Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2024 COMC 71

Date de la décision : 2024-04-02

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE D’UNE OPPOSITION

Opposante : Blizzard Sport GmbH

Requérante : GARANT GP

Demande : 1,937,005 pour BLIZZARD

Introduction

[1] Blizzard Sport GmbH (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce BLIZZARD (la Marque), qui fait l’objet de la demande d’enregistrement no 1,937,005, produite par GARANT GP (la Requérante) sur la base de l’emploi de la Marque au Canada depuis au moins aussitôt qu’août 2012 en liaison avec des « brosses à neige » de la classe 21 de Nice.

[2] La demande relative à la Marque a été produite le 19 décembre 2018 et a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 11 mai 2022.

[3] Le 11 juillet 2022, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition alléguant des motifs d’opposition en vertu des articles 12(1)d), 16(1)a), 2, et 38(2)e) et f) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi). La plupart de ces motifs d’opposition se fondent sur la détermination de la probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce BLIZZARD, antérieurement employée principalement en liaison avec des skis.

[4] Le 17 août 2022, la Requérante a produit et signifié sa contre-déclaration.

[5] Seule l’Opposante a produit de la preuve, dont les parties les plus pertinentes sont résumées ci-dessous. Aucune des parties n’a produit d’observations écrites et aucune audience n’a été tenue.

Résumé de la preuve de l’Opposante

[6] À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit des copies certifiées de son enregistrement de marque de commerce invoqué no°LMC144,156 et du dossier de la demande pour la Marque, ainsi que deux affidavits de Stefano Trentin. M. Trentin n’a pas été contre-interrogé par la Requérante.

Premier affidavit Trentin

[7] M. Trentin est le gestionnaire, Unité de gestion, de Blizzard-Tecnica, une division de Tecnica Group S.p.A., une société italienne (Tecnica Group) et est, notamment, responsable de la coordination, de la supervision et de la production de rapports des ventes de produits de marque BLIZZARD de Tecnica Group au Canada, de la satisfaction des clients au Canada à l’égard des produits de marque BLIZZARD, du développement des relations de Tecnica Group avec les détaillants canadiens et du positionnement de sa marque, y compris la façon dont la marque BLIZZARD est présentée, positionnée et distribuée au Canada. (para 1 à 4 et 11)

[8] Tecnica Group est un fabricant italien d’équipements sportifs présent dans le marché des chaussures et des sports d’hiver, créé dans les années 1960. L’Opposante est une société autrichienne d’équipements sportifs créée en 1945 et spécialisée dans la fabrication d’équipements de ski alpin. M. Trentin fournit quelques renseignements sur les prédécesseurs en titre de l’Opposante et indique que l’Opposante est devenue une filiale en propriété exclusive de Tecnica Group en 2006-2007. Les marques de commerce canadiennes de l’Opposante ont été cédées à Tecnica Group à compter du 31 décembre 2022. (para 7 à 13 et 18; Pièces A, C et E)

[9] Plus précisément, M. Trentin indique que l’Opposante conçoit et fabrique tous les produits de marque BLIZZARD et les vend à Tecnica Group qui gère leur distribution, et reçoit tous ces produits sous leur forme finie, tels qu’ils sont distribués et éventuellement vendus aux détaillants canadiens et aux coureurs professionnels sans aucune étiquette ni aucun emballage ajouté (para 14 à 17; Pièce B).

[10] M. Trentin fournit d’autres renseignements sur l’Opposante et la réputation des skis BLIZZARD, sur les distributeurs et les détaillants canadiens, sur le parrainage de skieurs canadiens, ainsi que divers documents montrant comment la marque BLIZZARD a été employée, promue et annoncée au fil des ans, y compris au Canada, principalement en liaison avec des skis. Ces documents comprennent des catalogues (1964 et 2016‑2022), un bulletin d’information (1964), une brochure (1978), un tableau de réglage des skis et un dimensionneur (2019), des photographies d’équipes de ski/de médaillés et de leurs skis (1982, 1984, 2014), des critiques de produits sur YouTube (2016, 2020‑2021), des articles de Wikipédia sur des événements de ski et des skieurs de compétition, ainsi que des extraits et des articles de journaux et de magazines (The Toronto Star (1988), Ski Canada Magazine (1998-2022)). (para 19 à 28 et 36 à 44; Pièces D à G et K à N).

[11] M. Trentin indique que la part de marché des produits de la marque BLIZZARD sur le marché canadien du ski est d’environ 5,5 % et que ces produits sont destinés à être positionnés comme une marque de ski de compétition haut de gamme (para 29 et 30).

[12] En ce qui concerne les ventes, M. Trentin fournit des rapports de vente partiellement expurgés pour 1987, 1989, 1990 et 1991 indiquant le prix de gros des produits de marque BLIZZARD expédiés au Canada par l’Opposante et les recettes de gros générées par la vente de ces produits au Canada. Il déclare que les recettes annuelles moyennes au Canada à cette époque s’élevaient à environ 1 721 100 $. M. Trentin indique également les ventes en gros de skis et d’accessoires de marque BLIZZARD réalisées entre 2010 et 2021 par Tecnica Group à Tecnica Group Canada et par Tecnica Group Canada à des détaillants canadiens‒soit en moyenne entre 2,2 millions de dollars et 2,8 millions de dollars par an ‒ et joint des exemples de factures pour certaines de ces ventes, ainsi qu’une liste de détaillants canadiens situés en Alberta, en Colombie-Britannique, au Nouveau-Brunswick, à Terre-Neuve-et-Labrador, en Ontario, à l’Île-du-Prince-Édouard, au Québec et en Saskatchewan. (para 31 à 35; Pièces H à J)

[13] M. Trentin fournit en outre les résultats des recherches qu’il a effectuées sur le site Web de la Requérante et sur Google concernant les termes : « promotional snow brush Canada », « how to transport skis » et « Can I be ticketed for not clearing the snow off my car? ». Il inclut également une comparaison côte à côte de skis de marque BLIZZARD et une photo non datée fournie par le conseiller juridique de l’Opposante [traduction] « représentant peut-être les produits [...] de la Requérante ». (para 45 à 50; Pièces O à R)

[14] M. Trentin présente enfin les observations qu’il a faites concernant les conditions météorologiques au Canada, les conducteurs canadiens, les conditions dans les stations de ski, les visiteurs des stations de ski et leurs modes de transport, ainsi que son opinion sur la perception des consommateurs et sur la probabilité de confusion entre les produits visés par la demande relative à la Marque et les produits de la marque BLIZZARD distribués pour le compte de l’Opposante (para 51 à 54).

[15] Il convient de noter à ce stade que je n’ai accordé aucun poids aux opinions ou aux conclusions de M. Trentin sur des questions de fait et de droit que le registraire doit trancher dans la présente procédure.

Deuxième affidavit Trentin

[16] Le deuxième affidavit Trentin complète le premier affidavit Trentin avec des détails supplémentaires concernant la publicité canadienne. Plus précisément, M. Trentin indique les dépenses publicitaires et promotionnelles engagées pour les produits de marque BLIZZARD au Canada entre 2017 et 2022.

Fardeau de preuve incombant à chacune des parties

[17] L’Opposante doit s’acquitter du fardeau de preuve initial en produisant suffisamment d’éléments de preuve à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition [John Labatt Limited c The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst)]. Si l’Opposante s’acquitte de ce fardeau, la Requérante doit alors s’acquitter du fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’aucun motif d’opposition ne fait obstacle à l’enregistrement de sa Marque.

Motifs d’opposition

Article 12(1)d) – Non-registrabilité

[18] Compte tenu des dispositions de l’article 12(1)d) de la Loi, l’Opposante plaide que la Marque n’est pas enregistrable puisqu’elle crée de la confusion avec l’enregistrement no LMC144,156 de l’Opposante pour la marque de commerce BLIZZARD pour emploi en liaison avec des skis (l’Enregistrement BLIZZARD). L’Enregistrement BLIZZARD a été enregistré le 25 février 1966 sur le fondement d’une demande produite le 26 mai 1965 et basée, notamment, sur l’emploi de la marque de commerce BLIZZARD au Canada depuis au moins aussi tôt qu'octobre 1957.

[19] Ayant exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire de consulter le registre, je note que l’enregistrement no LMC144,156 est en règle à la date de la présente décision. Je note également que cet enregistrement n’appartient plus à l’Opposante, mais qu’il est désormais au nom de Tecnica Group, qui n’est pas une partie nommée dans la présente procédure. Une cession, avec une date d’entrée en vigueur du 31 décembre 2022, a été inscrite à l’égard de l’enregistrement le 13 février 2023. L’Opposante n’a pas demandé l’autorisation de modifier sa déclaration d’opposition afin de refléter le changement. Cependant, un opposant peut s’appuyer sur des enregistrements de tiers aux fins d’un motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) [USV Pharmaceuticals of Canada Ltd c Sherman and Ulster Ltd (1974), 15 CPR (2d) 79 (COMC)].

Test en matière de confusion

[20] Le test à appliquer pour trancher la question de la confusion est énoncé à l’article 6(2) de la Loi, qui prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice.

[21] Aux fins de cette évaluation, je dois tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles énumérées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques ont été en usage; le genre de produits ou entreprises; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques de commerce, notamment dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Ces facteurs ne sont pas exhaustifs et un poids différent peut être accordé à chacun d’eux dans le cadre d’une évaluation contextuelle [Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23; Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22].

Caractère distinctif inhérent

[22] Ce facteur ne favorise aucune des parties. Les marques possèdent un degré similaire de caractère distinctif inhérent, car elles sont toutes deux composées du même terme ordinaire du dictionnaire qui est suggestif dans le contexte des produits respectivement visés (notamment parce que les deux produits peuvent être utilisés pour ou pendant des tempêtes hivernales).

Période d’emploi et mesure dans laquelle les marques sont devenues connues

[23] Ces facteurs favorisent l’Opposante. Le témoignage de M. Trentin établit que la marque BLIZZARD a été promue et employée au Canada depuis les années 1960 et au moins la fin des années 1980, respectivement, en liaison avec des skis. J’accepte également que cette marque de commerce est devenue assez connue au Canada en liaison avec de tels produits (en raison des informations sur les ventes, les annonces et les promotions fournies par M. Trentin concernant les skis de marque BLIZZARD décrits ci-dessus). La Requérante, en revanche, n’a pas démontré l’emploi de la Marque.

Genre de produits ou entreprises et nature du commerce

[24] Ces facteurs favorisent la Requérante. Bien que les produits des parties (brosses à neige et skis) soient tous deux destinés à être utilisés sur la neige ou en liaison avec celle-ci et qu'il soit concevable qu’ils soient utilisés par les mêmes consommateurs, ils ne sont pas similaires ou étroitement liés par nature. Il n’y a pas non plus de preuve d’un chevauchement des voies de commercialisation des parties.

Degré de ressemblance

[25] Comme l’a noté la Cour suprême dans l’arrêt Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27 au para 49, « il arrive souvent que le degré de ressemblance soit le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce même s’il est mentionné en dernier lieu au par. 6(5) [de la Loi] […] ».

[26] Ce facteur favorise l’Opposante, car les marques en cause sont identiques.

Conclusion concernant la probabilité de confusion

[27] Comme il a été mentionné précédemment, la Requérante a le fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion quant à la source des produits des parties. Cela signifie que s’il est impossible d’arriver à une conclusion définitive après avoir examiné l’ensemble de la preuve, la question doit être tranchée à l’encontre de la Requérante [John Labatt].

[28] Compte tenu de mes conclusions ci-dessus‒en particulier compte tenu de la ressemblance entre les marques et de la mesure dans laquelle la marque de commerce enregistrée est devenue connue, malgré les différences entre les produits visés et l’absence de preuve d’un chevauchement des voies de commercialisation, et en l’absence de circonstances additionnelles de l’espèce favorisant la Requérante‒un doute demeure dans mon esprit quant à la probabilité de confusion entre la Marque et l’Enregistrement BLIZZARD. Puisque c’est à la Requérante qu’il incombe de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion, ce doute jouera contre elle.

[29] Par conséquent, le motif d’opposition de l’Opposante fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement est accueilli.

[30] J’ajouterais que j’aurais peut-être conclu différemment si j’avais pu bénéficier de preuves et/ou d’observations de la Requérante.

Article 2 – Absence de caractère distinctif

[31] Eu égard aux dispositions de l’article 2 de la Loi, l’Opposante plaide que la Marque n’est pas distinctive de la Requérante, parce qu’elle ne distingue pas véritablement, et n’est adaptée à distinguer, les produits de la Requérante des produits de l’Opposante, compte tenu de l’emploi antérieur étendu et de la réputation de l’Enregistrement BLIZZARD de l’Opposante et de ses marques de commerce de common law énumérées ci-dessous :


 

Marques de commerce

Produits

BLIZZARD

[traduction]

Skis, fixations de ski, bâtons de ski, planches à neige, fixations de planche à neige et sacs spécialement conçus pour les skis et les planches à neige.

Sacs de sport, sacs de voyage et havresacs;

Casques de protection, en particulier casques de ski; lunettes de soleil et lunettes de ski;

Vêtements de ski et de planche à neige, chaussures de ski et chaussures de planche à neige, casquettes de ski et casquettes de planche à neige.

[32] Pour s’acquitter de son fardeau de preuve à l’égard de ce motif, l’Opposante doit démontrer que l’une quelconque des marques de commerce sur lesquelles elle s’appuie dans son plaidoyer était devenue suffisamment connue au Canada, à la date de production de la déclaration d’opposition, de manière à nier le caractère distinctif [Motel 6, Inc c No. 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst)].

[33] À cet égard, j’estime que le changement de propriétaire de l’enregistrement invoqué par l’Opposante n’a pas d’incidence sur l’évaluation de ce motif d’opposition, étant donné qu’il est intervenu après la date pertinente y afférente.

[34] Ainsi, dans la mesure où le motif fondé sur l’article 2 repose également sur une détermination de la probabilité de confusion entre la Marque et l’Enregistrement BLIZZARD, la preuve de l’Opposante examinée ci-dessus est suffisante pour s’acquitter du fardeau qui lui incombe. Bien que la date pertinente soit différente, la position de la Requérante n’est pas plus forte et mes conclusions ci-dessus concernant le motif fondé sur l’article 12(1)d) s’appliquent également à ce motif d’opposition. Je parviens donc au même résultat en ce qui le concerne et le motif fondé sur l’absence de caractère distinctif est également accueilli.

Autres motifs d’opposition

[35] Étant donné que j’ai rejeté la demande pour deux motifs, je n’examinerai pas les autres motifs d’opposition.


 

Décision

[36] Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la demande d’enregistrement selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

_______________________________

Iana Alexova

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Hortense Ngo

Manon Duchesne Osborne


Comparutions et agents inscrits au dossier

Aucune audience tenue

AGENTS AU DOSSIER

Pour l’Opposante : FINLAYSON & SINGLEHURST

Pour la Requérante : BCF S.E.N.C.R.L./BCF LLP

 

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