Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2024 COMC 117

Date de la décision : 2024-06-19

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE PROCÉDURES EN VERTU DE L’ARTICLE 45

Partie requérante : Ridout & Maybee LLP

Propriétaire inscrite : Tiffin Motor Homes, Inc.

Enregistrements : LMC871,604 pour ALLEGRO, et

LMC890,382 pour ALLEGRO DESSIN

Introduction

[1] La présente décision concerne des procédures de radiation sommaires engagées en application de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) à l’égard des enregistrements nos LMC871,604 pour la marque de commerce ALLEGRO (la Marque nominale) et LMC890,382 pour la marque de commerce ALLEGRO DESSIN (la Marque figurative), reproduites ci-dessous, collectivement appelées les Marques.

The word ALLEGRO, with letters presented in a special form of writing wherein the bottom portion of both letters L are extended to form a double underline of the remainder of the design mark.

[2] Les Marques sont enregistrées pour emploi en liaison avec des [traduction] « Autocaravanes ».

[3] Pour les raisons qui suivent, je conclus que les enregistrements devraient être maintenus.

Procédure

[4] À la demande de Ridout & Maybee LLP (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné les avis prévus à l’article 45 de la Loi le 15 février 2023, à Tiffin Motor Homes, Inc., (la Propriétaire).

[5] Les avis enjoignaient à la Propriétaire d’indiquer, à l’égard de chacun des produits spécifiés dans l’enregistrement, si les Marques ont été employées au Canada à un moment quelconque au cours des trois années précédant la date des avis et, dans la négative, qu’elle précise la date à laquelle les Marques ont ainsi été employées en dernier lieu et la raison de leur défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour démontrer l’emploi est du 15 février 2020 au 15 février 2023.

[6] La définition pertinente d’« emploi » en liaison avec les produits est énoncée à l’article 4 de la Loi comme suit :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[7] Lorsqu’un propriétaire n’a pas établi pas l’« emploi », l’enregistrement est susceptible d’être radié ou modifié, à moins que le défaut d’emploi ne soit en raison de circonstances spéciales.

[8] En réponse à chacun des avis du registraire, la Propriétaire a produit un affidavit de Leigh Tiffin, président de la Propriétaire, souscrit le 12 septembre 2023, auquel étaient jointes les Pièces A à L. Le contenu des deux affidavits est essentiellement le même.

Motifs de la décision

[9] Le but de l’article 45 de la Loi consiste à créer une procédure sommaire pour que soient radiées du registre des marques tombées en désuétude, souvent décrite comme un processus d’épuration du registre permettant d’y éliminer le « bois mort ». Il n’est pas nécessaire de produire une preuve surabondante [Miller Thomson LLP c Hilton Worldwide Holding LLP, 2020 CAF 134 aux para 9 et 10]. Pour maintenir l’enregistrement, un propriétaire doit seulement démontrer l’emploi sur une base prima facie [Sport Maska Inc c Bauer Hockey Corp, 2016 CAF 44 au para 55]. Le fardeau de preuve à atteindre est bas. Il suffit que les éléments de preuve établissent des faits à partir desquels une conclusion d’emploi peut logiquement être inférée [Diamant Elinor Inc c 88766 Canada Inc, 2010 CF 1184].

[10] Étant donné que les deux enregistrements ne mentionnent que des [traduction] « autocaravanes », la seule question qui se pose est de savoir si la preuve de la Propriétaire démontre l’emploi des Marques en liaison avec ceux-ci au cours de la période pertinente.

[11] La Partie requérante fait valoir que la preuve de la Propriétaire ne l’a pas fait, car elle est insuffisante pour établir (i) la pratique normale du commerce de la Propriétaire; (ii) les ventes d’autocaravanes aux consommateurs au Canada pendant la période pertinente; ou (iii) la présentation des Marques sur les autocaravanes ou autrement liées à ceux‑ci de sorte que l’avis de liaison a été donné à l’acheteur au moment du transfert.

[12] La Propriétaire fait valoir que les preuves sont plus que suffisantes pour démontrer les trois éléments, comme l’exige l’article 4 de la Loi.

La pratique normale du commerce de la Propriétaire

[13] La Partie requérante fait valoir que les preuves produites par la Propriétaire sont insuffisantes pour démontrer sa pratique normale du commerce, car elles n’expliquent pas comment les autocaravanes sont vendues au Canada ou comment elles sont transférées ou livrées à un client au Canada.

[14] Je ne suis pas d’accord. La Propriétaire fournit une liste des [traduction] « concessionnaires canadiens qui l’ont représentée pour la vente de produits au Canada pendant la Période critique » [para 12, Pièce H], et des extraits de certains de leurs sites Web offrant des autocaravanes à la vente, qui, selon M. Tiffin, [traduction] « reflètent l’emploi » des Marques pendant la période pertinente [para 5, Pièce A].

[15] Gardant à l’esprit qu’il n’est pas nécessaire de montrer les transactions tout au long de la chaîne jusqu’au consommateur final pour qu’elles soient effectuées dans la pratique normale du commerce [CBM Kabushiki Kaisha c Lin Trading Co. (1988), 21 CPR (3d) 417 (CAF)], j’estime que la preuve de la Propriétaire établit que sa pratique normale du commerce consiste à vendre des autocaravanes à des concessionnaires canadiens locaux ou par leur intermédiaire, auprès desquels les clients au Canada achètent des autocaravanes.

Ventes d’autocaravanes aux consommateurs canadiens

[16] La Partie requérante fait valoir que la preuve de la Propriétaire est insuffisante pour démontrer le transfert de toute autocaravane au Canada, soulignant que la preuve ne contient que des ventes présumées, mais pas une seule facture, qui aurait été facilement disponible.

[17] Encore une fois, je ne suis pas d’accord. S’il est vrai que la Propriétaire n’a pas produit de factures, celles-ci ne sont pas obligatoires [Lewis Thomson & Son Ltd c Rogers, Bereskin & Parr (1988), 21 CPR (3d) 483 (CF 1re inst)]. Ce qui doit être fourni, c’est la preuve d’un transfert qui a eu lieu dans la pratique normale du commerce au Canada [John Labatt Ltd c Rainier Brewing Co (1984), 80 CPR (2d) 228 (CAF)]. Une telle preuve peut prendre la forme de documents comme des factures, mais aussi des rapports de vente, ou des déclarations assermentées claires concernant des volumes de ventes, la valeur en dollars des ventes ou des données factuelles équivalentes [voir, par exemple, 1471706 Ontario Inc c Momo Design srl, 2014 COMC 79].

[18] La preuve des ventes de la Propriétaire est notamment constituée d’un tableau contenant ce que M. Tiffin DÉCRIT comme des [traduction] « chiffres de ventes démontrant la vente des Produits par la Propriétaire au Canada pendant la Période critique » [para 7, Pièce C].

[19] Ce tableau est un rapport de ventes détaillé contenant, entre autres informations : les concessionnaires par nom, ville et région du Canada; une [traduction] « date de vente » par article pendant la période pertinente; un [traduction] « numéro de modèle » indiquant ce que je comprends de l’ensemble de la preuve comme étant l’un des cinq modèles différents d’autocaravane; et une [traduction] « valeur nette », qui varie d’environ 120 000 $ à plus de 450 000 $ par modèle.

[20] Les observations écrites de la Propriétaire indiquent que les informations de ce rapport comprennent 140 unités, réparties par modèle comme suit : « ALLEGRO » (57), « ALLEGRO BREEZE » (6), « ALLEGRO BUS » (35), « ALLEGRO RED » (33), et « ALLEGRO RED340 » (9) [Observations écrites de l’Inscrivante, para 10]. La valeur totale des 140 unités en question est importante, puisqu’elle représente des dizaines de millions de dollars.

[21] En outre, les noms des concessionnaires indiqués dans le tableau correspondent à la liste des concessionnaires qui, selon M. Tiffin, représentaient la Propriétaire au Canada [voir les para 5 et 12, Pièces A et H]

[22] Dans la mesure où une seule vente peut suffire pour démontrer l’emploi aux fins d’une procédure de radiation en vertu de l’article 45 [Philip Morris Inc c Imperial Tobacco Ltd (1987), 13 CPR (3d) 289 (CF 1re inst) à la p 293], et il convient d’accorder une crédibilité substantielle aux déclarations faites par un déposant [Oyen Wiggs Green & Mutala LLP c Atari Interactive, Inc, 2018 COMC 79 au para 25], je suis convaincue que la preuve de la Propriétaire montre les ventes des modèles d’autocaravanes identifiés dans le rapport de vente au Canada au cours de la période pertinente.

Emploi des Marques sur des autocaravanes ou en liaison avec celles-ci

[23] La Partie requérante fait valoir que la preuve de la Propriétaire est insuffisante pour démontrer que les Marques étaient soit directement apposées sur les autocaravanes vendues au Canada, soit suffisamment liées à ces derniers pour qu’un avis de liaison ait été donné au moment du transfert.

[24] L’affidavit de M. Tiffin contient divers documents publicitaires ou promotionnels présentant les Marques [p. ex. – Pièces D, E, G, I et K]. La Partie requérante fait valoir qu’il n’existe aucune preuve qu’ils ont accompagné le transfert ou la possession des autocaravanes [citant BMW Canada Inc c Nissan Canada Inc, 2007 CAF 255 au para 25]. Je suis d’accord.

[25] L’affidavit de M. Tiffin contient en outre des autocollants arborant les Marques [Pièces B et J]. La Partie requérante fait valoir qu’il n’y a aucune preuve que les autocollants ont été vendus. Encore une fois, je suis d’accord. De plus, en fin de compte, le témoignage de M. Tiffin ne montre pas comment ces autocollants apparaissaient sur les autocaravanes vendues au Canada.

[26] Cela dit, l’affidavit de M. Tiffin contient également des photographies d’autocaravanes. Il atteste clairement que les photographies sont [traduction] « des Produits vendus au Canada tels qu’ils apparaissaient pendant la Période critique » [para 10, Pièce F], et [traduction] « conformes aux Produits vendus pendant la Période critique » [para 16, Pièce L].

[27] Deux de ces photographies, reproduites ci-dessous, montrent deux autocaravanes différentes sur lesquelles figure une version stylisée du mot ALLEGRO.

[28] Bien que des images plus claires auraient certainement été bénéfiques, je suis convaincue que la version stylisée du mot ALLEGRO montrée dans les photographies ci-dessus constitue la présentation de la Marque figurative. Dans la mesure où des éléments supplémentaires l’entourent, j’estime que la Marque figurative n’a pas perdu son identité et qu’elle est demeurée reconnaissable en raison de la préservation de ses caractéristiques dominantes, à savoir le mot ALLEGRO, la police de ses lettres et les « L » allongés formant un double soulignement [Canada (Registraire des marques de commerce) c Cie internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull SA (1985), 4 CPR (3d) 523 (CAF); Promafil Canada Ltée c Munsingwear Inc, 1992 CanLII 12831, 44 CPR (3d) 59 (CAF)].

[29] Une fois de plus, il aurait été utile que la Propriétaire fournisse des preuves plus claires des ventes d’autocaravanes arborant la Marque figurative dans le rapport détaillé. Cependant, les procédures prévues à l’article 45 sont de nature sommaire [Sea Tow Services International, Inc c Trademark Factory International Inc, 2021 CF 550 au para 40] et n’exigent pas que les preuves soient parfaites [Lewis Thomson & Son Ltd c Rogers, Bereskin & Parr (1988), 21 CPR (3d) 483 (CF 1re inst)].

[30] En gardant ces principes à l’esprit, j’estime que la preuve de la Propriétaire est suffisante pour démontrer qu’au moins quelques-unes des 140 autocaravanes vendues au Canada au cours de la période pertinente arboraient la Marque figurative.

[31] En ce qui concerne la Marque nominale, comme il est soutenu dans les observations écrites de la Propriétaire, l’enregistrement d’une marque nominale permet à un propriétaire d’employer sa marque dans le style de lettrage de son choix [Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27 au para 55]. J’estime donc qu’en l’espèce, l’emploi de la Marque figurative constitue l’emploi de la Marque nominale.

[32] De plus, bien que cela n’est pas strictement nécessaire, j’estime également que les éléments de preuve, considérés dans leur ensemble, montrent que le mot ALLEGRO, dans différents styles qui constituent également un emploi de la Marque nominale, était présent sur de nombreux modèles d’autocaravanes vendues au Canada au cours de la période pertinente.

[33] Compte tenu de tout ce qui précède, je suis convaincue que la Propriétaire a démontré l’emploi de la Marque au sens des articles 4(1) et 45 de la Loi.

Décision

[34] Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, les deux enregistrements seront maintenus selon les dispositions de l’article 45 de la Loi.

Emilie Dubreuil

Agente d’audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Hortense Ngo

Manon Duchesne Osborne

Félix Tagne Djom


Comparutions et agents inscrits au dossier

DATE DE L’AUDIENCE : Aucune audience tenue

AGENTS AU DOSSIER

Pour la Partie requérante : Smart & Biggar, LP

Pour la Propriétaire inscrite : Gowling WLG (Canada) LLP

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