Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

A maple leaf on graph paper

Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2023 COMC 184

Date de la décision : 2023-10-31

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DES OPPOSITIONS

Opposante : 640945 B.C. Ltd.

Requérante : Legacy Private Trust

Demandes : 1839721 pour LPT LEGACY PRIVATE TRUST Side Design, et

1839725 pour LPT LEGACATE PRIVATE TRUST Top Design

Introduction

[1] Legacy Private Trust (la Requérante) demande l’enregistrement des marques de commerce LPT LEGACY PRIVATE TRUST Side Design (le Dessin-marque latéral) et LPT LEGACY PRIVATE TRUST Top Design (le Dessin-marque supérieur) (collectivement, les Marques). Les Marques sont reproduites ci-dessous :

 

 

 

 

LPT LEGACY PRIVATE TRUST Side Design

LPT LEGACY PRIVATE TRUST Top Design

 

 

LPT LEGACY PRIVATE TRUST Side Design

LPT LEGACY PRIVATE TRUST Top Design

 

[2] La Requérante demande l’enregistrement des deux Marques en liaison avec les services suivants (les Services) :

[traduction]

Préparation d’états financiers; services de tenue de livres; services de préparation de déclarations fiscales.

Services d’organisme de bienfaisance, nommément administration et gestion de fondations privées et de fonds de bienfaisance; services de société de fiducie.

[3] 640945 B.C. Ltd. (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement des Marques. L’opposition est fondée sur plusieurs motifs, dont la plupart reposent sur l’allégation selon laquelle les Marques créent de la confusion avec les marques de commerce LEGACY LAWYERS et LEGACY TAX + TRUST LAWYERS de l’Opposante (collectivement, les Marques de l’Opposante). L’Opposante allègue avoir employé et enregistré les Marques de l’Opposante en liaison avec des services juridiques, fiscaux et de planification successorale.

[4] Pour les raisons suivantes, les oppositions sont rejetées.

Le dossier

[5] Les deux demandes ont été produites le 29 mai 2017 et ont été annoncées aux fins d’opposition le 18 septembre 2019.

[6] L’Opposante a produit des déclarations d’opposition à l’égard des demandes d’enregistrement du Dessin-marque supérieur et du Dessin-marque latéral le 11 mars 2020 et le 17 mars 2020, respectivement, conformément à l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi). Sept motifs d’opposition sont invoqués à l’égard de chaque demande. Les déclarations d’opposition ont été modifiées le 12 janvier 2021 en vertu des décisions interlocutoires. Les déclarations d’opposition ont été davantage modifiées par l’Opposante, avec l’autorisation du registraire, le 15 octobre 2022.

[7] La Requérante a produit et signifié des contre-déclarations le 11 février 2021.

La preuve de l’Opposante

[8] À l’appui des deux oppositions, l’Opposante invoque les éléments de preuve suivants :

  • l’affidavit de James Shumka, un actionnaire de l’Opposante, daté du 8 juin 2021;

  • l’affidavit d’Amy Jobson, une parajuriste employée par les agents de marques de commerce de l’Opposante, daté du 10 juin 2021 (le Premier affidavit Jobson).

Affidavit Shumka

[9] Dans son affidavit, M. Shumka décrit l’Opposante comme une entité qui détient des actifs de propriété intellectuelle (y compris les Marques de l’Opposante) employés par une coentreprise (la Coentreprise Legacy) composée de sociétés de personnes qui offrent des services de conseils fiscaux, des services de planification successorale et d’autres services juridiques (les Services de l’Opposante) [Affidavit Shumka, aux para 3 et 8]. M. Shumka affirme que l’Opposante emploie les Marques de l’Opposante en liaison avec les Services de l’Opposante, par l’entremise de son licencié la Coentreprise Legacy [para 2].

[10] M. Shumka décrit en détail comment les Marques de l’Opposante sont employées et promues par la Coentreprise Legacy, en vertu d’une licence de l’Opposante [para 11 à 29]. M. Shumka indique également le nombre de clients distincts qui achetaient annuellement, auprès de la Coentreprise Legacy, les Services de l’Opposante en liaison avec les Marques de l’Opposante. M. Shumka indique que les clients de la Coentreprise Legacy comprennent des résidents de la Colombie-Britannique, de l’Alberta et de l’Ontario [para 30 et 31].

Premier affidavit Jobson

[11] L’affidavit de Mme Jobson fournit des copies de la correspondance entre les parties concernant leur différend au sujet des droits à l’égard des Marques de l’Opposante et les Marques [para 2 et 3, Pièces A et B]. Mme Jobson décrit également le contenu de la correspondance [traduction] « sous toutes réserves » et des discussions entre les parties [para 4 à 7].

La preuve de la Requérante

[12] À l’appui des demandes, la Requérante invoque les éléments de preuve suivants :

  • l’affidavit d’Andrea Love, présidente de la Requérante, daté du 10 février 2022;

  • l’affidavit de Mary Noonan, une recherchiste en marque de commerce employée par les agents de marques de commerce de la Requérante.

  • l’affidavit de Jasleen Chahal, une avocate associée employée par les agents de marques de commerce de l’Opposante, daté du 10 février 2022;

  • l’affidavit de Jinhyun Esther Kim, une stagiaire employée par les agents de marques de commerce de la Requérante, daté du 10 février 2022;

  • l’affidavit de Joanne Berent, une bibliothécaire de référence employée par les agents de marques de commerce de l’Opposante, daté du 10 février 2022.

Affidavit Love

[13] Dans son affidavit, Mme Love fournit une description de la Requérante et des services qu’elle offre en liaison avec les Marques. La Requérante est une société de fiducie indépendante et privée qui se spécialise dans la gestion et l’administration de fiducies, de successions, de procurations pour des biens, de tutelles et de fondations [para 6]. Les Services de la Requérante comprennent également des services de cimetière et de salon funéraire, des services de fiducie pour les communautés autochtones, et des services comptables [para 9].

[14] Mme Love décrit la façon dont la Requérante emploie les Marques, tant en liaison avec ses Services [para 23 à 28] que dans le cadre de ses activités publicitaires et promotionnelles [para 29 à 43]. Mme Love fournit également des renseignements sur la croissance de l’entreprise de la Requérante depuis sa création, tant sur les revenus que des nouveaux clients [para 24 et 25], ainsi que sur les dépenses annuelles de commercialisation de la Requérante depuis sa création [para 29].

Affidavit Noonan

[15] L’affidavit de Mme Noonan fournit les résultats d’une recherche dans le registre des marques de commerce canadiennes pour toute demande d’enregistrement ou tout enregistrement de marques de commerce actives contenant le mot « legacy », en liaison avec des services fiscaux, juridiques et de succession. Sa recherche a permis de repérer 51 demandes d’enregistrement ou enregistrements semblables [para 3].

Affidavit Chahal

[16] L’affidavit de Mme Chahal fournit les résultats des recherches en ligne qu’on lui a demandé d’effectuer en novembre 2017 dans le cadre d’une procédure d’opposition intentée par la Requérante à l’égard de la marque de commerce LEGACY TAX + TRUST LAWYERS de l’Opposante [para 3]. Ses recherches visaient à identifier les entités qui avaient adopté le mot « legacy » dans leur marque de commerce ou nom commercial au Canada en liaison avec des services fiscaux, juridiques ou de succession, ou d’autres services de nature similaire [para 5]. En ce qui concerne les entités repérées par Mme Chahal, on lui a demandé d’obtenir certaines pages du site Web des entités, d’obtenir les coordonnées des entités, de communiquer avec les entités pour [traduction] « confirmer la disponibilité des services au Canada » et de tenter d’obtenir du contenu en ligne des entités antérieur à la date de production des demandes (le 29 mai 2017), sur le site Web archive.org ou Facebook [para 6].

[17] L’affidavit de Mme Chahal fournit des copies des sites Web qu’elle a consultés en décembre 2017 à l’égard de 30 entités. L’affidavit fournit également les descriptions de Mme Chahal de ses discussions avec les personnes avec qui elle a communiqué au sujet de la disponibilité des services au Canada [voir, de façon générale, para 8 à 93, et Pièces JC-1 à JC-57].

Affidavit Kim

[18] L’affidavit de Mme Kim contient des copies des pages Web qu’elle a obtenues en février 2022 de certains des sites Web visités par Mme Chahal [voir, de façon générale, para 2, et Pièces 1 à 22].

Affidavit Berent

[19] L’affidavit de Mme Berent fournit des copies des définitions de dictionnaire pour les mots « legacy » [héritage] [Pièces 1 à 4], « tax » [taxes ou impôts] [Pièces 5 à 8], « trust » [fiducie] [Pièces 9 à 12] et « lawyer » [avocat] [Pièces 13 à 16].

La contre-preuve de l’Opposante

[20] L’Opposante s’appuie également sur les affidavits suivants présentés en réponse à la preuve de la Requérante :

  • l’affidavit de Ian Worland, un avocat de la Colombie-Britannique, daté du 10 mars 2022;

  • un deuxième affidavit d’Amy Jobson, daté du 9 mars 2022 (le deuxième affidavit de Jobson).

Affidavit Worland

[21] M. Worland est administrateur de Legacy Advisors Law Corporation, un des membres de la Coentreprise Legacy [para 1]. Son affidavit fournit des renseignements supplémentaires sur les services de la Coentreprise Legacy et sa clientèle [para 3 à 7]. Son affidavit fournit également des renseignements supplémentaires sur les activités publicitaires et promotionnelles de la Coentreprise Legacy par son adhésion à la Society of Trusts and Estates Professionals (STEP) et sa participation à la conférence nationale canadienne de STEP [pars 8 et 9].

Deuxième affidavit Jobson

[22] Dans son deuxième affidavit, Mme Jobson affirme que les agents de marques de commerce de l’Opposante ont communiqué avec quatre entités employant des marques de commerce ou des noms commerciaux contenant l’expression « Legacy Law », les ont informés des droits de l’Opposante à l’égard de ses marques de commerce et ont exigé que les entités cessent d’employer l’expression « Legacy Law » [para 2, 4, 6 et 8]. Son affidavit fournit des copies de la correspondance reçue en réponse aux demandes de l’Opposante [Pièces A, C, E, F et H], ainsi que des copies imprimées des sites Web de ces entités montrant que l’expression « Legacy Law » n’est plus employée sur les pages Web des entités [Pièces B, D, G et I].

Contre-interrogatoire, observations écrites et audience

[23] Aucun des déposants n’a été contre-interrogé au sujet de son affidavit. Les deux parties ont produit des observations écrites et présenté des observations à l’audience.

Motifs d’opposition

[24] Plusieurs des motifs d’opposition soulevés par l’Opposante sont fondés sur l’affirmation selon laquelle les Marques créent ou ont créé de la confusion avec les Marques de l’Opposante. La date pertinente à laquelle chacun de ces motifs d’opposition doit être évalué varie, ce qui signifie que la question de la confusion doit être évaluée à divers moments. Les deux parties ont discuté de la question de la confusion, de façon générale, en renvoyant à l’ensemble de la preuve et en ne tenant pas compte des différentes dates auxquelles la confusion doit être évaluée. Cette approche est prudente lorsque les dates pertinentes sont relativement proches les unes des autres et qu’il y a relativement peu de différence dans le dossier de preuve en ce qui a trait aux diverses dates pertinentes. Toutefois, en l’espèce, les dates pertinentes s’étendent sur une période de plus de vingt ans, et les éléments de preuve datant du début de cette période sont sensiblement différents de ceux datés de la fin. Compte tenu des différences dans la preuve, je trouve utile d’examiner d’abord les motifs d’opposition fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement, pour lesquels les dates pertinentes sont les plus précoces.

[25] Les motifs d’opposition soulevés par l’Opposante peuvent se résumer comme suit :

  • ·motifs fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement : en vertu des articles 38(2)c), 16(1)a), 16(1)b) et 16(1)c) de la Loi, la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement des Marques parce que, à la date de premier emploi des Marques, ces dernières créaient de la confusion avec (i) les marques de l’Opposante, qui avaient été employées antérieurement et révélées par l’Opposante au Canada, (ii) que la marque de commerce LEGACY TAX + TRUST LAWYERS de l’Opposante, pour laquelle une demande d’enregistrement avait déjà été produite par l’Opposante, et (iii) que les noms commerciaux Legacy Lawyers et Legacy Tax + Trust Lawyers de l’Opposante, qui avaient été employés antérieurement par l’Opposante au Canada;

  • ·motif fondé sur la non-enregistrabilité : en vertu des articles 38(2)b) et 12(1)d) de la Loi, les Marques ne sont pas enregistrables, puisqu’elles créent de la confusion, au sens de l’article 6(2) de la Loi, avec les Marques de l’Opposante;

  • ·motif fondé sur l’absence de caractère distinctif : en vertu des articles 38(2)d) et 2 de la Loi, les Marques ne distinguent pas les services de la Requérante, ne permettent pas de les distinguer et ne sont pas adaptées pour les distinguer de ceux de l’Opposante, à savoir ceux offerts par l’Opposante en liaison avec les Marques de l’Opposante;

  • ·motif fondé sur l’absence de droit à l’emploi : en vertu de l’article 38(2)f) de la Loi, la Requérante n’avait pas le droit d’employer les Marques au Canada parce que (i) cet emploi attirerait l’attention du public sur les services ou le commerce de la Requérante de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada entre les services et le commerce de la Requérante et ceux de l’Opposante, en contravention de l’article 7b) de la Loi, et (ii) que cet emploi serait susceptible d’entraîner la diminution de la valeur de l’achalandage attaché aux Marques de l’Opposante, contrairement à l’article 22 de la Loi;

  • ·Motif fondé sur la mauvaise foi : en vertu de l’article 38(2)a.1) de la Loi, les demandes ont été produites de mauvaise foi, puisque la Requérante était au courant des droits antérieurs de l’Opposante et, en produisant les demandes, avait l’intention de porter atteinte aux droits de l’Opposante à l’égard des Marques de l’Opposante en perturbant le commerce de l’Opposante et en cherchant à obtenir un avantage et un certain poids dans les procédures d’opposition connexes intentées par la Requérante à l’égard de la demande d’enregistrement de la marque de commerce LEGACY TAX + TRUST LAWYERS de l’Opposante.

[26] Pour chaque motif d’opposition, l’Opposante doit s’acquitter du fardeau de preuve initial de produire une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition. Si l’Opposante s’acquitte de ce fardeau initial, la Requérante a le fardeau ultime de convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, que le motif d’opposition ne devrait pas empêcher l’enregistrement des Marques [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst)].

Question préliminaire – Admissibilité du premier affidavit Jobson

[27] Le premier affidavit Jobson contient des copies de lettres échangées entre les parties en juin et en juillet 2016 au sujet des droits de l’Opposante à l’égard de ses marques de commerce, et de l’emploi des Marques par la Requérante [para 2 et 3, et Pièces A et B]. L’affidavit contient également des descriptions de Mme Jobson des lettres [traduction] « sous toutes réserves » échangées après la communication de la lettre initiale, ainsi que certaines communications orales [traduction] « sous toutes réserves » entre les avocats des parties [para 4 à 7]. La Requérante conteste au moins les paragraphes 5 à 7 du premier affidavit Jobson, au motif que le contenu de ces paragraphes : a) constitue un ouï-dire; b) est protégé par le privilège relatif au règlement. La Requérante soutient que, pour cette raison, au moins les paragraphes 5 à 7 sont inadmissibles et ne peuvent avoir aucun poids [observations écrites de la Requérante, aux para 37 à 41].

[28] À l’audience, l’Opposante n’était pas d’accord en ce qui a trait à la question du privilège relatif au règlement. L’Opposante s’est appuyée sur Coombs c LeBlond Estate, 2013 BCSC 518 (au para 23), et Abdul-Ahad c Challa, 2021 BCSC 795 (au para 38), pour faire valoir que : a) l’indication [traduction] « sous toutes réserves » n’est pas en soi déterminante de la question de savoir si une communication est protégée par le privilège relatif au règlement; et b) pour être protégée par le privilège relatif au règlement, la communication doit contenir des modalités de règlement ou une quelque autre forme de compromis. L’Opposante soutient que rien dans les descriptions des communications fournies par Mme Jobson n’indique que la Requérante a offert un compromis et que, par conséquent, les communications ne peuvent pas être protégées par le privilège relatif au règlement.

[29] Comme il ressort des observations de l’Opposante, cette dernière s’appuie sur le premier affidavit Jobson pour étayer le motif fondé sur la mauvaise foi. Pour les raisons énoncées ci-dessous concernant le motif de la mauvaise foi, même si j’acceptais la position de l’Opposante et accordais un certain poids au premier affidavit Jobson dans son intégralité, il ne serait d’aucune aide pour l’Opposante en ce qui a trait au motif fondé sur la mauvaise foi. Par conséquent, même si je suis enclin à être d’accord avec la Requérante, du moins en ce qui a trait à la question du ouï-dire, je ne considère pas nécessaire de déterminer si les paragraphes 5 à 7 du premier affidavit Jobson constituent un ouï-dire inadmissible ou s’ils sont protégés par le privilège relatif au règlement.

Question préliminaire – Admissibilité de l’affidavit Worland

[30] La Requérante s’oppose à la majorité de l’affidavit Worland au motif qu’il constitue une réponse inappropriée. La Requérante affirme que les paragraphes 3, 4, et 6 à 9 (les paragraphes contestés), qui fournissent des descriptions des Services de l’Opposante, de sa clientèle et de ses activités promotionnelles, ne répondent pas aux questions soulevées dans la preuve de la Requérante et pouvant raisonnablement être considérées comme nouvelles ou non anticipées. Renvoyant à Empire Comfort Systems, Inc c Onward Multi-Corp Inc, 2015 COMC 80 (aux para 28 et 29), la Requérante affirme que ces parties de l’affidavit Worland n’ont pas « pour objet de combler une lacune, de peaufiner ou de rendre plus complète la preuve principale de l’Opposante » en produisant une preuve de base concernant les facteurs du test prévu par la loi en matière de confusion [observations écrites de la Requérante, au para 49].

[31] À l’audience, l’Opposante a affirmé que l’affidavit Worland était une réponse appropriée. L’Opposante a affirmé que chaque paragraphe de fond de l’affidavit répond directement à une partie de l’affidavit Love. L’Opposante a également affirmé qu’elle n’aurait pas pu anticiper les définitions de Mme Love des services de la Requérante et de sa clientèle, et que l’affidavit Worland répond à ces définitions.

[32] Je conclus que les paragraphes contestés ne constituent pas une réponse appropriée. Une contre-preuve appropriée est une contre-preuve qui répond directement aux points soulevés dans la preuve d’un requérant qui ne sont pas anticipés; elle ne vise pas à corriger ou à compléter la preuve antérieure d’un opposant, et ne permet pas à une partie de diviser son affaire [voir Halford c Seed Hawk Inc, 2003 CFPI 141]. Bien que les paragraphes contestés soient énoncés sous la forme de réponses aux déclarations dans l’affidavit Love, leur contenu se rapporte directement à la nature des Services de l’Opposante, à sa clientèle et à ses activités promotionnelles. Ces faits sont pertinents à toutes les évaluations de la confusion entre les marques de commerce [voir les articles 6(5)a), c) et d) de la Loi]. De plus, les paragraphes contestés constituent la seule preuve de ces faits pertinents; la preuve principale n’aborde aucunement ces faits, à l’exception d’une description de base des Services de l’Opposante qui ne fait que répéter les services énumérés dans les enregistrements de marque de commerce de l’Opposante [voir affidavit Shumka, au para 3]. Si les paragraphes contestés sont admis en tant que réponse, l’Opposante aura effectivement divisé sa cause en ce qui a trait à la nature de ses services, à la nature de son commerce et, dans une mesure plus limitée, à la mesure dans laquelle les Marques de l’Opposante sont connues.

[33] Bien que l’Opposante affirme qu’elle n’aurait pas pu anticiper les définitions de Mme Love des services de la Requérante et de sa clientèle, je conclus que l’Opposante aurait dû anticiper la pertinence de ses propres services et de sa propre clientèle, et aborder ces questions dans sa preuve principale. En effet, il semble que l’Opposante ait anticipé la pertinence des activités promotionnelles décrites dans l’affidavit Worland, puisque l’affidavit Shumka aborde la participation de l’Opposante à la même conférence décrite dans l’affidavit Worland [voir l’affidavit Shumka, aux para 19 à 23].

[34] Pour les raisons susmentionnées, je conclus que les paragraphes contestés ne constituent pas une réponse appropriée et sont inadmissibles. Aucun poids ne sera conféré à ces paragraphes dans la présente décision.

Motifs fondés sur l’absence du droit à l’enregistrement

[35] Les motifs fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement comprennent trois motifs distincts en vertu desquels il est allégué que, à la date à laquelle les Marques ont été employées pour la première fois, elles créaient de la confusion avec :

  • ·les Marques de l’Opposante, qui avaient été employées antérieurement au Canada (le « motif fondé sur l’article 16(1)a) »);

  • ·la marque de commerce LEGACY TAX + TRUST LAWYERS, pour laquelle une demande d’enregistrement avait déjà été produite et était toujours en instance à la date à laquelle les demandes d’enregistrement des Marques ont été annoncées aux fins d’opposition (le « motif fondé sur l’article 16(1)b) »);

  • ·les noms commerciaux de l’Opposante, Legacy Lawyers et Legacy Tax + Trust Lawyers, qui avaient été employés antérieurement au Canada (le « motif fondé sur l’article 16(1)c) »).

[36] Afin de s’acquitter de son fardeau initial à l’égard de ce motif, l’Opposante doit démontrer que :

  • ·en ce qui concerne le motif fondé sur l’article 16(1)a), les Marques de l’Opposante étaient employées au Canada avant la ou les dates de premier emploi des Marques et n’avaient pas été abandonnées à la date de l’annonce des demandes en cause [articles 16(1)a) et 16(3) de la Loi];

  • ·en ce qui concerne le motif fondé sur l’article 16(1)b) de la Loi, la demande d’enregistrement de la marque de commerce LEGACY TAX + TRUST LAWYERS a été produite avant la ou les dates de premier emploi des Marques, selon la première de ces dates, et était toujours en instance à la date de l’annonce des demandes en cause [articles 16(1)b) et 16(2) de la Loi];

  • ·en ce qui concerne le motif fondé sur l’article 16(1)c), les noms commerciaux invoqués par l’Opposante, Legacy Lawyers et Legacy Tax + Trust Lawyers, étaient employés au Canada avant la ou les dates de premier emploi des Marques et n’avaient pas été abandonnés à la date de l’annonce des demandes en cause [articles 16(1)c) et 16(3) de la Loi].

[37] Implicitement, les dates auxquelles la Requérante a employé pour la première fois les Marques, si elles ont effectivement été employées, doivent également être déterminées. Ces dates sont les dates pertinentes aux fins de l’évaluation des motifs fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement.

Premier emploi des Marques

[38] En ce qui concerne les marques de commerce des deux parties, l’« emploi » qui doit être établi est celui qui est défini à l’article 4 de la Loi, à savoir qu’une marque de commerce est « employée » en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services [article 4(2) de la Loi]. En ce qui concerne les noms commerciaux, bien que la Loi ne contienne aucune définition de l’« emploi » d’un nom commercial, il a été conclu que les définitions énoncées à l’article 4 s’appliquent aux noms commerciaux, avec les modifications appropriées [voir Professional Publishing Associates Ltd c Toronto Parent Magazine Inc (1986), 9 CPR (3d) 207 (CF 1re inst); voir aussi Mr Goodwrench Inc c General Motors Corp (1994), 55 CPR (3d) 508 (CF 1re inst)].

[39] En ce qui concerne le Dessin-marque supérieur, la preuve démontre que cette marque de commerce a été employée par la Requérante depuis au moins février 2002. À cette date, la Requérante a commencé ses activités et a distribué une brochure présentant le Dessin-marque supérieur et annonçant les Services [affidavit Love, au para 19 et à la Pièce 13]. En ce qui concerne le Dessin-marque latéral, la preuve démontre l’emploi de cette marque de commerce depuis au moins mai 2010, date à laquelle le Dessin-marque latéral a été élaboré et a commencé à être employé sur le site Web de la Requérante pour annoncer ses Services [affidavit Love, au para 20 et à la Pièce 14]. Les activités liées aux annonces susmentionnées qui employaient les Marques répondent à la définition d’« emploi » d’une marque de commerce énoncée à l’article 4 de la Loi.

[40] Compte tenu de ce qui précède, les dates pertinentes pour les motifs fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement sont février 2002 pour le Dessin-marque supérieur et mai 2010 pour le Dessin-marque latéral.

Fardeau initial de l’Opposante

[41] En ce qui concerne le motif fondé sur l’article 16(1)a), je conclus que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial à l’égard des deux Marques de l’Opposante. En ce qui concerne LEGACY TAX + TRUST LAWYERS, la preuve établit que la date de premier emploi de cette marque de commerce était antérieure aux deux dates pertinentes pour les motifs fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement :

  • ·les membres à la Coentreprise Legacy, qui sont les prédécesseurs en titre de l’Opposante à l’égard des Marques de l’Opposante, ont établi et commencé à offrir des services de conseils fiscaux, des services de planification successorale et d’autres services juridiques en octobre 2000 [affidavit Shumka, au para 3];

  • ·en octobre 2000, un grand nombre de messages ont été envoyés pour annoncer la Coentreprise Legacy et de ses offres de services. Ces messages arboraient la marque de commerce LEGACY TAX + TRUST LAWYERS [affidavit Shumka, au para 11 et à la Pièce C].

[42] Les annonces faites par la Coentreprise Legacy en octobre 2000 répondent à la définition d’« emploi » d’une marque de commerce en liaison avec des services qui est énoncée à l’article 4(2) de la Loi. Ces annonces sont suffisantes pour démontrer l’emploi par l’Opposante de la marque de commerce LEGACY TAX + TRUST LAWYERS en date d’octobre 2000, date antérieure aux dates pertinentes pour les motifs fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement. En l’absence de preuve que cette marque de commerce a par la suite été abandonnée avant les dates pertinentes pour ces motifs, je conclus que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial à l’égard de la marque de commerce LEGACY TAX + TRUST LAWYERS.

[43] En ce qui concerne la marque de commerce LEGACY LAWYERS, l’Opposante a reconnu à l’audience que la seule preuve d’emploi de cette marque de commerce est le nom de domaine de l’Opposante, legacylawyers.com, et des adresses courriel hébergées par ce nom de domaine, qui figurent sur les documents publicitaires de l’Opposante. La Requérante affirme que l’incorporation d’une marque de commerce dans un nom de domaine ne constitue pas un « emploi » d’une marque de commerce au sens de l’article 4 de la Loi [observations écrites de la Requérante, au para 188(a), citant Opus Corporation c HomeOpus Inc, 2017 COMC 57 au para 43]. À l’audience, l’Opposante n’était pas d’accord et a attiré l’attention sur plusieurs décisions où il a été conclu que l’incorporation d’une marque de commerce dans un nom de domaine portait atteinte aux droits du propriétaire à l’égard de sa marque de commerce. Selon les observations de l’Opposante, un « emploi » qui peut porter atteinte aux droits à l’égard d’une marque de commerce doit nécessairement constituer un « emploi » d’une marque de commerce au sens de l’article 4 de la Loi.

[44] Aucune des observations des parties sur ce point n’est convaincante. L’affaire HomeOpus citée par la Requérante se distingue de celle en l’espèce parce que, dans cette affaire, la marque de commerce en cause ne figurait que dans le nom de domaine, et non sur le site Web connexe ou tout autre document publicitaire. En l’espèce, le nom de domaine, y compris la marque de commerce LEGACY LAWYERS, figure sur divers formats de documents publicitaires de l’Opposante, comme les messages envoyés en octobre 2000 [voir l’affidavit Shumka, à la Pièce C].

[45] En ce qui concerne le fait que l’Opposante s’appuie sur des décisions concernant des violations de droits à l’égard de marques de commerce, les activités qui constituent une violation des droits à l’égard d’une marque de commerce ne représentent pas, dans tous les cas, un « emploi » d’une marque de commerce au sens de l’article 4 de la Loi. Par exemple, l’annonce de produits en liaison avec une marque de commerce qui crée de la confusion constitue une contrefaçon d’une marque de commerce déposée [voir l’article 20(1)a) de la Loi], mais outrepasse la portée de l’« emploi » d’une marque de commerce en liaison avec des produits [article 4(1) de la Loi].

[46] À mon avis, la bonne approche consiste à déterminer si le nom de domaine, qui contient la marque de commerce LEGACY LAWYERS, peut être considéré comme une variante de cette marque de commerce, de sorte que la présentation du nom de domaine dans les documents publicitaires de l’Opposante constitue un emploi de la marque de commerce LEGACY LAWYERS. En appliquant les principes énoncés dans Promafil Canada Ltée c Munsingwear Inc, 1992 CanLII 12831 (CAF), qui examine directement de la question des « variantes » de marques de commerce dans le contexte des procédures en vertu de l’article 45 de la Loi, je conclus que l’emploi du nom de domaine dans les documents publicitaires d’octobre 2000 constitue un emploi de la marque de commerce LEGACY LAWYERS. Les parties dominantes de la marque de commerce LEGACY LAWYERS – et en fait, toutes les parties de cette marque de commerce – sont conservées dans le nom de domaine. De plus, à mon avis, l’ajout de « www. » et de « .com » ne change pas l’impression dominante créée par les parties dominantes, à savoir les mots LEGACY LAWYERS. Par conséquent, l’Opposante s’est également acquittée de son fardeau initial à l’égard de la marque de commerce LEGACY LAWYERS.

[47] En ce qui concerne le motif fondé sur l’article 16(1)b), l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial. La demande d’enregistrement pour LEGACY TAX + TRUST LAWYERS n’a été produite qu’en mai 2016, bien après les deux dates pertinentes pour les motifs fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement.

[48] En ce qui concerne l’article 16(1)c), je conclus que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial à l’égard du nom commercial Legacy Tax + Trust Lawyers, mais pas du nom commercial Legacy Lawyers. Les annonces d’octobre 2000 identifient la Coentreprise Legacy elle-même en tant que « Legacy Tax + Trust Lawyers », en plus d’annoncer les services de la Coentreprise Legacy en liaison avec cette marque de commerce. Je conclus donc que Legacy Tax + Trust Lawyers a été employée comme marque de commerce et nom commercial dans au moins les annonces d’octobre 2000.

[49] Cependant, j’arrive à une conclusion différente en ce qui a trait au nom commercial Legacy Lawyers. La preuve démontre que les mots « legacylawyers » sont employés dans le nom de domaine du site Web de la Coentreprise Legacy. Ce n’est pas le nom du commerce de la Coentreprise Legacy. Par conséquent, je conclus que Legacy Lawyers n’a pas été employée comme nom commercial avant l’une ou l’autre des dates pertinentes pour les motifs fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement.

Test en matière de confusion

[50] Étant donné que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial à l’égard du motif fondé sur l’article 16(1)a) (en ce qui a trait aux deux Marques de l’Opposante) et du motif fondé sur l’article 16(1)c) (en ce qui a trait au nom commercial Legacy Tax + Trust Lawyers seulement), il incombe maintenant à la Requérante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que les Marques ne créaient pas de la confusion avec les Marques de l’Opposante ou son nom commercial à la date pertinente pour les motifs fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement.

[51] L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce ou un nom commercial lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits et services liés aux marques de commerce ou à l’entreprise poursuivie sous le nom commercial sont fabriqués, vendus, donnés à bail, loués ou exécutés (selon le cas) par la même personne [articles 6(2) et (3) de la Loi]. Une marque de commerce crée également de la confusion si les consommateurs sont susceptibles de présumer que les produits des parties sont approuvés, autorisés ou appuyés par la même personne [voir Glen-Warren Productions Ltd c Gertex Hosiery Ltd (1990), 29 CPR (3d) 7 (CF 1re inst), au para 21]. Le test en matière de confusion ne concerne pas la confusion entre les marques de commerce ou noms commerciaux. Il concerne plutôt la confusion quant à la source des produits ou des services.

[52] En l’espèce, la question pertinente est celle de savoir si un consommateur qui voit les Services, exécutés ou annoncés en liaison avec les Marques, croirait que ces services et les services liés aux Marques de l’Opposante ou à la Coentreprise Legacy (faisant affaire sous le nom commercial Legacy Tax + Trust Lawyers) proviennent de la même personne, ou sont approuvés, autorisés ou appuyés par la même personne. Mon analyse de cette question portera principalement sur la confusion avec les Marques de l’Opposante, mais étant donné que la question pertinente en ce qui a trait à la confusion avec le nom commercial Legacy Tax + Trust Lawyers de l’Opposante est si similaire, mes conclusions concernant cette marque de commerce s’appliqueront également au nom commercial.

[53] L’évaluation de la question pertinente de la confusion est une question de première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue de la marque de commerce du requérant alors qu’il n’a qu’un souvenir imparfait de la marque de commerce de l’opposant. Ce consommateur ordinaire et pressé ne s’arrête pas pour examiner la question en profondeur ni pour étudier de près les ressemblances et les différences entre les marques de commerce [Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23 au para 20].

[54] L’application du test en matière de confusion est un exercice qui consiste à rechercher les faits et à tirer des conclusions [Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27 au para 102]. Toutes les circonstances de l’affaire doivent être prises en compte, y compris les facteurs énumérés à l’article 6(5) de la Loi, à savoir :

  • ·le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

  • ·la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

  • ·le genre de produits, services ou entreprises;

  • ·la nature du commerce;

  • ·le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux, notamment dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

[55] Cette liste n’est pas exhaustive; tous les facteurs pertinents doivent être pris en compte, même si le poids qu’il convient de leur accorder n’est pas nécessairement le même [voir Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22 au para 54; Veuve Clicquot, précité, au para 21].

Caractère distinctif inhérent et mesure dans laquelle les marques sont devenues connues

[56] Le caractère distinctif inhérent d’une marque de commerce renvoie à son originalité. Les marques de commerce qui ne sont pas originales parce qu’elles comprennent, par exemple, des mots descriptifs ou suggestifs n’ont droit qu’à une protection limitée [Prince Edward Island Mutual Insurance Co c Insurance Co of Prince Edward Island (1999), 86 CPR (3d) 342 (CF 1re inst); Kellogg Canada Inc c Weetabix of Canada Ltd, 2002 CFPI 724]. On peut raisonnablement s’attendre à une plus grande discrimination de la part du public lorsqu’une marque de commerce est constituée, en tout ou en partie, de mots décrivant des articles à vendre, de sorte que les différences relativement faibles soient suffisantes pour éviter la confusion [General Motors Corp c Bellows, 1949 CanLII 47 (CSC), [1949] RCS 678, citant Office Cleaning Services Ltd c Westminster Window & General Cleaners, Ltd (1946), 63 CPR 39, à la page 41 (HL)]. Cela dit, le caractère distinctif d’une marque de commerce descriptive augmente lorsque la marque de commerce devient connue du public consommateur, par exemple, par l’emploi ou la promotion de la marque de commerce sur le marché [voir, par exemple, Mondo Foods Co Ltd c Industries TorréMonde Inc, 2022 CF 926 au para 24].

Caractère distinctif inhérent

[57] Je conclus que les Marques de l’Opposante suggèrent, au moins dans une large mesure, les Services de l’Opposante et qu’elles n’ont donc droit qu’à une protection limitée. Les deux Marques de l’Opposante comprennent le mot « legacy » [héritage] en tant qu’élément dominant. La preuve démontre que ce terme est défini dans plusieurs dictionnaires anglais comme étant un don d’argent ou d’autres biens qu’une personne laisse à autrui lorsqu’elle décède, en vertu d’un testament [voir l’affidavit Berent, aux Pièces 1 à 4]. Bien que l’affidavit Berent soit postérieur aux dates pertinentes pour les motifs fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement, les entrées du dictionnaire qui y sont jointes suggèrent que ce sens a été attribué au mot « legacy » depuis des siècles [voir l’affidavit Berent, à la Pièce 1, à la troisième page]. Compte tenu de cette preuve, je suis convaincu que le mot « legacy » serait généralement compris comme un cadeau qu’une personne laisse à autrui dans son testament, à son décès.

[58] Compte tenu du sens du mot « legacy » et de son caractère dominant dans les Marques de l’Opposante, il est évident que ces deux marques de commerce suggèrent, au moins dans une large mesure, les Services de l’Opposante. Dans son ensemble, la marque de commerce LEGACY LAWYERS évoque l’idée d’un avocat qui offre des services liés aux cadeaux laissés en vertu d’un testament (à savoir un héritage). Cela suggère au moins dans une large mesure, voire décrit totalement des avocats qui fournissent des services de planification successorale. La marque de commerce LEGACY TAX + TRUST LAWYERS suggère tout autant des avocats qui fournissent des services de planification successorale, des services fiscaux et des services juridiques liés aux fiducies.

[59] J’en arrive à une conclusion similaire en ce qui a trait aux Marques. Ces marques de commerce arborent également, bien en vue, le mot « legacy » [héritage] et, lorsque considérées dans leur ensemble, elles véhiculent l’idée d’une fiducie établie en vertu d’un héritage laissé dans un testament. Bien que le lien avec les Services ne soit pas immédiatement évident, la preuve démontre que la Requérante offre ces services dans le contexte d’une planification successorale. Par exemple, les services de bienfaisance de la Requérante sont promus comme un aspect clé d’un plan successoral [voir l’affidavit Love, à la Pièce 7]. Compte tenu du contexte dans lequel les Services sont offerts, je conclus que les Marques suggèrent dans une mesure suffisante le genre de ces services.

[60] La Requérante soutient que les Marques sont uniques et possèdent un caractère distinctif inhérent, particulièrement en raison des lettres LPT incluses dans le [traduction] « cadre stylisé orné » qui figure dans les deux marques de commerce [observations écrites de la Requérante, aux para 115 et 116]. Toutefois, il est bien établi que les lettres de l’alphabet ne constituent pas des marques de commerce fortes et hautement distinctives [voir GSW Ltée c Great West Steel Industries Ltd (1975), 22 CPR (2d) 154 (CF 1re inst)]. C’est particulièrement vrai dans le cas des lettres LPT incluses dans les Marques en raison de la présence de l’expression « Legacy Private Trust » dans les deux marques de commerce. Il est clair que les lettres LPT ne sont qu’un acronyme de cette expression. En ce qui concerne le [traduction] « cadre stylisé orné », je conclus qu’il n’est pas particulièrement unique ou distinctif, ou qu’il ne s’agit pas d’un élément dominant des Marques.

Caractère distinctif acquis

[61] Le caractère distinctif des marques de commerce des parties aurait pu être renforcé si elles étaient devenues connues du public par leur emploi ou leur promotion. Toutefois, la preuve n’étaye pas une conclusion selon laquelle l’une des marques de commerce en cause est devenue connue dans une large mesure à la date pertinente pour les motifs fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement.

[62] À la date pertinente antérieure en ce qui a trait au Dessin-marque supérieur (février 2002), la preuve démontre l’emploi et la promotion suivants des Marques de l’Opposante :

  • ·la marque de commerce LEGACY TAX + TRUST LAWYERS était présentée dans les bureaux de la Coentreprise Legacy [affidavit Shumka, au para 25 et à la Pièce O];

  • ·les Marques de l’Opposante figuraient sur des documents qui étaient fournis aux clients dans le cadre de leur représentation par la Coentreprise Legacy, comme le papier à en-tête sur lequel la correspondance des clients était imprimée et des cartes professionnelles [affidavit Shumka, aux para 12 et 14, et aux Pièces C et G];

  • ·la Coentreprise Legacy comptait 990 clients en 2001, soit la seule date antérieure à février 2002 pour laquelle des données sont fournies. Ce chiffre est fondé sur les dossiers tenus par la Coentreprise Legacy dans la pratique normale de son commerce, et M. Shumka croit qu’il est véridique [affidavit Shumka, au para 30]. Compte tenu de la tendance générale à la hausse quant au nombre de clients de la Coentreprise Legacy indiqué dans l’affidavit Shumka (au para 30), je suis convaincu qu’il y aurait eu un nombre semblable, voire quelque peu plus élevé de clients en février 2002;

  • ·les Marques de l’Opposante figuraient sur le site Web de la Coentreprise Legacy depuis au moins mars 2021 [affidavit Shumka, au para 13 et à la Pièce F]. Il n’y a aucune preuve du nombre de visiteurs uniques sur le site Web à la date pertinente antérieure ou à toute autre date;

  • ·en octobre 2000, un [traduction] « grand nombre » de messages postaux ont été envoyés pour annoncer la Coentreprise Legacy et ses offres de services, lesquels étaient imprimés sur du papier à en-tête arborant les Marques de l’Opposante [affidavit Shumka, au para 11 et à la Pièce C]. Il n’y a aucune preuve du nombre précis de messages postaux envoyés, autre que la définition de M. Shumka selon laquelle il s’agissait d’un [traduction] « grand nombre »;

  • ·au début de 2001, la Coentreprise Legacy a diffusé une annonce montrant la marque de commerce LEGACY TAX + TRUST LAWYERS dans Lexpert, un magazine juridique national canadien [affidavit Shumka, au para 16 et à la Pièce H].

[63] À la date pertinente la plus tardive en ce qui a trait au Dessin-marque latéral (mai 2010), la preuve démontre ce qui suit :

  • ·les Marques de l’Opposante continuaient d’être présentées dans les bureaux de la Coentreprise Legacy, sur le site Web et sur les documents fournis aux clients, comme le papier à en-tête et les cartes professionnelles [affidavit Shumka, aux para 12, 13, 14 et 25];

  • ·la Coentreprise Legacy comptait environ 1 300 clients en 2006 et 2 100 clients en 2012, les deux années les plus proches de 2010 pour lesquelles des renseignements sont fournis [affidavit Shumka, au para 30]. Compte tenu de la tendance générale à la hausse du nombre de clients indiqué au paragraphe 30 de l’affidavit Shumka, je suis disposé à conclure que le nombre de clients en 2010 était approximativement à mi-chemin entre les chiffres susmentionnés, soit environ 1 700 clients;

  • ·la Coentreprise Legacy avait diffusé des annonces présentant les Marques de l’Opposante dans le magazine The Advocate (de 2004 à vers la date pertinente), et les Marques de l’Opposante avaient été présentées dans des articles publiés dans le magazine Lawyer’s Weekly (en 2006) [affidavit Shumka, aux para 17 et 18, Pièces I et J];

  • ·la Coentreprise Legacy a commandité le congrès national canadien de la STEP en 2009 et en 2010 (il n’est pas clair si le congrès de 2010 a eu lieu avant la date pertinente la plus tardive, soit avant mai 2010), et la marque de commerce LEGACY TAX + TRUST LAWYERS figurait sur des brochures. M. Shumka a été informé par M. Worland que ces brochures avaient été distribuées lors du congrès, et il a été informé par le personnel de la STEP que 320 délégués avaient assisté au congrès de 2009 [affidavit Shumka, aux para 19, 20, 23, et à la Pièce K].

[64] La Requérante soutient que la preuve de M. Shumka concernant le nombre de clients de la Coentreprise Legacy constitue un ouï-dire parce qu’elle est fournie sur la foi de renseignements et de croyances, et que M. Shumka ne précise pas comment ou de qui il a obtenu cette preuve par ouï-dire [observations écrites de la Requérante, au para 29]. Toutefois, à mon avis, une lecture juste du paragraphe 30 de l’affidavit de M. Shumka (qui fournit la preuve en question) montre que M. Shumka a obtenu les renseignements des dossiers commerciaux de la Coentreprise Legacy et qu’il croit que ces dossiers sont véridiques. Je suis donc disposé à accepter que la preuve en question découle des dossiers commerciaux de la Requérante.

[65] La Requérante soutient également que l’affidavit Shumka ne fournit aucune mesure, comme des revenus de vente, les dépenses de commercialisation et les chiffres de diffusion des annonces de l’Opposante [observations écrites de la Requérante, au para 27]. Je suis d’accord qu’une bonne partie de la preuve de l’Opposante ne me permet pas de tirer des conclusions significatives quant à l’étendue des activités promotionnelles de l’Opposante. Le nombre d’annonces par publipostage envoyées n’a pas été fourni. Le nombre de visites sur le site Web n’a pas été fourni. L’étendue de la diffusion des publications dans lesquelles l’Opposante a été promue n’est pas connue. En ce qui concerne les congrès canadiens de la STEP, je ne suis pas disposé à accepter la preuve par ouï-dire de l’Opposante quant à la distribution de brochures lors des congrès ou au nombre de participants. Cela étant dit, la preuve démontre le nombre de clients de Coentreprise Legacy à la date pertinente, ainsi que le fait que les Marques de l’Opposante figuraient sur les documents fournis aux clients dans le cadre de leur représentation et dans les bureaux de l’Opposante. Je suis donc convaincu que les Marques de l’Opposante étaient devenues connues d’au moins 1 000 clients de la Coentreprise Legacy en date de février 2002, et d’environ 1 700 clients en date de mai 2010.

[66] En ce qui concerne les Marques, à la date pertinente antérieure, soit la date de premier emploi du Dessin-marque supérieur, cette marque de commerce n’avait pas été employée ou n’était pas devenue connue dans une certaine mesure. À la date pertinente la plus tardive, soit la date de premier emploi du Dessin-marque latéral, cette marque de commerce n’avait pas été employée au Canada. Toutefois, affirmer que le Dessin-marque latéral n’était pas connu dans une certaine mesure serait quelque peu fallacieux. Le Dessin-marque latéral est identique au Dessin-marque supérieur, à l’exception du fait que les éléments figuratifs figurent sur le côté des éléments nominaux, plutôt qu’au-dessus. En raison du degré très élevé de similitude entre ces marques de commerce, je conclus que le Dessin-marque latéral aurait été connu dans la même mesure que le Dessin-marque supérieur à la date pertinente la plus tardive. La preuve démontre que, à cette date, le Dessin-marque supérieur était employé depuis environ huit ans et figurait sur de nombreux documents différents fournis aux clients dans le cadre de la prestation des Services, comme les propositions de clients, les déclarations de clients, les factures émises aux clients et les ententes conclues avec des clients [affidavit Love, au para 27 et aux Pièces 15 à 24]. Pendant cette période, la Requérante a obtenu près de 300 nouveaux clients et a généré plus de 11 millions de dollars en revenus [affidavit Love, aux para 24 et 25]. La Requérante a également dépensé plus de 145 000 $ pour des activités de commercialisation et de promotion présentant le Dessin-marque supérieur, notamment des annonces imprimées, des cadeaux promotionnels arborant le Dessin-marque supérieur et des cartes de vœux [affidavit Love, aux para 29 et 31, et aux Pièces 25 à 27].

[67] Compte tenu de ce qui précède, je conclus qu’à la date pertinente antérieure, les Marques de l’Opposante auraient été connues dans une mesure un peu plus large que le Dessin-marque supérieur, mais pas beaucoup plus. Être connu d’environ 1 000 clients n’est certainement pas minime, mais n’est pas très important non plus. À la date pertinente la plus tardive, les Marques de l’Opposante étaient devenues plus connues dans une mesure un peu plus large, mais les Marques de la Requérante étaient aussi connues dans une certaine mesure. Je ne suis pas convaincu qu’à l’une ou l’autre des dates pertinentes, les Marques de l’Opposante étaient connues dans une mesure beaucoup plus large que celles de la Requérante, ou qu’elles étaient suffisamment connues pour compenser leur nature hautement suggestive et augmenter la portée de la protection à laquelle elles ont droit.

Période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[68] Comme il en a été discuté ci-dessus, les Marques de l’Opposante avaient toutes deux été employées avant l’introduction du Dessin-marque supérieur, mais seulement pendant environ 16 mois. Cette période relativement brève ne favorise pas l’Opposante de façon significative.

Genre des services et nature du commerce

[69] Lors de l’examen des services et des commerces des parties, c’est l’état déclaratif des services figurant dans la demande qui doit être considéré [voir Miss Universe, Inc c Bohna (1994), 58 CPR (3d) 381 (CAF)]. L’état déclaratif des services doit être lu dans l’optique de déterminer le type probable d’entreprise ou de commerce envisagé par la Requérante. À cet égard, la preuve de la nature véritable du commerce de la Requérante est utile [voir McDonald’s Corp c Coffee Hut Stores Ltd (1996), 68 CPR (3d) 168 (CAF)].

[70] Étant donné que l’Opposante se fonde sur l’emploi antérieur des Marques de l’Opposante, les services, tel que rédigés dans la demande, doivent être comparés aux services en liaison avec lesquels l’Opposante employait les Marques de l’Opposante avant les dates pertinentes [Hayabusa Fightwear Inc c Suzuki Motor Corporation, 2014 CF 784 aux para 46 et 47].

[71] La preuve démontre que, aux dates pertinentes pour les motifs fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement, les Marques de l’Opposante ont été employées en liaison avec des services de conseils fiscaux, des services de planification successorale et d’autres services juridiques [affidavit Shumka, aux para 3 et 11, et à la Pièce C]. Ces services chevauchent au moins en partie les services de préparation de déclarations fiscales indiqués dans les demandes. Ces services sont également relativement étroitement liés aux autres services énumérés dans les demandes. En particulier, la preuve de la Requérante démontre que ses services comprennent l’ouverture de fiducies pour des dons de bienfaisance à l’appui d’un plan successoral [affidavit Love, au para 9(g) et à la Pièce 7; voir également la Pièce 13, à la dixième page]. Pour ces raisons, je suis convaincu que les [traduction] « [s]ervices d’organisme de bienfaisance, nommément administration et gestion de fondations privées et de fonds de bienfaisance » de la Requérante, comme ils sont énoncés dans les demandes, sont différents des services de planification successorale, mais ont eu lien relativement étroit avec ceux-ci. Compte tenu du fait que le test en matière de confusion est satisfait, même si les consommateurs peuvent déduire que les services sont tout juste approuvés ou appuyer par la même partie, je conclus que les services des parties ont un lien suffisamment étroit pour étayer une conclusion de confusion.

[72] La Requérante soutient qu’il n’y a aucun [traduction] « véritable » chevauchement dans les services des parties, que ces dernières exercent leurs activités dans des domaines réglementés distincts et fournissent des services différents et distincts, et qu’elles ne sont pas des concurrentes [observations écrites de la Requérante, aux para 149, 150 et 153]. La signification de l’affirmation de la Requérante selon laquelle il n’y a aucun [traduction] « véritable » chevauchement n’est pas claire; néanmoins, les services des parties se chevauchent au moins en partie, comme il est indiqué ci-dessus. De plus, le fait que les parties fournissent des services différents et qu’elles ne soient pas des concurrentes ne signifie pas nécessairement que le genre des services ne favorise pas une conclusion de confusion. La Loi prévoit qu’il peut y avoir confusion non seulement lorsque les produits ou services des parties sont différents, mais même lorsqu’ils ne sont pas de la même catégorie générale [article 6(2) de la Loi].

[73] La Requérante soutient également que ses clients sont avertis et qu’ils achètent des services coûteux, ce qui réduit la probabilité de confusion des consommateurs [para 156 à 158]. Toutefois, même si c’est le cas, le test en matière de confusion demeure celui de la première impression. L’examen minutieux auquel on peut s’attendre des consommateurs avertis qui effectuent des achats importants peut remédier à la confusion, mais cela ne signifie pas qu’il n’y a jamais eu de confusion. Cela ne signifie pas non plus qu’il ne continuera pas de subsister une confusion dans l’esprit d’autres consommateurs pertinents qui n’ont peut-être pas effectué le même examen minutieux [Masterpiece, au paragraphe 72].

[74] En ce qui concerne la nature du commerce, étant donné que les services des parties ont un lien relativement étroit (et qu’ils se chevauchent en partie en ce qui a trait aux services fiscaux), il est raisonnable de conclure que les services des parties sont habituellement disponibles par des voies de commercialisation similaires. Cette conclusion est étayée par la preuve. La Requérante a commercialisé ses services d’administration et de gestion d’organismes de bienfaisance dans le contexte de dons de bienfaisance aux termes de plans successoraux [voir l’affidavit Love, à la Pièce 13, à la dixième page]. Cela démontre que la Requérante offre ses services professionnels à la même catégorie générale de consommateurs, qui sont sur le marché des services de planification et de gestion successorales.

Degré de ressemblance

[75] Lorsqu’il s’agit de déterminer le degré de ressemblance, les marques de commerce doivent être considérées dans leur ensemble sous l’angle de la première impression. Il ne faut pas scruter séparément chacun de leurs éléments constitutifs [Wool Bureau of Canada Ltd c Registraire des marques de commerce (1978), 40 CPR (2d) 25 (CF 1re inst)]. Cela dit, il est préférable de commencer par déterminer s’il y a un aspect de chaque marque de commerce qui est particulièrement frappant ou unique [Masterpiece, au para 64]. À cet égard, il a été noté que le premier mot d’une marque de commerce est important pour distinguer les marques de commerce [Conde Nast Publications Inc c Union des éditions modernes (1979), 46 CPR (2d) 183, à la page 188].

[76] Les parties conviennent que les marques de commerce en cause partagent toutes l’élément commun LEGACY. L’Opposante soutient que cet élément commun confère aux marques de commerce un degré élevé de ressemblance parce que LEGACY est le premier mot des marques de commerce et que LEGACY est l’aspect le plus dominant, frappant et unique de chaque marque de commerce [observations écrites de l’Opposante, aux para 88 à 90].

[77] Pour sa part, la Requérante soutient que l’importance de l’élément commun LEGACY diminue en raison de la nature descriptive du mot LEGACY. La Requérante soutient que les autres marques de la Requérante sont distinctes dans la présentation et le son, et qu’elles suggèrent des idées différentes, ce qui donne lieu à un faible degré de ressemblance. En particulier, la Requérante renvoie à ce qu’elle appelle l’élément [traduction] « LPT/cadre », qui, selon elle, est le premier élément, ainsi que le plus large et le plus important des Marques, et il est entièrement absent des Marques de l’Opposante [observations écrites de la Requérante, aux para 134 à 143].

[78] Je conclus que le mot commun « lecacy » confère aux marques de commerce un degré de ressemblance assez élevé, tant dans la présentation que dans le son. Cet élément commun est important pour les distinguer parce qu’il s’agit du premier mot de chaque marque de commerce. Il s’agit aussi d’un aspect frappant de chaque marque de commerce en cause en raison de sa taille relative dans la marque de commerce et de son caractère distinctif relatif par rapport aux autres éléments des marques de commerce. Bien que j’accepte que le mot « legacy » suggère fortement les caractéristiques des services des parties, les autres mots des marques de commerce des parties suggèrent encore davantage les services des parties elles-mêmes ou les décrivent directement. Étant donné qu’un élément important des marques de commerce est identique, les marques de commerce se ressemblent dans la présentation et le son.

[79] La Requérante a raison de souligner que l’élément [traduction] « LPT/cadre » précède le mot « legacy » dans les deux Marques. Toutefois, je n’accepte pas l’affirmation de la Requérante selon laquelle cet élément est [traduction] « l’élément le plus large et le plus important » des Marques (au para 137 des observations écrites de la Requérante). Le mot « legacy » est plus large que cet élément dans le Dessin-marque latéral, et à mon avis, le mot « legacy » est à peu près aussi important que l’élément [traduction] « LPT/cadre » dans le Dessin-marque supérieur. De plus, lorsque les Marques sont considérées dans leur ensemble, il est évident que « LPT » n’est qu’un acronyme des mots des marques de commerce, à savoir « Legacy Private Trust ». À mon avis, cela réduit l’importance que les consommateurs accorderont à l’élément [traduction] « LPT/cadre ».

[80] Bien que les marques de commerce des parties soient assez similaires dans la présentation et le son, elles sont un peu plus différentes en ce qui a trait aux idées qu’elles suggèrent. Les Marques de l’Opposante suggèrent fortement le fournisseur des services de l’Opposante, à savoir des avocats qui offrent des services fiscaux, de succession et de fiducie. Cependant, les Marques suggèrent une fiducie privée appelée « legacy » [héritage], ou une fiducie privée établie en vertu d’un héritage laissé aux termes d’un testament.

Autres circonstances de l’espèce – État du marché et coexistence des marques de commerce

[81] La Requérante soutient que le fait qu’un grand nombre de tiers commerçants emploie des marques de commerce comprenant LEGACY et que le fait que les parties coexistent sur le marché depuis près de deux décennies sans cas de confusion connu favorisent tous deux fortement la position de la Requérante. Toutefois, aux dates pertinentes pour les motifs fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement, il n’y a aucune preuve que des tiers employaient des marques de commerce comprenant LEGACY ou que les parties coexistent largement sans cas de confusion. Par conséquent, ces circonstances ne favorisent pas la Requérante en ce qui a trait aux motifs fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement.

Conclusion concernant la confusion

[82] Dans l’ensemble, compte tenu de toutes les circonstances pertinentes de l’espèce, je conclus que la probabilité de confusion entre les Marques et les Marques de l’Opposante est moins qu’égale. La preuve de la Requérante démontre que toutes les marques de commerce des parties, et en particulier les Marques de l’Opposante, suggèrent fortement et décrivent les caractéristiques clés des services des parties. De telles marques de commerce n’ont pas droit à une protection large; de petites différences sont suffisantes pour permettre aux consommateurs de les différencier. Bien que les marques de commerce soient relativement semblables dans la présentation et le son, et qu’elles soient employées en liaison avec des services qui se chevauchent en partie et qui ont un lien relativement étroit, il existe également des différences évidentes dans la présentation et le son, et les idées que suggèrent les marques de commerce sont différentes. Je conclus que ces différences sont suffisantes pour permettre aux consommateurs de distinguer les marques de commerce hautement suggestives des parties. Je conclus qu’aux dates pertinentes pour les motifs fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement, il est moins probable que les consommateurs concluent que les Services, vendus en liaison avec les Marques, proviennent de la même source que les Services de l’Opposante, vendus en liaison avec les Marques de l’Opposante.

[83] Étant donné que la Requérante s’est acquittée de son fardeau ultime de démontrer que les marques de commerce ne créent pas de confusion, les motifs fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement sont rejetés.

Motif fondé sur la non-enregistrabilité

[84] À l'appui de ce motif d'opposition, l'Opposante s'appuie sur ses marques de commerce LEGACY LAWYERS (LMC572,467) et LEGACY TAX + TRUST LAWYERS (LMC1,145,219). Étant donné que ces enregistrements sont en règle dans le registre, l’Opposante s’acquitte de son fardeau initial à l’égard de ce motif. Par conséquent, la Requérante a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que les Marques ne créent pas de confusion avec ces marques de commerce. La date pertinente pour évaluer la confusion en vertu de ce motif est la date de la présente décision [Simmons Ltd c A to Z Comfort Beddings Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

[85] La question de la confusion a été abordée dans le contexte des motifs fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement, à la date de premier emploi des Marques (à savoir février 2002 et mai 2010, respectivement). Étant donné que la date pertinente pour le motif fondé sur la non-enregistrabilité est la date de la présente décision, tous les éléments de preuve pertinents au dossier doivent être pris en compte dans l’analyse de la confusion en vertu de ce motif. En particulier, la preuve suivante, qui est postérieure aux dates pertinentes pour les motifs fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement et qui n’était pas pertinente pour ces motifs, doit maintenant être prise en compte à l’égard du motif fondé sur la non-enregistrabilité :

  • ·la preuve de l’emploi et de la promotion des Marques de l’Opposante et des Marques sur une plus longue période;

  • ·la preuve de l’enregistrement ou de l’emploi de marques de commerce comprenant LEGACY par des tiers.

[86] Pour les raisons suivantes, je conclus que la preuve supplémentaire susmentionnée n’est pas utile à l’Opposante. Par conséquent, je conclus qu’à la date de la présente décision, la probabilité de confusion est, au plus, la même qu’aux dates pertinentes pour les motifs fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement, voire moindre.

Preuve supplémentaire de l’emploi des marques de commerce des parties

[87] La preuve démontre que les parties ont continué d’employer leurs marques de commerce respectives jusqu’au moins aux dates de l’affidavit Shumka et de l’affidavit Love, respectivement. Cette preuve a un effet sur deux circonstances qui sont pertinentes à l’évaluation de la confusion, à savoir la période pendant laquelle les marques de commerce ont été employées sur le marché et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues.

[88] En ce qui concerne les Marques de l’Opposante, l’affidavit Shumka indique ce qui suit :

  • ·les Marques de l’Opposante continuaient d’être présentées dans les bureaux de la Coentreprise Legacy, sur le site Web et sur les documents fournis aux clients, comme le papier à en-tête et les cartes professionnelles [affidavit Shumka, aux para 12, 13, 14 et 25];

  • ·la Coentreprise Legacy comptait environ 4 000 clients en date de 2020, la dernière année pour laquelle des renseignements sont fournis [affidavit Shumka, au para 30];

  • ·la Coentreprise Legacy a continué d’annoncer ses services et a fait l’objet d’articles dans diverses publications. La Coentreprise Legacy a été présentée dans un article paru dans le magazine Canadian Lawyer en 2015 [affidavit Shumka, au para 26 et à la Pièce P]. De plus, M. Shumka a été informé que la Coentreprise Legacy avait été nommée dans une publication intitulée « Best Lawyers » [meilleurs avocats] en 2018 [affidavit Shumka, au para 27]. M. Shumka a également été informé que la Coentreprise Legacy avait diffusé des annonces dans l’annuaire de la Faculté de droit de l’Université de la Colombie-Britannique en 2019 et en 2020 [affidavit Shumka, au para 29];

  • ·la Coentreprise Legacy a parrainé et envoyé des délégués au congrès national canadien de la STEP à de nombreuses reprises [affidavit Shumka, au para 19]. La marque de commerce LEGACY TAX + TRUST LAWYERS figurait sur les brochures du congrès en 2011 et en 2012, et M. Shumka a été informé avisé par M. Worland que ces brochures avaient été distribuées lors du congrès [affidavit Shumka, au para 20 et à la Pièce K]. M. Shumka a également été informé que la Coentreprise Legacy avait été annoncée dans diverses publications de la STEP, ainsi que sur des présentoirs et des tasses de café lors du congrès de 2017 à 2020 [affidavit Shumka, aux para 20 et 21, et aux Pièces M et N];

  • ·la Coentreprise Legacy a également parrainé à plusieurs reprises la conférence annuelle de la Fondation canadienne de fiscalité. M. Shumka a été informé que la marque de commerce LEGACY TAX + TRUST LAWYERS figurait sur les brochures et bannières de la conférence en 2019 et en 2020 [affidavit Shumka, au para 24];

  • ·en 2018 et 2019, la Coentreprise Legacy a parrainé et organisé une série de séminaires pour comptables, dans le cadre desquels des brochures et des cartes professionnelles arborant la marque de commerce LEGACY TAX + TRUST ont été distribuées aux participants. Aucun renseignement sur le nombre de participants n’est fourni [affidavit Shumka, au para 28].

[89] La Requérante soulève des objections similaires à l’égard de la preuve susmentionnée, comme elle l’a fait dans le cas des motifs fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement. Comme il a été indiqué à l’égard des motifs fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement, je suis d’accord que la preuve de l’Opposante ne permet pas de tirer de conclusions significatives quant à l’étendue des activités promotionnelles de l’Opposante, compte tenu de l’absence de chiffres concernant la diffusion et les dépenses publicitaires, et de la preuve par ouï-dire invoquée. Toutefois, je suis disposé à accepter que l’Opposante avait environ 4 000 clients en date d’au moins 2020 et que les Marques de l’Opposante seraient connues au moins de ces personnes.

[90] En ce qui concerne les Marques, la preuve démontre l’emploi et la promotion suivants :

  • ·les Marques figuraient sur de nombreux documents différents fournis aux clients dans le cadre de la prestation des Services, comme les propositions de clients, les déclarations de clients, les factures émises aux clients et les ententes conclues avec des clients [affidavit Love, au para 27 et aux Pièces 15 à 24];

  • ·la Requérante a obtenu plus de 800 nouveaux clients et a généré plus de 39 millions de dollars en revenus [affidavit Love, aux para 24 et 25];

  • ·la Requérante a assisté et parrainé plusieurs conférences, y compris le congrès national canadien de la STEP, et a présenté les Marques de plusieurs façons lors de ces conférences [affidavit Love, aux para 32 et 33, et aux Pièces 28 à 30];

  • ·la Requérante a publié une annonce dans le journal The Globe and Mail en 2022 [affidavit Love, au para 35 et à la Pièce 32];

  • ·la Requérante a annoncé ses services par l’entremise de courriels de masse envoyés à une liste de marketing par courriel de plus de 1 500 personnes [affidavit Love, au para 41 et à la Pièce 34];

  • ·plus de 145 000 $ ont été engagés pour des activités de commercialisation et de promotion présentant les Marques, notamment des annonces imprimées, des cadeaux promotionnels et des cartes de vœux [affidavit Love, aux para 29 et 31, et aux Pièces 25 à 27].

[91] En fin de compte, je conclus que la preuve supplémentaire de l’emploi et de la promotion des marques de commerce des parties étaye des conclusions similaires à celles qui ont été tirées à l’égard des motifs fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement. Toutes les marques de commerce des parties étaient devenues connues sur le marché de façon égale, mais pas de façon significative, et aucune des marques de commerce de l’une ou l’autre des parties n’était devenue connue dans une mesure sensiblement plus grande que les marques de commerce de l’autre partie. Par conséquent, la preuve supplémentaire de l’emploi et de la promotion des marques de commerce des parties n’aide pas sensiblement la position de l’Opposante.

Preuve de l’état du registre et de l’état du marché

[92] La Requérante a produit une preuve de l’état du registre des marques de commerce (l’affidavit Noonan) et de l’état du marché (l’affidavit Chahal et l’affidavit Kim) qui, selon la Requérante, démontre l’adoption courante du terme « Legacy » par de nombreux commerçants. La Requérante soutient que cette adoption courante signifie que les consommateurs examinent d’autres aspects des diverses marques de commerce comprenant LEGACY afin de les distinguer.

[93] Si la preuve de la Requérante décrite ci-dessus établit ce que la Requérante allègue, cela renforcerait la preuve de la Requérante selon laquelle les marques de commerce des parties ne créent pas de confusion. Autrement, la preuve ne favoriserait aucune des parties. Par conséquent, au mieux pour l’Opposante, la preuve de la Requérante sur ce point n’aurait aucun effet sur l’analyse de la confusion; la preuve ne renforce pas la preuve de l’Opposante. Par conséquent, il n’est pas nécessaire que j’examine davantage cette preuve.

Confusion à la date de la présente décision

[94] En se fondant sur la preuve aux dates pertinentes pour les motifs fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement, la probabilité de confusion entre les marques de commerce des parties est moins qu’égale. Compte tenu de la preuve supplémentaire à la date de la présente décision, la probabilité de confusion n’augmente pas. Au mieux pour l’Opposante, la probabilité de confusion demeure la même, puisque les marques de commerce des parties sont toutes connues de façon égale, mais pas de façon significative. Au pire, la probabilité de confusion serait encore moins élevée qu’aux dates pertinentes antérieures si la preuve de la Requérante concernant l’emploi par des tiers de marques de commerce contenant LEGACY était acceptée. Quoi qu’il en soit, je conclus que la preuve supplémentaire à la date de la présente décision n’augmente pas la probabilité de confusion.

[95] Par conséquent, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que les Marques ne créent pas de confusion avec les Marques de l’Opposante à la date de la présente décision. Le motif fondé sur la non-enregistrabilité est donc rejeté.

Motif fondé sur l’absence de caractère distinctif

[96] Pour s’acquitter de son fardeau initial à l’égard de ce motif, l’Opposante doit établir qu’à la date pertinente pour ce motif d’opposition, les Marques de l’Opposante avaient une réputation au Canada qui était « importante, significative ou suffisante », de sorte à annuler le caractère distinctif établi des Marques [Bojangles’ International LLC c Bojangles Café Ltd, 2006 CF 657 au para 34]. Les dates pertinentes pour ce motif d’opposition sont la date de production des oppositions, soit le 11 mars 2020 en ce qui a trait au Dessin-marque supérieur et le 20 mars 2020 en ce qui a trait au Dessin-marque latéral [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc, 2004 CF 185, 34 CPR (4th) 317 au para 25].

[97] Quelle qu’ait pu être l’étendue de la réputation des Marques, l’Opposante aux dates pertinentes, la preuve n’établit pas que cette réputation annule le caractère distinctif établi des Marques. Dans des affaires comme en l’espèce, où un opposant allègue que sa marque de commerce annule le caractère distinctif d’une autre marque de commerce, la considération de la probabilité de confusion entre les marques de commerce est le facteur déterminant pour trancher la question [voir, par exemple, Mortgagestogo.ca Inc c Wall, 2012 COMC 159 au para 34]. Comme il est indiqué ci-dessus, je conclus que les marques de commerce des parties ne créent pas de confusion à la date de la présente décision. Je conclus qu’il n’y avait aucune différence substantielle dans la preuve à la date des déclarations d’opposition qui justifieraient une conclusion différente concernant la confusion.

[98] Si les marques de commerce des parties ne créent pas de confusion à la date pertinente pour le motif fondé sur l’absence de caractère distinctif, il s’ensuit que les Marques de l’Opposante ne sont pas susceptibles d’annuler la capacité des Marques à distinguer les Services de ceux de l’Opposante à ladite date pertinente. En d’autres termes, la preuve ne démontre pas que le caractère distinctif des Marques est annulé. Par conséquent, l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial, et le motif fondé sur l’absence de caractère distinctif est rejeté.

Motif fondé sur l’absence de droit à l’emploi

[99] L’Opposante allègue qu’à la date de production des demandes (le 29 mai 2017), la Requérante n’avait pas le droit d’employer les Marques parce que cet emploi constituait une commercialisation trompeuse en vertu de l’article 7b) de la Loi et une dépréciation de l’achalandage en vertu de l’article 22 de la Loi. En appliquant les principes énoncés dans John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (précitée) en ce qui a trait au fardeau de preuve initial de l’opposant, l’Opposante doit établir une preuve prima facie d’une commercialisation trompeuse et d’une dépréciation de l’achalandage avant que le fardeau ultime ne soit transféré à la Requérante [voir, par exemple, Kentwood Floors Inc c Kentwood Homes Ltd, 2022 COMC 204 au para 63].

[100] Je conclus que l’Opposante n’a pas établi une preuve prima facie d’une commercialisation trompeuse ou d’une dépréciation de l’achalandage. En ce qui concerne la commercialisation trompeuse, trois éléments doivent être établis pour étayer une telle allégation, dont l’un est la « déception du public due à la représentation trompeuse » [Ciba-Geigy Canada Ltd c Apotex Inc, 1992 CanLII 33 (CSC)]. Cet élément est établi si le demandeur démontre que le défendeur a employé une marque de commerce qui est susceptible d’être confondue avec la marque de commerce du demandeur [Sadhu Singh Hamdard Trust c Navsun Holdings Ltd, 2016 CAF 69 au para 21]. En effet, l’Opposante soutient que cet élément est établi parce que les Marques créent de la confusion avec les Marques de l’Opposante [observations écrites de l’Opposante, au para 122]. Par conséquent, en l’espèce, il est évident que, pour que l’emploi des Marques constitue une commercialisation trompeuse, les Marques doivent créer de la confusion avec les Marques de l’Opposante. Toutefois, j’ai conclu que les Marques ne créent pas de confusion avec les Marques de l’Opposante à la date de la présente décision, et pour les mêmes raisons, je suis convaincu que le dossier de preuve à la date pertinente pour ce motif (le 29 mai 2017) appuie la même conclusion. Pour au moins cette raison, je conclus que l’Opposante n’a pas établi une preuve prima facie d’une commercialisation trompeuse.

[101] En ce qui concerne la dépréciation de l’achalandage, je note d’abord que la marque de commerce LEGACY TAX + TRUST LAWYERS n’était pas enregistrée à la date de production des demandes. Étant donné que l’article 22 de la Loi autorise les allégations de dépréciation de l’achalandage uniquement à l’égard de marques de commerce déposées, la marque de commerce LEGACY TAX + TRUST LAWYERS ne peut étayer le motif fondé sur l’absence de droit à l’emploi que dans la mesure où ce motif est fondé sur l’allégation de dépréciation de l’achalandage de l’Opposante.

[102] En ce qui concerne la marque de commerce déposée LEGACY LAWYERS, il y a quatre éléments à établir pour étayer une allégation de dépréciation de l’achalandage attaché à cette marque de commerce. Un de ces éléments est que la marque de commerce déposée du demandeur ait été employée par un défendeur en liaison avec des produits ou services [Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23 au para 46]. Pour établir cet élément, il n’est pas nécessaire que la marque de commerce déposée identique soit employée par un défendeur; un demandeur doit seulement démontrer qu’un défendeur a employé une marque de commerce suffisamment similaire à la propre marque de commerce du demandeur pour établir, dans l’esprit du consommateur, un lien entre les deux marques de commerce [Veuve Clicquot, au para 38]. Bien qu’une absence de confusion entre des marques de commerce ne signifie pas nécessairement que cet élément d’une allégation de dépréciation ne peut pas être établi [voir Toys “R” Us (Canada) Ltd c Herbs “R” Us Wellness Society, 2020 CF 682], je conclus qu’une absence de confusion est convaincante en l’espèce. Comme il a été indiqué ci-dessus, une des raisons pour lesquelles il n’a pas été conclu que les Marques créaient de la confusion était que le mot « legacy » est hautement suggestif (voire descriptif) des services des parties et qu’il ne distingue donc aucun commerçant en particulier. Pour cette raison, je conclus que les Marques ne ressemblent pas suffisamment à la marque de commerce LEGACY LAWYERS pour établir, dans l’esprit du consommateur, un lien entre les marques de commerce. Pour au moins cette raison, l’Opposante n’a pas établi une preuve prima facie d’une dépréciation de l’achalandage.

[103] Étant donné que l’Opposante n’a pas établi de preuve prima facie d’une commercialisation trompeuse ou d’une dépréciation de l’achalandage, l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial à l’égard du motif fondé sur l’absence de droit à l’emploi. Ce motif est donc rejeté.

Motif fondé sur la mauvaise foi

[104] En ce qui concerne ce motif d’opposition, l’Opposante soutient, et je suis d’accord, qu’il lui incombe d’établir que les demandes ont été faites de mauvaise foi, ce qui doit être prouvé selon la prépondérance des probabilités à l’aide d’une preuve claire, convaincante et cohérente [observations écrites de l’Opposante, au para 139].

[105] L’Opposante allègue que, à la date de production des demandes, la Requérante était au courant de l’emploi des Marques de l’Opposante, de l’enregistrement de la marque de commerce LEGACY LAWYERS et de sa demande d’enregistrement pour la marque de commerce LEGACY TAX + TRUST LAWYERS. L’Opposante soutient que, en produisant les demandes, la Requérante avait l’intention de porter atteinte aux droits de l’Opposante à l’égard des Marques de l’Opposante en perturbant les activités de l’Opposante et en cherchant à obtenir un avantage et un certain poids dans le cadre de l’opposition de la Requérante à la demande d’enregistrement pour LEGACY TAX + TRUST LAWYERS [observations écrites de l’Opposante, au para 149]. L’Opposante s’appuie sur les éléments suivants pour étayer son allégation :

  • ·la Requérante et l’Opposante sont toutes deux membres de la STEP, où l’Opposante a diffusé des annonces pendant plusieurs années, y compris en 2017, l’année de production des demandes [para 144(a) et (c), citant l’affidavit Shumka, au para 15 et 22];

  • ·l’Opposante et la Requérante ont toutes deux assisté au congrès canadien de la STEP en 2012 [para 144(b), citant l’affidavit Shumka, au para 20 et à la Pièce K];

  • ·un échange de lettres de demande et une communication [traduction] « sous toutes réserves » ont eu lieu entre les parties en juin 2016, dans lesquelles l’Opposante a indiqué que l’emploi de la marque de commerce LEGACY PRIVATE TRUST portait atteinte aux droits de l’Opposante [para 143, citant le premier affidavit Jobson, au para 29 et aux Pièces A et B];

  • ·en mai 2017, la Requérante s’est opposée à la demande d’enregistrement pour la marque de commerce LEGACY TAX + TRUST LAWYERS de l’Opposante, et a produit les demandes en cause en l’espèce [para 152].

[106] Je conclus que ce qui précède n’établit pas, selon la prépondérance des probabilités, que les demandes ont été produites de mauvaise foi. La preuve démontre que la Requérante était au courant de l’Opposante et de ses droits à l’égard de ses marques de commerce à la date de production des demandes. Toutefois, dans la jurisprudence qui a été soulevée en vertu de l’article 30i) de la Loi dans sa version antérieure au 17 juin 2019, dont la majorité concernait des allégations de mauvaise foi, il était bien établi que la simple connaissance des droits d’une autre partie à l’égard de marques de commerce, sans plus, ne suffit pas pour étayer un motif d’opposition fondé sur la mauvaise foi. Par conséquent, le fait que la Requérante était au courant de l’Opposante et de ses droits ne suffit pas à étayer le motif fondé sur la mauvaise foi.

[107] Bien que les allégations de l’Opposante aillent plus loin, je conclus que la preuve n’étaye pas les allégations de l’Opposante, selon la prépondérance des probabilités. La preuve établit seulement que la Requérante était au courant des droits de l’Opposante à l’égard de ses marques de commerce et que l’Opposante a affirmé que l’emploi de la marque de commerce LEGACY PRIVATE TRUST portait atteinte à ses droits. Il n’y a aucune preuve que la Requérante a accepté l’allégation de violation des droits de l’Opposante, mais la Requérante a quand même produit les demandes. En effet, selon la preuve au dossier, il est au moins aussi probable que la Requérante ait cru de bonne foi que les allégations de l’Opposante étaient sans fondement. Une telle croyance aurait été tout à fait raisonnable, puisque j’ai conclu que les marques de commerce des parties ne créent pas de confusion à la date de production des demandes.

[108] Compte tenu de ce qui précède, je conclus que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial en vertu du motif fondé sur la mauvaise foi. Ce motif est donc rejeté.

Décision

[109] Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette les oppositions selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

 

 

_______________________________

Jaimie Bordman

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Anne Laberge, trad. a.

 

Le français est conforme aux WCAG.


COMPARUTIONS ET AGENTS AU DOSSIER

DATE DE L’AUDIENCE : 2023-07-20

COMPARUTIONS

Pour l’Opposante : Karen MacDonald

Pour la Requérante : James Green

AGENTS AU DOSSIER

Pour l’Opposante : Cassels Brock et Blackwell LLP

Pour la Requérante : Gowling WLG (Canada) S.E.N.C.R.L., s.r.l.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.