Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2023 COMC 195

Date de la décision : 2023-11-23

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE D’UNE PROCÉDURE EN VERTU DE L’ARTICLE 45

Partie requérante : DLA Piper (Canada) LLP

Propriétaire inscrite : Revival Brewing Company

Enregistrement : LMC1 034 716 pour REVIVAL BREWING CO.

Introduction

[1] La présente décision concerne une procédure de radiation sommaire engagée en application de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T13 (la Loi) à l’égard de l’enregistrement no LMC1,034,716 pour la marque de commerce REVIVAL BREWING CO (la Marque) enregistrée pour emploi en liaison avec de la bière (les Produits).

[2] Pour les motifs qui suivent, je conclus que l’enregistrement doit être radié.

La procédure

[3] Le 11 juillet 2022, à la demande de DLA Piper (Canada) LLP (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi à la propriétaire de la Marque, Revival Brewing Company (la Propriétaire). L’avis enjoignait à la Propriétaire d’indiquer, à l’égard des Produits, si la Marque avait été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois années précédant la date de l’avis, à savoir du 11 juillet 2019 au 11 juillet 2022 (la Période pertinente). Si la Marque n’avait pas été ainsi employée, la Propriétaire devait fournir une preuve de la date à laquelle elle a été employée en dernier lieu et de la raison du défaut d’emploi depuis cette date.

[4] La définition d’emploi en liaison avec des produits est énoncée à l’article 4 de la Loi :

4 (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[5] En réponse à l’avis du registraire, la Propriétaire a produit l’affidavit de M. Owen Johnson, qui est le président et trésorier de la Propriétaire. Aucune des parties n’a soumis de représentations écrites. Seule la Partie requérante seule a participé à une audience.

[6] L’article 45 de la Loi a pour objet et portée d’offrir une procédure simple, sommaire et expéditive pour éliminer le « bois mort » du registre [Black & Decker Corp c Method Law Professional Corp, 2016 CF 1109, au para 12]. Il n’est pas nécessaire que la preuve produite dans le cadre d’une procédure en vertu de l’article 45 soit parfaite, mais la Propriétaire doit seulement établir une preuve prima facie d’emploi, conformément aux articles 4 et 45 de la Loi, pendant la période pertinente [Guido Berlucchi & C Srl c Brouillette Kosie Prince, 2007 CF 245, au para 15]. Le fardeau de preuve à atteindre est bas. Il suffit que la preuve établisse des faits à partir desquels une conclusion d’emploi peut logiquement être inférée [Diamant Elinor Inc c 88766 Canada Inc, 2010 CF 1184]. Cela dit, de simples affirmations sous forme de simples déclarations selon lesquelles une marque de commerce est en usage ne sont pas suffisantes pour établir l’emploi dans le contexte d’une procédure en vertu de l’article 45 [Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc 53 CPR (2d) 62 (CAF].

Preuve

[7] M. Johnson affirme qu’il s’appuie sur ses connaissances personnelles et son expérience en tant que fondateur et président de la Propriétaire, ainsi que sur des dossiers d’affaires pour produire sa preuve. Il poursuit en déclarant qu’en janvier 2019, la Propriétaire a signé un protocole d’entente (PE) avec une société nommée Importation Pivot (Pivot) pour importer et vendre ses produits arborant la Marque par l’entremise de la Société des Alcools au Québec (SAQ) [au para 4]. M. Johnson affirme au paragraphe 5 ce qui suit :

[traduction]

Au Canada, Revival offre et vend sa bière par l’intermédiaire de divers points de vente, notamment la Société des alcools du Québec. Une collection de factures représentatives adressées à des clients pour l’achat de Produits de Revival au Canada pendant la période pertinente sont jointes comme PIÈCE « C » ainsi que divers reçus d’expédition joints comme PIÈCE « D ».

[8] Les factures [traduction] « représentatives » lisibles et les documents afférents sont datés des mois d’avril et de mai 2019. En tant que telles, les transactions liées ne sont pas visées par la Période pertinente. Ces documents, aux Pièces C et D, comprennent :

  • une facture de la Propriétaire envoyée à la SAQ en date du 3 mai 2019, pour quinze sortes différentes de bière dont les quantités varient de trois à six fûts;

  • un formulaire de demande de commande privée daté du 30 avril 2019, de la SAQ lié aux biens énumérés dans la facture du 3 mai 2019;

  • un bon de commande (et les renseignements connexes) auprès de la SAQ, correspondant aux biens énumérés dans la facture du 3 mai 2019;

  • un bon de commande à la SAQ dont une date est masquée;

  • une facture datée du 3 mai 2019, relative à l’achat précité (date inconnue) qui couvre trois ou quatre caisses de 24 bières, pour huit bières différentes;

  • une facture de fret de Mexuscan Cargo Ltee datée du 2 mai 2019, et indiquant « arrivée 2019-05-02 »;

  • un formulaire d’autorisation de carte de crédit daté du 3 mai 2019, pour paiement de la Propriétaire à un vendeur identifié comme étant Mexuscan/Charrette.

[9] M. Johnson affirme que, peu après avoir conclu le PE, le Canada a imposé de sévères restrictions liées à la COVID-19. Il soutient que la Propriétaire ne pouvait pas élargir son marché au Canada, car les restrictions imposées par les autorités canadiennes [traduction] « empêchaient » la Propriétaire d’importer les Produits au Canada au moyen de Pivot [affidavit Johnson, au para 6].

[10] M. Johnson déclare que la Marque est apposée sur des canettes et des fûts de bière et fournit ce qu’il déclare être des [traduction] « photographies montrant la marque de commerce employée ». Les pièces consistent en une preuve d’impression d’une étiquette [affidavit Johnson, Pièce E].

[11] M. Johnson atteste que la Marque figure sur les [traduction] « cannettes de bière, etc. ». au point de vente et déclare que la Propriétaire a vendu au Canada des produits d’une valeur de plus de 4 000 $(US) au cours de la Période pertinente [aux para 7 et 8].

Analyse et motifs de la décision

Date des factures et des documents connexes

[12] Il est bien établi que la pratique normale du commerce d’un propriétaire nécessitera souvent des distributeurs ou d’autres intermédiaires. Si une partie de la chaîne de distribution se produit au Canada, comme c’est le cas en l’espèce, elle est en général considérée comme suffisante pour établir l’emploi de la marque de commerce qui profite au propriétaire [Philip Morris Inc c Imperial Tobacco Ltd et al (1987), 13 CPR (3d) 289 (CF 1ʳᵉ inst); Lin Trading Co c CBM Kabushiki Kaisha (1998), 21 CPR (3d) 417, 1988 CanLII 9341 (CAF)]. L’emploi d’une marque de commerce en liaison avec des produits importés au Canada se produit au moment du transfert de la propriété ou de la possession des produits, comme lorsqu’ils sont confiés à la garde d’expéditeurs pour livraison au Canada, à condition bien sûr que la livraison ait été effectuée [Ridout c Hj Heinz Company Australia Ltd, 2014 CF 442 (Heinz) et Estee Lauder Cosmetics Ltd c Loveless, 2017 CF 927, aux para 30 à 34].

[13] Dans le cas présent, la preuve montre que les commandes ont été passées et que les Produits ont été livrés à l’expéditeur en avril et en mai 2019. Bien que la Propriétaire soutienne que les factures représentent l’achat de produits au cours de la Période pertinente, les transactions à l’appui de cette affirmation correspondent à une période antérieure au début de la Période pertinente. De plus, M. Johnson reconnaît que, peu après la signature du PE, l’importation a cessé [au para 6].

[14] Bien que j’accepte qu’aucune preuve particulière ne soit obligatoire à l’égard de la procédure en vertu de l’article 45, la preuve doit tout de même être suffisante pour me permettre de conclure que le transfert des Produits a eu lieu pendant la période pertinente [Lewis Thomson & Son Ltd c Rogers, Bereskin & Parr (1988), 21 CPR (3d) 483 (CF 1ʳᵉ inst). Bien que les inférences soient permises, elles doivent être fondées sur des faits prouvés et non sur des hypothèses [Smart & Biggar c Curb, 2009 CF 47, au para 20]. Je conclus que la preuve de la Propriétaire ne contient pas suffisamment de faits pour étayer une conclusion d’emploi de la Marque pendant la Période pertinente.

Circonstances particulières justifiant le défaut d'emploi non établies

[15] Comme il n’y a aucune preuve d’emploi de la Marque au cours de la Période pertinente, la question que je dois maintenant trancher est celle de savoir s’il existe, aux termes du paragraphe 45(3) de la Loi, des circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi. Une exception à la règle selon laquelle le défaut d’emploi est sanctionné par la radiation est faite lorsque le défaut d’emploi est justifié par des circonstances spéciales auxquelles le défaut d’emploi est attribuable [Smart & Biggar c Scott Paper Ltd, 2008 CAF 129, au para 22]. Les circonstances doivent également être [traduction] « inhabituelles, peu courantes ou exceptionnelles » [John Labatt Ltd c Cotton Club Bottling Co (1976), 25 CPR (2d) 115 (CF 1ʳᵉ inst), au para 29]. De plus, ces circonstances spéciales ne doivent pas simplement expliquer, mais plutôt excuser le défaut d’emploi de la marque de commerce [Smart & Biggar c Scott Paper Ltd, 2008 CAF 129, au para 31].

Motifs du défaut d’emploi de la Marque

[16] Je souligne que M. Johnson déclare que, peu de temps après avoir conclu un PE avec Pivot, les restrictions liées à la pandémie de COVID-19 ont empêché la Propriétaire d’importer des Produits par l’entremise de Pivot [au para 6]. Aucun détail n’est donné quant à la nature des restrictions qui ont empêché Pivot de se conformer au PE. La preuve est également muette sur la question de savoir si des efforts ont été faits pour s’adjoindre d’autres entités, au Québec ou ailleurs, qui auraient pu faciliter l’importation et la vente des Produits au Canada.

[17] Même si j’avais conclu que la COVID 19 et la pandémie en général, ou la restriction non indiquée qui touchait Pivot en particulier, pouvaient constituer des circonstances particulières, il faudrait que celles-ci excusent le défaut d’emploi. Je conclus que les circonstances précisées ne le sont pas pour les raisons qui suivent.

Les circonstances dans la preuve n’excusent pas le défaut d’emploi

[18] La Loi ne définit pas ce qu’est une circonstance particulière, ce qui laisse une vaste discrétion au registraire afin qu’il puisse tenir compte des éléments de preuve propres à chaque situation [One Group LLC c Gouverneur Inc, 2016 CAF 109]. Il est essentiel de comprendre dans quelle mesure le défaut d’emploi est attribuable à une décision d’un propriétaire, plutôt qu’à des circonstances hors de son contrôle. La durée du défaut d’emploi et la probabilité qu’il dure longtemps sont également des facteurs importants [Registraire des marques de commerce c Harris Knitting Mills Ltd (1985), 4 CPR (3d) 488 (CAF)].

Les motifs de défaut d’emploi étaient-ils hors du contrôle de la Propriétaire?

Comme je l’ai mentionné, la preuve indique que les restrictions liées à la COVID-19 ont empêché la Propriétaire d’importer des Produits au Canada par l’intermédiaire de Pivot. Ne sachant pas ce qui a empêché l’importation, il est impossible d’évaluer si les circonstances étaient indépendantes de la volonté de Pivot ou de la Propriétaire. De plus, même si des circonstances indépendantes de la volonté de Pivot existaient, la preuve ne permet pas d’établir que le seul moyen de la Propriétaire pour réaliser des ventes au Canada était par l’intermédiaire de Pivot et de la SAQ. L’omission de la Propriétaire d’examiner d’autres stratégies d’importation disponibles relève davantage d’une décision d’affaires qui est sous son contrôle [voir Lander Co Canada Ltd c Alex E Macrae & Co (1993), 46 CPR (3d) 417 (CF 1ʳᵉ inst). J’estime qu’il n’y a aucune preuve qui me permettrait de conclure que des raisons indépendantes de la volonté de la Propriétaire existaient et empêchaient l’emploi de la Marque au Canada pendant la Période pertinente.

Durée du défaut d’emploi et intention de reprendre

[19] Comme je l’ai mentionné, la Propriétaire a employé la Marque au Canada en mai 2019, quelques mois avant l’envoi de l’avis prévu à l’article 45 [au para 5 et Pièces C et D]. Il n’y a aucune preuve d’emploi entre le début de la Période pertinente et l’entrée en vigueur des restrictions liées à la COVID-19 en 2020. Ainsi, la période de défaut d’emploi comprend toute la Période pertinente, plus une courte période avant celle-ci.

[20] Il n’est peut-être pas surprenant, à la lumière des allégations de M. Johnson selon lesquelles la Marque a été employée pendant la Période pertinente, que la preuve ne contienne pas de déclarations concernant l’intention de la Propriétaire de reprendre les ventes au Canada. Il est bien établi que l’intention d’un propriétaire de reprendre l’emploi d’une marque de commerce après une période de défaut d’emploi doit non seulement exister, mais être corroborée par des éléments factuels qui appuient la revendication [NTD Apparel Inc c Ryan (2003), 27 CPR (4th) 73 (CF 1ʳᵉ inst)]. Je ne dispose d’aucune preuve qui me permettrait de conclure que la Propriétaire avait ou a l’intention de reprendre la vente de ses Produits au Canada.

[21] En résumé, je ne suis pas convaincue que la Propriétaire a démontré que le défaut d’emploi de la Marque au cours de la Période pertinente était indépendant de sa volonté, et il n’y a pas non plus de preuve qui me permettrait de conclure que l’intention de la Propriétaire est de reprendre l’emploi sous peu. Pour ces motifs, même si j’avais conclu que la mention de la pandémie ou un énoncé général selon lequel Pivot a été empêchée d’importer les Produits en raison de la pandémie appuyait l’existence de circonstances spéciales, je ne serais pas convaincue que ces circonstances spéciales justifient le défaut d’emploi au sens de l’article 45(3) de la Loi.

Décision

[22] Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, et conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi, l’enregistrement sera radié.

 

 

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Coleen Morrison

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Liette Girard, traductrice

Le français est conforme aux WCAG.



Comparutions et agents inscrits au dossier

DATE DE L’AUDIENCE : 2023-11-16

COMPARUTIONS

Pour la partie requérante : David Lafontaine

Pour la Propriétaire inscrite : Aucune comparution

AGENTS AU DOSSIER

Pour la Partie requérante : DLA Piper (Canada) LLP

Pour la Propriétaire inscrite : Moffat & Co.

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