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Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2023 COMC 186

Date de la décision : 2023-10-31

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE D’UNE PROCÉDURE EN VERTU DE L’ARTICLE 45

Partie requérante : Venom Powersports Ltd.

Propriétaire inscrite : Industrial Cycle Inc.

Enregistrement : LMC859,751 pour VENOM

Introduction

[1] La présente décision concerne une procédure de radiation sommaire engagée en application de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T‑13 (la Loi) à l’égard de l’enregistrement no LMC859,751 pour la marque de commerce VENOM (la Marque), appartenant à Industrial Cycle Inc. (la Propriétaire).

[2] Pour les raisons qui suivent, je conclus que l’enregistrement doit être radié.

Le dossier

[3] Le 29 avril 2022, à la demande de Venom Powersports Ltd. (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi à la Propriétaire. L’avis enjoignait à la Propriétaire d’indiquer, à l’égard de chacun des produits spécifiés dans l’enregistrement, si la Marque a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois années précédant la date de l’avis et, dans la négative, qu’elle précise la date à laquelle la Marque a ainsi été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour démontrer l’emploi est du 29 avril 2019 au 29 avril 2022.

[4] La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec les produits [traduction] « Vélos et cadres de vélos ».

[5] La définition pertinente d’« emploi » est énoncée à l’article 4 de la Loi comme suit :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[6] Il est généralement admis que le niveau de preuve requis pour établir l’emploi dans le cadre de la présente procédure est peu élevé [Woods Canada Ltd c Lang Michener (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst)], et qu’il n’est pas nécessaire de produire une surabondance d’éléments de preuve [Union Electric Supply Co Ltd c Registraire des marques de commerce (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst)]. Toutefois, il n’en faut pas moins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des produits et services spécifiés dans l’enregistrement pendant la période pertinente.

[7] En réponse à l’avis du registraire, la Propriétaire a produit un document signé par Elio Moracci, daté du 20 juin 2022, et comportant un constat d’assermentation daté du 9 juillet 2022. Seule la Partie requérante a produit des observations écrites; aucune audience n’a été tenue.

Preuve et analyse

[8] La Partie requérante soutient que le document Moracci n’est pas un affidavit ni une déclaration solennelle et qu’il n’est donc pas recevable à titre de preuve dans le cadre de la présente procédure. Je suis d’accord. Bien que le document comporte un constat d’assermentation indiquant [traduction] « établi sous serment, (souscrit ou prononcé) devant moi à Barrie, dans la province de l’Ontario, ce 9e jour de juillet 2022 », par un notaire, le document lui-même se présente sous la forme d’une lettre datée de plusieurs semaines avant la date du constat d’assermentation, et ne comporte aucune mention relative à un serment, une déclaration ou une affirmation solennelle de la part de M. Moracci. M. Moracci ne fournit pas non plus les informations d’identification personnelles habituelles, telles que sa ville de résidence ou son poste au sein de l’entreprise, qui permettraient au lecteur de s’assurer que le commissaire ou le notaire a pu confirmer son identité avant que le document ne soit assermenté (bien que je note que ces informations peuvent être déduites, dans une certaine mesure, du document et des pièces jointes).

[9] L’article 45(1) de la Loi exige que le propriétaire d’une marque de commerce enregistrée fournisse sa preuve sous la forme d’« un affidavit ou une déclaration solennelle ». Les exigences techniques pour constituer un affidavit ne sont pas précisées dans la Loi, mais sont généralement régies au Canada par les diverses règles provinciales de procédure civile, les Règles des Cours fédérales et la Loi sur la preuve au Canada. La forme et les exigences d’une déclaration solennelle sont énoncées à l’article 41 de la Loi sur la preuve au Canada.

[10] Les procédures prévues à l’article 45 sont de nature sommaire; leur but est de débarrasser le registre des marques de commerce du « bois mort ». Par conséquent, de simples lacunes techniques dans la preuve d’un propriétaire ne devraient pas empêcher la réponse réussie à un avis en vertu de l’article 45 [Baume & Mercier SA c Brown (1985), 4 CPR (3d) 96 (CF 1re inst)], et il a été conclu que les [traduction] « exigences techniques » de l’article 45 ne doivent pas devenir un [traduction] « piège pour la personne imprudente » [George Weston Ltd c Sterling & Affiliates (1984), 3 CPR (3d) 527 (CF 1re inst)]. Par exemple, le registraire a décidé qu’il n’était pas tenu de respecter strictement les règles de pratique de la Cour fédérale en ce qui a trait à la preuve d’un propriétaire inscrit [Maximilian Fur Co c Maximillian for Men’s Apparel Ltd (1983), 82 CPR (2d) 146 (COMC), au para 9]. Dans certains cas, des pièces non notariées ou mal notariées d’un affidavit ont été admises comme preuve lorsqu’aucune opposition n’a été soulevée en temps opportun par la partie requérante [Adams c Société des Produits Nestlé SA (1996), 72 CPR (3d) 100 (COMC), aux para 13 et 14]. Dans d’autres cas, le registraire a conclu qu’il n’est pas nécessaire de notarier les pièces jointes à un affidavit si les pièces sont correctement identifiées dans le corps de l’affidavit [Smith, Lyons, Torrance, Stevenson & Mayer c Pharmaglobe Laboratories Ltd (1996), 75 CPR (3d) 85 (COMC), au para 7].

[11] Toutefois, la preuve produite par un propriétaire inscrit doit tout de même constituer [traduction] « un affidavit ou une déclaration solennelle » afin de se conformer à l’article 45(1) de la Loi. Dans le cas contraire, ces éléments de preuve ont été jugés irrecevables [Indian Motorcycle International, LLC c 680187 Ontario, 2006 CarswellNat 4928 (COMC) aux para 6 à 9; voir aussi Riches, McKenzie & Herbert LLP c Sena Marketing Inc, 2014 COMC 255].

[12] En l’espèce, je suis conscient du fait que la Propriétaire n’a pas été représentée par un avocat ou un agent de marque de commerce inscrit dans le cadre de ces procédures et que des lacunes techniques ne devraient pas empêcher la réponse à un avis prévu à l’article 45. Néanmoins, à mon avis, les lacunes dans la preuve de la Propriétaire dans cette affaire sont si fondamentales qu’elles représentent plus que de simples détails techniques, et rendent plutôt la preuve de la Propriétaire irrecevable.

[13] En particulier, comme il est mentionné ci-dessus, M. Moracci indique que le contenu est fourni sous serment ou déclaration solennelle, et le document ne répond pas aux exigences d’une déclaration solennelle en vertu de l’article 41 de la Loi sur la preuve au Canada. Bien que le document contienne un constat d’assermentation à la fin signé par un notaire ou un commissaire, il a été conclu que la présence d’un constat d’assermentation n’est pas nécessairement suffisante pour corriger l’absence d’indication que les faits aient été fournis sous serment ou déclaration solennelle [voir Dr Ing hcF Porsche AG c Procycle Inc (1992), 45 CPR (3d) 432 (COMC) aux para 9 et 10; Jeunesse Global Holdings, LLC c LaFontaine Source De Jeunesse Corporation, 2020 COMC 88, aux para 16 et 17].

[14] De plus, la Propriétaire a été avisée par les observations écrites de la Partie requérante que cette dernière contestait la recevabilité de la preuve de la Propriétaire au motif qu’elle n’avait pas été fournie sous serment ou sous déclaration solennelle, et la Propriétaire n’a pris aucune mesure pour tenter de corriger la question alléguée (par exemple, en demandant une prorogation de délai rétroactive afin de produire un affidavit ou une déclaration solennelle rectifié).

[15] Compte tenu de ce qui précède, je conclus que le document Moracci n’est pas recevable comme élément de preuve dans la présente procédure conformément à l’article 45(1) de la Loi et que l’enregistrement doit donc être radié. Toutefois, même si je devais accepter le document Moracci, je conclurais que la Propriétaire n’a pas démontré l’emploi de la Marque ou des circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi.

[16] M. Moracci ne déclare pas que la Marque a été employée en liaison avec les produits visés par l’enregistrement pendant la période pertinente. Il indique qu’à un moment donné [traduction] « au cours des dernières années », la Propriétaire a vendu sa division des vélos à deux roues et s’est concentrée sur les tricycles. Cependant, en raison de la vente de la division des vélos, la Propriétaire [traduction] « n’a pas eu le temps de continuer à commander des produits pour notre division des tricycles à trois roues », et a plutôt vendu [traduction] « ce que nous avions en stock », bien qu’il ne soit pas clair si ces ventes étaient celles des vélos ou des tricycles arborant la Marque, ou si elles ont eu lieu au cours de la période pertinente. M. Moracci déclare en outre que la Propriétaire a vendu des tricycles commandés aux États-Unis, qui n’arboraient pas la Marque, en tant que [traduction] « stock d’appoint ». Il n’y a pas de déclaration ou d’indication claire que la Propriétaire a vendu des vélos ou des tricycles arborant la Marque pendant la période pertinente.

[17] Cependant, M. Moracci semble soutenir qu’il existait des circonstances spéciales qui justifieraient le défaut d’emploi. Il déclare notamment que [traduction] « lorsque nous étions prêts à commander des tricycles, la pandémie de COVID a commencé et nous n’avons pas pu obtenir de stock en provenance de Chine en utilisant mes noms de marque ». Il indique qu’en raison des fermetures d’usines, il n’a pas pu commander de tricycles ou de composants, et qu’il a dû licencier tous ses employés et continuer l’entreprise lui-même. Il déclare avoir reçu sa première commande de Chine en janvier 2022, et en avoir passé une seconde le 4 avril 2022, pour des produits arborant la Marque. À l’appui, il joint un certain nombre de courriels et de bons de commande provenant de fabricants chinois.

[18] Pour déterminer si l’existence de circonstances spéciales a été établie, le registraire doit d’abord déterminer, à la lumière de la preuve, les raisons pour lesquelles la marque de commerce n’a pas été employée pendant la période pertinente. Ensuite, le registraire doit déterminer si ces raisons du défaut d’emploi constituent des circonstances spéciales [conformément à Registraire des marques de commerce c Harris Knitting Mills Ltd (1985), 4 CPR (3d) 488 (CAF) (Harris Knitting)]. La Cour fédérale a conclu que les circonstances spéciales sont des circonstances ou des raisons qui sont [traduction] « inhabituelles, peu communes ou exceptionnelles » [John Labatt Ltd c Cotton Club Bottling Co (1976), 25 CPR (2d) 115 (CF 1re inst), au para 29].

[19] S’il détermine que les raisons du défaut d’emploi constituent des circonstances spéciales, le registraire doit encore déterminer si ces circonstances justifient la période de défaut d’emploi. Cette détermination repose sur l’examen de trois critères : (i) la durée de la période pendant laquelle la marque de commerce n’a pas été employée; (ii) la question de savoir si les raisons du défaut d’emploi étaient indépendantes de la volonté du propriétaire inscrit; et (iii) la question de savoir s’il existe une intention sérieuse de reprendre l’emploi de la marque à court terme [Harris Knitting]. Ces trois critères sont tous pertinents, mais le respect du deuxième critère est essentiel pour conclure à l’existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi [Scott Paper].

[20] Je note que la Partie requérante soutient que les tricycles ne sont pas des vélos et que, par conséquent, l’emploi de la Marque en liaison avec des tricycles ne constitue pas un emploi en liaison avec les produits visés par l’enregistrement. Toutefois, même si je devais considérer que les tricycles sont des produits visés par l’enregistrement, les circonstances décrites dans le document Moracci ne constitueraient pas des circonstances spéciales au sens du critère énoncé dans l’arrêt Harris Knitting. En ce qui concerne le premier volet du critère, bien que M. Moracci fasse référence aux retards dans la reprise de l’emploi de la Marque causés par la pandémie, il est clair que la raison pour laquelle la Marque n’a pas été employée était que la société avait changé et était en transition à la suite de la vente de la division des vélos. Rien n’indique qu’il ne s’agissait pas d’une décision commerciale volontaire, ce qui ne constituerait pas des circonstances inhabituelles, peu communes et exceptionnelles.

[21] De plus, M. Moracci ne fournit pas de date de dernier emploi de la Marque, indiquant seulement que sa société a changé [traduction] « au cours des dernières années ». Lorsqu’une propriétaire inscrite n’indique pas la date du dernier emploi, le registraire peut considérer la date de l’enregistrement comme la date pertinente aux fins de l’évaluation de la durée du défaut d’emploi [voir, par exemple, Oyen Wiggs Green & Mutala LLP c Rath, 2010 COMC 34]. En l’espèce, la date d’enregistrement est le 10 septembre 2013; comme aucune date de dernier emploi n’est indiquée, une période de défaut d’emploi de près de neuf ans milite en défaveur de la Propriétaire.

[22] En ce qui concerne la question de savoir si la période de défaut d’emploi était indépendante de la volonté de la Propriétaire, s’il est clair que la Propriétaire a rencontré des difficultés pour reprendre l’emploi en raison de la pandémie, la période pertinente a commencé en avril 2019, soit près d’un an avant le début des perturbations liées à la pandémie identifiées par M. Moracci. Bien que M. Moracci affirme que la Propriétaire [traduction] « n’avait pas le temps de continuer à commander des produits » après la vente de la division des vélos, en l’absence d’autres détails, il n’est pas clair que ce manque de temps n’était pas le résultat de décisions commerciales sous le contrôle de la Propriétaire, ou que la Propriétaire a déployé des efforts diligents pendant toute la période pertinente de sorte que l’emploi de la Marque aurait commencé pendant la période pertinente si la pandémie n’avait pas eu lieu [voir The Wonderful Company LLC et Fresh Trading Limited, 2023 COMC 8, aux para 44 et 45]. Bien que la Propriétaire ait produit un certain nombre d’éléments de preuve d’une intention continue d’employer la Marque (en liaison avec des tricycles), cette intention n’est pas suffisante en soi pour justifier le défaut d’emploi [voir Scott Paper, au para 28].

[23] Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincu que le Propriétaire a démontré l’existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi à l’égard de l’un quelconque des produits visés par l’enregistrement au sens de l’article 45(3) de la Loi.

Décision

[24] Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera radié selon les dispositions de l’article 45 de la Loi.

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G.M. Melchin

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Hortense Ngo, traductrice

Le français est conforme aux WCAG.


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