Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2023 COMC 194

Date de la décision : 2023-11-17

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE D’UNE PROCÉDURE EN VERTU DE L’ARTICLE 45

Partie requérante : Henderson & Co

Propriétaire inscrite : Kaira District Co-operative Milk Producers’ Union Limited

Enregistrement : LMC877,339 pour AMUL

Introduction

[1] La présente décision concerne une procédure de radiation sommaire engagée en application de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T‑13 (la Loi) à l’égard de l’enregistrement no LMC877,339 pour la marque de commerce AMUL (la Marque) enregistrée pour emploi en liaison avec les produits laitiers (les Produits).

[2] Pour les raisons qui suivent, je conclus que l’enregistrement doit être maintenu.

La procédure

[3] Le 7 mars 2022, à la demande d’Henderson & Co (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l’avis en vertu de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC (1985), c T13 (la Loi), à la Propriétaire, Kaira District Co-operative Milk Producers’ Union Limited (la Propriétaire).

[4] L’avis enjoignait à la Propriétaire d’indiquer, à l’égard des Produits, si la Marque a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois années précédant la date de l’avis et, dans la négative, qu’elle précise la date à laquelle la Marque a ainsi été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour démontrer l’emploi est du 7 mars2019 au 7 mars 2022 (la Période pertinente). En l’absence d’emploi, un enregistrement est susceptible d’être radié, à moins que le défaut d’emploi ne soit attribuable à des circonstances spéciales qui le justifient.

[5] La définition pertinente d’« emploi » est énoncée à l’article 4(1) de la Loi comme suit :

Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[6] Le but et l’objet de l’article 45 de la Loi consistent à assurer une procédure simple, sommaire et expéditive pour débarrasser le registre du « bois mort ». Il n’est pas nécessaire que la preuve produite dans le cadre d’une procédure prévue à l’article 45 soit parfaite. En revanche, la Propriétaire doit seulement présenter une preuve prima facie d’emploi au sens des articles 4 et 45 de la Loi. Le fardeau de preuve à atteindre est bas. Il suffit que les éléments de preuve établissent des faits à partir desquels une conclusion d’emploi peut logiquement être inférée [Diamant Elinor Inc c 88766 Canada Inc, 2010 CF 1184].

[7] En réponse à l’avis du registraire, la Propriétaire a fourni l’affidavit de M. Vivek Patil, dirigeant et administrateur de The Blue Limits, le distributeur canadien des Produits.

[8] Les deux parties ont produit des observations écrites et seule la Propriétaire était présente à l’audience.

Preuve de la Propriétaire

[9] M. Patil est un dirigeant et un administrateur de The Blue Limits Inc. (Blue Limits), le distributeur canadien de la Propriétaire [para 14]. M. Patil coordonne l’importation des Produits au Canada par l’intermédiaire de la Propriétaire et d’un distributeur étranger, Gujarat Co-operative Milk Marketing Federation Ltd (GCMMF) [para 2,12,13 et 14]. Il explique, sur la base de ses connaissances et de ses relations avec la Propriétaire et GCMMF, que l’activité de la Propriétaire consiste à fabriquer des produits laitiers, notamment du ghee, du paneer, du fromage, du beurre, du lait, de la crème glacée et du chocolat [para 9]. En outre, il déclare que la Propriétaire autorise GCMMF à commercialiser du lait, du lait en poudre, des boissons diététiques, du ghee, du beurre, du fromage, de la pizza, de la crème glacée, du paneer, des chocolats et des sucreries indiennes traditionnelles au Canada et ailleurs [para 12 et 13]. Blue Limits acquiert des produits auprès du GCMMF, qui a lui-même acquis les produits auprès de la Propriétaire [para 14 et Pièces F à I]. Une fois importés au Canada, les Produits sont distribués et vendus à des établissements de vente au détail tels que les supermarchés [para 15 à 16 et Pièce C]. M. Patil affirme que cela représente la pratique normale du commerce et que la Marque reste sur les Produits lorsqu’ils sont vendus à des consommateurs au Canada [para 14 et 15].

[10] M. Patil fournit une liste d’acheteurs canadiens qui ont acquis les Produits de Blue Limits au cours de la période pertinente, ainsi que des factures de GCMMF à Blue Limits datées au cours de la période pertinente et visant une variété de produits laitiers [para 16 et 19 et Pièces C, E, F, G, H et I].

[11] M. Patil confirme que la Propriétaire est responsable de la fabrication des Produits ainsi que de la conception et de l’emballage [para 9 et 17]. En outre, il confirme que la Propriétaire exerce un contrôle direct sur la nature et la qualité des Produits [para 17]. Il donne des exemples d’emballages arborant la Marque, tels qu’ils apparaissent sur le site Web et les médias sociaux de Blue Limits, ainsi que des Produits effectivement emballés (para 18 et 20 et Pièces D, J et M à W). Je note que la Marque apparaît clairement sur des photographies d’aliments emballés qui comprennent des produits à base de fromage cheddar, des boules de fromage tendre dans du sirop, de la crème glacée, des boissons lactées et des aliments surgelés contenant du fromage, par exemple, des poches de fromage, des croquettes et des aliments [traduction] « poppons » contenant du fromage, par exemple, des poches de fromage, des croquettes et des [traduction] « poppons » (Pièce J). En outre, je note que les factures comportent des lignes de référence concernant, par exemple, les produits à base de fromage cheddar (Pièce E), les produits à base de crème glacée (Pièce F), les laits frappés et autres boissons lactées (Pièces G et H) et les aliments congelés contenant du fromage (Pièce I).

Analyse et motifs de la décision

[12] Bien que la Partie requérante admette qu’[traduction] « un représentant dûment autorisé d’un distributeur ou d’un autre licencié exprès d’un Propriétaire inscrit peut être admissible en tant que déposant » et que [traduction] « l’on pourrait déduire de l’Affidavit qu’une chaîne de distribution […] est en place avec Blue Limits comme distributeur », elle poursuit en affirmant de manière assez détaillée que le défaut de la Propriétaire d’établir la relation entre Blue Limits, GCMMF et la Propriétaire est fatal à sa défense de l’enregistrement [para 6 à 11]. Elle invoque la décision de la Commission dans Shapiro Shapiro Cohen c Empresa Cubana Del Tabaco (2007) 63 CPR (4th) 129 (Empress Cubana), dont je note qu’elle a été infirmée en appel, pour étayer sa position selon laquelle, étant donné qu’aucun accord de distribution ou de licence n’a été établi, l’affidavit de M. Patil est inadmissible. Premièrement, les preuves établissent l’existence d’accords de distribution entre la Propriétaire, GCMMF et Blue Limits. Deuxièmement, la décision Empress Cubana peut être distinguée sur la base du fait qu’elle concernait un accord de licence plutôt qu’un accord de distribution. En outre, en ce qui concerne l’affaire Empress Cubana, il n’y a aucune preuve établissant que l’inscrivante était le fabricant des produits en question et, en fait, la preuve suggérait que c’était la licenciée qui produisait les produits et exerçait un contrôle sur leur nature et leur qualité. En l’espèce, il n’y a rien dans la preuve qui suggère que c’est quelqu’un d’autre que la Propriétaire qui fabrique et emballe les Produits, et qui a un contrôle direct sur la nature et la qualité des Produits (para 14 et 17).

[13] Contrairement aux arguments de la Partie requérante, la Propriétaire n’était pas tenue de produire un contrat de licence. La Propriétaire utilisait des distributeurs pour placer ses Produits finis sur le marché canadien. J’estime que même si M. Patil n’avait pas les connaissances nécessaires pour confirmer que c’est la Propriétaire qui exerçait le contrôle sur la nature et la qualité des Produits, cela peut être déduit lorsque c’est la Propriétaire qui fabrique, emballe et fournit les Produits aux distributeurs [Aurora Ltd c Acuity Brands, Inc (2009), 78 CPR (4th) 139 (COMC)].

[14] La Propriétaire soutient que des preuves suffisantes ont été fournies pour établir l’emploi de la Marque au Canada par la Propriétaire et que la jurisprudence suggère que des affidavits peuvent être déposés par des licenciés ou des distributeurs au nom d’autres personnes [Observations écrites de la Propriétaire, para 23]. Je suis d’accord. La procédure prévue à l’article 45 est de nature sommaire et toute préoccupation relative au ouïdire, pourrait à juste titre, être dirigée vers le poids de la preuve, plutôt que son admissibilité [Eva Gabor International Ltd c 1459243 Ontario Inc, 2011 CF 18, au para 18]. En outre, il est bien établi que des tiers peuvent fournir des preuves pour le compte d’un propriétaire inscrit [Registraire des marques de commerce c Harris Knitting Mills Ltd (1985), 4 CPR (3d) 488 (CAF), au para 14]. M. Patil atteste de sa connaissance de la Propriétaire, de son distributeur étranger GCMMF et de sa propre entreprise Blue Limits. Il explique comment les Produits parviennent aux consommateurs canadiens. Je note également qu’il a accès aux documents commerciaux produits à titre de preuve. De plus, je note que les déclarations d’un déposant doivent être acceptées à première vue et qu’on doit leur accorder une crédibilité substantielle dans le cadre d’une procédure en vertu de l’article 45 [Oyen Wiggs Green & Mutala LLP c Atari Interactive, Inc, 2018 COMC 79, au para 25]. Je conclus donc que le contenu de son affidavit, y compris les pièces, est admissible et j’accorde un certain poids à cette preuve.

L’emploi de la marque est démontré en liaison avec des produits laitiers

[15] Compte tenu de ce qui précède, il ne me reste plus qu’à examiner si les éléments de preuve établissent l’emploi de la Marque en liaison avec les Produits. D’après la preuve au dossier, je suis convaincue que la Propriétaire a démontré l’emploi de la Marque, pendant la période pertinente, en liaison avec divers produits laitiers.

[16] M. Patil atteste du fait que la pratique normale du commerce consiste pour la Propriétaire à fabriquer, emballer et étiqueter les Produits, qui sont ensuite commercialisés et distribués par GCMMF à Blue Limits [para 9 et 14]. Je note que la Marque figure sur cet emballage. M. Patil explique que Blue Limits distribue ensuite les Produits à des établissements de vente au détail, tels que des supermarchés, où ils sont vendus aux consommateurs canadiens [para 22]. Il n’y a rien dans la preuve pour suggérer que les achats de Produits auprès de GCMMF étaient autre chose que des ventes de bonne foi effectuées dans la pratique normale du commerce. Il est bien établi que la pratique normale du commerce d’un propriétaire implique souvent des distributeurs ou d’autres intermédiaires. Si une partie de la chaîne de distribution se situe au Canada, comme c’est le cas en l’espèce, elle est généralement considérée comme suffisante pour établir l’emploi au profit de la Propriétaire [Philip Morris Inc c Imperial Tobacco Ltd et al (1987), 13 CPR (3d) 289 (CF 1re inst); Lin Trading Co c CBM Kabushiki Kaisha (1998), 21 CPR (3d) 417, 1988 CanLII 9341 (CAF)].

[17] Les preuves de M. Patil montrent que les Produits arborant la Marque ont été vendus au Canada depuis 2000. Pour les années 2020 et 2021, les ventes ont été importantes, dépassant 500 000 $ pour cette dernière.

[18] Comme il est indiqué ci-dessus, la marque de commerce figure sur l’emballage de divers produits laitiers, notamment des fromages, des crèmes glacées, d’autres desserts congelés et des boissons à base de lait [Pièce J]. Une facture datée du 21 juillet 2020 énumère des produits à base de fromage originaires d’Inde et expédiés, par l’intermédiaire d’un distributeur, à Blue Limits [Pièce E]. Une facture similaire, datée du 27 mars 2021, énumère les crèmes glacées et autres desserts congelés [Pièce F]. D’autres factures datées du 3 février 2021 énumèrent diverses boissons à base de lait [Pièces G et H], tandis qu’une facture datée du 12 octobre 2020 énumère des aliments congelés à base de fromage [Pièce I]. En outre, ces factures affichent toutes la Marque en liaison avec les Produits, par exemple, « Amul Kook Mango Milk Shakers » ou « Amul Cheese Poppons ».

[19] Compte tenu de ce qui précède, je suis convaincue que l’emploi de la Marque, tel que décrit dans l’affidavit Patil, est un emploi qui profite à la Propriétaire et que la Marque a été employée au Canada au cours de la période pertinente en liaison avec les Produits.

Décision

[20] Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi et conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi, l’enregistrement sera maintenu.

 

 

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Coleen Morrison

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Hortense Ngo, traductrice

Le français est conforme aux WCAG.



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