Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Une feuille d’érable sur du papier graphique

Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2024 COMC 69

Date de la décision : 2024-03-28

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE D’UNE OPPOSITION

Opposante : Mahindra & Mahindra Limited

Requérant : Pawandeep Dhunna

Demande : 1,934,948 pour MAHINDRA PROPERTIES

Introduction

[1] Pawandeep Dhunna (le Requérant) a demandé l’enregistrement de la marque de commerce MAHINDRA PROPERTIES (la Marque) en liaison avec les services suivants, sur la base de l’emploi projeté par le Requérant :

[traduction]

(1) Services de marketing immobilier pour des tiers; services de publicité immobilière pour des tiers

(2) Services de gestion immobilière; courtage immobilier; services d’agence immobilière; consultation en immobilier; services d’investissement immobilier

(3) Promotion et construction de biens immobiliers commerciaux, résidentiels et hôteliers

La demande a été produite le 10 décembre 2018.

[2] Mahindra & Mahindra Limited (l’Opposante) allègue que la Marque crée de la confusion avec ses marques de commerce MAHINDRA et/ou CLUB MAHINDRA, enregistrées et/ou prétendument employées en liaison avec des tracteurs et leurs pièces, des véhicules utilitaires, des services immobiliers et des services de loisirs et d’hôtellerie. L’Opposante allègue également que la demande a été produite de mauvaise foi dans la mesure où le Requérant a adopté une pratique consistant à produire des demandes d’enregistrement de marques de commerce de tiers.

[3] Pour les raisons qui suivent, la demande est rejetée.

Le dossier

[4] Le 24 mai 2022, l’Opposante s’est opposée à la demande d’enregistrement de la Marque en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T‑13, dans sa version modifiée (la Loi), pour les motifs d’opposition résumés ci-dessous.

  • La Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi, puisqu’elle crée de la confusion avec les marques de commerce de l’Opposante enregistrées sous les nos LMC977505, LMC978882, LMC912900, LMC912901 et LMC1,063,273 (les [traduction] « Enregistrements MAHINDRA »).

  • La Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’article 38(2)d) et de l’article 2 de la Loi, car elle n’est pas distinctive des services du Requérant. En effet, la marque de commerce ne distingue pas et n’est pas adaptée pour distinguer les services du Requérant compte tenu de la confusion avec les produits et services de l’Opposante décrits dans les Enregistrements MAHINDRA, de l’emploi antérieur et de la réputation de la marque de commerce MAHINDRA de l’Opposante pour des tracteurs et des pièces connexes, ainsi que de l’emploi antérieur par l’Opposante et de la réputation au Canada de :

(i) la marque de commerce MAHINDRA en liaison avec des véhicules utilitaires;

(ii) la marque de commerce MAHINDRA en liaison avec des services immobiliers;

(iii) la marque de commerce CLUB MAHINDRA en liaison avec des services de loisirs et d’hôtellerie.

  • Le Requérant n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu de l’article 16(1)a) de la Loi puisque la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce MAHINDRA de l’Opposante antérieurement employée au Canada en liaison avec les produits et services décrits dans les enregistrements MAHINDRA, ainsi qu’avec l’emploi antérieur par l’Opposante en liaison avec ses marques MAHINDRA et CLUB MAHINDRA comme indiqué ci-dessus.

  • La demande a été produite de mauvaise foi en vertu de l’article 38(2)a.1) de la Loi dans la mesure où le Requérant ne pouvait pas être convaincu qu’il avait le droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les services décrits dans la demande parce qu’il connaissait la marque de commerce MAHINDRA de l’Opposante pour des tracteurs et des pièces connexes, les droits de l’Opposante sur les enregistrements Mahindra, ainsi que l’emploi antérieur par l’Opposante et la réputation au Canada de ses marques de commerce MAHINDRA et CLUB MAHINDRA comme indiqué ci-dessus.

[5] À titre de preuve, l’Opposante a produit les déclarations solennelles de Marylene Gendron, adjointe en marques de commerce auprès de l’agent de l’Opposante, et de George Peters, avocat général, Amérique du Nord, de l’Opposante. Aucun des déposants n’a été contre-interrogé. Le Requérant a produit une copie certifiée de l’enregistrement canadien no LMC986,985 pour la marque de commerce MAHINDRA JEWELLERS LTD. au nom de Mahindra Jewellers Ltd. ainsi que ce qui semble être une copie du certificat d’enregistrement américain et une copie de l’historique du dossier américain se rapportant à la marque de commerce MAHINDRA JEWELLERS LTD. au même nom.

[6] Seule l’Opposante a produit des observations écrites et était représentée à l’audience.

[7] Lors de l’audience, j’ai demandé davantage d’observations écrites de la part de l’Opposante sur la question de savoir si elle avait suffisamment démontré l’exercice d’un contrôle sur la nature et la qualité des services fournis par ses licenciés en liaison avec les marques de l’Opposante. Le Requérant a eu la possibilité de répondre à ces observations, mais il ne l’a pas fait. Le 5 mars 2024, ces autres observations écrites ont été versées au dossier.

Fardeau ultime et fardeau de preuve

[8] Bien que le fardeau de preuve initial incombe à l’opposant, le fardeau ultime repose sur le requérant, selon la prépondérance des probabilités [John Labatt Ltd c Molson Co, [1990] FCJ No 533, conf par [1992] FCJ No 525 (CAF)].

Analyse des motifs d’opposition

[9] Je vais maintenant examiner les motifs d’opposition, en commençant par le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d).

Motif fondé sur l’enregistrabilité – Article 12(1)d)

[10] La date pertinente pour un motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) est la date de ma décision [Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd et Le Registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

[11] L’Opposante a plaidé que la Marque n’est pas enregistrable parce qu’elle crée de la confusion avec les enregistrements nos LMC977505, LMC978882, LMC912900, LMC912901 et LMC1,063,273, qui sont tous en règle. Je concentrerai cette analyse sur l’enregistrement MAHINDRA no 978,882 de l’Opposante, car l’Opposante a fait valoir dans ses observations écrites que sa position la plus forte est en rapport avec cet enregistrement. Cette marque est enregistrée en liaison avec les produits et services suivants :

[traduction]

Produits

Appareils de locomotion par voie terrestre, nommément véhicules utilitaires, tracteurs, pièces et accessoires connexes.

Services

(1) Programmation informatique; services d’impartition et de consultation dans le domaine des systèmes informatiques, nommément maintenance de logiciels, location de logiciels, analyse de systèmes informatiques, conception de systèmes informatiques, création et maintenance de sites Web pour des tiers; conception, développement installation et maintenance de matériel informatique et de logiciels.

[12] Je dois déterminer, selon la prépondérance des probabilités, s’il existe une probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et cette marque de commerce déposée.

[13] Le test permettant de trancher la question de la confusion est énoncé à l’article 6(2) de la Loi, où il est stipulé que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice. Pour faire une telle évaluation, je dois tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce qui sont pertinentes, y compris celles indiquées à l’article 6(5). Les critères énumérés à l’article 6(5) ne sont pas exhaustifs et un poids différent sera accordé à chacun d’eux selon le contexte [Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22, [2006] 1 RCS 772 au para 54]. Je me réfère également à Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC) au para 49, où la Cour suprême du Canada déclare que l’article 6(5)e), le degré de ressemblance entre les marques, est le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion.

Caractère distinctif inhérent et mesure dans laquelle les marques sont devenues connues

[14] La marque de l’Opposante n’est pas intrinsèquement forte parce qu’elle comprend le nom de famille de l’Opposante [Curb c Philobar Design Canada Ltd, 2008 CanLII 88267].

[15] La Marque du Requérant est intrinsèquement plus forte que la marque de commerce de l’Opposante, car il n’y a pas d’association du mot « Mahindra » avec le Requérant. Cela dit, la Marque comprend également le mot « properties », qui suggère les services immobiliers visés par la demande. J’estime donc que la Marque ne possède qu’un certain degré de caractère distinctif inhérent.

[16] En ce qui concerne la mesure dans laquelle les marques de commerce sont devenues connues, il n’y a aucune preuve que la Marque a été employée au Canada ou qu’elle est devenue connue dans une quelconque mesure au Canada.

[17] En ce qui concerne la marque de l’Opposante, je me demande si M. Peters pouvait avoir une connaissance personnelle de certaines des questions dont il est fait état en tant qu’avocat général de l’Opposante. Même si j’ai tendance à estimer que l’avocat général d’une société n’aurait pas une connaissance personnelle de certaines questions, en l’absence de contre-interrogatoire, je ne peux pas considérer une telle preuve comme inadmissible. Bien que M. Peters affirme avoir accès à tous les documents, il ne dit pas qu’il les a examinés ou qu’ils ont été conservés dans le cours normal des affaires. Néanmoins, je suis prête à accorder un poids moindre à son témoignage dans la mesure où il ne semble pas relever des connaissances raisonnables du déposant et n’est pas étayé par des pièces.

[18] Le témoignage de M. Peter démontre l’emploi de MAHINDRA au Canada en liaison avec des tracteurs (et des pièces connexes) depuis au moins 2004 et avec des véhicules utilitaires depuis 2017. À cet égard, M. Peters joint comme pièces à son affidavit des brochures représentatives des tracteurs MAHINDRA, des pièces pour tracteurs et des véhicules utilitaires en vente au Canada. M. Peters déclare en outre qu’il existe plus de 50 distributeurs agréés de tracteurs MAHINDRA et de leurs pièces connexes dans l’ensemble du Canada, et il joint les registres internes de l’Opposante concernant les commandes de tracteurs MAHINDRA au Canada en 2004. L’Opposante fait également la promotion de ses tracteurs et pièces sur son site Web, www.mahindracanada.ca, lors de foires agricoles et dans sa vidéo promotionnelle.

[19] D’après la preuve fournie, je suis convaincue que la marque de commerce de l’Opposante est devenue connue dans une certaine mesure au Canada en liaison avec des tracteurs (et des pièces) et des véhicules utilitaires.

Période d’emploi

[20] Le Requérant n’a pas fourni de preuve ou de déclarations concernant la durée de son emploi de la Marque en liaison avec ses services au Canada.

[21] L’Opposante, en revanche, a démontré l’emploi de MAHINDRA au Canada en liaison avec des tracteurs (et des pièces connexes) depuis au moins 2004 et avec des véhicules utilitaires depuis 2017.

[22] Ce facteur favorise donc l’Opposante.

Genre de Produits et Services et nature du commerce

[23] Lorsqu’on examine les articles 6(5)c) et d) de la Loi, c’est l’état déclaratif des produits et services, tels que définis dans l’enregistrement invoqué par l’Opposante et l’état déclaratif des produits et services dans la demande d’enregistrement de la Marque, qui régissent l’évaluation de la probabilité de confusion en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi [Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF)].

[24] En ce qui concerne le genre des produits, services ou entreprises des parties, les parties ciblent différents consommateurs et exploitent des voies différentes. Le Requérant, lui, cible les consommateurs qui souhaitent acheter ou vendre un nouveau bien. Quant à l’Opposante, ses tracteurs et véhicules utilitaires ciblent les consommateurs qui souhaitent acheter de tels produits. Une des brochures de l’Opposante explique ce qui suit (Peters, Pièce 2) :

[traduction]

Notre activité principale concerne les produits de mobilité et les solutions agricoles […] Aujourd’hui, nous offrons une large gamme de produits et de solutions allant des véhicules utilitaires sport, camionnettes, véhicules utilitaires et tracteurs aux véhicules électriques, véhicules à deux roues, groupes électrogènes et engins de chantier.

[25] L’Opposante admet dans ses observations écrites qu’il n’y a aucun chevauchement entre les produits et services visés par l’enregistrement de l’Opposante et les services du Requérant. L’Opposante se concentre plutôt sur les autres secteurs dans lesquels l’Opposante a employé sa marque de commerce, notamment l’immobilier, les loisirs et l’hôtellerie. Comme il ne s’agit pas de services visés par l’enregistrement sous la marque de commerce MAHINDRA de l’Opposante, l’emploi des marques de commerce de l’Opposante avec ces autres services sera plutôt considéré comme une autre circonstance de l’espèce ci-dessous.

[26] Par conséquent, ce facteur favorise le Requérant.

Degré de ressemblance

[27] Lorsqu’on examine le degré de ressemblance entre les marques de commerce, on doit les considérer dans leur ensemble; il n’est pas correct de placer les marques de commerce côte à côte et de comparer et d’observer des ressemblances ou les différences entre les éléments ou les composantes des marques de commerce [Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23 au para 20].

[28] Il y a un degré de ressemblance significatif entre les marques de commerce en cause dans la présentation et le son, puisque le Requérant a adopté la marque de commerce de l’Opposante dans son intégralité. Le degré de ressemblance en ce qui concerne l’idée suggérée est cependant moindre puisque la marque de commerce de l’Opposante ne suggère aucune idée en particulier alors que la Marque suggère quelque chose en rapport avec l’immobilier en raison du mot « properties ».

Circonstances de l’espèce – Emploi par l’Opposante de ses Marques de commerce MAHINDRA et CLUB MAHINDRA avec d’autres Services

[29] M. Peters déclare que la marque de commerce MAHINDRA est employée par l’Opposante en liaison avec des services immobiliers, y compris la vente d’immeubles résidentiels, comme l’explique son site Web www.mahindralifespaces.com. Les preuves démontrent que des centaines de Canadiens ont visité ce site Web chaque année depuis 2017. Les Canadiens peuvent acheter des biens immobiliers MAHINDRA en Inde par l’intermédiaire des filiales de l’Opposante, Mahindra Lifespace Developers Limited et Mahindra Bebanco Developers Limited, qui emploient la marque de commerce MAHINDRA sous licence pour des services immobiliers. L’Opposante a également produit des preuves d’au moins trois achats de biens immobiliers en Inde par des résidents canadiens entre 2015 et 2022.

[30] M. Peters déclare en outre que la marque de commerce MAHINDRA est employée par l’Opposante en liaison avec des services de loisirs et d’hôtellerie. Par l’intermédiaire de sa filiale Mahindra Holidays & Resorts India Ltd, qui emploie la marque de commerce CLUB MAHINDRA aux termes d’une licence octroyée par l’Opposante pour des services de loisirs et d’hôtellerie, l’Opposante offre aux Canadiens et aux autres membres de CLUB MAHINDRA des vacances familiales de qualité, principalement au moyen d’abonnements de vacances sous la marque de commerce CLUB MAHINDRA. Il explique en outre que plus de 250 000 membres de CLUB MAHINDRA peuvent passer leurs vacances dans des centres de villégiature partout dans le monde, y compris 106 centres de villégiature au Canada, comme le montre la Pièce 16, qui est une liste des centres de villégiature au Canada obtenue sur le site Web www.clubmahindra.com. Je note que chaque centre de villégiature figurant dans le répertoire est principalement identifié par d’autres marques de commerce, telles que Carriage Ridge Resort ou Club Intrawest-Whistler. M. Peters n’indique pas combien de Canadiens ont acheté des abonnements de vacances sous la marque de commerce CLUB MAHINDRA, ont visité les centres de villégiature canadiens de l’Opposante, dans quelle mesure la marque de commerce CLUB MAHINDRA a été employée en liaison avec ces centres de villégiature, ni la date depuis laquelle cette marque de commerce a été employée au Canada en liaison avec ces services.

[31] M. Peters invite également le registraire à visiter les sites Web de l’Opposante pour plus de détails. Je note toutefois que l’article 49 du Règlement sur les marques de commerce indique que la preuve relative à une procédure d’opposition est soumise au moyen d’un affidavit ou d’une déclaration solennelle, ou au moyen d’une copie certifiée conforme visée à l’article 54 de la Loi. Ainsi, si l’Opposante voulait que le contenu de ces sites Web soit considéré comme une preuve, elle aurait dû fournir des pièces pertinentes comme des imprimés de pages Web.

[32] Je note également que ces deux autres services prétendument fournis sous les marques MAHINDRA et CLUB MAHINDRA le sont par l’intermédiaire des filiales de l’Opposante qui, selon M. Peters, sont également des licenciées. Les observations écrites supplémentaires soumises par l’Opposante fournissent des exemples de la manière dont il a été démontré dans la preuve que l’Opposante exerce un contrôle sur la nature ou la qualité des services fournis par ces licenciées. Par exemple, les extraits des Pièces 2 et 3 de l’Affidavit Peters montrent que diverses politiques sont mises en place par l’Opposante pour contrôler la qualité des services offerts en liaison avec les marques de commerce de l’Opposante et pour s’assurer que les filiales s’y conforment. Je suis convaincue, sur la base de la preuve fournie, que l’Opposante a démontré l’emploi sous licence de sa marque de commerce MAHINDRA au Canada avec ces autres services, conformément à l’article 50 de la Loi.

[33] Compte tenu de ce qui précède, je suis convaincue que la preuve produite par l’Opposante démontre un certain emploi des marques de commerce de l’Opposante en liaison avec des services de loisirs et d’hôtellerie, ainsi qu’avec la vente d’immeubles résidentiels en Inde. Toutefois, la preuve de l’Opposante n’établit pas que ses marques de commerce sont devenues connues à l’égard de ces services dans une mesure comparable à celle de la marque de commerce MAHINDRA en liaison avec ses tracteurs et pièces connexes. L’Opposante n’a pas non plus produit de preuve qui me permettrai d’inférer que l’emploi des marques de commerce de l’Opposante avec la vente d’immeubles résidentiels en Inde ou avec les services de loisirs et d’hôtellerie de l’Opposante augmenterait la probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce de l’Opposante employée en liaison avec ses produits et services visés par l’enregistrement.

[34] Par conséquent, ce facteur ne favorise pas l’Opposante.

Conclusion

[35] L’article 6(2) de la Loi ne porte pas sur la confusion entre les marques de commerce elles-mêmes, mais plutôt sur la confusion quant à la source des produits et services de l’Opposante et des produits visés par la demande. De plus, comme l’explique la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Mattel, précité, au para 57, il faut accorder une certaine confiance au consommateur moyen :

[…] Je souscris entièrement à l’opinion formulée par le juge Linden dans Pink Panther selon qui, dans l’appréciation de la probabilité de confusion sur le marché, « il faut accorder une certaine confiance au consommateur moyen » (para 54). Une idée semblable a été exprimée dans Michelin & Cie c. Astro Tire & Rubber Co. of Canada Ltd. (1982), 69 C.P.R. (2d) 260 (C.F. 1re inst.), p. 263 :

[…] on ne doit pas procéder en partant du principe que les clients éventuels ou les membres du public en général sont complètement dénués d’intelligence ou de mémoire, ou sont totalement inconscients ou mal informés au sujet de ce qui se passe autour d’eux.

[36] En l’espèce, une évaluation de la confusion porte sur la question de savoir si un consommateur confronté à la Marque en liaison avec les services immobiliers serait confus et penserait qu’ils proviennent de l’Opposante. Selon la prépondérance des probabilités, j’estime que ce ne serait pas le cas.

[37] Compte tenu de toutes les circonstances de l’espèce et, en particulier, des différences dans le genre des produits et services de l’Opposante et des services du Requérant, je conclus que le Requérant s’est acquitté du fardeau de prouver qu’il n’y a pas de probabilité raisonnable de confusion entre sa Marque et la marque de commerce MAHINDRA de l’Opposante. Par conséquent, ce motif d’opposition est rejeté.

Motifs d’opposition fondés sur le droit à l’enregistrement et sur le caractère distinctif – Article 16(1)a), Article 38(2)d) et Article 2

[38] En ce qui a trait au motif d’opposition fondé sur l’article 16(1) de la Loi, la date pertinente est la date de production de la demande (le 10 octobre 2018), puisque le Requérant n’a pas démontré un quelconque emploi de la Marque. La date pertinente pour évaluer le motif fondé sur l’absence de caractère distinctif est la date de l’opposition (le 24 mai 2022). Les motifs d’opposition de l’Opposante fondés sur l’article 16(1)a) et sur l’article 2 reposent sur l’emploi antérieur et la réputation de la marque de commerce MAHINDRA de l’Opposante pour des tracteurs et des pièces connexes, ainsi que sur l’emploi antérieur par l’Opposante et la réputation au Canada de :

(i) la marque de commerce MAHINDRA en liaison avec des véhicules utilitaires;

(ii) la marque de commerce MAHINDRA en liaison avec des services immobiliers;

(iii) la marque de commerce CLUB MAHINDRA en liaison avec des services de loisirs et d’hôtellerie.

[39] L’argument de l’Opposante concernant la confusion est plus solide sous son motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d), car la date pertinente ultérieure permet de tenir compte de l’ensemble de la preuve de l’Opposante concernant sa réputation. J’ai également pris en considération dans l’analyse de ce motif la preuve limitée de l’emploi des marques de commerce de l’Opposante MAHINDRA en liaison avec des services immobiliers et CLUB MAHINDRA en liaison avec des services de loisirs et d’hôtellerie. Étant donné que l’Opposante n’a pas eu gain de cause pour le motif fondé sur l’article 12(1)d), elle n’a pas non plus gain de cause pour ses motifs d’opposition fondés sur l’article 16(1) et l’article 2.

Mauvaise foi – Article 38(2)a.1)

[40] L’Opposante a également plaidé que la demande a été produite de mauvaise foi. En plus de s’appuyer sur sa preuve de l’emploi antérieur et de la réputation de la marque de commerce MAHINDRA au Canada, l’Opposante s’appuie sur le témoignage de Mme Marylene Gendron qui, selon elle, démontre que le Requérant a adopté une pratique consistant à produire des demandes d’enregistrement de marques de tiers de l’Inde. À cet égard, Mme Gendron a joint à son affidavit les résultats d’une recherche qu’elle a effectuée dans la base de données SAEGIS afin de trouver toutes les marques de commerce actives (en instance et enregistrées) au Canada appartenant à Pawandeep Dhunna, le même Requérant en l’espèce. Elle a également effectué une recherche dans la base de données SAEGIS afin de déterminer si les marques de commerce énumérées dans la Pièce « MG-3 » sont déposées ou enregistrées en Inde.

[41] Le témoignage de Mme Gendron montre que le Requérant a produit 12 demandes au total relatives à diverses marques de commerce au Canada pour un certain nombre de produits et services différents entre le 7 avril 2017 et le 8 décembre 2021. Le Requérant a également produit au Canada des demandes d’enregistrement de marques de commerce identiques à au moins trois marques de commerce dont la demande d’enregistrement a été antérieurement produite en Inde par des tiers (HEERA JEWELLERS & Dessin, produite en Inde le 8 décembre 2018, HEERA JEWELLERS & Dessin, produite en Inde le 9 décembre 2019, et SONA Jewellers & Dessin, produite en Inde le 30 juin 2006). Toutes les demandes du Requérant relatives à ces marques de commerce au Canada ont été produites postérieurement aux demandes en Inde.

[42] Sur la base de ces éléments de preuve, l’Opposante fait valoir ce qui suit :

[traduction]

« À la lumière de ce qui précède, il apparaît clairement que le Requérant a adopté une pratique consistant à produire des demandes d’enregistrement de marques de tiers de l’Inde et il est juste d’inférer que le Requérant avait connaissance des droits de l’Opposante en Inde et au Canada à la date de production de la demande.

L’adoption de MAHINDRA en tant que marque de commerce, qui correspond au nom et à la marque de l’Opposante, un conglomérat multinational indien, ne peut être une pure coïncidence et une telle tentative d’adoption d’une marque de commerce établie devrait être sanctionnée en vertu de l’article 38(2)a.1). »

[43] L’article 38(2)a.1) de la Loi, qui est entré en vigueur en juin 2019, dit :

(2) Cette opposition peut être fondée sur l’un des motifs suivants : […]

a.1) la demande a été produite de mauvaise foi;

[44] La Loi ne définit pas la « mauvaise foi », et seules quelques décisions l’ont examinée depuis l’entrée en vigueur de l’article 38(2)a.1) de la Loi. Toutefois, les décisions de la Cour fédérale qui ont évalué la signification du terme [traduction] « mauvaise foi » jusqu’à présent l’ont principalement fait dans le contexte de l’article 18 de la Loi (pour déterminer si l’enregistrement d’une marque de commerce est invalide). Par exemple, si un requérant connaissait la marque de commerce d’un opposant et n’avait aucune intention commerciale d’employer sa marque de commerce, mais cherchait plutôt à obtenir l’enregistrement uniquement pour profiter de la réputation et de l’achalandage de l’opposant [voir Beijing Judian Restaurant Co Ltd c Meng, 2022 CF 743 aux para 30 à 42 (Judian)].

[45] Dans Blossman Gas Inc c Alliance Autopropane Inc, 2022 CF 1794, la Cour a expliqué que la connaissance de droits antérieurs de l’autre partie peut être pertinente pour l’évaluation de la mauvaise foi lorsqu’il existe également des preuves d’une intention de porter préjudice à l’entreprise de celui qui les détient. La Cour a ensuite donné des exemples où les actions d’une partie étaient incompatibles avec des pratiques honnêtes, ou, en d’autres termes [traduction] « n’étaient pas conformes à ce qui est considéré par des personnes raisonnables comme un comportement acceptable en affaires » tel qu’il est décrit dans les lois du Royaume-Uni et de l’Union européenne.

[46] En ce qui concerne le fardeau de preuve, une partie invoquant l’article 18 pour invalider un enregistrement sur la base de la mauvaise foi devant la Cour fédérale a le fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités et au moyen d’une preuve claire et convaincante, que la demande d’enregistrement a été produite de mauvaise foi [FH c McDougall, 2008 CSC 53 aux para 40, 45 et 46; Judian, au para 39)]. Dans une procédure d’opposition, comme indiqué ci-dessus, le fardeau qui incombe à l’opposant est celui de la présentation de la preuve, cela signifie qu’il lui suffit de produire suffisamment d’éléments de preuve admissibles à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués à l’appui du motif d’opposition fondé sur la mauvaise foi [John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd, précité, et Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA, 2002 CAF 29, 20 CPR (4th) 155 (CAF)].

[47] En l’espèce, je suis convaincue que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve à l’égard de ce motif pour les raisons suivantes.

[48] Tout d’abord, je reconnais qu’une personne peut produire une demande relative à une marque de commerce au Canada tout en sachant que cette marque a été employée et enregistrée dans un autre pays, et cela ne constitue pas nécessairement de la mauvaise foi [Viper Room Development, LLC c 672661 Alberta Ltd, 2014 COMC 201 au para 14; Santa Barbara Restaurant Group, Inc c Jay Veto, 2014 COMC 286 aux para 32 et 33; Taverniti SARL c DGGM Bitton Holdings Inc (1986), 8 CPR (3d) 400 (COMC) aux p 404 et 405]. La présente affaire se distingue toutefois des affaires citées. En l’espèce, l’Opposante a également produit de la preuve que, outre la demande d’enregistrement de la Marque, le Requérant avait demandé 11 autres enregistrements pour divers produits et services, allant de la vente de bijoux à la production de films et de vidéos, en passant par la publication de magazines imprimés et en ligne et les services de vérification fiscale, entre le 7 avril 2017 et le 18 décembre 2021, dont trois ayant également fait l’objet de demandes d’enregistrement antérieures en liaison avec des bijoux par d’autres parties en Inde. Je suis en mesure d’inférer de cette preuve que le Requérant n’avait pas l’intention d’employer chacune des marques de commerce visées par ces demandes avec chacun des produits et services visés par celles-ci. À cet égard, la vaste gamme de produits et de services visés par le Requérant semble être en dehors de ce que l’on pourrait attendre d’un comportement commercial typique.

[49] J’estime donc que l’Opposante en l’espèce s’est acquittée de son fardeau de preuve initial pour le motif d’opposition fondé sur l’article 38(2)a.1) puisqu’elle a démontré qu’elle avait des droits antérieurs au Canada, bien que sa marque de commerce soit principalement liée à des tracteurs, et qu’elle a produit des éléments de preuve suggérant que le Requérant était de mauvaise foi et avait peut-être l’intention de se livrer au trafic de marques de commerce. À cet égard, le registraire a précédemment conclu que l’on pourrait déduire qu’un requérant est impliqué dans le trafic de marques de commerce lorsque plusieurs marques appartenant à des tiers dans d’autres pays font l’objet d’une demande d’enregistrement et/ou couvrent collectivement un large éventail de produits et de services [Santa Barbara Restaurant Group, précité au para 20].

[50] Comme susmentionné, le Requérant a produit une copie certifiée de l’enregistrement canadien no LMC986,985 pour la marque de commerce MAHINDRA JEWELLERS LTD. au nom de Mahindra Jewellers Ltd. ainsi que ce qui semble être une copie du certificat d’enregistrement américain et une copie de l’historique du dossier américain pour la marque de commerce MAHINDRA JEWELLERS LTD. au même nom. Je conviens avec l’Opposante que la copie du certificat d’enregistrement américain et la copie de l’historique du dossier américain pour la marque de commerce MAHINDRA JEWELLERS LTD. ne sont pas admissibles, car elles n’ont pas été produites comme preuves acceptables. À cet égard, et comme susmentionné, l’article 49 du Règlement sur les marques de commerce indique que la preuve relative à une procédure d’opposition doit être soumise au moyen d’un affidavit ou d’une déclaration solennelle, ou au moyen d’une copie certifiée conforme d’un document dont le registraire a la garde officielle visée à l’article 54 de la Loi. La copie du certificat d’enregistrement américain et la copie de l’historique du dossier américain ne sont pas des documents dont le registraire a la garde officielle.

[51] Par conséquent, la seule preuve admissible produite par le Requérant est la copie certifiée de l’enregistrement canadien de MAHINDRA JEWELLERS LTD. au nom de Mahindra Jewellers Ltd. Le Requérant n’a pas présenté d’observations concernant la pertinence de cette preuve; le Requérant n’a pas non plus présenté d’observations concernant ce motif d’opposition. Par conséquent, je ne suis pas convaincue que le Requérant s’est acquitté de son fardeau ultime de démontrer que la demande d’enregistrement de la Marque n’a pas été produite de mauvaise foi.

Compte tenu de ce qui précède, ce motif est accueilli.

Décision

[53] Compte tenu de ce qui précède et dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la demande d’enregistrement selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

_______________________________

Cindy Folz

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Hortense Ngo

Félix Tagne Djom

Manon Duchesne Osborne


Comparutions et agents inscrits au dossier

DATE DE L’AUDIENCE : 2024-02-20

COMPARUTIONS

Pour l’Opposante : Isabelle Jomphe

Pour le Requérant : Aucune comparution

AGENTS AU DOSSIER

Pour l’Opposante : Lavery de Billy

Pour le Requérant : Yunwei Xie

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.