Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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A maple leaf on graph paper

Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2023 COMC 178

Date de la décision : 2023-10-25

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE D’UNE OPPOSITION

Opposante : Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli AG

Requérante : GRC Food Services Ltd.

Demande : 1,749,988 pour MASTER CHOCOLAT

Introduction

[1] Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli AG (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce MASTER CHOCOLAT (la Marque), l’objet de demande no 1,749,988 (la Demande) déposée par GRC Food Services Ltd (la Requérante).

[2] La Demande pour la Marque est fondée sur l’emploi projeté en liaison avec un large éventail de produits de chocolat et à base de chocolat, d’articles d’emballage-cadeau connexes et de recettes et livres de recettes, ainsi qu’avec des services associés à la vente de tels produits. Une liste complète des produits et services visés par la demande, ainsi que les classes de Nice (CI) connexes, est jointe à l’Annexe A de cette décision.

[3] L’opposition à la Marque est principalement fondée sur une allégation de confusion avec une ou plusieurs des marques de commerce de l’Opposante (déposée ou autre), laquelle comporte les mots MASTER et CHOCOLATE ou CHOCOLATIER (ou les équivalents en langue française) (collectivement, les Marques de l’Opposante).

[4] Pour les raisons qui suivent, la Demande est rejetée.

Le dossier

[5] La Demande a été déposée le 9 octobre 2015 et annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 2 mai 2018.

[6] Le 2 juillet 2019, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition à l’encontre de la demande en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi). Je note que la Loi a été modifiée le 17 juin 2019 et que, conformément à l’article 70 de la Loi, les motifs d’opposition en l’espèce seront évalués en fonction de la Loi dans sa version antérieure au 17 juin 2019.

[7] L’Opposante soulève des motifs d’opposition fondés sur la non-enregistrabilité en vertu de l’article 12(1)d), l’absence de droit à l’enregistrement en vertu des articles 16(3)a) et b) et l’absence de caractère distinctif en vertu de l’article 2 de la Loi.

[8] La Requérante a produit et signifié sa contre-déclaration le 17 septembre 2019, réfutant les motifs d’opposition.

[9] En appui à son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de Kairen Wu, la vice‑présidente du marketing pour Lindt & Sprüngli (Canada) Inc (une filiale à part entière et un licencié de l’Opposante). L’affidavit de Mme Wu présente la preuve concernant l’entreprise de l’Opposante et ses marques de commerce invoquées. Mme Wu n’a pas été contre-interrogée au sujet de son affidavit.

[10] À l’appui de sa demande, la Requérante a produit ce qui suit :

· L’affidavit de Jahaan Premji, une stagiaire employée par l’agent de la Requérante. L’affidavit de Mme Premji concerne l’emploi au Canada des mots CHOCOLATE MASTERS par une école pour la fabrication de chocolat et le concours World Chocolate Masters.

· L’affidavit de Bernard Callebaut, un maître chocolatier primé qui est employé par la Requérante depuis 2015. L’affidavit de M. Callebaut fournit la preuve concernant l’entreprise de la Requérante et la Marque.

· Les affidavits de Suzy Torres et Thomas James, des analystes-recherchistes avec CompuMark, une société de recherche de propriété intellectuelle. Les affidavits de Mme Torres et de M. James fournissent les résultats de diverses recherches associées aux mots MASTER ou MASTERS.

· L’affidavit d’Amanda Jamieson, une assistante juridique employée par l’agent de la Requérante. L’affidavit de Mme Jamieson fournit les résultats de diverses recherches associées au mot CHOCOLATIER.

[11] Avec l’exception de M. Callebaut, l’ensemble des déposants de la Requérante ont été contre-interrogés au sujet de leur affidavit et les transcriptions connexes ont été versées au dossier.

[12] Les deux parties ont produit des observations écrites et ont participé à une audience qui s’est déroulée conjointement avec une audience pour une demande connexe (demande no 1,840,849 pour MASTER CHOCOLAT PUR), dont la décision sera rendue sous pli séparé.

Analyse

Motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d)

[13] La date pertinente pour un motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) est la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd et Le Registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3 d) 413 (CAF)].

[14] L’Opposante fait valoir que la Marque n’est pas enregistrable, car elle crée de la confusion avec les marques de commerce déposées suivantes de l’Opposante, à savoir :

No d’enregistrement

Marque de commerce

Produits

LMC377,673

CHOCOLATE MASTERS & DESIGN

[traduction]

(1) Chocolat et produits de chocolat, nommément godets de chocolat, décorations de chocolat et copeaux de chocolat.

LMC837,071

CHOCOLATE MASTERS & DESIGN

[traduction]

(1) Chocolat et produits de chocolat, nommément godets de chocolat, décorations de chocolat et copeaux de chocolat.

LMC993,318

LINDT MAȊTRE CHOCOLATIER

[traduction]

(1) Chocolat

LMC993,319

LINDT MASTER CHOCOLATIER

[traduction]

(1) Chocolat

 

[15] Un opposant s’acquitte de son fardeau initial à l’égard d’un motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) si un ou plusieurs des enregistrements invoqués sont en règle. De plus, le registraire a le pouvoir discrétionnaire de consulter le registre pour confirmer l’existence d’enregistrements invoqués par un opposant [voir Quaker Oats of Canada Ltd/La Compagnie Quaker Oats du Canada Ltée c Menu foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)]. Ayant exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire, je confirme que les enregistrements de l’Opposante invoqués dans le cadre de ce motif sont en règle à la date de cette décision.

[16] Puisque l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial, la question devient celle de savoir si la Requérante s’est acquittée de son fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et l’une des marques de commerce invoquées par l’Opposante.

[17] Dans l’évaluation de la question de la confusion, je me concentrerai sur les marques de commerce déposées LMC377,673 et LMC837,071 de l’Opposante (les Marques CHOCOLATE MASTERS); j’estime que ces marques de commerce représentent le meilleur argument de l’Opposante, puisqu’elles ont la relation la plus étroite avec la Marque en termes de degré de ressemblance.

Sens de la confusion entre les marques de commerce

[18] Les marques de commerce créent de la confusion lorsqu’il existe une probabilité raisonnable de confusion au sens de l’article 6(2) de la Loi :

L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice.

[19] Par conséquent, l’article 6(2) ne concerne pas la confusion d’une marque avec l’autre, mais la confusion des produits ou des services d’une source avec ceux d’une autre source. En l’espèce, la question posée par l’article 6(2) est de savoir si les acheteurs des produits et services, vendus sous la Marque, croiraient que ces produits ou services ont été produits ou autorisés ou sont licenciés par l’Opposante qui vend ses produits et services sous les Marques CHOCOLATE MASTERS.

Test en matière de confusion

[20] Le test en matière de confusion est une question de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue de la marque de commerce, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir de la marque de commerce de l’opposant. Ce consommateur ordinaire et pressé ne s’arrête pas pour examiner la question en profondeur, ni pour étudier de près les ressemblances et les différences entre les marques [Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, au para 20].

[21] L’application du critère de confusion est un exercice qui consiste à rechercher les faits et à tirer des conclusions [Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27, au para 102]. On doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles énumérées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre des produits, services ou entreprises; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive; tous les facteurs pertinents doivent être pris en considération même si le poids qu’il convient de leur accorder n’est pas nécessairement le même [voir Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22, au para 54; et Veuve Clicquot, précité, au para 21].

Article 6(5)a) – Caractère distinctif inhérent des marques de commerce et mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[22] L’examen global du facteur prévu à l’article 6(5)a) comporte une combinaison du caractère distinctif inhérent et acquis des marques des parties.

[23] La Requérante observe que les marques de commerce des deux parties possèdent un faible degré de caractère distinctif inhérent. À cet égard, la Requérante affirme que le mot CHOCOLATE indique clairement le genre des produits de l’Opposante et que le mot MASTER, défini par [traduction] « devenir compétent ou expérimenté dans l’emploi de » (selon le Merriam-Webster Online Dictionary), indique que l’Opposante est [traduction] « expérimentée dans l’emploi du » chocolat. Cependant, la Requérante observe que sa Marque est une combinaison unique du mot anglais MASTER et du mot français CHOCOLAT, ce qui renforce le caractère distinctif de la Marque et n’est pas en contravention avec l’article 12(1)b) de la Loi.

[24] En revanche, l’Opposante observe que ses Marques CHOCOLATE MASTERS sont [traduction] « plutôt distinctives », puisque les mots CHOCOLATE MASTERS sont une combinaison unique de mots qui ne sont pas clairement descriptifs des produits et services de l’Opposante. L’Opposante affirme également que la preuve démontre qu’aucun autre commerçant au Canada n’emploie l’expression « chocolate masters » en lien avec de tels produits et services. Pareillement, l’Opposante observe que la Marque possède un certain caractère distinctif, puisqu’elle n’est pas clairement descriptive de ses produits et services connexes. L’Opposante affirme toutefois que, à l’égard du caractère distinctif inhérent des marques, ce facteur ne favorise aucune des parties.

[25] Je suis d’accord que les marques des deux parties ne possèdent pas un caractère inhérent fort et cet aspect ne favorise aucune des parties. Comme l’on fait valoir les deux parties, les marques des deux parties sont composées de mots descriptifs et suggestifs. De plus, je n’estime pas que la combinaison de mots français et anglais, en l’espèce, ajoute un quelconque degré significatif de caractère distinctif à la Marque.

[26] Quoi qu’il en soit, il est possible de renforcer une marque de commerce en faisant en sorte qu’elle devienne connue par sa promotion ou son emploi.

[27] Bien que la Demande pour la Marque soit fondée sur l’emploi projeté au Canada, la Requérante a produit la preuve dans le cadre de l’Affidavit Callebaut concernant le début de l’emploi de la Marque au Canada à partir de la date de dépôt de la Demande.

[28] Dans son affidavit, M. Callebaut indique qu’il est un maître chocolatier primé, ayant acquis ce titre par sa formation d’apprenti, et qu’il travaille dans l’industrie du chocolat depuis 1983. Il explique que la Requérante est connue pour ses chocolats de luxe artisanaux, lesquels elle vend par l’entremise de son usine et de ses lieux de vente de détail, ainsi qu’en ligne par son site Web et par ses clients de vente en gros. Il affirme que la Requérante mène ses activités sous le nom commercial et la marque de commerce Master Chocolat depuis novembre 2015, avec trois magasins Master Chocolat à Calgary, en Alberta. À titre de preuve d’emploi de la Marque, il fournit ce qui suit :

· Des photos des vitrines de la Requérante à Calgary, en Alberta, lesquelles, selon ses affirmations, illustrent la façon dont la Marque a été employée sur les vitrines depuis 2019 (Pièce D). La Marque est clairement arborée sur les affiches du magasin.

· La photo suivante, laquelle, selon ses affirmations, a été employée sur les produits de chocolat entre novembre 2015 et mars 2017 :

· Des illustrations de logos tels qu’illustrés ci-dessous. Il affirme que la Requérante a commencé à employer le premier logo ci-dessous en mars 2017 et le deuxième logo en 2019 sur des produits de chocolat :

Master Chocolat Chocolate Bar - Dark Chocolate with Hazelnuts | National  Delivery

· Des illustrations et des photos représentatives de l’emballage pour des produits de chocolat arborant la Marque (Pièces E et F), comme il est illustré dans les logos ci-dessus.

· Des copies des divers catalogues de produits de la Requérante en date de 2020-2021 présentant des produits de chocolat arborant la Marque sur l’emballage, comme il est illustré dans les logos ci-dessus (Pièces G, H et I).

· Des imprimés du site Web de la Requérante présentant des produits de chocolat vendus sur le site Web capturés le 17 février 2021 (Pièce J). Les pages Web, ainsi que l’emballage pour les produits illustrés, arborent la Marque, comme dans les logos ci-dessus. Sur le site Web, M. Callebaut est également décrit comme un maître chocolatier. Il affirme que la Requérante fait la promotion de la Marque sur ce site depuis novembre 2015.

· Des imprimés des pages Facebook et Instagram de la Requérante arborant la marque (Pièces K et L).

· Un article intitulé [traduction] « La délicieuse réussite de Master Chocolat », lequel arbore la Marque, publié dans le numéro de décembre 2019 de la revue Business in Calgary (Pièce M).

· Des preuves de publicités dans la revue Avenue, distribuée à Calgary et Edmonton, en 2015, 2017, 2018 et 2020, arborant la Marque (Pièce O). Il affirme que les éditeurs de la revue lui ont dit qu’ils impriment 37 000 revues par mois avec une moyenne de 188 700 lecteurs.

· Un encart placé dans la revue City Palate de Calgary en 2016, arborant la Marque pour faire la promotion de ventes aux marchés agricoles et aux épiceries de Calgary (Pièce P).

· Une fiche Master Chocolat Fundraising pour 2021 et la brochure de cadeaux organisationnels Master Chocolat pour 2019, les deux arborant la Marque (Pièces N et Q).

· Un échantillon de photos des kiosques de la Requérante à divers salons professionnels et événements, lesquels arborent la Marque, y compris telle qu’illustrée dans les logos ci-dessus (Pièce R).

[29] M. Callebaut indique que, depuis le premier emploi de la Marque en novembre 2015 au Canada sur les produits de chocolat, la Marque a été employée et a fait l’objet de promotion et les ventes ont grandement augmenté. Il fournit un tableau de chiffres de ventes pour les années 2015 à 2020 pour tous les produits de marque MASTER CHOCOLAT. Les ventes varient de 224 054 $ en 2015 à 1 845 158 $ en 2020.

[30] Compte tenu de la preuve de M. Callebaut, j’accepte que la marque soit devenue connue dans une certaine mesure à Calgary, en Alberta.

[31] En ce qui a trait aux marques de l’Opposante, l’Opposante observe que l’Affidavit Wu démontre que l’Opposante et son prédécesseur en titre, Barry Callebaut, ont employé les Marques CHOCOLATE MASTERS au Canada. En ce qui a trait à l’emploi par le prédécesseur en titre, Mme Wu atteste que, en 2018, Barry Callebaut AG a cédé tous ses droits, ses titres et ses intérêts relatifs à ces marques à l’Opposante. L’Opposante invoque ensuite, en partie, des revendications faites dans ces enregistrements (dont les détails sont joints à la Pièce B à l’Affidavit Wu) que Barry Callebaut AG et son prédécesseur en titre, Barry Callebaut Decorations BV, ont employé les Marques CHOCOLATE MASTERS au Canada en liaison avec du chocolat et des produits de chocolat depuis au moins aussi tôt que décembre 2009. Cependant, la Cour fédérale a déconseillé d’accorder même un poids minimal aux dates d’emploi revendiquées dans un certificat d’enregistrement (une copie certifiée de l’enregistrement n’a pas été produite en l’espèce) [voir Tokai of Canada c Kingsford Products Company, LLC, 2018 CF 951]. Peu importe, de telles revendications ne sont pas la preuve que la marque a été employée de façon continue depuis la date revendiquée [voir Entre Computer Centers Inc/Global Upholstery Co (1991), 40 CPR (3d) 427 (COMC)].

[32] Mme Wu atteste ensuite que les agents de marques de commerce de l’Opposante l’ont informée que les anciens agents de marques de commerce de la Requérante avaient précédemment entamé des procédures en vertu de l’article 45 contre les Marques CHOCOLATE MASTERS. Elle atteste que le prédécesseur en titre de l’Opposante, Barry Callebaut AG, a produit la preuve pour maintenir ces enregistrements et joint à titre de Pièce F (l’affidavit de Jean-Jacques Berjot) à son affidavit des copies de cette preuve obtenues du Bureau canadien des marques de commerce. De plus, elle joint à titre de Pièce G à son affidavit une copie de la décision en vertu de l’article 45 rendue par la Commission des oppositions des marques de commerce le 28 août 2018, maintenant les enregistrements des Marques CHOCOLATE MASTERS.

[33] Mme Wu atteste que subséquemment à la cession des Marques CHOCOLATE MASTERS en 2018, l’Opposante a continué d’employer ces marques au Canada avec les produits de chocolat connexes. En appui, elle fournit à la Pièce E de son affidavit ce qu’elle décrit comme un ensemble de maquettes représentatives illustrant l’emploi, la publicisation et la promotion par l’Opposante des Marques CHOCOLATE MASTERS au Canada et représentatives des affiches présentées aux boutiques LINDT Chocolate Shop au Canada en 2019. La Pièce E est composée d’une publicité imprimée pour des [traduction] « messages de chocolat personnalisables » avec les mots CHOCOLATE MASTERS présentés en police fantaisiste en dessous conformément à l’enregistrement LMC837,071. Il n’y a aucune indication quant au nombre de magasins qui ont affiché cette publicité ou à leur emplacement.

[34] Nonobstant les considérations relatives à l’admissibilité concernant la preuve produite dans les procédures en vertu de l’article 45 susmentionnées [voir Springwall Sleep Products Ltd c Ther-A-Pedic Associates, Inc (1983), 79 CPR (2d) 227 (COMC) au sujet des facteurs à évaluer pour déterminer le poids qui doit être accordé à la preuve produite dans d’autres procédures], il a été jugé que la preuve dans cette affaire démontrait seulement l’emploi des Marques CHOCOLATE MASTERS à un certain point au cours de la période de trois ans avant la date de l’avis (13 avril 2016). Il n’y a aucune preuve pour appuyer l’emploi continu des marques invoquées par l’Opposante depuis cette période. En effet, la Requérante indique que la preuve produite dans la procédure en vertu de l’article 45 antérieure comprend comme preuve d’emploi la plus récente une facture en date du 13 mai 2014. De plus, la preuve produite dans les procédures en vertu de l’article 45 antérieures ne concerne pas l’étendue dans laquelle les Marques CHOCOLATE MASTERS étaient devenues connues au Canada à cette époque et il n’est pas possible de tirer une quelconque conclusion de celle-ci à ce sujet.

[35] En ce qui a trait à la preuve d’emploi de Mme Wu des Marques CHOCOLATE MASTERS par l’Opposante depuis l’acquisition de ces marques en 2018 (maquettes de la Pièce E), cette preuve est seulement représentative des affiches présentées aux magasins LINDT Chocolate Shop au Canada en 2019. Comme l’a observé la Requérante, la preuve ne fournit aucun détail concernant l’étendue d’une telle publicisation (placement et nombre de magasins). De plus, je note qu’il n’y a aucune preuve concernant la vente de produits visés par l’enregistrement en liaison avec les Marques CHOCOLATE MASTERS. Par conséquent, je ne suis pas en mesure de conclure dans quelle mesure, s’il y en a une, les Marques CHOCOLATE MASTERS de l’Opposante sont devenues connues au Canada.

[36] Compte tenu de ce qui précède, bien que le facteur du caractère distinctif inhérent ne favorise aucune des parties, le facteur du caractère distinctif acquis favorise la Requérante.

Article 6(5)b) – Durée d’emploi

[37] La Requérante observe que l’Opposante n’a fourni aucune preuve que les Marques CHOCOLATE MASTERS ont été employées au Canada sur un produit de chocolat depuis l’acquisition des marques en 2018 et la plus récente preuve d’emploi était par un prédécesseur en titre et se trouve dans l’affidavit de Jean-Jacques Berjot, sous la forme d’une facture en date du 13 mai 2014. La Requérante affirme que, en revanche, elle vend des chocolats de luxe sous la Marque depuis novembre 2015.

[38] De nouveau, l’Opposante invoque l’emploi de ses Marques CHOCOLATE MASTERS par son prédécesseur en titre depuis 2009, conformément aux revendications faites dans les enregistrements, ainsi que la preuve produite dans le cadre de l’Affidavit Wu concernant les procédures en vertu de l’article 45 précédentes. Comme pour l’analyse de l’article 6(5)a) ci‑dessus, de telles revendications sont insuffisantes et, dans la mesure qu’un quelconque poids puisse être accordé à l’Affidavit Berjot (joint à titre de Pièce E à l’Affidavit Wu), la preuve (laquelle comprend des factures en date de 2013 et 2014), en bout de compte, ne favorise pas grandement l’Opposante.

Articles 6(5)c) et d) – Genre de produits, services ou entreprises et nature du commerce

[39] Au moment d’évaluer les articles 6(5)c) et d) de la Loi, ce sont les états déclaratifs des produits, tels que définis dans la demande pour la Marque et dans l’enregistrement de l’Opposante, qui gouvernent l’évaluation de la probabilité de confusion en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); et Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF)].

[40] La Requérante observe que les produits de l’Opposante sont destinés à la pâtisserie et ne sont pas un produit fini de chocolat en boîte comme les produits de la Requérante. En appui, elle réfère au paragraphe 9 de l’Affidavit Berjot, lequel fait référence à la pratique normale du commerce de l’Opposante comme étant avec des clients décrits comme [traduction] « des distributeurs en gros offrant des services aux industries de la pâtisserie et de la boulangerie », [traduction] « un fournisseur de produits alimentaires et d’ingrédients alimentaires pour, entre autres, des gâteaux et des pâtisseries » et [traduction] « un vendeur en gros de produits de pâtissier, y compris le chocolat de gourmet ».

[41] À la lumière des différences dans le genre des produits des parties, la Requérante observe que de tels produits seraient vendus dans différentes sections d’une épicerie : avec les brisures, les copeaux et les décorations de chocolat de l’Opposante vendus dans la section des pâtisseries, alors que les produits de la Requérante sont des produits finis destinés à être mangés immédiatement et vendus dans la section des confiseries. La Requérante invoque les affaires de Van Melle Nederland BV c Principal Marques Inc (1998), 87 CPR (3d) 368 (COMC), Clorox Co c Sears Canada Inc (TD), 1992 CanLII 14802 (CF) et Loblaws Inc c 676166 Ontario Limited, 1999 CanLII 19566 comme des exemples où il a été déterminé que le public serait en mesure de distinguer les produits des parties, particulièrement en liaison avec des marques de commerce faibles, et comme dans ce cas-ci, elle observe, de tels produits ne seraient pas vendus dans la même section d’une épicerie.

[42] En revanche, l’Opposante observe que les produits n’ont pas à être identiques, mais seulement suffisamment semblables [citant Henkel Kommanditgesellschaft, supra Auf et Clorox Co c EI du Point de Nemours & Co (1995), 64 CPR (3d) 79 à la p 85 (CF 1re inst)]. À cet égard, l’Opposante affirme, et je suis d’accord, qu’il est évident que les produits des parties se chevauchent : les deux concernent le chocolat et divers produits de chocolat au Canada. De plus, l’Opposante observe que si les produits sont les mêmes ou très semblables, comme dans l’espèce, il y a une conclusion logique que nature du commerce sera également probablement le même en grande partie et donc que la confusion est plus probable [citant Opus Building Corp c Opus Corp (1995), 60 CPR (3d) 100 à la p 104 (CF 1re inst) et Top Notch Construction Ltd c Top-Notch Oilfield Services Ltd, 2001 CFPI 642, au para 24].

[43] En réponse à l’affirmation de la Requérante que les produits de l’Opposante sont destinés à la boulangerie et ne sont pas des produits de chocolat en boîte finis, l’Opposante observe que les produits dans ses enregistrements ne sont pas limités simplement à des ingrédients pour des produits et les enregistrements ne sont pas limités quant aux voies de commercialisation. De plus, l’Opposante affirme qu’il n’y a rien dans la preuve pour suggérer que de tels produits se trouveraient dans des sections différentes d’épiceries. Ainsi, l’Opposante affirme que l’espèce se distingue de Van Melle et Loblaws, précité, puisque dans ces affaires il y avait une preuve actuelle que les produits des parties étaient vendus dans différentes sections de la même épicerie [et bien que Van Melle, précité, ait été renversée sur appel, les conclusions relatives aux voies de commercialisation n’ont pas été touchées]. De plus, l’Opposante observe que l’affaire de Clorox, précité, se distingue également, puisque les produits en question (p. ex. la sauce barbecue et les gâteaux aux fruits) étaient aussi différents que [traduction] « de la craie et du fromage ». De nouveau, je suis d’accord.

[44] En plus du chevauchement ou des similarités entre les produits, l’Opposante observe que les deux parties vendent leurs produits par les mêmes points de distribution en gros. À cet égard, l’Opposante affirme que l’affidavit Wu (au para 17) et l’Affidavit Callebaut (au para 12) nomment Loblaws, par exemple, comme acheteur de leurs produits respectifs. Je note que les deux parties ont également nommé les dépanneurs et les marchandiseurs de masse, en plus des épiceries et d’autres détaillants, comme voies par lesquelles leurs produits sont vendus (Affidavit Wu, para 17, et Affidavit Callebaut, para 12). Ainsi, non seulement n’y a-t-il aucune restriction quant aux voies de commercialisation des parties (dans la demande pour la Marque et dans les enregistrements de l’Opposante), mais la preuve illustre qu’il y a en fait un chevauchement dans les voies de commercialisation de leurs produits respectifs.

[45] Compte tenu de ce qui précède, je considère que ces facteurs favorisent l’Opposante.

Article 6(5)e) – Degré de ressemblance

[46] La Requérante observe qu’il existe plusieurs importantes différences entre la Marque et les Marques CHOCOLATE MASTERS de l’Opposante. Pour commencer, la Requérante affirme qu’il y a des différences dans la présentation et le son en raison de l’ordre inversé des mots dans les marques des parties, soulignant que le premier mot est différent et, dans le cadre de l’évaluation de la confusion, le premier mot ou la première syllabe d’une marque de commerce est en général ce qui revêt le plus d’importance aux fins de la confusion. En ce qui a trait aux idées suggérées, la Requérante observe que le mot Master dans sa Marque est employé comme un adjectif, alors que dans les Marques CHOCOLATE MASTERS de l’Opposante, il est employé comme un nom. De plus, la Requérante affirme que les Marques CHOCOLATE MASTERS de l’Opposante, lorsqu’employées en liaison avec les produits de chocolat de l’Opposante, suggèrent que ces produits ont été créés par un [traduction] « maître du chocolat » ou doivent être employés par des pâtissiers (c.-à-d. des [traduction] « maîtres du chocolat ») pour créer un produit à base de chocolat fini. La Requérante observe que sa Marque, en revanche, suggère que les produits associés de la Requérante sont produits par une personne avec le surnom « Master Chocolat ».

[47] L’Opposante observe, en revanche, que, sauf pour l’ordre inversé des mots, l’anglicisation de « CHOCOLATE » et la pluralisation de « MASTER », les marques des parties sont identiques. L’Opposante fait valoir qu’il a été soutenu qu’une telle inversion des mots ne diminuera probablement pas de façon significative le degré de ressemblance dans la présentation, dans le son ou dans les idées suggérées entre les marques [citant NetSuite Inc c Infor (US), Inc, 2019 COMC 130, au para 46, citant The Clorox Company of Canada, Ltd c Escola de Natação E Ginastica Bioswin Ltda, 2017 COMC 173, au para 36]. L’Opposante note également que la Marque est une marque nominale et peut être dessinée dans toute police, tout style ou tout lettrage, y compris dans un script semblable à celui des Marques CHOCOLATE MASTERS de l’Opposante.

[48] La Requérante observe que les affaires Netsuite et Clorox invoquées par l’Opposante peuvent être distinguées, puisque les circonstances de l’espèce dans ces affaires, contrairement à l’espèce, n’ont peut-être pas été suffisantes pour éviter la confusion. Bien entendu, chaque affaire doit être tranchée en fonction de son propre mérite et, ce faisant, je tiendrai compte de l’ensemble des circonstances de l’espèce.

[49] Lorsqu’on examine le degré de ressemblance entre les marques, la loi indique clairement que les marques doivent être considérées dans leur totalité; il n’est pas exact de placer les marques de commerce côte à côte, et de comparer et d’observer des ressemblances ou des différences entre les éléments ou les composantes des marques. Dans Masterpiece, précité, la Cour suprême du Canada a indiqué qu’il est préférable de se demander d’abord si l’un des aspects de la marque de commerce est particulièrement frappant ou unique.

[50] Bien que les marques de commerce ne sont pas identiques compte tenu de l’ordre inversé des mots, lorsqu’on les évalue dans leur ensemble, elles sont fortement semblables dans la présentation et dans le son, puisqu’elles contiennent exclusivement le mot MASTER, ou sa forme au pluriel, et le mot CHOCOLAT, ou son équivalent anglais. Aucun des deux éléments MASTER(S) ou CHOCOLATE(E) est plus frappant dans l’une ou l’autre des marques des parties, puisque ces mots sont soit descriptifs, soit fortement suggestifs des produits des parties. De plus, je suis d’accord avec l’observation de l’Opposante que les idées communiquées par ces marques sont semblables : les marques des deux parties suggèrent la maîtrise du chocolat ou de la fabrication de chocolat. Également, que le mot « master » dans les marques des parties soit un nom ou un adjectif ne modifie pas l’idée générale que les produits de chocolat des parties sont produits avec maîtrise.

[51] Par conséquent, j’estime qu’en général il existe un degré élevé de ressemblance entre les marques des parties dans la présentation, le son et les idées suggérées.

Circonstances environnantes – État du registre et du marché

[52] La Requérante fait valoir que, selon l’Affidavit Premji, les mots CHOCOLATE MASTERS semblent être communément employés pour décrire ceux qui sont adeptes à faire des créations de chocolat. En particulier, la Requérante observe que l’Affidavit Premji a trouvé des sites Web arborant cette expression, y compris l’Ecole Chocolat située à Vancouver, en Colombie-Britannique, avec une série de vidéos de cette école sur la fabrication de chocolat intitulée « Chocolate Masters » et le concours « World Chocolate Masters », lequel a un événement de présélection canadien à la Chocolate Academy à Montréal, au Québec.

[53] De plus, la Requérante affirme que la preuve de l’état du registre dans le cadre des Affidavits Torres et James démontre que le mot MASTER est communément employé dans l’industrie alimentaire, incluant 44 de ces marques de commerce qui contiennent le mot MASTER et qui font particulièrement référence au chocolat, aux desserts, aux produits de boulangerie ou aux pâtisseries dans la liste des produits. La Requérante observe que la partie de la recherche dans la Canadian Common Law Library a également relevé 75 emplois du mot MASTER dans des noms d’entreprise en common law au Canada en liaison avec les aliments, avec quatre visant particulièrement le chocolat (SWISS-MASTER CHOCOLATIER pour des épiceries, CHOCOLATE MASTERS INC pour des produits alimentaires, LADERACH SWISS‑MASTER CHCLTR pour du chocolat et CHOCOLATIER SWISS-MASTER pour du chocolat). Enfin, la Requérante indique 43 pages Web présentant le mot MASTER en liaison avec des produits alimentaires au Canada trouvées au moyen de partie de la recherche Web de la common law.

[54] La Requérante observe que cet emploi démontré, important et répandu du mot MASTER atténue toute ressemblance entre les marques des parties et qu’il est valide de tirer des conclusions au sujet du marché lorsqu’un nombre important ou pertinent d’enregistrements sont trouvés (comme, le souligne la Requérante, il a été soutenu dans Great Atlantic & Pacific Co of Canada Ltd c Effem Foods Ltd (1993) CarswellNat 2546, 49 CPR (3d) à la p 13 au sujet du mot MASTERS en liaison avec les produits alimentaires].

[55] Cependant, l’Opposante fait valoir que l’Affidavit Premi ne divulgue que deux commerçants qui ont présumément employé l’expression « chocolate masters » [l’Ecole Chocolat et l’organisateur du concours de fabrication de chocolat World Chocolate Masters]. L’Opposante observe qu’aucun des commerçants n’emploie l’expression au Canada en liaison avec des produits de confiseries au chocolat ou la fabrication ou la vente de produits de confiseries au chocolat. Ainsi, selon l’affirmation de l’Opposante, elle seule dans son emploi de la marque de commerce CHOCOLATE MASTERS au Canada en liaison avec de tels produits. Peu importe, l’Opposante observe que le simple fait que deux autres commerçants situés ailleurs dans le monde pourraient employer CHOCOLATE MASTERS n’est pas suffisant pour démontrer que l’expression est [traduction] « communément employée » dans le marché canadien.

[56] De plus, en ce qui a trait à la preuve de l’état du registre, l’Opposante attire l’attention vers Anheuser-Busch LLC c Molson Canada 2005, 2016 COMC 176, où la preuve de l’opposant dans cette affaire, comme en l’espèce, se concentrait sur un élément de la marque de commerce du requérant plutôt que la marque dans son ensemble. Plus particulièrement, la preuve de 16 marques de tiers au Canada qui comportaient un élément de la marque de commerce du requérant n’était pas considérée comme suffisante pour démontrer que les mots qui constituaient la marque dans son ensemble étaient communément employés dans le commerce. L’Opposante observe que, en bout de compte, la Requérante a seulement mis de l’avant sept sites Web et un enregistrement comme preuve et que cela est insuffisant [selon Kellogg Salada Canada Inc c Canada (Registraire des marques de commerce), 43 CPR (3d) 349 (CAF)].

[57] La preuve de l’état du registre favorise un requérant lorsqu’il peut être démontré que la présence d’un élément commun dans les marques inciterait les consommateurs à porter une plus grande attention aux autres caractéristiques de ces marques et à les distinguer les unes des autres au moyen de ces autres caractéristiques [McDowell c Laverana GmbH & Co KG, 2017 CF 327, au para 42]. Des conclusions concernant l’état du marché peuvent être tirées de cette preuve dans deux situations : un grand nombre d’enregistrements pertinents sont trouvés; ou il y a preuve d’emploi commun dans le marché des marques d’une tierce partie pertinente [Kellogg Salada Canada Inc c Maximum Nutrition Ltd (1992), 43 CPR (3d) 349 (CAF); McDowell, précité, aux para 41 à 46]. Les marques de commerce pertinentes comptent celles qui (i) sont déposées; (ii) concernent des produits et services similaires à ceux des marques en cause; et (iii) incluent l’élément en tant qu’élément important [Sobeys West Inc c Schwan’s IP, LLC, 2015 COMC 197].

[58] En l’espèce, je suis d’accord avec l’Opposante que près de l’ensemble des marques de commerce relevées dans les résultats de recherche joints aux Affidavits Torres et James ne sont pas pertinentes. Bon nombre visent des produits ou des services très différents et bon nombre sont plutôt distinctes de la Marque dans leur ensemble, en raison des autres éléments. Il est vrai que l’élément « master(s) » est commun dans le marché et, par conséquent, les consommateurs porteraient une plus grande attention aux autres caractéristiques des marques. Cependant, en l’espèce la seule autre caractéristique des marques des deux parties est le mot CHOCOLAT(E). Par conséquent, je suis d’accord avec l’Opposante que toute marque de commerce pertinente relevée dans la preuve de l’état du registre de la Requérante est une marque de commerce qui comporte MASTER(S) et CHOCOLAT(E). En faisant cela et en évaluant seulement les marques qui sont déposées et visent des produits et services semblables ou connexes, il n’y a simplement pas suffisamment de marques de commerce pertinentes auxquelles les consommateurs sont habitués à distinguer des marques si semblables. Par conséquent, je n’estime pas qu’il s’agisse d’une circonstance qui favorise la Requérante.

Circonstance de l’espèce – Aucun cas de confusion réelle

[59] La Requérante affirme qu’elle n’est au courant d’aucun cas de confusion réelle dans le marché. La Requérante remarque que l’absence de preuve d’une confusion réelle au cours d’une période pertinente, malgré un chevauchement entre les produits, les services et les voies de commercialisation des parties, peut permettre au registraire de tirer une conclusion défavorable concernant la probabilité de confusion.

[60] L’Opposante observe que la preuve de confusion réelle n’est pas nécessaire pour établir une probabilité de confusion. Peu importe, l’Opposante affirme que la Requérante [traduction] « n’a pas démontré qu’un tel incident [de confusion réelle] aurait été porté à l’attention de la Requérante ou qu’il y avait une procédure en place pour signaler de tels incidents ». De plus, l’Opposante affirme que M. Callebaut a fait des déclarations simples à cet égard et que, puisque ces déclarations sont faites en fonction de l’opinion personnelle et de la croyance, elles n’ont peu ou pas de poids dans la preuve.

[61] En l’espèce, je ne suis pas prête à tirer une conclusion négative du manque de preuve de confusion réelle. La preuve de la Requérante démontre de façon prédominante qu’elle a employé sa Marque à Calgary, en Alberta. En revanche, la preuve de l’Opposante est mince à l’égard de l’emploi de sa marque de commerce invoquée. Ainsi, je ne suis pas en mesure de déterminer si les marques de commerce des parties ont réellement coexisté dans le même marché pendant une période suffisante afin de tirer une quelconque conclusion significative concernant la coexistence sans confusion.

Conclusion

[62] Après avoir tenu compte de toutes les circonstances de l’espèce, je conclus que la probabilité de confusion est, au mieux pour la Requérante, également partagée. J’arrive à cette conclusion compte tenu du degré élevé de ressemblance entre les marques de commerce MASTER CHOCOLAT et CHOCOLATE MASTERS, du fait que les produits des parties sont semblables et se chevauchent et du fait que les voies de commercialisation des parties se chevauchent.

[63] Bien que le caractère distinctif inhérent des marques des parties soit faible, comme la Requérante l’observe, des petites différences sont suffisantes pour distinguer les marques de commerce avec un faible caractère distinctif, j’estime que les différences entre les marques de commerce en question ne sont pas suffisamment larges pour qu’il soit probable que les consommateurs seront en mesure de les distinguer. De plus, bien que l’Opposante n’ait pas démontré que ses marques invoquées ont acquis un caractère distinctif, la Requérante n’a pas démontré que cette combinaison de mots en particulier est communément employée dans le marché.

[64] Comme j’ai conclu qu’une probabilité de confusion existe entre la Marque et les Marques CHOCOLATE MASTERS de l’Opposante, je n’évaluerai pas les autres marques de commerce invoquées par l’Opposante dans le cadre de ce motif d’opposition.

Motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)a)

[65] L’Opposante fait valoir que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu de l’article 16(3)a) de la Loi puisque, à la date de dépôt de la Demande, la Marque créait de la confusion avec les marques de commerce de l’Opposante (à savoir les Marques MASTER CHOCOLATIER et les Marques CHOCOLATE MASTERS, conformément à l’Annexe B à cette décision), lesquelles avaient été précédemment employées et révélées de façon répandue au Canada par l’Opposante et ses prédécesseurs en titre avant la date de dépôt de la Demande au Canada.

[66] La date pertinente relativement au motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)a) est la date de production de la Demande, à savoir le 9 octobre 2015. L’Opposante a le fardeau initial d’établir que l’une ou plusieurs de ses marques de commerce alléguées à l’appui de ce motif d’opposition a ou ont été employées ou révélées avant la date de dépôt de la demande, à savoir le 9 octobre 2015, et qu’elle ou elles n’avaient pas été abandonnées à la date de l’annonce de la demande pour la Marque (en l’espèce, le 2 mai 2018) [article 16(5) de la Loi].

Les Marques MASTER CHOCOLATIER

[67] Les Marques MASTER CHOCOLATIER, dont les détails sont reproduits à l’Annexe B de cette décision, comprennent les marques suivantes :

Marque de commerce

No de demande ou d’enregistrement

Produits ou services

MAȊTRE CHOCOLATIER

1,773,030

[traduction]

  • (1)Chocolat

MASTER CHOCOLATIER

1,773,029

[traduction]

  • (1)Chocolat

LINDT MAȊTRE CHOCOLATIER

LMC993,318

[traduction]

  • (1)Chocolat

LINDT MASTER CHOCOLATIER

LMC993,319

[traduction]

  • (1)Chocolat

 

[68] La preuve concernant l’emploi et la promotion des Marques MASTER CHOCOLATIER se trouve dans l’Affidavit Wu. Dans son affidavit, Mme Wu atteste que l’Opposante a fait l’emploi, la publication et la promotion de façon répandue des Marques MASTER CHOCOLATIER au Canada en liaison avec les produits de chocolat depuis 1999. Elle affirme que depuis ce temps, l’Opposante a arboré en évidence ces marques sur l’emballage de produits, ainsi que sus ses magasins exclusifs Lindt Chocolate Shop. En appui, elle fournit ce qui suit :

· Pièce C – Des maquettes représentatives de l’emballage. L’emballage comprend des phrases comme [traduction] « Nos maîtres chocolatiers ont présenté notre Lindor fondant onctueux dans un magnifique plateau doré […] », [traduction] « LINDOR, créé par les maîtres chocolatiers de Lindt » et [traduction] « Derrière chaque porte numérotée se trouve un délicieux chocolat Lindt fabriqué à la main par les maîtres chocolatiers de Lindt ». La seule autre référence à MASTER CHOCOLATIER ou MAÎTRE CHOCOLATIER qui figure dans diverses couleurs sur l’emballage est comme suit (les logos Lindt) :

Portrait of Lindt - TFWA Asia Pacific Exhibition & Conference - 2022 |  TFWA

 

· Pièce D – Des photos représentatives de divers magasins LINDT Chocolate Shop au Canada, lesquelles, elle atteste, sont représentative de la façon dont l’ensemble des 57 de ces magasins au Canada arborent en évidence la marque de commerce MAITRE CHOCOLATIER. L’affiche des magasins arbore le premier logo Lindt, tel que montré ci-dessus sur l’emballage de la Pièce C.

· Des chiffres de ventes importants pour tous les produits de confiseries au chocolat vendus dans les magasins LINDT Chocolate Shop au Canada entre 2006 et 2018 et d’importants chiffres de ventes en gros pour les années 2010 à 2018, de tous les produits de confiserie au chocolat vendus par des points de distribution de gros (y compris des stations-service et des dépanneurs, des pharmacies, des épiceries, des magasins de grande surface comme Loblaws et Walmart et des entrepôts à abonnement comme Costco). Mme Wu atteste que, au mieux de ses connaissances, presque tous les produits de confiseries au chocolat vendus au Canada depuis 2006 arboraient en évidence les Marques MASTER CHOCOLATIER sur leur emballage ou étaient autrement associés avec les Marques MASTER CHOCOLATIER au point de vente (Affidavit Wu, para 16 à 19).

· Des chiffres importants de publicisation pour les produits de confiseries arborant les Marques MASTER CHOCOLATIER au Canada (Affidavit Wu, para 20).

· Pièces H à K – Des échantillons représentatifs de publicités et de promotions pour les Marques MASTER CHOCOLATIER au Canada à des événements de grande envergure comme Stars on Ice, la Coupe Rogers et le Toronto International Film Festival, en date de 2011 à 2019. Les échantillons de publicités et de promotions arborent le premier logo Lindt montré ci-dessus sur l’emballage à la Pièce C, à l’exception d’un cas à un kiosque d’échantillonnage à la Coupe Rogers en 2011 qui arbore ce qui suit :

.

· Pièce L – Des images d’emballages de produits de confiserie illustrées dans une présentation PowerPoint concernant le parrainage par l’Opposante d’équipes de sports professionnels au Canada, y compris les Canadiens de Montréal, les Maple Leafs de Toronto et les Canucks de Vancouver. De tels produits ont été produits en partenariat avec ces équipes de sports et publicisés et vendus dans les arénas de ces équipes, ainsi qu’aux magasins Lindt Chocolate Shop depuis 2011. De nouveau l’emballage arbore le premier logo Lindt, tel qu’indiqué à l’emballage de la Pièce C.

[69] La Requérante observe que la preuve de Mme Wu ne constitue pas l’emploi des Marques MASTER CHOCOLATIER. Pour commencer, la Requérante observe que bien que les mots MAÎTRE CHOCOLATIER figurent dans les logos Lindt (comme indiqués ci-dessus à la Pièce C de l’Affidavit Wu), ces mots n’apparaissent jamais seuls, ni les mots LINDT MAÎTRE CHOCOLATIER. Je suis d’accord avec la Requérante que les mots MAÎTRE CHOCOLATIER sont toujours accompagnés des mots « SUISSE DEPUIS 1845 » ou « DEPUIS 1845 » et que l’expression Lindt & Lindt & Sprungli constitue les mots dominants dans les logos.

[70] La Requérante observe également que les phrases qui comprennent la référence à « Lindt’s Master Chocolatiers » ne constituent pas l’emploi de la marque de commerce, puisqu’elles sont purement informationnelles, à savoir que les chocolats sont fabriqués par des Maîtres/Master Chocolatiers.

[71] Peu importe, je n’ai pas à déterminer si des cas comme les logos Lindt ou l’emploi des mots Lindt’s Master Chocolatiers ou Master Chocolatiers dans de diverses phrases illustrées sur l’emballage de la Pièce sont admissibles comme emploi des Marques MASTER CHOCOLATIER. En ce qui concerne les raisons qui suivent, même si l’on estime que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau, je n’estime pas que ces marques créent de la confusion avec la Marque. Dans ce qui suit, puisque l’analyse relative aux articles 6(5)c) et d) et les conclusions ne diffèrent pas de celles pour le motif fondé sur l’article 12(1)d), et ne sont pas décisives, j’aborderai seulement les autres circonstances de l’espèce.

Article 6(5)a) – Caractère distinctif inhérent des marques de commerce et mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[72] La Requérante observe que les marques de commerce des deux parties possèdent un faible degré de caractère distinctif inhérent. Je suis d’accord à l’égard des marques MASTER CHOCOLATIER/MAȊTRE CHOCOLATIER et j’ajouterai que la marque MASTER CHOCOLATIER de l’Opposante et son équivalent en français, selon mon opinion, ont un degré de caractère distinctif inhérent encore plus faible. L’expression MASTER CHOCOLATIER et son équivalent en français, comme l’a remarqué la Requérante à partir de la preuve de l’Opposante (Affidavit Wu, phrases sur l’emballage à la Pièce C), semblent être une expression de l’industrie employée pour décrire quelqu’un qui a maîtrisé ou perfectionné ses compétences à titre de chocolatier. Cela correspond également aux définitions suivantes qui se trouvent dans le dictionnaire en ligne The Canadian Oxford Dictionary (2e édition), lesquelles correspondent à celles trouvées et jointes à titre de preuve à l’Affidavit Jamieson :

[traduction]

Maître : une personne compétente dans un métier en particulier et en mesure d’enseigner aux autres. Une personne d’une grande compétence dans une aptitude ou une activité en particulier, entre autres.

Chocolatier : un fabricant ou vendeur de chocolat, particulièrement de haute qualité.

[73] Cependant, les marques de l’Opposante, LINDT MASTER CHOCOLATIER et LINDT MAȊTRE CHOCOLATIER, ont un degré plus élevé de caractère distinctif inhérent en raison de l’élément « Lindt ». La Requérante observe que Lindt est un nom de famille allemand répandu et manque donc d’un caractère distinctif inhérent. Cependant, aucune preuve n’a été versée au dossier pour appuyer l’affirmation que le consommateur canadien moyen reconnaîtrait Lindt comme un nom de famille.

[74] Peu importe, il est possible de renforcer une marque de commerce en faisant en sorte qu’elle devienne connue par sa promotion et son emploi. Comme il a été indiqué précédemment, la Demande pour la Marque est fondée sur l’emploi projeté au Canada et la preuve produite concernant le début de l’emploi de la Marque au Canada est ultérieure à la date de dépôt de la Demande. Ainsi, il n’y a aucune preuve que la Marque de la Requérante aurait acquis un quelconque caractère distinctif à la date pertinente.

[75] En revanche, l’Opposante a produit la preuve concernant l’emploi et la promotion des Marques MASTER CHOCOLATIER, remontant à 1999. Cependant, je suis d’accord avec la Requérante que la façon dont les Marques MASTER CHOCOLATIER sont présentées dans l’ensemble de l’Affidavit Wu soulève des questions quant à savoir si le public interpréterait ces marques comme étant employées en tant que tel [au sujet de Nightingale Interloc Limited c ProDesign Limited (1984), 2 CPR (3d) 535 (COMC)]. En effet, il y a un seul cas dans l’Affidavit Wu où les mots Lindt Maître Chocolatier apparaissent seuls (Pièce I). Par conséquent, il n’est pas clair dans quelle mesure les consommateurs reconnaîtraient les Marques MASTER CHOCOLATIER en tant que telles et à quel degré elles ont été révélées au Canada à la date pertinente.

[76] Compte tenu de ce qui précède, le facteur du caractère distinctif inhérent favorise l’Opposante, mais seulement dans la mesure que les marques LINDT MASTER CHOCOLATIER sont concernées, alors que le caractère distinctif acquis ne favorise aucune des parties.

Article 6(5)b) – Durée d’emploi

[77] Pour les raisons abordées dans le cadre de l’analyse relative à l’article 6(5)a), ce facteur ne favorise pas d’une façon importante l’une ou l’autre partie.

Article 6(5)e) – Degré de ressemblance

[78] La Requérante observe que les marques des parties sont différentes dans le son, la présentation et les idées suggérées. En ce qui a trait aux marques LINDT MASTER CHOCOLATIER et LINDT MAȊTRE CHOCOLATIER, la Requérante affirme que la caractéristique dominante de l’élément « LINDT », lequel, en tant que premier mot, est habituellement le plus important aux fins de la confusion, et qu’il n’a aucune ressemblance avec une quelconque partie de la Marque. De plus, la Requérante affirme que le seul mot commun aux marques des parties est le mot MASTER et l’élément restant des marques des parties, « chocolat » et « chocolatier » respectivement, sont des mots différents avec des significations différentes. C’est-à-dire, « chocolat » est le mot français pour chocolat et est un produit alimentaire, alors qu’un « chocolatier » est la profession d’une personne qui crée du chocolat.

[79] De plus, la Requérante fait valoir que les marques des parties, dans leur ensemble, ont des significations différentes. À cet égard, la Requérante affirme que la Marque est suggestive d’un surnom (c.-à-d. « Papa Chocolat », soit un maître chocolatier), alors que les marques LINDT MASTER CHOCOLATIER de l’Opposante communiquent clairement que les produits sont produits par les Master ou Maitre Chocolatiers de Lindt.

[80] En ce qui a trait aux marques MASTER CHOCOLATIER et MAȊTRE CHOCOLATIER de l’Opposante (y compris comme élément des marques LINDT mentionnées ci-dessus de l’Opposante), la Requérante observe que ces expressions décrivent clairement au consommateur que les produits de chocolat sont produits par des Master/Maitre Chocolatiers (maître étant le mot français pour « master »). En appui, la Requérante fait référence aux définitions du mot chocolatier (des dictionnaires en ligne dictionary.com et Merriam-Webster), ainsi qu’à une entrée de Wikipédia décrivant la désignation Master Chocolatier [Affidavit Jamieson, Pièces K, L et M). Par conséquent, la Requérante affirme que ces mots ne peuvent être revendiqués par un quelconque commerçant qui produit du chocolat et ces mots à eux seuls ne sont pas enregistrables en vertu de l’article 12(1)b) de la Loi (c.-à-d. ils sont clairement descriptifs de « personnes »).

[81] L’Opposante observe que les marques des parties (la Marque et la marque MASTER CHOCOLATIER/MAȊTRE CHOCOLATIER de l’Opposante et ses éléments) sont très semblables dans leur lecture et dans leur son et que, sauf pour le suffixe IER, sont pratiquement identiques. L’Opposante affirme également que les idées sont les mêmes, soit celles de la maîtrise de la fabrication de chocolat. De plus, l’Opposante fait valoir que la Marque ressemble au titre de quelqu’un qui est un maître de la fabrication de chocolat.

[82] Bien que les marques des parties aient des similarités, je suis d’accord avec la Requérante que les marques, dans leur ensemble, sont suffisamment différentes. Autres que les différences visuelles et phonétiques (chocolat et chocolatier), les idées suggérées par les marques des parties, bien que les deux concernent le chocolat, sont distinctes. La Marque communique l’idée de la maîtrise d’un produit de chocolat alors que l’expression MASTER CHOCOLATIER (et son équivalent en français) identifie une personne puisqu’il s’agit du titre accordé à quelqu’un qui a acquis un niveau élevé de compétences dans la fabrication de chocolat.

[83] Par conséquent, j’estime que ce facteur favorise la Requérante.

Circonstance de l’espèce – État du registre

[84] La Requérante affirme que la preuve de l’état du registre produite dans le cadre de l’Affidavit Jamieson démontre que le mot CHOCOLATIER est communément employé dans l’industrie du chocolat. La Requérante remarque correctement que des 37 marques trouvées par la recherche de M. Jamieson, 29 sont enregistrées en liaison avec des produits de chocolat. Ainsi, je suis d’accord avec la Requérante qu’il est raisonnable de conclure de la preuve que le mot « Chocolatier » est communément employé au Canada en liaison avec le chocolat.

Circonstance de l’espèce – Aucun cas de confusion réelle

[85] La Requérante affirme qu’elle n’est au courant d’aucun cas de confusion réelle dans le marché. La Requérante remarque que l’absence de preuve d’une confusion réelle au cours d’une période pertinente, malgré un chevauchement entre les produits, les services et les voies de commercialisation des parties, peut permettre au registraire de tirer une conclusion défavorable concernant la probabilité de confusion.

[86] L’Opposante observe que la preuve de confusion réelle n’est pas nécessaire pour établir une probabilité de confusion. Peu importe, l’Opposante affirme que la Requérante [traduction] « n’a pas démontré qu’un tel incident [de confusion réelle] aurait été porté à l’attention de la Requérante ou qu’il y avait une procédure en place pour signaler de tels incidents ». De plus, l’Opposante affirme que M. Callebaut a fait des déclarations simples à cet égard et que, puisque ces déclarations sont faites en fonction de l’opinion et de la croyance, elles n’ont peu ou pas de poids dans la preuve.

[87] En l’espèce, je ne suis pas prête à tirer une conclusion négative du manque de preuve de confusion réelle. La preuve de la Requérante démontre de façon prédominante qu’elle a employé sa Marque à Calgary, en Alberta. En revanche, la preuve de l’Opposante est mince à l’égard de l’emploi de sa marque de commerce invoquée. Ainsi, je ne suis pas en mesure de déterminer si les marques de commerce des parties ont réellement coexisté dans le même marché pendant une période suffisante afin de tirer une quelconque conclusion significative concernant la coexistence sans confusion.

Conclusion

[88] Compte tenu de toutes les circonstances de l’espèce, je conclus que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et les Marques MASTER CHOCOLATIER de l’Opposante. J’arrive à cette conclusion malgré le chevauchement dans les produits et les voies de commercialisation des parties, puisque j’estime que les marques des parties sont suffisamment différentes dans la présentation, le son et les idées suggérées.

[89] Le caractère distinctif inhérent de la Marque est faible (ainsi que l’élément MASTER CHOCOLATIER/MAITRE CHOCOLATIER dans les marques précédées par LINDT) et, comme la Requérante l’observe, des petites différences sont suffisantes pour distinguer les marques de commerce avec un faible caractère distinctif. J’estime que les différences entre les marques de commerce en question, contrairement aux Marques CHOCOLATE MASTERS, sont suffisamment larges pour qu’il soit probable que les consommateurs seront en mesure de les distinguer. Plus particulièrement, l’expression « MASTER CHOCOLATIER », comme il en a été question précédemment, est une expression employée pour décrire une personne qui a maîtrisé ou perfectionné ses compétences à titre de chocolatier, un fabricant et un vendeur de chocolat. Cette idée est suffisamment différente de celle de la Marque, laquelle communique l’idée de maîtrise d’un produit de chocolat. En effet, puisque l’élément « master » est commun dans le marché, les consommateurs porteront une plus grande attention aux autres caractéristiques des marques, lesquelles, en l’espèce, distinguent suffisamment les marques des parties.

[90] Compte tenu de ce qui précède, le motif fondé sur l’article 16(3)a) est rejeté à l’égard des Marques MASTER CHOCOLATIER.

Les Marques CHOCOLATER MASTERS

[91] En ce qui a trait à la preuve d’emploi antérieur des Marques CHOCOLATER MASTERS, comme il a été indiqué précédemment, l’Opposante invoque l’Affidavit Wu. Plus particulièrement, l’Opposante invoque les revendications faites dans les enregistrements (les détails joints sous la Pièce B à l’Affidavit Wu) et la preuve concernant l’emploi par les prédécesseurs en titre de l’Opposante conformément aux procédures en vertu de l’article 45 précédentes [Pièce F – copies de la preuve produite par le prédécesseur en titre de l’Opposante dans le cadre des procédures en vertu de l’article 45; et Pièce G – une copie de la décision en vertu de l’article 45 rendue par la Commission des oppositions des marques de commerce le 28 août 2018, maintenant les enregistrements des Marques CHOCOLATE MASTERS].

[92] En ce qui a trait aux revendications faites dans ces enregistrements, à savoir que Barry Callebaut AG et son prédécesseur en titre, Barry Callebaut Decorations BV, ont employé les Marques CHOCOLATE MASTERS au Canada en liaison avec du chocolat et des produits de chocolat depuis au moins aussi tôt que décembre 2009, de telles revendications dans les enregistrements ne sont pas suffisantes. En effet, la Cour fédérale a déconseillé d’accorder même un poids minimal aux dates d’emploi revendiquées dans un certificat d’enregistrement (une copie certifiée de l’enregistrement n’a pas été produite en l’espèce) [voir Tokai of Canada c Kingsford Products Company, LLC, 2018 CF 951; et Rooxs, Inc c Edit-SRL (2002), 23 CPR (4th) 265 (COMC)].

[93] En ce qui a trait à la preuve produite dans d’autres procédures, le registraire a précédemment accepté des copies d’affidavits produits dans d’autres procédures lorsque les circonstances justifient une telle mesure [voir Beachcombers Restaurant Ltd c Vita-Park Citrus Products Co (1976), 26 CPR (2d) 282 (COMC) et Barbara’s Bakery Inc c Sparkles Photo Ltd, 2011 COMC 28, 91 CPR (4th) 457]. Le registraire a également souligné les facteurs qui ont été évalués pour le faire, y compris : a) si les parties aux procédures sont les mêmes; b) si la marque de commerce visée par la demande est la même dans les deux procédures; c) la disponibilité du déposant aux fins de contre-interrogation; et d) si toutes les questions, ou la plupart, dans les deux procédures sont les mêmes [voir Springwall, précité].

[94] En l’espèce, je ne suis pas prête à accorder un quelconque poids à l’affidavit de M. Berjot (Pièce F à l’Affidavit Wu). Bien que les parties de la présente procédure comprennent le successeur en titre du propriétaire inscrit et l’Opposante dans cette affaire et que la question à trancher est de savoir si ces marques de commerce en particulier de l’Opposante étaient employées au cours de la période pertinente (une telle période incluant une période précédant la date de dépôt de la Demande), M. Berjot n’est pas disponible aux fins de contre-interrogation.

[95] De plus, je note que toute conclusion tirée par le registraire dans le cadre de la procédure en vertu de l’article 45 ne constitue pas une preuve d’emploi dans l’opposition en question. Chaque décision en matière d’opposition doit être tranchée par le registraire en fonction de son propre mérite en tenant compte de la preuve présentée dans l’affaire en particulier, laquelle peut différer de la preuve versée au dossier d’une affaire antérieure impliquant les mêmes parties [voir Purafil Canada Ltd c Purafil, Inc, 2012 COMC 105, au para 20; et Sunny Crunch Foods Ltd c Robin Hood Multifoods Inc (1982) 70 CPR (2d) 244 (COMC), à la p 249].

[96] Compte tenu de ce qui précède, je conclus que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial et, par conséquent, ce motif d’opposition est rejeté à l’égard des Marques CHOCOLATE MASTERS.

Motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)b)

[97] L’Opposante fait valoir que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu de l’article 16(3)b) de la Loi puisque, à la date de dépôt de la Demande, elle créait de la confusion avec les marques de commerce MASTER CHOCOLATIER et MAÎTRE CHOCOLATIER de l’Opposante (demandes nos 1,773,029 et 1,773,030 respectivement), à l’égard desquelles des demandes d’enregistrement ont été précédemment déposées au Canada.

[98] Dans le cadre de ce motif, l’Opposante a le fardeau initial d’établir qu’au moins une de ses demandes invoquées avait été déposée avant la date de dépôt de la Demande (en l’espèce, le 9 octobre 2015) et qu’une telle demande était en instance à la date de l’annonce de la Demande (en l’espèce, le 2 mai 2018) [article 16(4) de la Loi]. Le registraire a le pouvoir discrétionnaire de consulter le registre pour confirmer l’existence ou l’état de demandes invoquées par un opposant [voir Quaker Oats of Canada Ltd/La Compagnie Quaker Oats du Canada Ltée c Menu foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)].

[99] Aucune des demandes invoquées par l’Opposante n’a été déposée avant la date de dépôt de la Requérante, soit le 9 octobre 2015; par conséquent, l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve à l’égard de ces marques.

[100] Par conséquent, ce motif d’opposition est rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’article 2

[101] L’Opposante fait valoir que la Marque n’est pas distinctive, puisqu’elle ne distingue pas et n’est pas adaptée pour distinguer les produits et services de la Requérante de ceux de l’Opposante, compte tenu de l’emploi, de la promotion, de la publicisation et de la révélation répandus au Canada des Marques de l’Opposante.

[102] L’Opposante doit s’acquitter du fardeau de preuve initial d’établir qu’à la date de production de l’opposition (en l’espèce, le 2 juillet 2019), une ou plusieurs des Marques de l’Opposante étaient connues dans une mesure suffisante pour annuler le caractère distinctif de la Marque visée par la demande [Bojangles’ International LLC c Bojangles Café Ltd, 2006 CF 657, 48 CPR (4th) 427]. Pour ce faire, l’Opposante doit établir qu’une ou plusieurs de ses marques de commerce étaient connues dans une certaine mesure au Canada ou étaient bien connues dans une région particulière du Canada [Bojangles, précité, aux para 33 et 34].

[103] Je ne suis pas convaincue que l’Opposante se soit acquittée de son fardeau initial. Comme pour la discussion et l’analyse menées dans le cadre des motifs fondés sur les articles 12(1)d) et 16, la preuve d’emploi de l’Opposante des Marques CHOCOLATE MASTERS est mince et n’aborde pas l’étendue de l’emploi de ces marques et la preuve concernant les Marques MASTER CHOCOLATIER ne démontre pas un emploi étendu de ces marques en tant que tel. Par conséquent, je ne suis pas en mesure de conclure que l’une des Marques de l’Opposante était connue dans une mesure suffisante à la date pertinente.

[104] Compte tenu de ce qui précède, ce motif d’opposition est rejeté.

Décision

[105] Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la demande no 1,749,988 selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

___________________________

Kathryn Barnett

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

William Desroches

Le français est conforme aux WCAG.


Annexe A

Demande no 1,749,988 pour MASTER CHOCOLAT :

Produits (classe Nice et état déclaratif)

[traduction]

Cl 6 (1) Boîtes en métal.

Cl 16 (2) Boîtes-cadeaux et emballages-cadeaux, nommément emballage-cadeau, étiquettes-cadeaux en papier, cartes-cadeaux, sacs-cadeaux en papier, boucles en papier pour emballages-cadeaux et rubans; recettes et livres de cuisine dans le domaine du chocolat.

Cl 30 (3) Chocolats, confiseries au chocolat, bonbons, crème glacée, biscuits, gâteaux et articles connexes, nommément sauces au chocolat et tartinades à base de chocolat.

Services (classe Nice et état déclaratif)

 

[traduction]

Cl 35 (1) Exploitation d’une entreprise spécialisée dans la vente de chocolats, de confiseries, de bonbons, de crème glacée, de biscuits, de gâteaux et d’articles connexes, nommément de sauces au chocolat, de tartinades à base de chocolat, de boîtes-cadeaux, de boîtes métalliques, d’emballages-cadeaux ainsi que de recettes et de livres de cuisine dans le domaine du chocolat.

Revendications

Emploi projeté au CANADA.


 

Annexe B

Marques de l’Opposante

 

Les « Marques MASTER CHOCOLATIER »

Marque de commerce

Demande et no d’enregistrement

Produits et services

MAȊTRE CHOCOLATIER

1,773,030

[traduction]

  • (2)Chocolat

MASTER CHOCOLATIER

1,773,029

[traduction]

  • (2)Chocolat

LINDT MAȊTRE CHOCOLATIER

LMC993,318

[traduction]

  • (2)Chocolat

LINDT MASTER CHOCOLATIER

LMC993,319

[traduction]

  • (2)Chocolat

Les « Marques CHOCOLATE MASTERS »

Marque de commerce

Demande et no d’enregistrement

Produits et services

CHOCOLATE MASTERS & DESIGN

LMC377,673

[traduction]

  • (1)Chocolat et produits de chocolat, nommément godets de chocolat, décorations de chocolat et copeaux de chocolat.

CHOCOLATE MASTERS & DESIGN

LMC837,071

[traduction]

  • (1)Chocolat et produits de chocolat, nommément godets de chocolat, décorations de chocolat et copeaux de chocolat.

 


 

Comparutions et agents inscrits au dossier

DATE DE L’AUDIENCE : 2023-06-08

COMPARUTIONS

Pour l’Opposante : Graham Hood

Pour la Requérante : Carolyn Walters

AGENTS AU DOSSIER

Pour l’Opposante : Smart & Biggar LLP

Pour la Requérante : Lawson Lundell LLP

 

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