Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Une feuille d’érable sur du papier graphique

Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2024 COMC 62

Date de la décision : 2024-03-28

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE D’OPPOSITIONS

Opposante : Exzell Pharma Inc.

Requérante : Health and Happiness (H&H) Hong Kong Limited

Demandes : 1,842,033 pour SWISSE,

1,820,682 pour SWISSE LOGO

 

Introduction

[1] Swisse Wellness Pty Ltd a produit la demande d’enregistrement pour les marques de commerce SWISSE (la Marque nominale) et SWISSE Logo SWISSE Logo(la Marque figurative) en liaison avec les produits suivants :

[traduction]

Cl 3 Produits de soins de la peau; savons de soins du corps; crèmes et lotions à usage cosmétique; shampooings et produits de soins capillaires; masques de beauté et nettoyants pour le visage; nettoyants et toniques cosmétiques pour la peau.

Cl 5 Suppléments alimentaires pour la santé et le bien-être en général; suppléments nutritifs pour la santé et le bien-être en général; vitamines, suppléments vitaminiques et préparations vitaminiques; suppléments alimentaires minéraux, suppléments alimentaires de minéraux; stimulants (vitamines); stimulants faits de minéraux; suppléments à base de plantes pour la santé et le bien-être en général; suppléments protéinés pour les humains, nommément suppléments alimentaires protéinés en poudre et liquides.

[2] La Marque nominale et la Marque figurative ont été cédées à Health and Happiness (H&H) Hong Kong Limited (la Requérante) peu après la production de la demande. Exzell Pharma Inc. (l’Opposante) s’est opposée aux demandes. Les oppositions sont principalement fondées sur la confusion avec les marques de commerce de l’Opposante comportant le terme SWISS.

[3] Pour les raisons qui suivent, j’accepte les demandes en partie.

Le dossier

[4] La demande d’enregistrement pour la Marque nominale a été produite le 12 juin 2017 et annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 26 février 2020. Le 17 avril 2020, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition à l’encontre de la Marque nominale en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi). La Loi a été modifiée le 17 juin 2019. Puisque la demande a été annoncée après cette date, c’est la Loi dans sa version modifiée qui s’applique [article 69.1 de la Loi].

[5] La demande d’enregistrement pour la Marque figurative a été produite le 31 janvier 2017. La demande contient une revendication de couleurs pour SWISSE en lettres blanches sur un ovale noir à l’intérieur d’un rectangle rouge avec un point rouge sur le « i ». La Marque figurative a été annoncée le 25 mars 2020 et a fait l’objet d’une opposition le 17 avril 2020.

[6] En réponse à la demande de la Requérante d’une décision sur la suffisance des motifs d’opposition, le registraire a radié plusieurs motifs d’opposition pour la Marque figurative et la Marque nominale. De plus, l’Opposante a déclaré dans ses observations écrites, au paragraphe 11, qu’elle ne poursuivrait pas les motifs d’opposition soulevés en vertu de l’article 12(1)a) selon lesquels les marques de commerce ne sont principalement que le nom ou le nom de famille d’un particulier vivant ou qui est décédé dans les trente années précédentes. L’Opposante a également déclaré qu’elle ne poursuivrait pas le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)b) relatif au caractère clairement descriptif ou faussement et trompeusement descriptif de la Marque nominale et de la Marque figurative.

[7] Les parties conviennent que les motifs d’opposition restants tournent ultimement sur la question de la confusion [observations écrites de l’Opposante, para 12, et observations écrites de la Requérante, para 5]. Ces motifs sont la confusion avec des marques de commerce déposées antérieures en vertu de l’article 12(1)d), l’absence de droit à l’enregistrement conformément à l’article 16(1)a) et l’absence de caractère distinctif en vertu de l’article 2. Les enregistrements antérieurs de l’Opposante sont les suivants : SWISS NATURAL (LMC930,691); SWISS NATURAL (LMC785,482); SWISS NATUREL (LMC786,082); SWISS TOTAL ONE (LMC687,620); et SWISS NATURAL & Dessin (LMC872,054) (Enregistrements de l’Opposante). Les Enregistrements de l’Opposante couvrent un large éventail de suppléments et de produits de type multivitamines, ainsi que les services d’exploitation d’une entreprise se spécialisant dans de tels suppléments.

[8] Le 26 avril 2012, la Requérante a produit des contre-déclarations niant tous les motifs d’opposition.

[9] L’Opposante invoque l’affidavit de M. Peter Weiler à l’appui de l’opposition. Dans la défense de ses demandes, la Requérante invoque les affidavits de M. Adam Stark et Mme Prudence Etkin. Cette preuve est résumée ci-dessous. Les parties n’ont pas mené de contre-interrogatoire.

[10] Les parties ont produit des observations écrites pour chaque demande et ont participé à une audience où les affaires ont été entendues ensemble.

Aperçu de la preuve de l’Opposante

[11] J’ai lu et évalué l’ensemble de la preuve et je résumerai maintenant les parties les plus pertinentes.

[12] M. Weiler est le président de l’Opposante et occupe ce poste depuis 2018. Ses fonctions comprennent la supervision de l’entreprise, y compris les stratégies de marketing et de communication. Il gère des équipes internes et les oriente en marketing et annonce des marques, y compris ce qu’il appelle la marque SWISS NATUREL [affidavit Weiler, para 1 et 2]. Il atteste qu’il connaît le marché canadien des suppléments nutritionnels emballés [affidavit Weiler, para 3].

[13] M. Weiler affirme que l’Opposante et ses prédécesseurs en titre ont vendu [traduction] « des produits dans l’industrie des suppléments » au Canada en liaison avec la marque SWISS NATURAL depuis 1965 [affidavit Weiler, para 6]. De plus, il affirme que les prédécesseurs en titre de l’Opposante ont vendu des suppléments nutritionnels et des vitamines sous diverses marques de commerce [traduction] « formées de Swiss » depuis au moins 1969. Il fait référence à l’emploi antérieur des marques de commerce SWISS HERBAL REMEDIES et SWISS NATURAL SOURCES [affidavit Weiler, para 7].

[14] M. Weiler affirme également que depuis au moins juin 1996, l’Opposante ou ses prédécesseurs en titre ont vendu des suppléments nutritionnels et des vitamines au Canada sous les marques de commerce SWISS NATURAL et SWISS NATUREL [affidavit Weiler, para 7].

[15] M. Weiler explique que l’Opposante vend présentement plus de 60 types de vitamines et de suppléments en liaison avec les marques de commerce qui font l’objet des Enregistrements de l’Opposante. Il fournit des images représentatives de l’emballage, provenant du site Web de l’Opposante, illustrant les marques de commerce SWISS NATURAL and SWISS NATUREL [affidavit Weiler, para 8 et Pièce A].

[16] M. Weiler identifie et fournit des renseignements de la Base de données des marques de commerce de l’OPIC concernant les Enregistrements de l’Opposante.

[17] M. Weiler atteste des ventes ininterrompues des produits de marque SWISS NATURAL à la suite d’un achat en 2017 des Enregistrements de l’Opposante et de l’achalandage connexe par l’Opposante du prédécesseur en titre Valeant Canada LP [affidavit Weiler, para 10].

[18] M. Weiler explique que l’Opposante vend les produits énumérés dans les Enregistrements de l’Opposante en ligne et en magasin par l’entremise de divers détaillants, comme Amazon Canada, Rexall, Vitamart et Healthsnap. Il joint des imprimés de certains des sites Web connexes [affidavit Weiler, para 11 et Pièce C]. Il atteste qu’au moins 7 000 000 d’unités de produits SWISS NATURAL ont été vendues rien qu’en 2020 [affidavit Weiler, para 12 et 13].

[19] M. Weiler affirme que depuis au moins 1996, en ce qui concerne la marque de commerce SWISS NATURAL, et avant cette date en ce qui concerne les marques de commerce SWISS HERBAL REMEDIES et SWISS SOURCES NATURAL, les produits associés ont figuré parmi les gammes de vitamines et de suppléments les plus vendues au Canada. Il explique que, bien que les chiffres de ventes exacts soient confidentiels, l’Opposante ou ses prédécesseurs ont vendu plus de 5 millions de dollars de produits SWISS NATURAL au Canada par an depuis 2014. M. Weiler explique également qu’il n’avait pas accès à tous les chiffres de ventes avant l’achat des marques du prédécesseur en titre de l’Opposante, Valeant, à la fin de 2017, mais il croit que les ventes des produits liés aux Enregistrements de l’Opposante et à ce qu’il appelle les autres marques de commerce [traduction] « formées de SWISS » étaient significatives remontant au moins à 1969 [affidavit Weiler, para 10 et 12].

[20] M. Weiler fournit ce qu’il appelle des factures représentatives, qui portent la mention [traduction] « Bon de commande » plutôt que [traduction] « factures ». Ces documents sont datés de 2020. Il affirme que ceux-ci démontrent des ventes à divers détaillants canadiens [affidavit Weiler, para 13 et Pièce D].

[21] M. Weiler atteste de dépenses publicitaires de plus d’un million de dollars par an depuis au moins 2018. Parmi les formes de publicités employées on peut citer des bannières en ligne, des dépliants promotionnels, un site Web, des salons professionnels, du marketing aux points de vente, une chaîne YouTube et d’autres médias sociaux. Des exemples représentatifs et des renseignements supplémentaires, y compris le nombre de visites canadiennes, ont également été fournis [affidavit Weiler, para 15 à 27 et Pièces E à L].

[22] M. Weiler fournit également des documents d’archives illustrant le site Web du prédécesseur de l’Opposante. Les documents de site Web comprennent des illustrations des emballages d’années antérieures. Ceux-ci montrent SWISS NATURAL SOURCE et plus tard SWISS NATURAL.

Aperçu de la preuve de la Requérante

Affidavit Stark

[23] M. Stark est le directeur principal du Marketing numérique et du Marketing direct aux consommateurs pour la Requérante, avec des responsabilités qui comprennent la supervision de l’ensemble des aspects des produits de marque SWISSE de la Requérante en Amérique du Nord. Il affirme qu’il connaît le marketing et la promotion des suppléments au Canada et aux États-Unis, y compris les produits de marque SWISSE [affidavit Stark, para 1, 2 et 3].

[24] M. Stark fournit des données historiques concernant les origines australiennes de la Requérante [affidavit Stark, para 7]. Il explique que la gamme de produits de la Requérante comprend désormais des suppléments ainsi que des produits de soins pour la peau et de beauté. M. Stark fournit une copie du site Web de la Requérante. Il affirme que la Requérante vend ses produits directement au marché australien et par l’entremise de distributeurs dans plusieurs pays autres que le Canada [affidavit Stark, para 7 à 9 et Pièce A].

[25] M. Stark explique que, depuis 2019, les produits sont vendus au Canada par l’entremise de détaillants en ligne et il joint des imprimés des sites Web pertinents et des articles concernant la distribution et le marketing des produits. Il explique que les Canadiens peuvent également commander des produits directement à partir du site Web de la Requérante. Il joint des renseignements concernant l’expédition au Canada et ailleurs [affidavit Stark, para 11 à 13 et Pièces B1 à D].

[26] M. Stark fournit les chiffres de ventes mondiales totales de 2015 à 2021 et affirme que, depuis 2019, les revenus totaux générés par les ventes des produits au Canada ont dépassé 472 000 $ US [affidavit Stark, para 16]. Il fournit des exemples de documents de marketing et de promotion, dont certains, selon lui, ciblent les consommateurs canadiens. Il affirme que d’autres documents ont [traduction] « probablement été vus par le public canadien » [affidavit Stark, para 17 et 18 et Pièces E et F]. M. Stark conclut son témoignage en affirmant qu’il n’est pas au courant de la confusion entre les produits de la Requérante et ceux des autres [affidavit Stark, para 19].

Affidavit Etkin

[27] Mme Etkin est une avocate auprès des anciens Agents de marques de commerce de la Requérante. Elle affirme qu’elle effectue régulièrement des recherches dans la base de données du Bureau canadien des marques de commerce. Elle fournit diverses définitions du dictionnaire pour le mot « Swiss ». Elle explique qu’elle n’a pas pu trouver une entrée lorsqu’on lui a demandé de fournir une définition du dictionnaire pour « Swisse ». Elle fournit également la première page des résultats d’une recherche menée avec Google.ca pour la requête « Swisse » [affidavit Etkin, para 1 à 6 et Pièces A et B].

[28] Mme Etkin fournit également des copies de dix enregistrements, chacun contenant le terme « Swiss » et couvrant divers produits, ainsi que des sites Web qu’on lui a demandé de consulter [affidavit Etkin, para 7 et 8 et Pièces D et E].

Fardeau de preuve

[29] C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime d’établir, suivant la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois à l'Opposante de faire en sorte que chacun de ses motifs d'opposition soit dûment plaidé et de s'acquitter du fardeau de preuve initial en établissant les faits sur lesquels elle appuie ses motifs d'opposition [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst) à la p 298; Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA (2002), 20 CPR (4th) 155 (CAF)].

Enregistrabilité

[30] L’Opposante plaide que la Marque nominale et la Marque figurative ne sont pas enregistrables en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi à la lumière des Enregistrements de l’Opposante. Les parties conviennent de ce que tous les motifs d’opposition, y compris celui-ci, soulèvent la question de la probabilité de confusion entre la marque nominale de la Requérante et les marques de commerce de l’Opposante et entre la Marque figurative de la Requérante et les marques de commerce de l’Opposante. La date pertinente pour examiner le motif d’opposition fondé sur l’enregistrabilité est la date de ma décision [Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

[31] J’ai exercé mon pouvoir discrétionnaire pour consulter le registre et confirmer que les Enregistrements de l’Opposante existent toujours [Quaker Oats Co Ltd of Canada c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)]. L’Opposante s’est donc acquittée de son fardeau de preuve initial à l’égard de ce motif d’opposition en ce qui a trait à la fois à la Marque nominale et à la Marque figurative. Par conséquent, la Requérante a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucune probabilité de confusion entre la Marque nominale et l’une des marques de commerce de l’Opposante ou entre la Marque figurative et l’une des marques de commerce de l’Opposante.

[32] J’ai examiné chacun des Enregistrements de l’Opposante et je conclus que c’est l’enregistrement no LMC785,482, pour la marque de commerce SWISS NATURAL (Marque de commerce SWISS NATURAL) qui représente le meilleur argument de l’Opposante. La Requérante estime également que la Marque de commerce SWISS NATURAL constitue le meilleur argument de l’Opposante [observations écrites de la Requérante, para 54]. Si l’Opposante n’a pas gain de cause avec cette marque de commerce, je ne crois pas qu’elle obtiendra un résultat plus favorable avec l’une de ses autres marques de commerce déposées. Les produits et services liés à sa Marque de commerce SWISS NATURAL sont les suivants (les Produits de l’Opposante et les Services de l’Opposante) :

[traduction]

Suppléments alimentaires, suppléments protéiques, suppléments de vitamines et de minéraux, sous forme de comprimés, de gélules, sous forme liquide ou en poudre et suppléments à base de plantes médicinales, nommément gélules, comprimés, comprimés-capsules ou poudres contenant une ou plusieurs sortes de légumes séchés et/ou extraits de légumes, fruits séchés et/ou extraits de fruits, fleurs séchées et/ou extraits de fleurs, ail, huile de lin, huile de pépins de citrouille, huile d'onagre, lécithine, bleuets, extraits de canneberge, aloès, extraits de myrtilles, ginseng du Canada, poudre de cayenne, camomille, trèfle rouge, isoflavones, extraits de grande camomille, 5-HTP (griffonia simplicifolia), extraits de racines de gingembre, extraits de ginkgo bilobé, huile de germe de blé, luzerne, levure de bière, persil, tournesol, varech, millepertuis commun, racines d'igname velue, ou racines de plantes, extraits d'herbe de Saint-Christophe, griffe de chat, extraits de griffe du diable, dong quai, lutéine (extraits de souci), poudre/extraits d'ail, extraits de pépins de raisin, chardon Marie, ginseng sibérien, ginseng coréen, extraits de thé vert, extraits d'astragale, extraits de feuilles de stévia, extraits de feuilles d'ortie, menthe poivrée, extraits de curcuma, gelée royale, chlorophylle, extraits de cerises des Antilles, guggulipide, extraits de baies de gattilier, extraits de racines de bardane, extraits de soya, extraits de passiflore, extraits de mélisse, extraits de cenelle, feuilles de buchu, raisin d'ours, baies de genévrier, graines de céleri, gotu kola, racines de réglisse, feuilles de séné, cascara sagrada, racines de rhubarbe, racines de gentiane, racines de valériane, scutellaire, extraits de fleur de tilleul, extraits de houblon, marronnier d'Inde, feuilles d'hamamélis, fleurs d'achillée millefeuille, lycopène (tomate), tribulus (tribulus terrestris), extraits de pygeum, extraits de palmier nain, prêle des champs, echinacea angustifolia, echinacea purpurea, echinacea pallida, andrographis, écorce d'orme rouge, racines d'hydraste du Canada, huile d'eucalyptus, graines de fenouil, racines de bardane, extraits d'artichaut, gymnéma sylvestre, jus de prune, jus de baies de sureau en poudre, café vert, garginia et extraits de nerprun.

Exploitation d’une entreprise spécialisée dans les suppléments à base de plantes, les suppléments alimentaires, les suppléments protéiques ainsi que les suppléments vitaminiques et minéraux.

Test en matière de confusion

[33] Le test en matière de confusion est énoncé à l’article 6(2) de la Loi. Il prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice. L’article 6(2) de la Loi ne porte pas sur la confusion entre les marques de commerce elles-mêmes, mais sur la probabilité que des produits ou services provenant d’une source soient perçus comme provenant d’une autre source.

[34] Pour déterminer si deux marques de commerce prêtent à confusion, toutes les circonstances de l’espèce doivent être considérées, y compris celles énoncées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de produits, services ou entreprises; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques de commerce, y compris dans la présentation ou le son, ou dans les idées que les marques de commerce suggèrent. Ces critères ne sont pas nécessairement exhaustifs et, de plus, les divers facteurs se verront accorder un poids différent selon le contexte [Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22, [2006] 1 RCS 772 au para 54; Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, 49 CPR (4th) 401 (Veuve Clicquot)]. J’ai également tenu compte des conclusions de la Cour suprême du Canada dans Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27, 92 CPR (4th) 361 (Masterpiece), selon lesquelles c’est le degré de ressemblance entre les marques de commerce qui est souvent celui qui revêt le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion.

[35] Le test en matière de confusion est évalué comme une question de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue de la marque de commerce du requérant, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce de l’opposant et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques [Veuve Clicquot au para 20].

[36] À l’égard de ce motif fondé sur l’enregistrabilité, je commencerai par comparer la Marque nominale à la Marque de commerce SWISS NATURAL de l’Opposante. J’aborderai ensuite la Marque figurative de la Requérante.

La Marque nominale

Caractère distinctif inhérent et mesure dans laquelle les marques sont devenues connues

[37] Ce facteur comprend un examen du caractère distinctif combiné inhérent et acquis des marques de commerce des parties.

[38] Le caractère distinctif inhérent d’une marque de commerce fait référence à son originalité. Les marques de commerce composées dans l’ensemble, ou en partie, de mots qui sont descriptifs des produits ou services liés aux marques méritent une portée plus limitée de protection qu’un mot inventé, unique ou non descriptif ou qu’un dessin original [General Motors Corp c Bellows, [1949] RCS 678, 1949 Canlii 47 (CSC), citant Office Cleaning Services Ltd c Westminster Window & General Cleaners, Ltd (1946), 63 CPR 39 à la p 41 (HL); et Fairmont Resort Properties Ltd c Fairmont Management LP, 2008 CF 876].

[39] Comme l’a souligné le juge Bédard dans Philip Morris Products SA c Imperial Tobacco Canada Limited, 2014 CF 1237, citant Apotex Inc c Canada (Registraire des marques de commerce), 2010 CAF 31, la question de savoir si une marque de commerce est distinctive est une question de fait qui doit être jugée en fonction du message que la marque transmet au consommateur ordinaire des produits ou services en question lorsque la marque est considérée dans sa globalité et sous l’angle de la première impression.

[40] La Requérante soutient que sa Marque nominale possède un caractère distinctif inhérent en raison de l’absence d’une définition du dictionnaire pour « Swisse » et elle allègue que la Marque nominale est un mot inventé [observations écrites de la Requérante, para 64 et 65]. L’Opposante fait valoir que le caractère distinctif inhérent des marques de commerce des parties est généralement similaire, mais que le caractère distinctif inhérent de ses marques de commerce est légèrement plus élevé [observations écrites de l’Opposante, para 32 et 33].

[41] Mme Etkin fournit la preuve que « Swisse » n’est pas un mot. Sa preuve indique également que le mot « Swiss » signifie [traduction] « de la Suisse, ou lié à la Suisse, de son peuple ou lié à son peuple » [affidavit Etkin, Pièce A]. À l’égard de la signification du deuxième mot dans la Marque de commerce SWISS NATURAL de l’Opposante, j’ai exercé mon pouvoir discrétionnaire pour consulter les définitions du dictionnaire [voir Yahoo! Inc c audible.ca inc (2009), 76 CPR (4th) 222 (COMC)]. Je note que le dictionnaire Oxford Dictionary (2e édition) définit « natural » par [traduction] « existant dans la nature, ou causé par la nature; non artificiel ». La Marque de commerce SWISS NATURAL de l’Opposante est donc suggestive ou descriptive des Produits de l’Opposante et des Services de l’Opposante en ce que ceux-ci sont de la Suisse, ou sont liés à la Suisse ou à ses habitants et qu’ils existent dans la nature, ou sont causés par la nature, et ne sont pas artificiels.

[42] La Marque nominale, à tout le moins lorsque prononcée, est pareillement descriptive ou suggestive que les produits couverts par la demande sont de la Suisse, ou se rapportent à la Suisse ou ses habitants. Je ne considère pas que l’ajout de la lettre « e » à SWISS occulte la connotation descriptive ou suggestive du terme.

[43] La Marque nominale et la Marque de commerce SWISS NATURAL manquent toutes deux de caractère distinctif inhérent et sont des marques faibles. Même si, comme discuté ci-dessous, la marque de commerce de l’Opposante a acquis un caractère distinctif du fait de l’emploi et de la promotion, l’absence de caractère distinctif inhérent qu’elle recèle ne peut pas être ignorée [voir London Drugs Limited c International Clothiers Inc, 2014 CF 223 au para 53]. Par conséquent, le caractère distinctif inhérent ne favorise aucune partie en raison de la nature suggestive ou descriptive des marques de commerce.

[44] Cependant, le caractère distinctif peut également être acquis par l’emploi et la promotion [Sarah Coventry Inc c Abrahamian (1984), 1 CPR (3d) 238 (CF 1re inst); GSW Ltd c Great West Steel Industries Ltd (1975), 22 CPR (2d) 154 (CF 1re inst)]. En effet, grâce à un emploi et une promotion étendus, le propriétaire d’une marque de commerce, même clairement descriptive, pourrait s’acquitter du lourd fardeau d’établir que la marque de commerce est devenue distinctive.

[45] La preuve indique que les ventes canadiennes totales de la Requérante au cours des années entre 2019 et la date de production de l’affidavit Stark en juillet 2022 ont dépassé 472 000 $ US [affidavit Stark, par 16]. La Requérante concède ce fait, disant que la preuve de M. Weiler démontre que les marques de commerce SWISS NATURAL [traduction] « ont acquis un caractère distinctif grâce à des ventes et des publicités significatives depuis au moins aussi tôt que 1996 » [observations écrites de la Requérante, para 67]. Bien que je sois d’accord que la preuve suggère qu’il y a eu emploi de la Marque de commerce SWISS NATURAL remontant jusqu’à au moins 1996, je note que M. Weiler n’est pas précis concernant l’ampleur des premières ventes. En fait, il affirme qu’il n’avait pas accès à tous les chiffres de vente avant que l’Opposante n’acquière le prédécesseur en titre en 2017 [affidavit Weiler, para 7 et 12]. En ce qui a trait à la période avant 1996, je note que M. Weiler s’appuie sur l’expression générale faisant référence aux marques de commerce [traduction] « formées de SWISS » [affidavit Weiler, para 12]. L’ambiguïté est significative, puisque les revendications concernant l’emploi antérieur comprennent une référence à des marques de commerce qui ne sont pas identifiées dans la déclaration d’opposition; par exemple, SWISS NATURAL SOURCES et SWISS HERBAL REMEDIES [affidavit Weiler, para 7 et 12]. Il est bien entendu interdit à l’Opposante de s’appuyer sur des marques de commerce autres que celles identifiées dans sa Déclaration d’opposition [pour la proposition générale qu’un opposant ne peut pas invoquer un motif d’opposition non plaidé, voir Massif Inc c Station Touristique Massif du Sud (1993) Inc 2011 CF 424, 95 CPR (4th) 249 (CF 1re inst)].

[46] La preuve démontre des ventes annuelles par l’Opposante de plus de cinq millions de dollars par an depuis 2014 [affidavit Weiler, para 12]. Toutefois, il n’est pas possible d’évaluer dans quelle mesure le prédécesseur en titre de l’Opposante a employé la Marque de commerce SWISS NATURAL, entre 1996 et 2014, même si la preuve appuie l’inférence qu’il y a eu un certain emploi au cours de cette période. En ce qui a trait à la publicité et à la promotion, la preuve indique que depuis 2018, les dépenses publicitaires annuelles ont dépassé un million de dollars. Il n’est pas clair dans quelle mesure les Produits de l’Opposante et les Services de l’Opposante ont fait l’objet de promotion avant 2018, mais M. Weiler atteste de [traduction] « dépenses annuelles en matière de publicité et de commerce » de plus d’un million de dollars [affidavit Weiler, para 15 à 18]. Il est clair que depuis au moins aussi tôt que 2014, les ventes et la promotion des Produits de l’Opposante étaient significatives. Quel que soit l’ampleur des ventes avant 2014 et de la publicité avant 2018, la Requérante concède, et je suis d’accord, que la Marque de commerce SWISS NATURAL est connue au Canada dans une plus grande mesure que la Marque nominale [observations écrites de la Requérante, para 67]. Ainsi, le caractère distinctif inhérent et l’étendue dans laquelle les marques de commerce des parties sont devenues connues favorisent l’Opposante, bien que ce ne soit pas de façon considérable en raison du caractère descriptif de SWISS et de NATURAL et par conséquent de la faiblesse de la Marque de commerce SWISS NATURAL.

Genre des produits et voies de commercialisation

[47] Les produits couverts par la demande comprennent deux catégories distinctes. Comme l’a concédé la Requérante au paragraphe 70 de ses observations écrites, les produits suivants chevauchent directement les Produits de l’Opposante (Suppléments) :

[traduction]

Suppléments alimentaires pour la santé et le bien-être en général; suppléments nutritifs pour la santé et le bien-être en général; vitamines, suppléments vitaminiques et préparations vitaminiques; suppléments alimentaires minéraux, suppléments alimentaires de minéraux; stimulants (vitamines); stimulants faits de minéraux; suppléments à base de plantes pour la santé et le bien-être en général; suppléments protéinés pour les humains, nommément suppléments alimentaires protéinés en poudre et liquides.

[48] L’Opposante affirme que les produits respectifs des produits des parties sont similaires ou identiques [observations écrites de l’Opposante, para 45 à 48]. Cependant, cette caractérisation ignore le fait que la demande comporte non seulement des suppléments, mais des produits qui sont essentiellement des produits de soins de la peau et des cheveux. Les Produits de l’Opposante diffèrent des produits suivants de la Requérante (Produits de soins de la peau et des cheveux de la Requérante) :

[traduction]

Produits de soins de la peau; savons de soins du corps; crèmes et lotions à usage cosmétique; shampooings et produits de soins capillaires; masques de beauté et nettoyants pour le visage; nettoyants et toniques cosmétiques pour la peau.

[49] Les Produits de soins de la peau et des cheveux de la Requérante, appliqués ou employés sur le corps, sont intrinsèquement différents des Produits de l’Opposante, lesquels sont ingérés sous forme de comprimés, de capsules, de liquide ou de poudre. Il n’y a aucune preuve qui suggère un lien entre les suppléments et les Produits de soins de la peau et des cheveux. J’estime donc que, bien que le genre des produits, services et entreprises favorise fortement l’Opposante à l’égard des Suppléments, ce facteur favorise la Requérante à l’égard des Produits de soins de la peau et des cheveux en raison des différences dans la nature inhérente et essentielle de ces produits.

[50] L’Opposante soutient que les voies de commercialisation sont identiques [observations écrites de l’Opposante, para 50 à 56]. Je suis d’accord qu’un certain chevauchement existe et je note que les deux parties utilisent, par exemple, Amazon.ca et well.ca de Rexall pour vendre leurs produits respectifs. De plus, je suis consciente que rien n’empêche la Requérante de vendre ses produits par l’entremise d’autres magasins ou voies de commercialisation utilisés par l’Opposante.

[51] Bien que l’on puisse s’attendre à ce que les Suppléments apparaissent avec les Produits de l’Opposante en raison de leur nature similaire, il n’en va pas nécessairement de même pour les Produits de soins de la peau et des cheveux de la Requérante. Il n’y a aucune preuve pour suggérer que les Produits de soins de la peau et des cheveux apparaîtraient avec les Produits de l’Opposante, ou à proximité immédiate de ceux-ci, sur ces grandes plateformes en ligne ou dans ces établissements de vente au détail qui vendent plusieurs variétés de produits [voir Van Melle Nederland B.V. c Principal Marques Inc (2000), 35 CPR (4th) 173 et 184391 Canada Inc c Vego Good Food GmbH, 2022 COMC 154]. De même, il n’y a aucune preuve d’un lien entre les services de l’Opposante et les Produits de soins de la peau et des cheveux de la Requérante. Par conséquent, l’importance des voies de commercialisation communes, réelles ou potentielles, est diminuée en ce qui a trait aux Produits de soins de la peau et des cheveux.

[52] En résumé, les facteurs du genre des produits et de la nature des voies de commercialisation favorisent fortement l’Opposante à l’égard des Suppléments. Cependant, le genre des Produits de soins de la peau et des cheveux diffère de celui des Produits de l’Opposante et des Services de l’Opposante et, pour cette raison, ce facteur favorise la Requérante à l’égard des Produits de soins de la peau et des cheveux. Les voies de commercialisation qui concernent les Produits de soins de la peau et des cheveux ne favorisent aucune des parties dans une mesure significative compte tenu des différences entre ces produits et les Produits et Services de l’Opposante, ainsi que du large éventail de produits vendus par l’entremise des voies de commercialisation.

Période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[53] Comme discuté ci-dessus, l’Opposante a employé la Marque de commerce déposée depuis au moins 1996. Je note que la Requérante démontre un emploi répandu de la Marque nominale à l’extérieur du Canada; toutefois, un tel emploi n’est pas pertinent pour la présente procédure. La preuve indique que la Marque nominale a été employée au Canada depuis 2019.

[54] Dans Pink Panther Beauty Corp c United Artists Corp, 1998 CanLII 9052 (CAF), [1998] 3 CF 534 (CAF) au para 25, la Cour d’appel fédérale confirme que la durée d’emploi d’une marque de commerce est un facteur qui doit être analysé dans l’évaluation de la confusion :

[traduction]

La période pendant laquelle une marque a été en usage est […] un facteur susceptible de faire naître la confusion chez le consommateur quant à l’origine des marchandises ou des services. Par rapport à une marque qui fait son apparition, une marque qui est employée depuis longtemps est présumée avoir fait une certaine impression à laquelle il faut accorder un certain poids. Il importe de se rappeler que l’« emploi » ou l’« usage » est un terme défini dans la Loi, et qui a, par conséquent, un sens particulier.

[55] Ce facteur favorise l’Opposante.

Degré de ressemblance

[56] Il est bien établi en droit que, lorsqu’il s’agit d’évaluer le degré de ressemblance, il faut examiner les marques de commerce dans leur totalité. Il n’est pas correct de comparer les marques côte à côte et d’observer des ressemblances ou des différences entre les éléments des marques de commerce.

[57] L’Opposante soutient que la ressemblance entre les marques de commerce des parties est significative et frappante. Elle soutient également que les clients supposeraient simplement que « E » est muet ou qu’une orthographe fantaisiste est employée [observations écrites de l’Opposante, para 60]. La Requérante soutient que la présence du terme NATURAL distingue les marques de commerce [observations écrites de la Requérante, para 58]. Elle soutient également qu’un « E » à la fin de la Marque nominale change la signification et la prononciation [observations écrites de la Requérante, para 59 et 60].

[58] Dans Masterpiece, précitée, au para 64, la Cour suprême indique qu’il est préférable, lorsqu’on compare des marques de commerce, de se demander d’abord si un aspect est particulièrement frappant ou unique. Cependant, je n’estime pas que SWISS ou NATURAL soient particulièrement frappants ou uniques compte tenu de la nature suggestive ou descriptive de ces mots, comme il en a été question ci-dessus. J’estime qu’il est approprié de se concentrer sur les marques de commerce des parties dans leur ensemble, tout en gardant à l’esprit le principe selon lequel le premier mot ou la première syllabe est souvent le plus important aux fins de la distinction [Conde Nast Publications Inc c Union des éditions modernes (1979), 46 CPR (2d) 183 (CF 1re inst)].

[59] Les marques des parties partagent une première partie très semblable et se ressemblent donc dans une certaine mesure. Je crains que je doive être en désaccord avec la Requérante sur le fait que la Marque nominale est un mot inventé distinctif en raison de l’ajout de la lettre « e » à « Swiss ». Rien dans la preuve ne suggère que la variation mineure d’un « e » supplémentaire permette à la Marque nominale de communiquer une signification autre que [traduction] « Suisse ». De plus, je ne suis pas convaincue que la Marque nominale serait prononcée d’une autre façon que « Swiss ». Bien que l’ajout d’un « e » terminal à « Swiss » entraîne une différence mineure dans les marques de commerce dans la présentation, cette différence est si petite au point d’être insignifiante. À la lumière de la ressemblance des premières parties, je conclus que lorsqu’elles sont observées dans leur ensemble, les différences entre les marques des parties ne sont pas suffisamment importantes pour contrebalancer les ressemblances entre les marques de commerce des parties et que les marques de commerce se ressemblent malgré le fait que le caractère descriptif de NATURAL fait peu pour les distinguer. Cela dit, en raison de la nature descriptive et donc de la faiblesse de la Marque de commerce SWISS NATURAL, bien que le facteur favorise l’Opposante, il ne le fait que légèrement.

Circonstance de l’espèce – Produits de santé

[60] La Requérante soutient que les produits liés à la santé, souvent dans des emballages avec d’importants renseignements sur la santé, seront examinés plus attentivement par les consommateurs qui font des achats [observations écrites de la Requérante, para 71]. À l’appui, la Requérante invoque une décision de la Cour d’appel fédérale [Clorox Company of Canada, Ltd c Chloretec SEC, 2020 CAF 76, aux para 34 et 35] (Clorox). Bien que j’accepte que certains achats puissent être examinés avec plus d’attention que d’autres, je ne trouve rien dans la preuve qui permet de suggérer que ce sera le cas pour les produits ou services des parties. Il ne s’agit pas de produits de grande valeur ou de produits de niche comme c’était le cas dans Clorox, qui concernait des quantités d’eau de javel transportées par camions-citernes. Dans la mesure que l’emballage de l’Opposante contient des renseignements, j’estime qu’il ne s’agit que d’informations sur la composition du produit ainsi que l’affection qu’il pourrait être censé traiter. Je ne considère pas que les Produits de l’Opposante arborent d’importants renseignements de santé qui pourraient mener les consommateurs à faire preuve de plus d’attention au moment de l’achat.

Circonstance de l’espèce – Notoriété de la Marque de commerce déposée

[61] La Requérante soutient que la notoriété des marques de commerce de l’Opposante est une arme à double tranchant et que la réputation accrue liée aux Produits de l’Opposante réduit la probabilité de confusion, invoquant Adidas Ag c Globe International Nominees Pty Ltd, 2015 CF 443 aux para 63 et 64 [observations écrites de la Requérante, para 52]. Cependant, bien que la preuve démontre que l’étendue dans laquelle les marques de commerce sont devenues connues et ont acquis un caractère distinctif favorise l’Opposante, il s’agit d’une marque faible en raison de sa nature descriptive. La preuve n’établit pas que la Marque de commerce SWIS NATURAL est devenue si célèbre que la probabilité de confusion serait réduite.

Circonstance de l’espèce – Confusion réelle

[62] La Requérante fait valoir que l’absence de preuve de confusion réelle entre la Marque nominale et la Marque de commerce SWISS NATURAL est une autre circonstance de l’espèce [observations écrites de la Requérante, para 72 et 73].

[63] La mesure dans laquelle une conclusion peut être tirée d’une absence de confusion réelle dépend des circonstances [Scott Technologies Inc c 783825 Alberta Ltd, 2015 CF 1336 au para 69]. La Cour a souligné ce qui suit :

[traduction]

La mesure dans laquelle un tribunal peut tirer une conclusion à partir d’une absence de confusion réelle dépend des circonstances. Dans l’affaire Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd, 1987 Canlii 8953 (CAF), [1988] 3 CF 91 (Mr Submarine), la Cour d’appel fédérale a reconnu au paragraphe 29 que l’absence de preuve de confusion réelle était « un fait important », étant donné que les parties avaient utilisé leurs marques de commerce respectives en lien avec des entreprises de restauration de la région de Dartmouth au cours des dix années antérieures. Il convient de comparer cet arrêt avec la décision Absolute Software Corporation c Valt. X Technologies Inc, 2015 CF 1203 (Absolute) dans laquelle j’ai conclu au paragraphe 8 que ce manque de preuve de confusion réelle n’était [traduction] « pas surprenant, étant donné que la défenderesse est une entreprise en démarrage et en croissance et qu’elle avait vendu jusqu’alors moins de 2 000 $ de produits ».

[64] Je note que la période de chevauchement d’emploi de la Marque nominale et de la Marque de commerce SWISS NATURAL s’est au mieux étendue entre 2019 et juillet 2022. Comme l’a fait valoir l’Opposante, le moment des ventes au cours de cette période est indéterminé [observations écrites de l’Opposante, para 43]. Bon nombre des ventes, ou la plupart de celles-ci, auraient pu avoir lieu en 2022, entraînant une courte période au cours de laquelle les produits étaient disponibles dans une quelconque quantité importante dans le marché canadien. De plus, il n’est pas clair dans quelle mesure les ventes concernaient les Produits de soins de la peau et des cheveux plutôt que les Suppléments. De plus, même si les ventes avaient eu lieu sur l’ensemble de la période, cela reste une période relativement courte pendant laquelle des cas de confusion réelle pourraient être portés à l’attention de l’Opposante. De plus, je note que l’ampleur des ventes de la Requérante n’est pas écrasante. Par conséquent, je ne considère pas que les faits dont je dispose appuient une allégation d’emploi concurrent important des marques de commerce des parties à un degré qui justifierait de tirer une inférence défavorable de l’absence de preuve de confusion réelle [Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA (2002), 20 CPR (4th) 155 (CAF) à la p 164]. Par conséquent, l’absence de preuve de confusion réelle n’est pas une circonstance de l’espèce pertinente.

Circonstance de l’espèce – Emploi ou enregistrement par des tiers

[65] La Requérante fait valoir qu’en raison de la coexistence de plusieurs marques de commerce de tiers contenant le mot SWISS, le consommateur moyen serait plus apte à distinguer les marques de commerce des parties [observations écrites de la Requérante, para 75 à 77].

[66] Je ne considère pas que la preuve appuie la position de la Requérante dans une quelconque mesure significative. À cet égard, je note que plusieurs des marques de commerce de tiers trouvées par Mme Etkin couvrent des produits qui n’ont essentiellement aucun lien avec ceux des parties. Par exemple, l’enregistrement nLMC468,759 pour SWISS DELICE & Dessin couvre des produits alimentaires, l’enregistrement n779,675 pour SWISS NAVY couvre des produits de soins personnels comme des lubrifiants et des condoms, l’enregistrement no LMC803,269 pour SWISSDENT DENTAL COSMETICS couvre des produits et des services dentaires et l’enregistrement no LMC809165 pour SWISS SMILE couvre également des produits dentaires. De plus, d’autres marques de commerce de tiers contiennent des parties distinctives, les rendant moins semblables à la Marque de commerce SWISS NATURAL que la Marque nominale ou la Marque figurative. Par exemple, l’enregistrement no LMC984,144 pour SWISS SHAPE & Dessin, l’enregistrement no LCM785,053 pour METHOD SWISS BEAUTY CARE & Dessin, l’enregistrement nLMC733,545 pour SWISSAIR, l’enregistrement no LMC363,238 pour SWISS SPA et l’enregistrement nLMC598,656 pour SWISSIRON & Dessin contiennent tous des éléments qui distinguent ces marques de commerce des autres contenant SWISS. J’estime qu’une seule des marques de commerce de tiers ressemble à la Marque de commerce SWISS NATURAL autant que la Marque nominale, à savoir l’enregistrement no LMC543,742 pour SWISS NATURE & Dessin. Cet enregistrement ne couvre pas des produits semblables à ceux de l’Opposante.

[67] Pour les raisons discutées ci-dessus, et en raison du petit nombre de marques de commerce identifiées, la preuve n’arrive pas à démontrer l’adoption et l’emploi répandus de marques de commerce similaires par des tiers dans un domaine pertinent. Par conséquent, les marques de commerce de tiers ne sont pas une circonstance de l’espèce significative.

Conclusion – Confusion

[68] La question relative à la confusion à trancher est de savoir si un consommateur typique ayant un souvenir imparfait de la Marque de commerce SWISS NATURAL, en voyant la Marque nominale en liaison avec les Suppléments et les Produits de soins de la peau et des cheveux, serait susceptible de penser que les produits et services des parties partagent une source commune.

[69] L’Opposante a démontré que sa Marque de commerce SWISS NATURAL est employée depuis un certain temps et qu’elle est connue dans une certaine mesure au Canada. Le genre des Suppléments de la Requérante, ainsi que le commerce connexe, chevauchent les Produits de l’Opposante et les Services de l’Opposante. À la lumière de cela, ainsi que du fait qu’il existe une certaine ressemblance entre les marques de commerce, je conclus que la prépondérance des probabilités entre la conclusion selon laquelle il n’y a aucun risque raisonnable de confusion et celle selon laquelle il y a un risque raisonnable de confusion favorise l’Opposante malgré la faiblesse de la Marque de commerce SWISS NATURAL. Par conséquent, je refuse la demande pour des Suppléments. Toutefois, en ce qui a trait aux Produits de soins de la peau et des cheveux de la Requérante, j’arrive à la conclusion contraire. Le genre différent de ces produits entraîne une prépondérance des probabilités qui favorise la Requérante, malgré l’emploi et la révélation par l’Opposante de sa Marque de commerce déposée et la ressemblance entre les marques de commerce. J’accepte par conséquent la demande pour les Produits de soins de la peau et des cheveux. Le motif fondé sur l’article 12(1)d) est donc partiellement accueilli pour la Marque nominale.

La Marque figurative

[70] L’analyse de la probabilité de confusion entre la Marque de commerce SWISS NATURAL de l’Opposante, laquelle constitue de nouveau le meilleur argument de l’Opposante, et la Marque figurative est très semblable à l’évaluation ci-dessus menée avec la Marque nominale. En ce qui concerne les différences, la Requérante soutient que l’ajout de couleurs vives et d’éléments figuratifs fournit une différenciation supplémentaire par rapport à la Marque de commerce SWISS NATURAL de l’Opposante [observations écrites de la Requérante, para 61]. L’Opposante fait valoir que les éléments figuratifs ne sont rien de plus que de simples formes géométriques et, en tant que tels, n’ajoutent pas de caractère distinctif inhérent et ne peuvent pas être considérés comme frappants ou uniques.

[71] Je suis d’accord que les éléments ovales et rectangulaires sont de simples dessins de formes géométriques et ne contribuent pas de façon importante au caractère distinctif de la Marque figurative [voir Levi Strauss & Co c Vivant Holdings Ltd (2003), 34 CPR (4th) 53 (COMC)]. En ce qui concerne les revendications de couleurs, je suis consciente du fait que l’enregistrement pour la Marque de commerce SWISS NATURAL de l’Opposante accorde à l’Opposante le droit d’employer la marque de commerce dans n’importe quelle couleur ou combinaison de couleurs [British Drug Houses Ltd c Battle Pharmaceuticals, 1944 CanLII 308 (CA EXC) à la p 247]. Ainsi, la revendication de couleurs de la Requérante à l’égard d’au moins le mot SWISSE n’aide pas à distinguer la Marque figurative de la Marque de commerce SWISS NATURAL. Bien que le rectangle rouge englobant un ovale noir entraîne une ressemblance visuelle légèrement moindre, cela n’est pas suffisant pour modifier l’analyse ou le résultat discutés ci‑dessus concernant la Marque nominale. Ces caractéristiques figuratives relativement mineures ne seraient pas prononcées et ne communiqueraient aucune signification particulière qui pourrait différencier la Marque figurative de la Marque de commerce SWISS NATURAL. Les caractéristiques figuratives supplémentaires et les revendications de couleurs ne sont donc pas suffisamment significatives pour modifier le résultat de l’évaluation de la probabilité de confusion menée ci-dessus concernant la Marque nominale. Plus particulièrement, bien que le caractère distinctif inhérent de la Marque figurative soit très légèrement plus élevé que celui de la Marque nominale et qu’il y ait un peu moins de ressemblance dans la présentation, le son ou les idées suggérées entre la Marque figurative et la Marque de commerce SWISS NATURAL, les conclusions à l’égard de cette analyse et du résultat de ces facteurs demeurent essentiellement les mêmes que celles discutées ci-dessus pour la Marque nominale.

[72] Par conséquent, j’estime à l’égard de la Marque figurative que : i) l’Opposante a démontré que sa marque de commerce était employée depuis un certain temps et était connue dans une certaine mesure au Canada; ii) le genre des Suppléments et le commerce connexe chevauchent les Produits de l’Opposante et les Services de l’Opposante; et iii) les marques de commerce se ressemblent dans une certaine mesure. Compte tenu de ce qui précède, je conclus que la question de confusion, selon la prépondérance des probabilités, favorise l’Opposante malgré la faiblesse de la Marque de commerce SWISS NATURAL. Par conséquent, je refuse la demande pour les Suppléments. J’arrive à une conclusion différente en ce qui a trait aux Produits de soins de la peau et des cheveux de la Requérante. Le genre différent de ces produits et services des parties entraîne une prépondérance des probabilités qui favorise la Requérante, malgré l’emploi et la révélation par l’Opposante de sa marque de commerce et la ressemblance entre les marques de commerce des parties. Je refuse donc l’opposition à l’égard des Produits de soins de la peau et des cheveux. Le motif fondé sur l’article 12(1)d) est donc partiellement accueilli pour la Marque figurative également.

Absence de droit à l’enregistrement et caractère distinctif

[73] La date pertinente pour un motif d’opposition fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement en vertu de l’article 16(1)a) est la date de production des demandes, à savoir le 31 janvier 2017 et le 12 juin 2017. La date pertinente pour un motif fondé sur le caractère distinctif en vertu de l’article 2 est la date de production des oppositions, à savoir le 17 avril 2020. Ces deux motifs portent sur la question de la probabilité de confusion.

[74] La preuve de l’Opposante, résumée aux paragraphes 11 à 21 de cette décision, est suffisante pour lui permettre de s’acquitter de son fardeau de preuve dans le cadre des motifs d’opposition fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement et l’absence de caractère distinctif. Je reconnais que le caractère distinctif acquis de la Marque de commerce déposée de l’Opposante et la période pendant laquelle elle a été employée sont moindres à ces dates. Cependant, l’emploi de la Requérante est également affecté. En fait, c’est après 2019 que la Requérante a employé pour la première fois la Marque nominale ou la Marque figurative. Ainsi, à ces dates de production, la Requérante ne pouvait faire valoir aucun emploi de la Marque nominale ou de la Marque figurative. J’estime que le résultat de l’analyse de la confusion menée ci-dessus ne serait pas différent en employant n’importe laquelle de ces dates pertinentes antérieures et qu’il existe une probabilité raisonnable de confusion entre les marques de commerce des parties à l’égard des Suppléments, mais pas à l’égard des Produits de soins de la peau et des cheveux. Les motifs fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement et le caractère distinctif sont, par conséquent, également accueillis en partie pour la Marque nominale et la Marque figurative.

Décision

[75] Pour les raisons exposées ci-dessus et dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette les demandes d’enregistrement selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi à l’égard des Suppléments, nommément :

[traduction]

Cl 3 […]

Cl 5 Suppléments alimentaires pour la santé et le bien-être en général; suppléments nutritifs pour la santé et le bien-être en général; vitamines, suppléments vitaminiques et préparations vitaminiques; suppléments alimentaires minéraux, suppléments alimentaires de minéraux; stimulants (vitamines); stimulants faits de minéraux; suppléments à base de plantes pour la santé et le bien-être en général; suppléments protéinés pour les humains, nommément suppléments alimentaires protéinés en poudre et liquides.

et je rejette les oppositions selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi à l’égard des Produits de soins de la peau et des cheveux, nommément :

[traduction]

Cl 3 Produits de soins de la peau; savons de soins du corps; crèmes et lotions à usage cosmétique; shampooings et produits de soins capillaires; masques de beauté et nettoyants pour le visage; nettoyants et toniques cosmétiques pour la peau.

Cl 5 […]

 

 

 

_______________________________

Coleen Morrison

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

William Desroches

Félix Tagne Djom

Manon Duchesne Osborne


 

Comparutions et agents inscrits au dossier

DATE DE L’AUDIENCE : 2023-12-01

COMPARUTIONS

Pour l’Opposante : Simon Hitchens

Pour la Requérante : Jonathan Burkinshaw

AGENTS AU DOSSIER

Pour l’Opposante : Faskin Martineau DuMoulin LLP

Pour la Requérante : Bereskin & Parr LLP/S.E.N.C.R.L., s.r.l.

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