision d’admettre un enfant de parents non-ayants droit peut servir à enrichir la communauté franco-ténoise en permettant à des familles non-ayants droit de s’intégrer pleinement dans cette communauté. Par contre, un refus d’admission érige un obstacle à l’intégration des familles qui souhaitent s’intégrer dans la communauté franco-ténoise en privant la famille de son appartenance à la communauté scolaire.

[67]          Le lien entre l’admission des enfants de parents non-ayants droit et la revitalisation de la culture et langue minoritaire est reconnu dans la Directive, qui stipule que le gouvernement « est également déterminé à appuyer la revitalisation des langues et des cultures. Or, un aspect fondamental du processus de revitalisation consiste à soutenir l’accroissement démographique des groupes concernés. »

[68]          Comme les décisions de la Ministre auront un impact sur la viabilité des écoles de la CSF, la qualité des programmes scolaires qui y sont offerts et la pleine intégration des nouvelles familles dans la communauté francophone, elles portent indirectement sur les droits conférés par l’art. 23 aux résidents des TNO et sur les valeurs qui sous-tendent ces droits dont le gouvernement est tenu de respecter.

(d)  La Directive vise circonscrire les admissions des enfants de parents non-ayants droit

[69]          Bien que la Directive prévoie l’admission des enfants de parents non-ayants droit afin de soutenir la croissance de la population franco-ténoise, elle vise également à limiter le nombre d’admissions en privilégiant trois catégories de parents non-ayants droit.

[70]          Le but de cette limite est d’assurer la gestion des coûts du système scolaire aux TNO et la viabilité des écoles majoritaires. Cet objectif est exprimé dans la Directive et le Rapport final qui a mené à son adoption. Le Rapport final cautionne que, sans limiter l’inscription des enfants de parents non-ayants droit, la croissance « finira par détourner les ressources vers les écoles francophones au détriment des écoles d’immersion anglaise et française dans les environs. » Le Rapport final note également « [qu’]on doit veiller à ce que les variations subséquentes dans la population d’élèves ne soient pas au détriment de la viabilité des écoles environnantes ». En raison de ces craintes, la Directive vise à permettre à un nombre « restreint » d’enfants de parents non-ayants droit de fréquenter les écoles de la CSF.

[71]          Pour se conformer aux objectifs de la Directive, la discrétion de la Ministre devrait donc être exercée de manière à permettre des admissions pour soutenir le système scolaire de la CSF et appuyer la revitalisation de la langue et culture de la minorité francophone, tout en assurant que ces admissions soient limitées pour contrôler les coûts et assurer la viabilité continue des écoles majoritaires.

(e)   Les décisions de la Ministre sont entachées d’erreurs

[72]          En effectuant son analyse, la Ministre a tiré un certain nombre de conclusions qui ne sont pas soutenues par la preuve dont elle disposait. Pour déterminer si elle est parvenue à une décision raisonnable, il convient d’examiner l’impact de ces erreurs. Par contre, l’analyse ne doit pas se transformer en une chasse au trésor à la recherche des erreurs : Vavilov, au para. 102. Les erreurs superficielles, accessoires ou mineures ne sont pas suffisantes pour rendre une décision déraisonnable : Vavilov, au para. 100.

[73]          Afin de me concentrer sur les erreurs fondamentales, plutôt que simplement accessoires, par rapport aux motifs de la Ministre, je reviens aux trois piliers sur lesquels reposent les refus : (1) sous la Directive, il y a eu des améliorations au niveau de la revitalisation linguistique et culturelle; (2) l’admission des enfants entraînerait un coût pour le gouvernement; et (3) l’admission des enfants saperait l’exercice cohérent et équitable du pouvoir discrétionnaire.

[74]           Dans les paragraphes qui suivent, j’explique que l’analyse effectuée par la Ministre à l’appui de ces trois piliers de ses décisions contient des erreurs de fait et souffre d’un manque de logique interne du raisonnement. Ces erreurs rendent les décisions déraisonnables.

(i)               Le pilier à l’effet qu’il y a eu des améliorations au niveau de la revitalisation linguistique et culturelle sous la Directive ne peut pas tenir

[75]          Les décisions de la Ministre ont grandement reposé sur sa conclusion que la communauté et les écoles de la minorité s’épanouissent dans le cadre de la mise en œuvre de la Directive. Elle cite notamment que (1) les inscriptions sont à la hausse et (2) la communauté franco-ténoise est en progression. Par contre, l’analyse effectuée par la Ministre à l’appui de cette conclusion contient des erreurs importantes et les statistiques citées à l’appui du premier point supportent difficilement la conclusion tirée. Étant fondé sur des prémisses qui sont fausses ou questionnables, ce pilier du raisonnement de la Ministre n’est pas raisonnable et ne peut pas tenir.

[76]          Premièrement, la conclusion que les inscriptions sont à la hausse n’est pas étayée par la preuve dont elle disposait.

[77]          Dans ses motifs, la Ministre a indiqué que les « inscriptions [aux écoles École Allain St-Cyr (“EASC”) et École Boréale (“EB”)] sont à la hausse » y ayant eu une augmentation depuis 2009. La Ministre fait référence à l’augmentation des inscriptions à l’école EB entre 2009/2010 et 2012/2013 et à l’école EASC entre 2009/2010 et 2014/2015, et note que l’augmentation s’était plus ou moins maintenue en 2018/2019.

[78]          Par contre, la conclusion de la Ministre selon laquelle les inscriptions dans les écoles de la CSF augmentent n’est pas étayée par les données. Pour les inscriptions de l’année scolaire 2018/2019, la Ministre s’est fiée à des données qui comprennent les inscriptions en prématernelle alors que ce cycle n’existe qu’à partir de l’année scolaire 2017/2018. Il fallait tenir compte de cette modification si elle voulait tirer une tendance valable sur la base de ces données. Parce qu’elle n’a pas tenu compte de cela, les chiffres considérés par la Ministre ont été artificiellement surestimés pour les dernières années.

[79]          Cette erreur a été aggravée par le fait que la Ministre a évalué la tendance en comparant des années scolaires arbitraires. Elle a tiré sa conclusion en notant simplement le changement net entre l’année scolaire 2009/2010 et l’année scolaire 2018/2019. Étant donné les fluctuations d’une année à l’autre, sur lesquelles s’appuie l’intimé, les comparaisons entre deux années arbitraires seront logiquement peu représentatives des tendances à long terme. La tendance des inscriptions aux écoles de la CSF est donc beaucoup plus nuancée que ce que la Ministre conclut dans ses décisions. Par exemple, si on ajuste les données pour tenir compte du fait que la prématernelle n’existe que depuis septembre 2017, on constate que les inscriptions étaient en décroissance de 2014 à 2017 et, malgré une augmentation en 2018, elles demeurent inférieures à celles de 2014 par plus de dix pour cent.[2]

[80]          La Ministre a aussi noté qu’au moins 21 enfants ont été admis aux deux écoles de la CSF depuis l’adoption de la Directive. Ceci a permis à la Ministre de conclure que la Directive remplit son objet « [d’]appuyer la revitalisation des langues et des cultures [et] l’accroissement géographique ». Toutefois, l’approche de la Ministre ne fait aucune distinction entre la nature et la fréquence des demandes d’admission à Yellowknife et à Hay River. La Ministre mentionne 21 admissions, mais ceci dissimule le fait que seulement cinq enfants ont été admis à Yellowknife, et ce, malgré le fait que la communauté francophone et l’école de langue française sont plus grandes que celles de Hay River.

[81]          De plus, la Ministre a omis de mentionner que, depuis la mise en œuvre de la Directive, qui vise à soutenir la croissance de la communauté francophone, les inscriptions dans les deux écoles ont diminué. Ils ont diminué à l’école EB de 85 en 2015/2016 à 81 en 2018/2019 et à l’école EASC de 133 en 2015/2016 à 120 en 2018/2019, sans compter l’inscription à la prématernelle. Ceci ne représente pas une « stabilité des inscriptions » comme le suggère la Ministre.

[82]          L’intimé fait valoir que les fluctuations entre années signifient que les tendances à court terme sont moins fiables et que la Ministre a donc eu raison de considérer les tendances à long terme. Je reconnais que les tendances à court terme sont moins fiables en raison de la variabilité du nombre d’inscriptions, mais je dois également garder à l’esprit que « le risque d’assimilation et d’érosion culturelle croît à mesure que passent les années scolaires sans que rien ne soit fait » : CSF, au para. 16. Comme la mise en œuvre de l’art. 23 exige de la vigilance, la Ministre ne peut pas simplement ignorer de récentes baisses et attendre que cette tendance se confirme sur une décennie.

[83]          Dans le cadre de ces demandes de contrôle judiciaire, l’intimé a déposé de la preuve démontrant qu’en 2019/2020, les inscriptions ont augmenté sensiblement. Selon l’intimé, cette preuve démontre que la Ministre avait raison de croire que l’ajout de salles de classe additionnelles et d’un gymnase à l’EASC entraînerait une augmentation dans les inscriptions. Le taux d’inscription pour l’année scolaire 2019/2020 n’était pas connu lorsque la Ministre a pris ses décisions et ne peut donc pas servir à les justifier. Ma fonction est d’évaluer le caractère raisonnable de ses décisions sur la base du dossier dont elle a été saisie. Le fait qu’elle croyait que les inscriptions augmenteraient ne remédie pas aux erreurs que j’ai identifiées.

[84]          Au cours de l’audience, l’intimé a laissé entendre que mon examen du taux d’inscription est limité par le fait que la CSF n’avait pas avancé certains arguments dans ses observations à la Ministre avant que les décisions aient été prises. L’intimé s’appuie principalement sur l’arrêt Vavilov qui explique qu’une cour de révision doit interpréter les motifs du décideur en fonction du contexte, incluant les observations présentées au décideur, pour évaluer si cette décision est raisonnable : au para. 94. Bien que je reconnaisse que les observations de la CSF constituent une partie importante du contexte, comme je l’ai conclu plus haut, le processus de prise de décisions n’était pas, et n’aurait pas dû être, un processus contradictoire et formel. Le fait que la CSF n’ait pas prévu et présenté des observations concernant toutes les erreurs identifiées ne permet pas de protéger les décisions d’erreurs de logique interne. En tenant compte de l’ensemble du contexte, y compris les observations de la CSF qui ont été sollicitées par la Ministre, il appert que son analyse basée sur le taux d’inscription est entachée d’erreurs.

[85]          Deuxièmement, l’une des principales conclusions tirées par la Ministre était que les communautés francophones à Yellowknife et à Hay River étaient « en progression ». Cette constatation était basée sur une comparaison des résultats du recensement de 2006 à ceux de 2016 relativement à deux catégories de personnes : (1) les individus ayant déclaré avoir le français comme une langue maternelle et (2) les individus ayant indiqué une connaissance du français. Je ne suggère pas que cette constatation est erronée ou déraisonnable. Par contre, la force et l’importance de cette constatation sont mitigées par le contexte.

[86]          Tel que fait valoir les requérants et noté par la Ministre, il y a un haut taux d’assimilation dû, entre autres, aux mariages exogames : Association des parents ayants droit de Yellowknife, au para. 111. La Ministre cite une augmentation du nombre de résidents des TNO qui ont le français comme langue maternelle. Cependant, elle ne reconnait pas que le recensement permet de sélectionner plusieurs langues comme langues maternelles. Compte tenu des défis que l’exogamie pose à la minorité francophone, il serait sans doute plus utile de se pencher sur l’augmentation du nombre de personnes dont la seule langue maternelle est le français pour évaluer la viabilité de la communauté francophone à long terme.

[87]          De plus, comme le signalent les requérants, il n’y a pas de lien logique évident entre l’augmentation du nombre de personnes qui peuvent parler le français et la viabilité de la communauté francophone. Ce raisonnement ignore que l’on peut apprendre le français, y compris dans le système scolaire majoritaire, sans nécessairement faire partie de la communauté minoritaire.

[88]          Surtout, quoique les données démontrent qu’il y a eu une croissance modeste de la taille de la communauté francophone de 2006 à 2016, il n’y a pas de renseignements pour les années 2016 à 2019, la période qui coïncide avec la période depuis la mise en œuvre de la Directive et donc qui est plus pertinente.

[89]          Par conséquent, bien qu’il ne soit pas déraisonnable de conclure que la population minoritaire augmente, l’importance de cette conclusion est modeste, surtout si l’on tient compte des défis de l’assimilation et de l’exogamie qui menacent la viabilité des communautés minoritaires à long terme.

[90]          En raison de ces erreurs, ce pilier du raisonnement de la Ministre est miné. La manière dont elle a évalué les données a dissimulé une diminution des inscriptions dans les écoles de la CSF depuis 2014 et a diminué l’importance des défis continuels à l’épanouissement auxquels la communauté minoritaire doit faire face. Son évaluation a aussi laissé entendre, de façon erronée, que la communauté et les écoles de la minorité progressent grâce au régime établi par la Directive.

(ii)             Le pilier à l’effet que l’admission des enfants entraînera un coût pour le gouvernement demeure valable, mais moins important

[91]          Le deuxième pilier sur lequel reposent les décisions de la Ministre concerne les coûts additionnels qui seront engendrés par l’admission des enfants aux écoles de la CSF. Malgré certaines erreurs qui ont fait en sorte que la Ministre a surestimé de manière déraisonnable le coût global de chaque admission à une école de la CSF, sa conclusion selon laquelle chaque admission coûtera plus d’argent au gouvernement est raisonnable à la lumière des dossiers dont elle disposait.

[92]          L’analyse des coûts présentée par la Ministre repose sur la prémisse que chaque admission représente un coût additionnel moyen de 2 280 $ par année pour 14 ans, totalisant 31 920 $. Ce calcul suppose que chaque élève sera admis en prématernelle et restera dans le système de la CSF jusqu’à la fin de ses études secondaires.

[93]          Cette hypothèse est mal fondée pour au moins deux raisons. Premièrement, il est clair que pas tous les enfants ne commenceront en prématernelle. Par exemple, les enfants W., T. et N. ont présenté une demande pour des années supérieures. Même dans les lettres de refus que la Ministre a envoyées concernant W., T. et N., la Ministre cite le chiffre de 31 920 $ qui ne s’applique clairement pas à ces étudiants.

[94]          De plus, la projection des coûts ignore le fait qu’un pourcentage important d’élèves quittent le système scolaire francophone lorsqu’ils commencent l’école secondaire. La taille des classes de neuvième année de la CSF pour les années 2010/2011 à 2018/2019 est en moyenne 28,7 pour cent plus petite que la taille des classes de huitième année alimentant chacune de ces classes de neuvième année.[3] Il est donc peu probable que chaque enfant admis reste dans le système scolaire francophone jusqu’à la fin de ses études secondaires.

[95]          Cela dit, les données confirment que le gouvernement devra payer un montant plus élevé chaque année pour chaque enfant qui est admis dans le système français langue première. Aussi, quoique pas notée par la Ministre, chaque admission peut avoir comme résultat que les frères et sœurs des enfants admis devront être admis en vertu de l’art. 23(2) de la Charte. Plus précisément, l’estimation de coûts additionnels de 2 280 $ par élève par année est étayée par les données historiques de financement dont dispose la Ministre. La Ministre admet dans ses motifs qu’une seule admission n’entraînera pas de coûts d’infrastructure, mais explique que la formule de financement territoriale alloue plus par élève aux petites écoles, ce qui entraîne des coûts additionnels. En moyenne, le gouvernement doit verser un montant plus élevé lorsqu’un élève fréquente l’une des écoles de la CSF, puisque celles-ci sont généralement plus petites que les écoles de la majorité. Il est donc probable que chaque admission augmente le montant total du financement versé par le gouvernement pour l’éducation, selon sa formule. Par contre, puisque le nombre d’inscriptions a diminué depuis la mise en œuvre de la Directive, même si toutes les demandes d’admission étaient accordées, le gouvernement paie ce coût supplémentaire pour moins d’étudiants qu’en 2015/2016, sans tenir compte de la décision du gouvernement d’offrir la prématernelle à compter de l’année scolaire 2017/2018.

[96]          Par conséquent, bien que prévoir un coût total de 31 920 $ par étudiant soit déraisonnable, la Ministre a raisonnablement conclu que chaque admission entraînerait un coût additionnel de 2 280 $ par étudiant, par an.

(iii)          Le pilier à l’effet que l’admission des enfants saperait l’exercice cohérent et équitable du pouvoir discrétionnaire ne peut pas tenir

[97]          La difficulté principale avec l’approche adoptée par la Ministre qui, à mon avis, constitue à elle seule une erreur de logique déterminante est qu’elle a mal compris comment ses décisions allaient affecter l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. La Ministre a surestimé la façon dont ses décisions affecteraient l’exercice de son pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle a conclu ce qui suit :

[I]l faudrait que je puisse m’appuyer sur une raison unique et distincte que ne pourraient invoquer les autres intéressés. Sinon, je me verrais dans l’obligation d’admettre la plupart des élèves qui en appellent à mon pouvoir discrétionnaire, ce qui donnerait lieu à une situation d’imprévisibilité budgétaire.

[98]          Cette préoccupation est réitérée à maintes reprises dans les diverses décisions de la Ministre. Voici quelques exemples :

L’admission d’un élève en vertu de sa connaissance du français nous ramènerait au problème de la prévisibilité nécessaire au budget de l’État (et pourrait ouvrir la porte aux non-ayants droit qui ont participé à un programme d’immersion à Yellowknife ou ailleurs, ce qui accroîtrait l’imprévisibilité du budget de l’État). 

Le fait d’admettre [l’enfant] … rendrait imprévisibles le processus d’admission des non-ayants droit ainsi que les conséquences budgétaires.

Malheureusement, en autorisant l’admission sur ces motifs, on autoriserait l’admission de trop d’enfants hors du cadre de [la Directive], ce qui se traduirait par des conséquences budgétaires imprévues et imprévisibles pour l’État.

[99]          Je reconnais que la Ministre doit exercer sa « discrétion avec équité et cohérence à l’égard de tous les candidats, présents et à venir », malgré le fait qu’elle n’est pas liée par une application stricte du stare decisis : Vavilov, au para. 129.

[100]      Par contre, tel qu’illustré par le tableau en annexe, il y a plusieurs facteurs qui distinguent chaque demande. Les besoins et circonstances des deux écoles et communautés ne sont pas les mêmes. Plus important encore est le fait que chaque admission qu’elle accorde change les circonstances dans lesquelles elle est tenue d’exercer sa discrétion lors de la prochaine demande. Plus les inscriptions augmentent grâce à l’exercice de sa discrétion, moins est le besoin de l’exercer lors de la prochaine demande. De même, chaque admission engendre un coût additionnel et donc réduit la capacité du gouvernement de financer la prochaine admission. De plus, chaque année, le nombre d’inscriptions et la capacité budgétaire du gouvernement vont changer et la viabilité des écoles et de la communauté, dont la Ministre doit tenir compte, va fort possiblement avoir changé. En outre, la Directive prévoit un plafond en ce que l’admission des enfants de parents non-ayants droit est limitée lorsque le nombre d’inscriptions dépasse 85 pour cent de la capacité de l’école.

[101]      Par conséquent, la crainte de la Ministre de se voir contrainte à exercer sa discrétion dans les cas futurs a été grandement exagérée. Compte tenu du contexte juridique et factuel, il était déraisonnable pour la Ministre d’avoir accordé autant de poids à cette crainte dans son processus de raisonnement.

[102]      Ayant identifié les problèmes susmentionnés avec les motifs de la Ministre, et en application des principes établis dans l’arrêt Vavilov, je conclus, en me basant uniquement sur les erreurs identifiées, que ses décisions étaient déraisonnables. Les erreurs identifiées créent des lacunes fondamentales dans la logique interne du raisonnement de la Ministre, ce qui soulève la possibilité réelle qu’elle ait pu arriver à une conclusion différente, n’eut été de ces erreurs. En particulier, comme je l’ai expliqué, le fait d’avoir surestimé l’impact de ses décisions sur l’exercice futur de son pouvoir discrétionnaire était au cœur même du raisonnement à l’appui des décisions qu’elle a prises.

(f)    Les décisions de la Ministre ne reflètent pas une mise en balance proportionnée entre les protections garanties par la Charte et les intérêts du gouvernement

[103]      Le manque de logique interne du raisonnement est à lui seul suffisant pour rendre les décisions de la Ministre déraisonnables. Cependant, tel que je l’ai noté plus haut, les décisions mettent en jeu les protections conférées par l’art. 23 de la Charte, et doit alors résister à l’analyse « robuste » de TWU : au para. 79. Les motifs doivent donc refléter une mise en balance proportionnée entre la Charte et les intérêts du gouvernement : Doré, au para. 7.

[104]      Je conclus que les motifs ne démontrent pas une mise en balance proportionnée des protections accordées par l’art. 23 de la Charte. Dans l’analyse plus haut, j’ai démontré que la Ministre a erré dans son évaluation de la viabilité des écoles de la CSF et de la communauté. Cette erreur est intimement liée aux protections garanties par l’art. 23 de la Charte. Comme je l’expliquerai dans cette section, en plus d’avoir commis cette erreur, la Ministre n’a pas démontré qu’elle a dument considéré la recommandation de la CSF ainsi que les caractéristiques individuelles de chaque demande d’admission liées aux protections conférées par l’art. 23. Ces erreurs ont un impact important sur le côté de la mise en balance favorisant l’exercice de la discrétion. De ce fait, je conclus que les motifs ne reflètent pas une mise en balance proportionnée des protections de la Charte qui sont en jeu. Voilà une autre raison pour laquelle je conclus que les décisions sont déraisonnables.

[105]      Comme point de départ dans son analyse, la Ministre a reconnu que l’admission des enfants serait conforme aux valeurs qui sous-tendent l’art. 23 de la Charte, dans la mesure où elle renforcerait le système scolaire francophone et la communauté franco-ténoise. Admettre les enfants serait donc conforme à l’objectif de cet article de promouvoir l’épanouissement de la langue officielle minoritaire : CSF, au para. 15. De plus, il n’est pas contesté que la communauté franco-ténoise a historiquement souffert de politiques qui ont menacé sa viabilité en tant que communauté linguistique : A.B., au para. 57.

[106]      Il est également significatif que la CSF ait donné son accord pour l’admission de ces étudiants. La perspective de la CSF joue un rôle primordial dans l’évaluation de l’impact des décisions d’admission sur la communauté minoritaire par rapport aux valeurs qui sous-tendent l’art. 23. Certes, les conseils scolaires francophones ne peuvent pas unilatéralement fixer les critères d’admission dans leurs écoles lorsque le législateur a adopté une loi leur déniant ce pouvoir : Commission scolaire francophone du Yukon, au para. 74. Cependant, la Cour suprême du Canada a reconnu qu’il est important de tenir compte du point de vue des organismes représentatifs comme la CSF, qui exercent la gestion et le contrôle des protections conférées par l’art. 23 au nom des ayants droit, lorsqu’un gouvernement prend des décisions concernant la prestation de l’éducation prévue à l’art. 23: Arsenault-Cameron c. Île-du-Prince-Édouard, 2000 CSC 1, [2000] 1 R.C.S. 3, aux paras. 51, 62; CSF, au para. 86.

[107]      Lorsque, comme en l’espèce, la CSF fait une recommandation conformément à la Directive, cela constitue une preuve solide qu’en donnant effet à cette recommandation, le décideur applique les valeurs qui sous-tendent l’art. 23. Dans ses motifs, la Ministre a dit qu’elle a tenu compte de cette recommandation et l’évaluation selon laquelle l’admission des enfants serait avantageuse pour la communauté minoritaire et les enfants concernés. Par contre, comme je l’ai expliqué, les motifs des décisions de la Ministre, qui expliquent son refus d’acquiescer aux recommandations de la CSF, manquent de cohérence et contiennent des lacunes fondamentales concernant l'état du système scolaire et de la communauté. De plus, les motifs suggèrent que la Ministre n’a pas accordé le poids voulu à la recommandation de la CSF et aux circonstances particulières de chaque demande. Deux exemples suffisent.

[108]      Dans son analyse de la demande concernant les enfants T. et N. la Ministre a expliqué ce qui suit :

[L]es éléments distinctifs militent pour l’admission de [vos] enfant[s] tiennent aux faits que vous estimez que cette admission favoriserait le développement de [vos] enfant[s], et que T. et N. ont déjà commencé à apprendre la langue. Malheureusement, en autorisant l’admission sur ces motifs, on autoriserait l’admission de trop d’enfants hors du cadre de la directive de 2016, ce qui se traduirait par des conséquences budgétaires imprévues et imprévisibles pour l’État.

[109]      La Ministre ne fait aucune mention du fait que T. et N. cherchaient à se faire admettre à la huitième et neuvième année. Ils sont les seuls à en faire la demande et, comme je l’ai noté précédemment, les écoles de la minorité souffrent d’une perte importante d’étudiants lors du passage au secondaire, en moyenne 28,7 pour cent. Il est fort probable que la perte d’étudiants en neuvième année se fait au bénéfice du système majoritaire. Il me semble que de permettre à deux enfants de passer du système scolaire majoritaire aux écoles de la minorité présente un bénéfice important à l’école de la CSF puisque ceci réduirait l’attrition de ses nombres dans la composante secondaire et ne constitue aucunement une menace à la viabilité des écoles majoritaires que la Directive veut protéger. Aussi, de telles admissions n’engagent aucunement la Ministre quant aux demandes d’admission des enfants à la maternelle ou première année.

[110]      Le deuxième exemple est A. Comme dans le cas des enfants T. et N., la Ministre a refusé la demande parce qu’elle jugeait qu’il n’y avait rien de distinctif dans sa demande d’admission. Selon la Ministre, le fait d’admettre A. simplement parce qu’il parle le français et son admission favoriserait son développement ouvrirait la porte à maintes admissions additionnelles, ce qui aura « des conséquences budgétaires imprévues et imprévisibles ».

[111]      Par contre, la demande de A. présente un scénario particulier. Tel que je l’ai noté dans le tableau en annexe, la famille de A. est déjà bien ancrée dans la communauté franco-ténoise. Les parents et leur enfant parlent le français. Les parents travaillent en desservant la population franco-ténoise dans le domaine de la santé. Un des parents de A. siégeait sur le conseil d’administration de la garderie francophone.

[112]      Ainsi, la famille de A. s’est déjà intégrée dans la communauté minoritaire. Le refus fait en sorte que les parents ne peuvent pas partager le même milieu communautaire scolaire que les autres membres de la communauté minoritaire maintenant que leur enfant a atteint l’âge scolaire. Par conséquent, la famille de A. devra vraisemblablement s’intégrer à la communauté scolaire majoritaire. Cette situation est différente de celles où les parents ne sont pas intégrés à la communauté. Pour la famille de A., l’admission à l’école de la minorité est la suite logique des démarches qu’elle a entreprises au cours des dernières années pour s’intégrer dans la communauté minoritaire. Une des principales raisons d’être de la Directive est la revitalisation de la langue et culture de la minorité en soutenant l’accroissement démographique de cette communauté. Refuser l’admission aux enfants d’une famille qui est déjà intégrée dans la communauté limite cette intégration dans un domaine important, soit l’éducation de leurs enfants.

[113]      Parce que les motifs démontrent que la Ministre ne semble pas avoir tenu compte des avantages particuliers liés à chaque admission pour l’école, les familles concernées et la communauté, les motifs n’accordent pas le poids voulu à la recommandation de la CSF et à la mise en balance des protections conférées par l’art. 23.

[114]      Cette erreur est aggravée par le fait que la Ministre a commis des erreurs dans son évaluation des facteurs relatifs aux intérêts du gouvernement. Tel que je l’ai décrit dans la section précédente, elle a surestimé le coût additionnel engendré par chaque admission et, plus important encore, a mal compris comment l'admission d'un ou plusieurs de ces enfants affecterait l'équité et la cohérence du processus d'admission dans le futur.

[115]      Pour ces raisons, je conclus que les motifs ne démontrent pas que la Ministre a effectué la mise en balance proportionnée mandatée dans Doré. Voilà une autre raison pour laquelle les décisions de la Ministre sont déraisonnables.

[116]      Pour être clair, je ne conclus pas qu’un refus d’admission donnera toujours nécessairement lieu à une mise en balance disproportionnée entre les valeurs qui sous-tendent l’art. 23 et les intérêts du gouvernement. Plutôt, les motifs fournis par la Ministre ne me permettent pas de conclure qu’en l’espèce, la Ministre a adéquatement soupesé les valeurs qui sous-tendent l’art. 23 de la Charte lorsqu’elle a refusé les demandes d’admission qui font l’objet des présentes demandes de contrôle judiciaire.

(4)         En l’espèce, il convient d’annuler les décisions et de renvoyer l’affaire à l’intimé

[117]      Les requérants demandent à la cour : (1) d’annuler les décisions; (2) de faire certaines déclarations; et (3) de rendre une ordonnance enjoignant à la Ministre d’accorder les demandes d’admission.

[118]      Les requérants citent l’arrêt Vavilov pour la proposition qu’il faut éviter un va-et-vient interminable entre le décideur et la cour. Selon eux, les facteurs qui peuvent militer en faveur d’un mandamus, y compris la nécessité d’accéder à une solution rapide, le besoin urgent de régler le conflit, l’équité et l’utilisation efficace de ressources publiques, s’appliquent à l’instance. Ils maintiennent que la nature systémique des refus est manifeste et qu’il n’y a aucune chance que les demandes individuelles soient acceptées.

[119]      L’intimé maintient que si la Ministre n’a pas bien considéré les facteurs, ses décisions doivent être renvoyées aux fins d’un nouvel examen. Une ordonnance enjoignant à l’intimé d’exercer son pouvoir discrétionnaire d’une certaine manière n’est pas, selon lui, appropriée en l’espèce. Une ordonnance de cette nature est seulement appropriée lorsque le requérant a un droit clair d’obtenir la permission demandée. Les requérants en l’espèce n’ont aucun droit en vertu de l’art. 23. De plus, une telle ordonnance irait à l’encontre du principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs.

[120]      Pour les raisons suivantes, j’annule les décisions, mais je refuse de faire les déclarations demandées et d’ordonner que l’intimé exerce son pouvoir discrétionnaire d’une certaine manière. Je renvoie plutôt l’affaire à l’intimé aux fins d’un nouvel examen.

[121]      Lorsque la cour de révision constate qu’une décision est déraisonnable, il conviendra habituellement d’annuler la décision et de renvoyer l’affaire pour réexamen : Vavilov, au para. 141. La cour peut refuser de renvoyer l’affaire et de décider à la place du décideur seulement lorsque le renvoi « fait échec au souci de résolution rapide et efficace d’une manière telle qu’aucune législature n’aurait pu souhaiter » : Vavilov, au para. 142. Les facteurs suivants peuvent influer cette détermination : « les préoccupations concernant les délais, l’équité envers les parties, le besoin urgent de régler le différend, la nature du régime de réglementation donné, la possibilité réelle ou non pour le décideur administratif de se pencher sur la question en litige, les coûts pour les parties et l’utilisation efficace des ressources publiques » : Vavilov, au para. 142. Par exemple, lorsqu’il y a un seul résultat inévitable, il serait inutile de renvoyer l’affaire au décideur : Sharif c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 205, 50 C.R. (7e) 1, aux paras. 54-56. Également, si le retard attribuable au renvoi de l’affaire au décideur est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice, la jurisprudence reconnait une exception à la règle générale : D’Errico c. Canada (Procureur générale), 2014 CAF 95, 459 N.R. 167, au para. 16.

[122]      À mon avis, en l’espèce, il n’est pas possible de conclure qu’un seul résultat est inévitable. Les décisions en question sont des décisions discrétionnaires et le dossier ne permet pas nécessairement de conclure qu’il y a un seul résultat possible. Un an s’est écoulé depuis que ces décisions ont été prises et le contexte factuel pourrait bien avoir changé. Dans les circonstances, l’intimé devrait avoir la possibilité de reconsidérer ses décisions en ayant égard à ce contexte.

[123]      En outre, je conclus que le retard causé par le réexamen de ces décisions n’est pas susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. Je tiens compte du fait que c’est la deuxième fois que le parent de W., A.B., a réussi à faire annuler une décision de la Ministre refusant l’admission de son enfant. Je prends également en considération que, selon la décision récente de la Cour suprême du Canada dans l’affaire CSF, en raison de la nature des demandes, le risque d’érosion et d’assimilation culturelle des communautés minoritaires s’aggrave à chaque année face à l’inaction : CSF, au para. 16. Toutefois, je suis d’avis que le préjudice qui découle du retard ne soit pas suffisant pour mettre en cause l’administration de la justice ou pour justifier que cette cour exerce un pouvoir discrétionnaire qui appartient à juste titre à l’intimé. L’intimé sera en mesure de rendre de nouvelles décisions avant le début de la prochaine année scolaire.

[124]      En ce qui concerne les déclarations, les requérants demandent que je déclare que la Ministre :

1.    a entravé sa discrétion ministérielle;

2.    a enfreint aux principes d’équité procédurale;

3.    n’était pas raisonnablement ouverte à la persuasion et n’a pas évalué fidèlement les dossiers de demandes de manière impartiale;

4.    n’a pas raisonnablement considéré l’intérêt de l’enfant;

5.    n’a pas raisonnablement exercé sa discrétion pour tenir compte de l’objet de l’art. 23 de la Charte et les intérêts des ayants droit contrairement à la décision A.B.;

6.    a, par sa Directive et le refus d’exercer sa discrétion ministérielle, adopté une approche à l’égard des demandes d’admission d’enfants de familles francophiles et immigrantes non francophones qui fait obstacle à la réalisation de l’art. 23 de la Charte et de son caractère réparateur à Yellowknife et à Hay River; et

7.    que l’approche systémique du ministère et de la Ministre justifie l’intervention de la cour pour décider les cinq dossiers de demande pour les six enfants en cause.

[125]      Les requérants n’ont pas réussi à établir que ces déclarations sont nécessaires dans les circonstances. Tout d’abord, certaines des déclarations demandées ne concordent pas avec mes conclusions. Comme je l’ai expliqué, il n’y a pas d’enfreinte aux principes d’équité procédurale et j’ai conclu que l’affaire devraient être renvoyée à l’intimé aux fins d’un nouvel examen. Je n’ai pas décidé que la Ministre a agi de mauvaise foi. Plutôt, j’ai expliqué que ses motifs de décision souffraient de lacunes fondamentales, de sorte que les décisions sont déraisonnables. À la lumière de ces lacunes, il est difficile, sinon impossible, de déterminer si elle aurait raisonnablement considéré et soupesé les divers facteurs pertinents, tel que l’intérêt des enfants.

[126]      De toute façon, les requérants n’ont pas démontré en quoi les déclarations seraient utiles. Un jugement déclaratoire ne peut être rendu que s’il a une utilité pratique : Daniels c. Canada (Affaires indiennes et du Nord canadien), 2016 CSC 12, [2016] 1 R.C.S. 99, au para. 11. Je ne vois pas l’utilité de faire des déclarations qui portent sur des décisions qui seront de toute façon annulées à la suite de cette décision. Plus précisément, je rejette l’argument des requérants que les déclarations sont nécessaires pour garantir que le réexamen sera effectué conformément aux contraintes juridiques qui sont imposées à l’intimé. Je suis convaincu que l’intimé continuera à agir de bonne foi et à s’efforcer d’exercer son pouvoir discrétionnaire conformément aux contraintes juridiques qui lui sont imposées.

[127]      Pour ces motifs, la réparation appropriée est simplement d’annuler les décisions et de renvoyer l’affaire à l’intimé aux fins d’un nouvel examen.

[128]      Nonobstant ma conclusion sur la réparation appropriée, je propose quelques brefs commentaires pour guider le réexamen de l’intimé.

[129]      Le ministre de l’époque a mis en place une Directive qui met en place un mécanisme organisé et prévisible pour l’admission des enfants de parents non-ayants droit aux écoles de la minorité linguistique. Cette Directive n’est pas contestée par les requérants. La discrétion de faire exception et d’admettre un enfant de parents non-ayants droit qui n’entre pas dans une des catégories énoncées dans la Directive et qui a reçu la recommandation de la CSF réside avec l’intimé.

[130]      Les démarches à suivre pour demander à l’intimé d’exercer sa discrétion et le processus de prise de décision ne devraient pas être indûment complexes, exigeant une analyse exhaustive et des motifs détaillés. Par contre, de telles décisions sont importantes pour les parents et enfants impliqués, ainsi que pour la communauté des ayants droit. Quoique les motifs de l’intimé ne sont pas tenus d’être longs et détaillés, ils doivent être logiques et cohérents. Dans la prise de décision, l’intimé doit tenir compte de l’art. 23, dont un des objectifs est de contrer l’assimilation de la communauté minoritaire francophone des TNO, une communauté vulnérable : CSF, au para. 156.

[131]      Il relève des parents et de la CSF de démontrer à l’intimé que l’exercice de son pouvoir discrétionnaire est avantageux et nécessaire dans les circonstances. De cette façon, l’intimé sera bien outillé pour rendre une décision éclairée.

[132]      L’intimé pourrait se servir de la recommandation de la CSF comme point de départ lors de son examen des demandes d’admission exceptionnelles, compte tenu du rôle que joue la CSF dans la représentation de la communauté minoritaire. La CSF est bien placée pour évaluer les compétences linguistiques et culturelles des enfants et de leurs parents. La CSF est aussi en mesure de refléter les besoins de la communauté et de déterminer l’impact des inscriptions sur leurs écoles. Ainsi, l’intimé devrait accorder un poids approprié aux recommandations de la CSF.

[133]      La CSF devrait s’efforcer de fournir des recommandations qui sont utiles et qui pourront guider l’intimé dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. Les bienfaits particuliers de chaque demande d’admission exceptionnelle devraient être étayés. L’adoption de formules telles que « tout élève de plus est un atout » ne sert guère cet objectif. Il serait plus utile de spécifier les avantages ou inconvénients particuliers qu’une admission apporterait à la communauté minoritaire. Le pouvoir discrétionnaire appartient à l’intimé, de sorte que la valeur de la recommandation de la CSF est liée à sa capacité de communiquer à l’intimé, de manière efficace et fiable, l’impact qu’une admission aura sur l’école et la communauté francophone.

[134]      Malgré une recommandation de la CSF, l’intimé peut décider de refuser l’admission s’il estime qu’en soupesant tous les facteurs pertinents, y compris la Directive et ses objectifs et les valeurs qui sous-tendent l’art. 23, la demande devrait être rejetée. Il s’agira nécessairement d’une détermination factuelle spécifique qui variera en fonction, par exemple, des circonstances particulières de l’enfant et sa famille, du niveau scolaire auquel l’enfant fait demande et de la variation dans le taux d’inscription d’une année à l’autre. Des facteurs comme la capacité des écoles et les conséquences sur le budget territorial pourraient aussi être pris en considération.

E.                CONCLUSION

[135]      Pour ces raisons, les demandes de contrôle judiciaire sont accueillies. Les décisions de la Ministre datées le 30 août 2019, qui ont refusé l’admission de W., A., V., T., N. et E dans les écoles de la CSF, sont annulées et les décisions sont renvoyées à l’intimé aux fins d’un nouvel examen.

[136]      Les requérants, ayant eu gain de cause, ont droit à leurs dépens.

 

 

P. Rouleau J.C.S.

Me Francis Poulin, pour les requérants

Me Guy Régimbald, pour l’intimé

Date de l’audience : le 17 juin 2020 par vidéoconférence


Annexe : Tableau des demandes

Enfant

Ville

Année scolaire

Aptitude en français

Aptitude en français des parents

Lien culturel

W.

Yellowknife

Maternelle

W. maîtrise mieux le français que l’anglais et c’est la langue qu’il utilise spontanément à la maison. Il a fréquenté une garderie francophone.

La mère suit des cours en français et possède un niveau de français débutant.

Les parents sont des immigrants qui ont choisi de s’intégrer dans la communauté franco-ténoise. La mère siégeait au conseil d’administration de la garderie francophone.

A.

Yellowknife

Prématernelle

A. parle couramment le français et a fréquenté une garderie francophone. Elle utilise le français et l’anglais à la maison.

Les parents parlent français et travaillent en français en desservant la population franco-ténoise dans le domaine de la santé.

Les parents travaillent en desservant la population franco-ténoise dans le domaine de la santé. Un parent siégeait sur le conseil d’administration de la garderie francophone.

V.

Yellowknife

Prématernelle

V. ne parle pas le français. Elle parle le vietnamien et un peu d’anglais.

Les parents ne parlent pas le français. Ils parlent le vietnamien et un peu d’anglais.

Le grand-père maternel de V. parlait le français durant son enfance au Vietnam. Les parents veulent s’intégrer dans la communauté franco-ténoise.

T.

Yellowknife

Huitième année

T. a obtenu des résultats supérieurs en immersion. Il a gagné le prix du meilleur élève du cours de français.

La mère a grandement amélioré sa maîtrise du français depuis son arrivée au Canada.

Les parents sont des immigrants qui ont choisi de s’intégrer dans la communauté franco-ténoise. Ils sont membres de Canadian Parents for French et de la radio francophone.

N.

Yellowknife

Neuvième année

N. a obtenu des résultats supérieurs en immersion. Elle a gagné le prix du meilleur élève du cours de français. Elle a gagné un concours oratoire en français.

La mère a grandement amélioré sa maîtrise du français depuis son arrivée au Canada.

Les parents sont des immigrants qui ont choisi de s’intégrer dans la communauté franco-ténoise. Ils sont membres de Canadian Parents for French et de la radio francophone.

E.

Hay River

Prématernelle

E. ne parle pas le français.

Les parents ne parlent pas le français.

Les parents veulent s’intégrer dans la communauté franco-ténoise.


DOSSIER : S-1-CV-2019-000355

S-1-CV-2019-000356

S-1-CV-2019-000357

S-1-CV-2019-000358

S-1-CV-2019-000359

 

COUR SUPRÊME DES TERRITORIES DU NORD-OUEST

 

 

ENTRE :

 

Commission scolaire francophone des Territoires du Nord-Ouest, A.B., F.A., T.B., J.J. et E.S.

 

Requérants

Et

 

Ministre de l’Éducation, de la Culture et de la Formation des Territoires du Nord-Ouest

 

Intimé

 

 

 

 

MOTIFS DE DÉCISION DE

L’HONORABLE JUGE P. ROULEAU

 

 

 

 



[1] À la demande des requérants et avec le consentement de l’intimé, j’omets d’inclure le nom des enfants et les autres renseignements personnels qui permettraient de les identifier dans ma décision.

[2] Si l’on exclut les inscriptions en prématernelle, le nombre total d’élèves inscrits dans les écoles de la CSF chaque année de 2014/2015 à 2018/2019 est, respectivement, de 224, 218, 201, 191 et 201 élèves.

[3] La taille des classes de neuvième année de la CSF pour les années 2010/2011 à 2018/2019 est respectivement de 8, 8, 15, 17, 14, 14, 8, 13 et 10 élèves. La taille des classes de huitième année de la CSF pour les années 2009/2010 à 2017/2018 est respectivement de 13, 9, 18, 19, 21, 20, 20, 18 et 12 élèves.

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