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Date :  20071115

Dossier :  IMM-242-07

Référence :  2007 CF 1186

Ottawa (Ontario), le 15 novembre 2007

En présence de Monsieur le juge Shore 

 

ENTRE :

KELETY DOUMBOUYA

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défenderesse

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

AU PRÉALABLE

[1]               [8]        ...il incombe à la demanderesse d'établir les motifs d'ordre humanitaire et au délégué du ministre de soupeser les facteurs pertinents. Ce n'est pas le rôle des tribunaux de réexaminer le poids accordé aux différents facteurs par l'agent d'immigration : Legault c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CAF 125, et Huang c. Canada (Solliciteur général), 2004 CF 1330.

 

(Souligné par le juge en chef Allan Lutfy dans Lin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 960, [2005] A.C.F. no 1228 (QL).)

 

[2]               La Cour ne peut intervenir que si, globalement, la décision attaquée est déraisonnable, et ce n’est pas le cas.

 

INTRODUCTION

[3]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (Loi), d’une décision du 24 novembre 2006, par laquelle un agent d’immigration, Mme Chantal Roy, a refusé d’accorder à monsieur Kelety Doumbouya, le demandeur, une dispense, fondée sur des motifs d’ordre humanitaire (CH), de l’obligation d’obtenir un visa d’immigrant à l’étranger, exemption qui aurait permis le traitement au Canada de sa demande de résidence permanente.

 

[4]               En vertu du paragraphe 11(1) de la Loi, une personne qui désire immigrer au Canada doit déposer une demande de résidence permanente à l’extérieur du Canada.

11.       (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visa et autres documents requis par règlement, lesquels sont délivrés sur preuve, à la suite d’un contrôle, qu’il n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

11.       (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document shall be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

 

[5]               Le paragraphe 25(1) de la Loi prévoit toutefois que le ministre a le pouvoir discrétionnaire de faciliter l’admission d’une personne au Canada, ou de l’exempter de tout critère ou obligation prévu par la Loi, s’il est convaincu qu’une telle exemption ou facilitation devrait être accordée en raison de l’existence de considérations humanitaires.

25.       (1) Le ministre doit, sur demande d’un étranger interdit de territoire ou qui ne se conforme pas à la présente loi, et peut, de sa propre initiative, étudier le cas de cet étranger et peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des circonstances d’ordre humanitaire relatives à l’étranger — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — ou l’intérêt public le justifient.

25.        (1) The Minister shall, upon request of a foreign national who is inadmissible or who does not meet the requirements of this Act, and may, on the Minister’s own initiative, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligation of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to them, taking into account the best interests of a child directly affected, or by public policy considerations.

 

[6]               Comme l’a écrit le juge Yves de Montigny concernant l’affaire Serda c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 356, [2006] A.C.F. no 425 (QL) :

[20]      L'une des pierres angulaires de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés est l'obligation, pour les personnes qui souhaitent s'établir de manière permanente au Canada, de soumettre avant leur arrivée au Canada une demande hors du Canada, de satisfaire aux critères relatifs au statut de résident permanent et d'obtenir un visa de résidence permanente. L'article 25 de la Loi donne au ministre la possibilité d'autoriser certaines personnes, dans les cas qui le justifient, à déposer leur demande depuis le Canada. Cette mesure se veut clairement une mesure d'exception, comme l'indique le libellé de cette disposition...

 

 

[7]               « Le processus de décision pour les demandes CH est tout à fait discrétionnaire et sert à déterminer si l'octroi d'une exemption est justifié... »  (Kawtharani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 162, [2006] A.C.F. no 220 (QL), par. 15.)

 

[8]               Il revenait à monsieur Doumbouya de prouver que les difficultés auxquelles il ferait face, s’il devait déposer sa demande de résidence permanente de l’extérieur du pays, seraient inhabituelles et injustifiées ou excessives, critère adopté dans les décisions Sahota c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 651, [2007] A.C.F. no 882 (QL) et Legault c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 125, [2002] A.C.F. no 457 (QL), par. 23 et 28.

 

[9]               Dans la décision Serda, ci-dessus, le juge de Montigny a écrit ce qui suit quant au sens des mots « inhabituelles et injustifiées ou excessives » dans ce contexte :

[20]      [...]

 

Pour examiner les demandes d'établissement déposées au Canada pour des raisons d'ordre humanitaire en vertu de l'article 25, l'agent d'immigration s'appuie sur des lignes directrices ministérielles. Le chapitre IP5 du Guide de l'immigration -- Demande présentée par des immigrants au Canada pour des motifs d'ordre humanitaire, un guide préparé par le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, contient des lignes directrices sur le sens qu'il convient de donner aux motifs d'ordre humanitaire...

 

[...]

 

Le Manuel contient également une définition de "difficulté inhabituelle et injustifiée" et de "difficultés démesurées", aux paragraphes 6.7 et 6.8 :

 

6.7 Difficulté inhabituelle et injustifiée

 

On appelle difficulté inhabituelle et injustifiée :

 

- la difficulté (de devoir demander un visa de résident permanent hors du Canada) à laquelle le demandeur s'exposerait serait, dans la plupart des cas, inhabituelle ou, en d'autres termes, une difficulté non prévue à la Loi ou à son Règlement; et

 

- la difficulté (de devoir demander un visa de résident hors du Canada) à laquelle le demandeur s'exposerait serait, dans la plupart des cas, le résultat de circonstances échappant au contrôle de cette personne.

 

6.7 Difficultés démesurées

 

 

Des motifs d'ordre humanitaire peuvent exister dans des cas n'étant pas considérés comme "inusités ou injustifiés", mais dont la difficulté (de présenter une demande de visa de résident permanent à l'extérieur de Canada) aurait des répercussions disproportionnées pour le demandeur, compte tenu des circonstances qui lui sont propres.

6.7 Unusual and undeserved hardship

 

Unusual and undeserved hardship is:

 

- the hardship (of having to apply for a permanent resident visa from outside of Canada) that the applicant would have to face should be, in most cases, unusual, in other words, a hardship not anticipated by the Act or Regulations; and

 

 

- the hardship (of having to apply for a permanent resident visa from outside of Canada) that the applicant would face should be, in most cases, the result of circumstances beyond the person's control

 

 

6.8 Disproportionate hardship

 

Humanitarian and compassionate grounds may exist in cases that would not meet the "unusual and undeserved" criteria but where the hardship (of having to apply for a permanent resident visa from outside of Canada) would have a disproportionate impact on the applicant due to their personal circumstances

 

[10]           Les difficultés inhérentes au fait de quitter le Canada ne sont pas suffisantes. (Kawtharani, ci-dessus, par. 16.)

FAITS

[11]           Monsieur Doumbouya est un citoyen de la Guinée, âgé de 28 ans.

 

[12]           Il est arrivé au Canada le 8 décembre 2002 et a revendiqué le statut de réfugié au Canada le même jour.

 

[13]           La Section de la protection des réfugiés (SPR) a refusé sa demande le 17 décembre 2003. La demande d’autorisation et de contrôle judiciaire, qu’il a présentée, a été refusée le 6 avril 2004.

 

[14]           Monsieur Doumbouya a allégué être le fondateur d’un mouvement destiné aux jeunes (Peace and Love), une association culturelle n’ayant pas d’aspiration politique.

 

[15]           À la suite de différentes pressions politiques, le groupe Peace and Love aurait décidé d’appuyer le Parti Unité et Progrès (PUP) pendant la campagne électorale.

 

[16]           Après les élections, le PUP n’aurait pas tenu ses engagements après sa victoire électorale et le Peace and Love aurait décidé d’appuyer le Rassemblement du Peuple Guinéen (RPG).

 

[17]           Monsieur Doumbouya aurait été arrêté, et libéré, et se serait rendu en Côte d’Ivoire, où il serait demeuré plus de deux ans.

 

[18]           Dans le cadre de sa demande CH, monsieur Doumbouya présente des arguments relatifs à des erreurs qu’aurait commises la SPR. Il fait valoir qu’il défend les idéaux du RPG depuis son arrivée au Canada et invoque l’instabilité politique générale en Guinée ainsi que le manque de sécurité.

 

[19]           Monsieur Doumbouya fait valoir que son séjour au Canada a conduit à son établissement et à son intégration au sein de la société canadienne. Il travaille à temps plein depuis juin 2003, a suivi diverses formations et a débuté l’exploitation de sa propre entreprise. Il est financièrement autonome, paie ses impôts, possède une voiture et loue un appartement.

 

POINTS EN LITIGE

[20]           (1)        L’agente a-t-elle appliqué les bons critères?

(2)        L’agente a-t-elle suffisamment motivé sa décision?

(3)        La décision attaquée est-elle viciée du fait qu’elle serait fondée sur une décision d’Examen des risques avant renvoi (ERAR) qui serait erronée en fait et en droit?

 

(4)        L’agente a-t-elle considéré toute la preuve?

(5)        L’agente a-t-elle refusé d’exercer sa compétence?

(6)        L’agente s’est-elle fondée erronément sur la preuve documentaire concernant la situation en Guinée?

 

(7)        L’agente a-t-elle tiré des conclusions déraisonnables sur les risques de retour du demandeur?

 

(8)        L’agente a-t-elle violé le droit du demandeur d’être entendu, du fait qu’elle n’a pas eu une entrevue avec lui avant de rendre sa décision?

 

 

ANALYSE

Les normes de contrôle applicable

[21]           Il est maintenant bien établi, depuis l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, que la norme de contrôle applicable aux décisions rendues en vertu du paragraphe 25(1) de la Loi est celle de la décision raisonnable simpliciter. (Sandrasegara c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 498, [2007] A.C.F. no 671 (QL), par. 11.)

 

[22]           Comme l’a écrit le juge Maurice Lagacé concernant l’affaire John c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 468, [2007] A.C.F. no 634 (QL) :

[18]      Lorsque la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable, il n'appartient pas à la Cour de substituer son appréciation des faits à celle du décideur. La Cour doit plutôt vérifier "si les motifs, considérés dans leur ensemble, sont soutenables comme assise de la décision" (Law Society of New Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247, au paragraphe 56). Dans le cadre d'une demande CH, en autant que l'agent considère les facteurs pertinents et appropriés pour une telle demande, la Cour ne saurait intervenir sur le poids que celui-ci accorde aux divers facteurs mis en balance pour conclure comme il le fait, et ce même si elle aurait pu les évaluer de façon différente (Hamzai c. Canada (M.C.I.), [2006] A.C.F. no. 1408, 2006 FC 1108, au paragraphe 24).

 

 

[23]           Par ailleurs, les questions purement factuelles décidées par l’agent pour parvenir à la décision attaquée sont contrôlables selon la norme de la décision manifestement déraisonnable. (Harb c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CAF 39, [2003] A.C.F. no 108 (QL).)

 

[24]           Essentiellement, monsieur Doumbouya fait valoir que l’agente a erré en droit en n’appliquant pas les bons critères, en ne motivant pas suffisamment sa décision, en se fondant sur une décision ERAR erronée en fait et en droit, en ne considérant pas toute la preuve, en refusant d’exercer sa compétence, en se fondant erronément sur la preuve documentaire concernant la situation en Guinée et en tirant des conclusions déraisonnables sur les risques de retour de monsieur Doumbouya.

 

[25]           Monsieur Doumbouya plaide en outre que le décideur a violé son droit d’être entendu, du fait qu’elle n’a pas eu une entrevue avec lui avant de rendre sa décision.

 

La décision de l’agente

[26]           L’agente a examiné les faits invoqués par monsieur Doumbouya pour démontrer son établissement et son intégration au Canada, à savoir son travail, les formations suivies, le démarrage de son entreprise, l’achat d’une voiture, la location d’un logis et le paiement de ses impôts. Elle a examiné les divers documents présentés par monsieur Doumbouya à cet effet.

 

[27]           Relativement à l’établissement de monsieur Doumbouya au Canada et à son intégration, l’agente a souligné que les qualités personnelles du demandeur, dont elle constatait l’existence, ne faisaient pas partie des facteurs à considérer dans le cadre de l’analyse de la demande CH, puisqu’il ne s’agissait pas d’évaluer le demandeur comme immigrant mais de s’interroger sur les difficultés qu’il rencontrerait s’il devait se conformer à l’obligation d’obtenir son visa d’immigrant à l’extérieur du Canada.

[28]           L’agente a considéré la période que monsieur Doumbouya a passé au Canada, reconnaissant qu’il s’agissait d’un élément à prendre en compte. Elle a souligné que bien que monsieur Doumbouya ait procédé à l’immatriculation d’une entreprise, il n’en avait pas établi sa viabilité. Aussi, son départ du Canada pour se conformer aux exigences de la loi ne lui occasionnerait-il pas, de l’avis de l’agente, des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives, à ce chapitre.

 

[29]           Ayant analysé l’ensemble des éléments, l’agente a conclu que les considérations humanitaires invoquées par monsieur Doumbouya étaient insuffisantes pour lui permettre de conclure que l’obligation d’obtenir son visa à l’étranger aurait des répercussions inhabituelles, injustifiées ou excessives sur ce dernier.

 

[30]           Après avoir noté que monsieur Doumbouya avait eu l’occasion de présenter une demande de statut de réfugié ainsi qu’une demande ERAR, l’agente a souligné que dans le cadre de son évaluation des motifs humanitaires, elle devait évaluer le risque de retour d’un point de vue plus général, selon le chapitre IP-5 du Guide de l’immigration, en considérant la situation actuelle du pays.

 

[31]           Elle a fait état des craintes invoquées par monsieur Doumbouya relativement à son implication politique au sein du RPG et noté qu’elles étaient essentiellement les mêmes que celles présentées dans le cadre de sa demande ERAR. Elle a aussi mentionné qu’il faisait valoir l’instabilité politique de la Guinée, particulièrement à l’égard des membres de l’opposition et de ceux qui critiquent le gouvernement, et a examiné la preuve documentaire publique à ce sujet. Elle a noté que le président du RPG, en exil depuis deux ans, était retourné en Guinée et que le gouvernement avait pris des mesures politiques positives au niveau de l’ouverture politique. L’agente a également constaté l’état de pauvreté, de corruption et de mauvaise administration en Guinée.

 

[32]           L’agente a finalement conclu que monsieur Doumbouya n’avait pas démontré que son départ du Canada lui ferait subir de graves préjudices en raison de liens développés au Canada, et qu’il n’avait pas établi que les risques allégués lui causeraient des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives s’il devait retourner dans son pays pour obtenir son visa.

 

(1)        L’agente a soumis ses conclusions factuelles aux bons critères

[33]           Monsieur Doumbouya prétend que l’agente a erré en droit en exigeant, selon lui, qu’il démontre un risque personnel dans le cadre de sa demande CH.

 

[34]           Or, l’agente n’a pas erré en se penchant sur le facteur de risque personnalisé dans le cadre de son examen de l’ensemble des motifs invoqués par monsieur Doumbouya.

 

[35]           Le risque constitue un facteur dont il faut tenir compte lorsqu’on évalue les « difficultés inhabituelles et injustifiés ou excessives » dans le contexte d’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. (Lin, ci-dessus, par. 7.)

 

[36]           D’ailleurs, selon le Guide de l’immigration du ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration, concernant les demandes en vertu de l’article 25 de la Loi (par. 13 du chapitre IP-5) :

On peut justifier une décision (CH) favorable pour un demandeur qui courrait un risque objectivement personnalisé s’il était renvoyé du Canada vers un pays dont il a la nationalité ou, s’il n’a pas la nationalité d’un pays, le pays où il avait sa résidence habituelle. Il peut s’agir d’un risque pour sa vie ou un risque pour sa sécurité.

Positive (H&C) consideration may be warranted for persons whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally to a risk to their life or to a risk to security of the person.

 

 

[37]           Toutefois, comme l’a écrit le juge Sean Harrington concernant l’affaire, Sahota, ci-dessus:

[7]        While PRRA and H&C applications take risk into account, the manner in which they are assessed is quite different. In the context of a PRRA, "risk" as per section 97 of IRPA involves assessing whether the applicant would be personally subjected to a danger of torture or to a risk to life or to cruel and unusual treatment or punishment.

 

[8]        In an H&C application, however, risk should be addressed as but one of the factors relevant to determining whether the applicant would face unusual, and underserved or disproportionate hardship. Thus the focus is on hardship, which has a risk component, not on risk as such.

 

[9]        In general terms, it is more difficult for a PRRA applicant to establish risk than it is for an H&C applicant to establish hardship (see: Melchor v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), [2004] F.C.J. No. 1600, 2004 FC 1327; Dharamraj v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), [2006] F.C.J. No. 853, 2006 FC 674; and Pinter v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), [2005] F.C.J. No. 366, 2005 FC 296).

 

 

[12 ]     In the current case, the officer considered the risk factors set out in the negative refugee claim decision, and updated them. Although he considered Mr. Singh Sahota's connections with Canada, as far as India is concerned, although he used the humanitarian and compassionate form, in reality all he did was assess risk, not hardship. For instance he said, "in assessing the risk invoked by the applicant I note that they have, in substance, been previously considered by the IRB." It may well be that a risk may not be so sufficient as to support a refugee claim under sections 96 or 97 of IRPA, but still be of sufficient severity to constitute a hardship.

 

[13]      The officer applied the wrong test…

(LA TRADUCTION OFFICIELLE N’EST PAS ENCORE DISPONIBLE.)

 

[38]           Dans la présente affaire, après avoir tenu compte du dossier complet de monsieur Doumbouya, incluant sa demande d’être dispensé d’obtenir un visa à l’étranger, l’agente a conclu, dans la partie de ses motifs concernant les « Risques », que, considérant le profil personnel de monsieur Doumbouya et la situation actuelle de la Guinée relevée dans les sources publiques d’information, monsieur Doumbouya n’a pas démontré que les circonstances particulières de son cas font en sorte que l’obligation de demander un visa à l’étranger lui occasionnerait des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives.

 

[39]           Plus loin, dans sa conclusion générale, l’agente a précisé que « le demandeur n’a pas établi que les risques allégués lui causeraient des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives. » (Pannu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1356, [2006] A.C.F. no 1695 (QL), par. 37.)

 

[40]           L’agente a ainsi considéré les facteurs de risque, même si une décision défavorable valide avait été rendue à la suite d’un ERAR. Elle était consciente qu’il pouvait exister des considérations relatives au risque qui seraient pertinentes à une demande de résidence permanente depuis le Canada, en vertu de l’article 25 de la Loi, sans satisfaire au critère plus rigoureux de la menace à la vie ou du risque de traitements cruels et inusités de l’ERAR puisqu’elle fait elle-même état de plus faible fardeau, à cet égard.

 

[41]           Il ressort donc des motifs de l’agente qu’elle a appliqué les bons critères lors de son évaluation de la demande CH de monsieur Doumbouya.

 

(2)        La décision de l’agente est suffisante

[42]           Selon monsieur Doumbouya, la décision de l’agente « souffre ... d’un défaut de motivation ».

 

[43]           Pour soutenir cette prétention, monsieur Doumbouya s’en prend au caractère vague des mots « ne possède pas les caractéristiques des personnes particulièrement visées » à la toute fin du passage suivant des motifs de madame Roy (à la page 4, juste avant sa Conclusion générale) :

Considérant le profil personnel du demandeur et la situation actuelle de la Guinée relevée dans les sources publiques d’information, le requérant n’a pas démontré que les circonstances particulières de son cas font en sorte que demander un visa de résident permanent en Guinée lui apporte des difficultés inhabituelles et injustifiées, c’est-à-dire non prévues par la Loi ou excessives. Ainsi, à la lumière de la documentation consultée et de la décision de la CISR, je suis d’avis que les allégations du demandeur ne sont pas corroborées par la documentation objective consultée et qu’il ne possède pas les caractéristiques des personnes particulièrement visées. (La Cour souligne.)

 

 

[44]           Il faut relier cette dernière partie de phrase au début du premier paragraphe de la page 4 des motifs de l’agente, où celle-ci écrit ce qui suit :

Tout demandeur doit démontrer l’existence d’un risque personnalisé à sa vie et à sa sécurité. La décision relative à l’examen des risques avant renvoi a conclu que le demandeur n’était pas une personne à protéger. J’ai pris connaissance des éléments de preuve et des arguments soulevés par le demandeur. J’ai par ailleurs moi-même consulté la documentation publique. Les faits relatés, les éléments de preuve soumis ainsi que les conditions afférentes au pays au moment de la décision, ne démontrent pas de façon significative que le demandeur serait ciblé advenant son retour au pays. (La Cour souligne.)

 

 

[45]           Il est donc évident que par l’expression « ne possède pas les caractéristiques des personnes particulièrement visées », le décideur a voulu dire que le demandeur n’a pas les caractéristiques d’une personne personnellement exposée à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités ou à une persécution quelconque.

 

[46]           Essentiellement, l’agente a conclu que monsieur Doumbouya ne s’était pas acquitté de son fardeau de preuve. Elle n’a pas été convaincue, selon la prépondérance des probabilités, qu’il subirait un préjudice inhabituel et injustifié ou excessif s’il devait présenter sa demande de résidence permanente à l’étranger. Elle a conclu qu’il n’avait pas établi que sa situation présentait suffisamment de considérations humanitaires pour justifier une dispense. Elle a, enfin, jugé qu’il n’avait pas établi avoir un profil personnel qui pourrait lui causer des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives, advenant son retour en Guinée.

 

[47]           Il ressort de l’ensemble des motifs de l’agente que celle-ci a bien énoncé ses constatations et a convenablement expliqué ses conclusions. Elle a examiné toutes les considérations invoquées par monsieur Doumbouya et a soupesé la preuve. Ses motifs sont clairs, précis, intelligibles.

 

[48]           Dans les circonstances, les motifs de la décision sont assez détaillés pour comprendre ses fondements et pour suivre le raisonnement du décideur. (Blanchard c. Control Data Canada Ltée, [1984] 2 R.C.S. 476, p. 501; Donkor c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1089, [2006] A.C.F. no 1375 (QL), par. 26-28.)

 

[49]           L’argument de monsieur Doumbouya selon lequel les motifs de l’agente sont insuffisants est donc mal fondé.

 

(3)        La décision CH n’est pas viciée par sa formulation

[50]           Monsieur Doumbouya prétend que comme la décision CH, attaquée en l’espèce, est fondée sur des erreurs commises par le même décideur, Mme Roy, relativement à sa décision ERAR concernant monsieur Doumbouya, la décision CH susmentionnée est viciée par ces mêmes erreurs.

 

[51]           La décision ERAR n’est pas viciée, de sorte que la décision CH en cause en cette instance n’est pas affaiblie par des prétendues erreurs commises par Mme Roy dans le cadre de sa décision ERAR concernant monsieur Doumbouya.

 

(4)        Le décideur a tenu compte de toute la preuve

[52]           Monsieur Doumbouya prétend que Mme Roy, avant de prendre la décision attaquée en l’espèce, a fait défaut d’analyser l’ensemble de la preuve.

 

[53]           Or, comme l’a rappelé le juge Yvon Pinard concernant l’affaire Camara c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 168, [2006] A.C.F. no 221 (QL) :

[37]      [...]  Il existe une présomption voulant que le décideur a considéré l'ensemble de la preuve avant d'en arriver à une décision (Woolaston c. Ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration, [1973] R C.S. 102 et Townsend c. Canada (M.C.I.), [2003] A.C.F. no 516 (C.F., 1re inst.) (QL)).

 

 

[54]           Dans son mémoire, monsieur Doumbouya ne fait valoir aucun motif permettant à la Cour d’écarter cette présomption en l’espèce.

 

[55]           L’argument de monsieur Doumbouya sur cette question doit donc être rejeté.

 

(5)        L’agente n’a pas refusé d’exercer sa compétence

[56]           Monsieur Doumbouya prétend que l’agente en l’espèce a refusé d’exercer sa juridiction en refusant de tenir compte des arguments du demandeur relatifs à des erreurs qu’aurait commise la SPR de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (Commission) relativement à sa décision concernant monsieur Doumbouya.

 

[57]           Or, sur ce point, l’agent a eu raison, puisque l’agent qui traite une demande CH ne siège ni en appel, ni en contrôle de la décision de la Commission. (Herrada c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1003, [2006] A.C.F. no 1274 (QL), par. 38.)

 

 

 

(6)        L’agente ne s’est pas fondée erronément sur la preuve documentaire

[58]           Monsieur Doumbouya prétend que l’agente a erré en écrivant ce qui suit dans ses motifs (page 4) :

La situation générale du pays, comme celle de beaucoup de pays d’Afrique, en est une de pauvreté et de manque d’instruction et qui, malgré ses richesses naturelles, souffre de problèmes de corruption et de mauvaise administration publique. Malgré que cette situation soit regrettable, cela n’en constitue pas en soi un risque de retour...

 

[59]           Le défendeur soutient que cette conclusion relève de l’évidence et qu’elle n’est, par ailleurs, viciée par aucune erreur de droit.

 

[60]           La Cour note, par ailleurs, que l’extrait de la décision ERAR concernant monsieur Doumbouya, qui se trouve au paragraphe 92 de son mémoire en l’espèce, ne se trouve pas dans la décision CH attaquée dans la présente instance.

 

[61]           Il n’y a donc pas lieu de traiter de cet extrait dans le cadre du présent dossier.

 

(7)        Les conclusions de l’agente concernant les risques de retour

du demandeur ne sont pas déraisonnables

 

[62]           Monsieur Doumbouya prétend que les conclusions de l’agente concernant ses risques de retour en Guinée sont déraisonnables.

 

[63]           Or, l’agente a énuméré les éléments de preuve soumis par monsieur Doumbouya pour étayer ses craintes fondées sur son implication politique tant en Guinée qu’au Canada. Elle a noté que les allégations de risques de retour étaient essentiellement les mêmes que celles présentées dans la demande ERAR. Elle a fait état de ces allégations, qu’elle a soupesées à la lumière de la preuve documentaire sur la Guinée.

 

[64]           L’agente pouvait décider d’accorder plus de poids à cette preuve documentaire qu’à la preuve soumise par monsieur Doumbouya, surtout qu’elle a constaté le retour en Guinée, sans problème, du président du RPG, en exil depuis deux ans.

 

[65]           Dans les circonstances, elle a conclu que le profil de monsieur Doumbouya et la situation actuelle en Guinée ne démontraient pas que les circonstances particulières de monsieur Doumbouya faisaient en sorte que de demander un visa en Guinée lui causerait des difficultés inhabituelles et injustifiées, ou excessives.

 

[66]           Le rôle de la Cour n’est pas de réévaluer la preuve et que le seul fait qu’elle serait parvenue à une conclusion différente ne peut justifier son intervention.

 

[67]           Ainsi que l’a souligné le juge en chef Allan Lutfy dans Lin, ci-dessus :

[8]        ...il incombe à la demanderesse d'établir les motifs d'ordre humanitaire et au délégué du ministre de soupeser les facteurs pertinents. Ce n'est pas le rôle des tribunaux de réexaminer le poids accordé aux différents facteurs par l'agent d'immigration : Legault c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CAF 125, et Huang c. Canada (Solliciteur général), 2004 CF 1330.

 

 

[68]           La Cour ne peut intervenir que si, globalement, la décision attaquée est déraisonnable, et ce n’est pas le cas.

(8)        L’agente n’a pas violé le droit du demandeur d’être entendu en ne

            tenant pas une entrevue avec le demandeur concernant sa demande CH

 

[69]           Monsieur Doumbouya prétend que l’agente aurait dû avoir une entrevue avec lui avant de rendre sa décision, étant donné qu’elle a « manifestement mis en doute » sa crédibilité sur des points clés de sa demande CH, en se basant sur les conclusions de la Commission.

 

[70]           Monsieur Doumbouya invoque l’article 167 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (tel que subséquemment modifié) (Règlement), disposition qui ne s’applique toutefois pas concernant les demandes en vertu de l’article 25 de la Loi. Comme cet article 167 le dit expressément, il ne s’applique que relativement à l’application de l’alinéa 113b) de la Loi.

 

[71]           De plus, comme l’a écrit le juge Richard Mosley concernant l’affaire Bui c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 816, [2005] A.C.F. no 1025 (QL) :

[10]      Dans l'arrêt Baker, précité, la Cour suprême du Canada a fait remarquer, au paragraphe 34, que les décisions d'un agent d'immigration sont très différentes des décisions judiciaires. La Cour a reconnu que la loi prévoit une certaine souplesse dans la pratique et la procédure. Pour qu'une audience soit équitable, il n'est pas toujours nécessaire de tenir une entrevue orale. Le demandeur doit avoir une possibilité réelle de présenter les divers types de preuve qui sont pertinents dans son cas et il a droit à ce qu'il soit tenu compte d'une façon complète et équitable de ces éléments. Ce qu'il faut, c'est une participation réelle au processus décisionnel. (La Cour souligne.)

 

 

[72]           De fait, comme l’a souligné le juge Pinard dans la décision Étienne c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1314, [2003] A.C.F. no 1659 au paragraphe 9 : « [...] La jurisprudence de cette Cour est constante à l'effet qu'une entrevue n'est pas exigée afin d'assurer l'équité de la procédure dans le traitement des demandes de dispense de visa pour considérations humanitaires... ».

 

[73]           Cette décision Étienne fut citée avec approbation à cet égard par le juge Conrad von Finckenstein dans Bouaroudj c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1530, [2006] A.C.F. no 1918 (QL) au paragraphe 20.

 

[74]           De plus, si on lit attentivement les motifs de l’agente en l’espèce, on se rend compte qu’elle n’a pas fondé sa décision sur un manque de crédibilité de monsieur Doumbouya.

 

[75]           Si une telle lacune aurait été invoquée par l’agente, elle n’aurait pas été obligée d’avoir une entrevue avec monsieur Doumbouya concernant sa demande en vertu de l’article 25 de la Loi. (Montiero c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1322, [2006] A.C.F. no 1662 (QL), par. 17.)

 

[76]           Pour ces motifs, les arguments de monsieur Doumbouya sur cette question sont mal fondés.

 

CONCLUSION

[77]           La décision de l’agente CH en l’espèce n’est entachée d’aucune erreur susceptible de contrôle judiciaire et elle n’est pas non plus viciée par un manque de justice naturelle.

 

[78]           Compte tenu de ce qui précède, la demande de contrôle judiciaire de monsieur Doumbouya  est rejetée.

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que

1.         La demande de contrôle judiciaire soit rejetée;

2.         Aucune question grave de portée générale soit certifiée.

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-242-07

 

INTITULÉ :                                       KELETY DOUMBOUYA

                                                            c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 18 septembre 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT:                               LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      le 15 novembre 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Johanne Doyon

 

POUR LA DEMANDERESSE

Me Normand Lemyre

Me Zoé Richard

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

DOYON & ASSOCIÉS

Montréal (Québec)

 

POUR LA DEMANDERESSE

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

 

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