Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

A maple leaf on graph paper

Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2023 COMC 176

Date de la décision : 2023-10-23

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE D’UNE OPPOSITION

Opposante : Servus Credit Union Ltd.

Requérante : Meridian Credit Union Limited

Demande : 1,825,691 pour WHERE BANKING FEELS GOOD

Introduction

· Servus Credit Union Ltd (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce WHERE BANKING FEELS GOOD (la Marque), laquelle fait l’objet de la demande no 1,825,691 (la Demande) déposée par Meridian Credit Union Limited (la Requérante).

· La Demande a été déposée le 3 mars 2017 et est fondée sur l’emploi projeté au Canada en liaison avec l’état déclaratif des services reproduit ci-dessous, avec la classe de Nice (Cl) connexe :

[traduction]

Cl 44 (1) Services financiers, nommément services bancaires, services de banque d’investissement, services de conseil en planification financière et en placement, planification financière en vue de la retraite, placements financiers dans les domaines des valeurs mobilières, des fonds communs de placement et des marchandises, placement de fonds, gestion de placements et gestion d’actifs financiers.

· Pour les raisons exposées ci-dessous, je rejette la Demande.

Le dossier

· La Demande a été annoncée dans le Journal des marques de commerce le 26 juin 2019.

· Le 15 août 2019, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition à l’encontre de la Demande en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi). La Loi a été modifiée le 17 juin 2019 et, puisque la Demande en l’espèce a été annoncée après cette date, la Loi dans sa version modifiée s’applique (voir l’article 69.1 de la Loi).

· L’Opposante soulève des motifs d’opposition fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement en vertu de l’article 16(1)a), l’absence de caractère distinctif en vertu de l’article 2 et la non-conformité aux articles 38(2)e) et 38(2)f) de la Loi. Trois des quatre motifs concernent une allégation de confusion avec la marque de commerce FEEL GOOD ABOUT YOUR MONEY de l’Opposante, précédemment employée au moins aussi tôt qu’en septembre 2006 en liaison avec des produits et services bancaires, financiers et de placement.

· Le 9 octobre 2019, la Requérante a signifié sa contre-déclaration réfutant les motifs d’opposition.

· Afin d’appuyer son opposition, l’Opposante a produit :

· L’affidavit de Dan Heinemann, le directeur des services organisationnels, réglementaires et commerciaux de l’Opposante. L’affidavit de M. Heinemann porte principalement sur la preuve concernant l’entreprise de l’Opposante et l’emploi de sa marque de commerce FEEL GOOD ABOUT YOUR MONEY invoquée, ainsi que le présumé concept [traduction] « se sentir bien ».

· L’affidavit de Demetrios Eliopoulos, le vice-président principal et directeur‑gestionnaire des Affaires publiques pour Angus Reid, une entreprise d’étude de marché. L’affidavit de M. Eliopoulos concerne la preuve relative à une enquête menée [traduction] « pour déterminer s’il était probable ou improbable que la population adulte albertaine estime que les slogans “Feel good about your money” et “Where banking feels good” proviennent de la même source ».

· Les deux déposants de l’Opposante ont été contre-interrogés au sujet de leur affidavit et les transcriptions et réponses aux engagements ont été versées au dossier.

· À l’appui de sa Demande, la Requérante a produit ce qui suit :

· L’Affidavit de Karen Lau Cardinell, une secrétaire juridique employée par la Requérante. L’affidavit de Mme Cardinell fournit les résultats de diverses recherches de marques de commerce pour les marques de commerce contenant les mots « GOOD » et « BANK », ainsi que « FEEL » et « GOOD », dans la classe 36.

· L’affidavit de Sari Arhontoudis, la vice-présidente du marketing de la Requérante. L’affidavit de Mme Arhontoudis fournit principalement la preuve concernant l’entreprise de la Requérante et l’emploi de la Marque visée par la Demande.

· Aucune des déposantes de la Requérante n’a été contre-interrogée au sujet de son affidavit.

· En réponse, l’Opposante a produit un autre affidavit de Dan Heinemann. Ce deuxième affidavit est en réponse aux allégations dans l’affidavit de Mme Arhontoudis que la Requérante n’avait aucune connaissance antérieure de la marque de commerce invoquée de l’Opposante, ainsi que l’égard des résultats de recherche de Mme Cardinell. M. Heinemann n’a pas été contre-interrogé au sujet de son deuxième affidavit.

· Les deux parties ont produit des observations écrites et ont formulé des observations lors de l’audience.

Résumé de la preuve

Preuve de l’Opposante

Résumé de l’Affidavit Heinemann (Premier Affidavit Heinemann)

· M. Heinemann décrit l’Opposante comme une grande institution financière communautaire appartenant à ses membres établie à Edmonton, en Alberta. Il explique que l’Opposante offre des prêts, des dépôts des placements, des hypothèques, des services bancaires en ligne, des guichets automatiques, des cartes de débit et crédit, ainsi que des services de planification financière, d’assurance, de fiducie et de finances agricoles et commerciales, avec toutes les activités commerciales se limitant à l’Alberta.

· Selon M. Heinemann, l’Opposante emploie la marque de commerce « FEEL GOOD ABOUT YOUR MONEY » (la Marque de l’Opposante) et de nombreuses phrases employant l’expression « feel good » et des variations de celle-ci (le concept [traduction] « se sentir bien ») en liaison avec ses services financiers depuis au moins aussi tôt que 2006.

· À titre d’illustration, M. Heinemann affirme que l’Opposante a mis en marché et employé la Marque de l’Opposante et le concept [traduction] « se sentir bien » dans des publicités imprimées, des publicités radio, télévisées et vidéo, sur les médias sociaux et en ligne, par les succursales de l’Opposante et sur les cartes professionnelles des employés, ainsi que par le site Web de l’Opposante. En appui, il fournit ce qui suit :

· Pièces B à G – Des publicités sur des affiches et des autobus, des affiches et d’autres publicités imprimées pour les divers services financiers de l’Opposante et des campagnes de sensibilisation de la marque et de marketing (p. ex. campagne pour CPG, hypothèque et prêt, campagnes pour placements et participation, REER, etc.) en date de 2006 à 2012. Il indique que ces publicités sont représentatives des publicités imprimées de l’Opposante arborant la Marque de l’Opposante et le concept [traduction] « se sentir bien » de 2006 à la date de son affidavit.

· Pièce H – Des exemples des publicités radio, en ligne, télévisées et vidéo de l’Opposante pour les divers services financiers de l’Opposante, diffusées en Alberta, en date de 2009 à 2020, arborant la Marque de l’Opposante et le concept [traduction] « se sentir bien » (p. ex. « Feel Good GIC », « Feel Good Mortgage », « Servus Feel Good movement »). Il fournit des chiffres importants de dépenses publicitaires et des statistiques importantes de visionnement à l’égard de quelques-unes de ces publicités.

· Pièces I, J, K et L – Des exemples d’emplois de la Marque de l’Opposante, de l’expression « feel good » et de variantes de celle-ci sur Twitter, Facebook, YouTube et Instagram, en date de 2012 à 2020. Il affirme que l’Opposante a 5 000 abonnés sur son compte Twitter, 25 000 abonnés et 26 000 mentions « j’aime » sur sa page Facebook, 2 000 abonnés sur sa page Insagram et que ses vidéos YouTube ont fréquemment attiré plusieurs centaines de milliers de visionnements. Il fournit également des chiffres de visionnement pour chacun des exemples particuliers versés dans la preuve.

· Pièces M et N – Des photos de 2015 démontrant la façon dont la Marque de l’Opposante est arborée dans approximativement 25 de ses succursales partout en Alberta et de gabarits de cartes professionnelles, respectivement, lesquels, selon ses affirmations, ont été employés à l’égard de l’ensemble des cartes professionnelles de l’Opposante au cours des 10 dernières années.

· Pièces O et P – Des pages du site Web de l’Opposante en date du 2 juin 2020 et des imprimés du site Web de l’Opposante du site Wayback Machine en date de 2010, respectivement. Il indique que, du 1er mai 2019 au 30 avril 2020, les pages du site Web de l’Opposante ont été visitées approximativement 7,4 millions de fois par 1,6 million d’utilisateurs (Pièce Q – rapport de données Google Analytics).

· M. Heinemann affirme que, de 2012 jusqu’en janvier 2020, l’Opposante a dépensé plus de 26 millions de dollars sur l’annonce et la promotion de ses produits et services, lesquels, selon ses indications, arborent presque toujours la Marque de l’Opposante et le concept [traduction] « se sentir bien ». Il fournit une ventilation de ces dépenses à la Pièce R de son affidavit.

· En plus des chiffres liés aux publicités, M. Heinemann fournit des chiffres liés aux revenus pour les années 2009 à 2019 à l’égard de la prestation des produits et services financiers de l’Opposante offerts en liaison avec la Marque de l’Opposante et son concept [traduction] « se sentir bien » (para 29). Les revenus bruts annuels varient de près de 500 millions de dollars (2010) à 750 millions de dollars (2019).

· Enfin, M. Heinemann fait part de son opinion à l’égard de la question de la confusion entre la Marque de la Requérante et la Marque de l’Opposante, y compris en comparant la période d’emploi des marques de commerce des parties. À cet égard, M. Heinemann affirme que la Requérante [traduction] « semble avoir introduit la Marque de commerce de la Requérante en février 2019, ou environ, en liaison avec le lancement de motusbank ». En appui, il joint à titre de Pièce S, un billet du 4 février 2019 sur le site Web de la Requérante, lequel, selon lui, coïncide avec l’introduction de la Marque de la Requérante par le lancement de motusbank. De plus, il joint à titre de Pièce T, un [traduction] « infographique » qui emploie la Marque de la Requérante et contient des renseignements (p. ex. la façon dont la Requérante aide les clients au cours de la COVID-19) en date du 11 mai 2020.

· En ce qui a trait au contre-interrogatoire de M. Heinemann, tout commentaire notable, tout renseignement ou toute référence seront faits subséquemment à la discussion et à l’analyse des motifs d’opposition, le cas échéant.

Résumé de l’Affidavit Eliopoulos

· M. Eliopoulos explique que Angus Reid a mené une étude de sondage de l’opinion publique en ligne sur le sujet de la confusion avec les slogans pour le compte de l’Opposante, pour laquelle il était le directeur de projet pour cette étude et l’auteur du rapport connexe (Pièce 1). Il affirme que le rapport à la Pièce 1 (le Rapport), en date du 19 mai 2020, établit ses qualifications et son expérience, ainsi que les qualifications et l’expérience d’Angus Reid, la méthode de l’étude et les résultats de l’étude.

· Le Rapport indique que Angus Reid a sondé 799 adultes albertains, équilibrés en fonction de l’âge, du genre et de la région de l’Alberta (selon la date du recensement), qui font partie du [traduction] « Forum Angus Reid » sur le sujet de la confusion entre les slogans. Le Forum Angus Reid est décrit comme suit :

[traduction]

La communauté en ligne la plus reconnue et la plus engagée formée d’adultes (18 ans et plus) du Canada gérée par une équipe cheffe de fil de l’industrie d’experts en recherche de marché et groupes de discussion. L’intégrité du Forum Angus ReidMD est établie dans la qualité des répondants et des membres que nous recrutons. Nous employons un certain nombre de méthodes et diverses techniques pour nous assurer que nous recrutons des membres qui sont honnêtes, engagés et représentatifs de la population canadienne. Les sources comprennent les médias sociaux et les publicités numériques, les partenariats médiatiques et certains partenaires affiliés pour bâtir une communauté représentative des répondants connus partout au pays. Un large éventail de messages publicitaires sont employés pour attirer des groupes vastes et ciblés de gens pour joindre un large éventail d’audiences.

· Le Rapport indique que le but de l’étude était de comprendre la proportion des Albertains qui croient qu’il était [traduction] « probable » que le slogan « Feel good about your money » et le slogan « Where banking feels good » proviennent de la même organisation. Le créneau de questionnement était du 24 au 28 avril 2020.

· Le rapport indique qu’une deuxième étude a été menée auprès de 599 répondants pour déterminer si les résultats peuvent être reproduits. [traduction] « Notre analyse de cette deuxième étude a conclu que nous sommes en mesure de reproduire les résultats de la première étude et il n’y avait aucune différence importance dans les questions fondamentales posées » (selon la page 8 du rapport).

· Le rapport indique que le sondage présentait aux répondants sept slogans (un identique à la Marque de l’Opposante et un qui était la Marque de la Requérante), dans un ordre aléatoire, ainsi que « Feel good about your money » et leur demandait [traduction] « à quel point est-il probable que ces slogans proviennent de la même organisation? » en employant une échelle de [traduction] « très probable », [traduction] « probable », [traduction] « improbable » et [traduction] « très improbable ». Selon le rapport, 34 % des répondants ont répondu [traduction] « très probable » et 50 % ont répondu [traduction] « probable » que « Where banking feels good » et « Feel good about your money » proviennent de la même (84 % combinés). Les autres slogans évalués étaient « Common sense banking », « Forward Banking », « Making money make a difference », « Powering Your Ideas » et « We’re obsessed with your success ». Le nombre le plus élevé suivant de réponses [traduction] « très probable » ou [traduction] « probable » était avec le slogan « Common sense banking », où 20 % des répondants ont répondu [traduction] « très probable » et 54 % ont répondu [traduction] « probable » (74 % combinés). Les réponses pour les autres slogans étaient comme suit : « Powering Your Ideas », 4 % des répondants ont répondu [traduction] « très probable » et 33 % ont répondu [traduction] « probable » (37 % combinés); « Making money make a difference », 15 % des répondants ont répondu [traduction] « très probable » et 47 % ont répondu [traduction] « probable » (62 % combinés); « We’re obsessed with your success », 5 % des répondants ont répondu [traduction] « très probable » et 31 % ont répondu [traduction] « probable » (36 % combinés); et « Forward Banking », 21 % des répondants ont répondu [traduction] « très probable » et 49 % ont répondu [traduction] « probable » (70 % combinés).

· Le sondage a également demandé aux répondants sondés s’ils avaient lu, vu ou entendu les slogans indiqués ci-dessus avant de répondre au sondage. Les résultats étaient 50 % pour « Feel good about your money », 43 % pour « Forward Banking », 32 % pour « Common sense banking », 27 % pour « Where banking feels good », 16 % pour « Powering Your Ideas », 12 % pour « Making money make a difference », 4 % pour « We’re obsessed with your success » et 25 % pour [traduction] « aucune de celles-ci » (selon la page 12 du rapport).

· Enfin, le sondage a demandé aux répondants de nommer leur institution financière principale ainsi que d’indiquer s’il y avait d’autres institutions financières dont ils avaient employé les produits et services, en plus de leur institution financière principale.

· En plus de présenter les conclusions clés du sondage dans le Rapport, les tableaux de données des résultats du sondage, contenant la totalité des données détaillées pour chaque question posée pour les deux études, sont joints à l’Appendice F du Rapport.

· De nouveau, comme pour le contre-interrogatoire de M. Heinemann, tout commentaire notable, tout renseignement ou toute référence au contre-interrogatoire de M. Eliopoulos seront faits subséquemment à la discussion et à l’analyse des motifs d’opposition, le cas échéant.

Preuve de la Requérante

Résumé de l’Affidavit Cardinell

· Mme Cardinell affirme que le 13 mai 2021, elle a mené une recherche dans la base de données des marques de commerce canadiennes pour relever les marques de commerce actives contenant les mots [traduction] « GOOD et BANK » et [traduction] « FEEL et GOOD » de la classe de Nice 36. Elle fournit les détails de six de ces marques de commerce trouvées contenant [traduction] « GOOD et BANK » (Pièce A), dont l’une est la présente Demande et de cinq de ces marques de commerce trouvées contenant [traduction] « FEEL et GOOD » (Pièce B). Je note que des cinq marques de commerce indiquées à la Pièce B, deux appartiennent à l’Opposante et une troisième est également la présente Demande, alors que seulement deux autres marques de commerce appartiennent à des tiers (FEEL GOOD INVESTING et FEEL GOOD COVERAGE).

· Mme Cardinell affirme ensuite qu’elle a mené des recherches Google pour trouver tout emploi des marques de commerce relevées par ses recherches susmentionnées aux Pièces A et B. Elle nomme quatre de ces marques de commerce et fournit les résultats de ces recherches comme suit :

· Pièce C – une capture d’écran du 13 mai 2021 de la page Web www.alterna.ca arborant THE GOOD IN BANKING.

· Pièce D – une capture d’écran du 13 mai 2021 de la page Web www.alternabank/.ca/about-us arborant la marque DISCOVER THE GOOD IN BANKING.

· Pièce E – une capture d’écran du 14 mai 2021 du premier résultat trouvé en menant une recherche pour la marque de commerce « THAT’S JUST GOOD BANKING », lequel est un lien vers une vidéo YouTube intitulée « PC Financial – That’s Just Good Banking », téléversée le 17 mars 2015, ainsi qu’une capture d’écran de la dernière image de cette vidéo YouTube qui arbore cette marque.

· Pièce F – une capture d’écran du 17 mai 2021 du premier résultat obtenu en menant une recherche pour la marque de commerce « FEEL GOOD INVEST », lequel est un lien vers la page d’accueil de Bonnie Barnes-Tracey à https://feelgoodinvest.ca, avec une description qui comprend la marque de commerce FEEL GOOD INVESTING en gras. Elle inclut également dans cette pièce une capture d’écran de la page d’accueil de ce site Web lui-même, laquelle arbore FEEL GOOD INVESTING et WELCOME TO FEEL GOOD INVESTING et nomme Bonnie Barnes-Tracey comme employée de CIBC Wood Gundy à Vancouver.

Résumé de l’Affidavit Arhontoudis

· Mme Arhontoudis indique que la Requérante, la plus grande caisse populaire en Ontario, et la deuxième plus grande au Canada, offre des produits et des services bancaires, de gestion de la richesse et de crédit. Elle atteste que la Requérante possède plus de 26,5 milliards de dollars en actifs gérés en date du 31 décembre 2020, avec plus de 1 900 employés (Pièce A – pages du site Web de la Requérante qui comprennent ces renseignements sous l’onglet [traduction] « Renseignements organisationnels »).

· Mme Arhontoudis indique que, en tant que caisse populaire créée en vertu des lois de l’Ontario, la Requérante peut seulement offrir ses services à ses membres en Ontario. Cependant, elle indique que, vers le 17 août 2016, la Requérante a annoncé son intention de créer une nouvelle banque en ligne à charte fédérale, la « Meridian Bank », pour offrir ses services à des Canadiens habitant à l’extérieur de l’Ontario (Pièce B – communiqué de presse annonçant le lancement). Elle atteste que cette banque a été éventuellement lancée sous le nom « motusbank ».

· Mme Arhontoudis indique que motusbank a été constituée comme banque fédérale le 3 octobre 2018 et a reçu l’approbation le 10 janvier 2019 du Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) d’entreprendre à ses activités en tant que banque (Pièce C – approbation du BSIF). Elle affirme que vers le 2 avril 2019, motusbank a alors entamé ses activités commerciales, avec son lancement comme plateforme bancaire numérique à www.motusbank.ca, offrant des services financiers, bancaires et de placement à ses membres au Canada (Pièce D – pages du site Web qui décrivent la banque et ses services).

· Mme Arhontoudis indique que, entant que filiale à part entière de la Requérante, motusbank est assujettie à la supervision et au contrôle de la Requérante pour tous les aspects de son entreprise, y compris le contrôle de la qualité de ses services et la gestion de ses campagnes de marketing. Elle indique également l’existence d’un conseil d’administration commun entre la Requérante et motusbank (para 14 de son affidavit) et que la relation entre la Requérante et motusbank est annoncée aux consommateurs canadiens sur le site Web de motusbank (Affidavit Arhontoudis, para 15, et extrait du site Web en Pièce D). De plus, elle affirme qu’il y a une licence de marque de commerce verbale entre les parties et que les campagnes de marketing pour motusbank sont conçues, élaborées et exécutées par les employés de la Requérante qui relèvent d’elle (para 16).

· En développant une [traduction] « essence de marque », Mme Arhontoudis indique que le slogan « WHERE BANKING FEELS GOOD » a été sélectionné par Requérante et serait déployé pour l’emploi avec motusbank. En appui, elle fournit à titre de Pièce E une copie des lignes directrices sur l’image de marque de la Requérante, en date du 8 novembre 2016, qui comprend de nombreuses références au slogan WHERE BANKING FEELS GOOD et illustre sa création. Elle indique que, dans un communiqué de presse (Pièce F) en date du 4 février 2019, la Requérante a annoncé le lancement de motusbank, où la section [traduction] « À propos de motusbank » du communiqué de presse comment par [traduction] « motusbank, où les services bancaires nous font sentir bien ».

· Depuis avril 2019, Mme Arhontoudis indique que la Requérante a investi plus de 2 millions de dollars en campagnes de publicités et de marketing en ligne pour publiciser et les services de Meridian et de motusbank et en faire la promotion à l’aide du slogan WHERE BANKING FEELS GOOD en liaison avec l’ensemble de leurs services financiers, bancaires et de placement. En appui, elle fournit les exemples représentatifs suivants :

· Pièce D – une capture d’écran de la page d’accueil du site Web motusbank.ca, lequel, selon ses affirmations, avait plus de 13 millions de visites en date d’avril 2019.

· Pièce G – une capture d’écran des résultats d’une recherche Google pour « motusbank », en date du 27 avril 2021, comprenant le slogan « Where banking feels good ».

· Pièces H et I – des listes de vidéos publicitaires pour motusbank et la Requérante, ensemble avec leur adresse URL et des captures d’écran imprimées illustrant l’emploi du slogan WHERE BANKING FEELS GOOD. Elle affirme que toutes ces vidéos ont été lancées au cours des deux dernières années, en 2020 et 2021, et à un intervalle de quelques semaines, pour promouvoir différents produits et services, tous cependant arborant le slogan.

· Pièce J – un sommaire sans date des liens YouTube pour les vidéos promotionnelles qui ont été envoyées aux clients par campagnes publicitaires par courriel direct, ce qui comprenait l’emploi du slogan WHERE BANKING FEELS GOOD.

· Mme Arhontoudis indique que, en 2020 seulement, 7,9 millions de courriels ont été envoyés directement aux clients, dont 2,78 millions ont été ouverts, et la Requérante a déployé 2,2 millions de messages bancaires supplémentaires. De plus, elle fournit un tableau avec un sommaire des divers types de placements publicitaires (c.-à-d. sur les médias sociaux, les vidéos en ligne, etc.) qui employaient le slogan WHERE BANKING FEELS GOODS, placés par la Requérante et par motusbank en 2019 et 2020, accompagné du nombre de visionnements pour chaque type de publicité.

· Avant d’adopter la Marque et de déposer une demande pour son enregistrement, Mme Arhontoudis atteste que la Requérante a employé des campagnes publicitaires semblables qui comprenaient le concept de [traduction] « se sentir bien » au sujet des services financiers ou bancaires. Elle fournit les exemples suivants :

· Pièce K – une copie de la page d’accueil pour www.meridiancu.ca, laquelle, selon ses affirmations, aussi tôt que janvier 2017 ou environ, comprenait le slogan « You can feel good about banking with us ».

· Pièce L – une copie d’un courriel à un client en date du 14 juin 2018 employant le slogan « WELCOME TO FEEL GOOD BANKING » représentatif de ceux envoyés par une campagne de marketing par courriel direct aux clients [traduction] « depuis juin 2018 ou environ ».

· Pièce M – des photos du lancement des publicités pour autobus de motusbank à Winnipeg, au Manitoba, au printemps de 2019, lesquelles arborent le slogan « WHERE BANKING FEELS GOOD ».

· Pièce N – des exemples d’affiches de succursales, d’affiches numériques, de revues, de fiches de ventes, de bulletins, de courriels directs et de publicités communautaires qui comprennent le slogan WHERE BANKING FEELS GOOD qui, selon ses affirmations, ont été lancés au cours de cette année en Ontario, à la date de l’exécution de son affidavit.

· Enfin, Mme Arhontoudis indique que, aux fins de l’exécution de son affidavit, elle a cherché à savoir si la Requérante a eu de quelconques signalements ou plaintes concernant l’emploi du slogan WHERE BANKING FEELS GOOD. Elle affirme que, au mieux de ses connaissances, aucun consommateur n’a fait part de quelconques préoccupations auprès de motusbank ou de la Requérante au sujet de ce slogan ou avait suggéré qu’il avait un quelconque lien avec la caisse populaire de l’Opposante. Elle affirme qu’elle n’était pas consciente de l’emploi par l’Opposante du slogan « FEEL GOOD ABOUT YOUR MONEY » jusqu’à ce que la Requérante reçoive une lettre de demande le 14 juin 2019 ou environ.

Contre-preuve de l’Opposante

Résumé de l’Affidavit Heinemann (Deuxième Affidavit Heinemann)

· En réponse aux déclarations de Mme Arhontoudis dans son affidavit concernant la connaissance (ou l’absence de celle-ci) de la Marque de l’Opposante, M. Heinemann affirme que, bien qu’il ne puisse pas discuter de son niveau personnel de connaissance de la marque de l’Opposante, il est inexact de dire que l’emploi de l’Opposante de la Marque de l’Opposante était inconnu à la Requérante avant son lancement de WHERE BANKING FEELS GOOD par motusbank. À cet égard, il affirme que pour plusieurs années avant le lancement du printemps 2019 de motusbank, la Requérante et l’Opposante avaient étroitement collaboré sur l’Association canadienne des coopératives financières et étaient bien conscientes de la position dominante dans le marché et de l’image de marque de chacune. Par conséquent, M. Heinemann affirme qu’il est très peu probable que la Requérante n’ait pas été consciente de la marque « FEEL GOOD » de l’Opposante.

· M. Heinemann affirme également que, avant le lancement du printemps 2019 de motusbank, l’Opposante a directement communiqué avec la Requérante pour aborder des préoccupations concernant le lancement annoncé de motusbank et de la marque l’entourant. Il affirme que l’Opposante a d’abord envoyé un courriel le 6 février 2019 pour discuter de ses préoccupations avec David Moor, le dirigeant principal du marketing de la Requérante. Le 22 mars 2019, M. Moore a indiqué que la Requérante estimait que se sentir bien avec l’argent n’était pas la même chose que se sentir bien avec des services bancaires et qu’il n’y aurait aucun changement au slogan de motusbank (Pièce B – copie du fil de courriels). Il explique que c’était subséquemment à ce refus que l’Opposante a fait envoyer une lettre à la Requérante le 24 juin 2019 demandant que la Requérante retire sa demande pour WHERE BANKING FEELS GOOD et cesse tout emploi de celle-ci.

· Abordant l’affidavit de Mme Cardinell, M. Heinemann indique que des cinq marques de commerce relevées par la recherche de Mme Cardinelle qui contiennent les mots FEEL et GOOD, deux de ces marques appartiennent à l’Opposante, une troisième est la marque contestée et les deux autres marques appartiennent à des tiers : Intact et Bonnie Barnes-Tracey (FEEL GOOD COVERAGE et FEEL GOOD INVESTING). Il affirme que l’Opposante a seulement été informée de ces marques par la Requérante dans le cadre de ces procédures et a depuis entrepris les démarches suivantes :

· L’Opposante a produit une demande pour un avis prévu à l’article 45 le 18 janvier 2021 contre la marque de commerce appartenant à Intact (Pièce C). Un avis prévu à l’article 45 a été émis contre la marque de commerce Intact le 19 janvier 2021 (Pièce D). Le 25 juin 2021, l’OPIC a envoyé une lettre à Intact l’avisant que la marque de commerce sera radiée pour défaut de produire une preuve (Pièce E). Le 28 septembre 2021, l’OPIC a fourni l’avis que la marque de commerce Intact avait été radiée (Pièce F).

· Le 2 mars 2021, l’avocat de l’Opposante a envoyé une lettre à Mme Barnes‑Tracy (Pièce G). M. Heinemann explique que cette lettre l’informait de l’emploi de longue date de l’Opposante de la Marque de l’Opposante et de plusieurs autres marques comportant le concept [traduction] « se sentir bien » en liaison avec les produits et services financiers et de placement et demandait qu’elle renonce à sa revendication pour sa marque de commerce et la remplace avec une différente marque [traduction] « non enfreignant ». M. Heinemann indique qu’aucun règlement n’a été conclu avec Mme Barnes-Tracey et que, le 22 octobre 2021, l’avocat de l’Opposante a produit un avis de demande auprès de la Cour fédérale cherchant à radier la marque Barnes-Tracey du registre, compte tenu de l’emploi antérieur de l’Opposante de la Marque de l’Opposante (Pièce H).

· M. Heinemann indique que, bien que l’affidavit de Mme Cardinell nomme un certain nombre d’autres slogans, marques de commerce ou marques qui emploient le mot GOOD en liaison avec des services financiers, l’Opposante n’est pas préoccupée par ces emplois du mot « good ». À cet égard, M. Heinemann affirme que de tels autres emplois communiquent une impression distincte; c’est-à-dire celle du bien moral ou de services bancaires de haute qualité plutôt que du concept [traduction] « se sentir bien », lequel concerne l’entraînement de sentiments de bonheur, de plaisir et positifs. Il fournit les définitions de [traduction] « se sentir bien » de diverses sources de dictionnaire (Pièce I).

· Enfin, en ce qui a trait à l’emploi de PC Financial de « That’s just good banking », M. Heinemann indique qu’il a examiné le site Web PC Financial et les pages de médias sociaux connexes et n’a trouvé aucune référence à cette phrase au-delà de la vidéo YouTube mentionnée à la Pièce E de l’affidavit de Mme Cardinell. En appui, il fournit des imprimés en date du 22 octobre 2021 du site Web PC Financial et des pages LinkedIn, Facebook, Instagram, Twitter et Pinterest et indique que « That’s just good banking » ne semble pas être un slogan employé de façon répandue par PC Financial.

Question préliminaire – Le Deuxième Affidavit Heinemann constitue-t-il une contre-preuve appropriée?

· La Requérante observe que la contre-preuve de l’Opposante n’aborde aucune des lacunes significatives soulevées par l’avocat de la Requérante au cours du contre-interrogatoire, c’est-à-dire l’absence de connaissance, et ne constitue pas en fait une contre-preuve appropriée. Peu importe, la Requérante affirme que, même si cette preuve est admise, elle n’est pas pertinente puisqu’elle explique des mesures prises par l’Opposante après les diverses dates pertinentes applicables.

· L’Opposante fait valoir, en réponse, qu’il s’agit d’une contre-preuve appropriée puisqu’elle répondait particulièrement à des renseignements imprévus concernant l’état du registre et du marché dans l’Affidavit Cardinell. L’Opposante observe que, puisque M. Heinemann n’était pas conscient de cette information, elle était imprévue, et le deuxième affidavit de M. Heinemann a été produit pour expliquer les démarches prises par l’Opposante pour aborder ces questions en réponse directe à une telle preuve [citant Kerr Controls Limited c Mike Witherall Mechanical Ltd, 2013 COMC 186].

· Une contre-preuve appropriée répond aux questions soulevées dans la preuve de l’autre partie. Je suis d’accord avec l’Opposante que le deuxième affidavit Heinemann contient une preuve qui répond à la preuve imprévue de l’état du registre et du marché produite dans le cadre de l’affidavit Cardinell. De plus, j’estime également que des parties de la contre-preuve de l’Opposante répondent aux déclarations faites par Mme Arhontoudis dans son affidavit concernant la connaissance (ou l’absence de connaissance) de la Marque de l’Opposante et, par conséquent, semble également constituer une contre-preuve appropriée. Toute pertinence de la contre-preuve sera abordée comme il sera approprié de le faire dans le cadre des divers motifs ci-dessous, y compris en ce qui a trait aux dates pertinentes applicables.

Analyse

Motif d’opposition fondé sur l’article 16(1)a)

· L’Opposante fait valoir que la Requérante n’est pas la personne ayant droit d’employer la Marque en vertu de l’article 16(1)a) de la Loi, puisque, à la date à laquelle la Marque de la Requérante a été déposée et révélée, elle créait de la confusion avec la Marque de l’Opposante (FEEL GOOD ABOUT YOUR MONEY), laquelle avait été employée et révélée précédemment au Canada par l’Opposante.

· L’Opposante a le fardeau initial d’établir que sa marque de commerce alléguée invoquée en appui de ce motif d’opposition a été employée ou révélée avant la date de dépôt de la Demande, soit le 3 mars 2017, ou avant la date de premier emploi de la Marque au Canada, et n’avait pas été abandonnée à la date de l’annonce de la demande d’enregistrement de la Marque (en l’espèce, le 26 juin 2019) [article 16(3) de la Loi]. Puisque la Requérante n’a produit aucune preuve d’emploi de sa Marque avant la date de dépôt de la demande et que la demande est fondée sur l’emploi projeté au Canada, la date pertinente pour l’Opposante dans le cadre de ce motif d’opposition est le 3 mars 2017, la date de dépôt de la Demande.

· La Requérante observe que l’Opposante n’a produit aucune preuve d’emploi de sa marque à la date de premier emploi revendiquée, à savoir septembre 2006. À cet égard, la Requérante observe que la preuve d’emploi de l’Opposante (dans le premier affidavit Heinemann) est composée d’exemples de publicités qui sont soit des maquettes, soit des photos qui ne divulguent pas l’endroit et le moment de leur apparition, la façon dont elles auraient été vues par les Canadiens et la période de leur emploi.

· Pour expliquer plus en détail les lacunes dans la preuve, la Requérante indique que M. Heinemann concède que les documents à l’appui joints à son affidavit ont été compilés par la section du marketing, et pas par lui-même (contre-interrogatoire Heinemann, para 20). De plus, la Requérante affirme qu’aucune des preuves ne comprend une date actuelle et M. Heinemann a admis au cours de son contre-interrogatoire que les documents inclus dans l’ensemble des pièces étaient des maquettes plutôt que des publicités actuelles. La Requérante observe alors que M. Heinemann ne pouvait pas confirmer avec certitude la façon dont les publicités actuelles auraient été présentées ou le moment (autre que l’année), leur durée ou leur emplacement. La Requérante présente des arguments semblables à l’égard des autres pièces à l’appui, affirmant que le manque de familiarisation de M. Heinemann avec la preuve que le contre-interrogatoire a rendue évidente est fatal. De plus, la Requérante observe que M. Heinemann a admis dans son contre-interrogatoire que les chiffres de revenus de l’Opposante ne pouvaient pas être liés à l’un des services associés au slogan « FEEL GOOD ABOUT YOUR MONEY » et que les dépenses publicitaires de l’Opposante (affidavit Heinemann, Pièce R) ne sont pas particulièrement liées à l’une des pièces produites.

· L’Opposante affirme que la Requérante a fait une interprétation erronée de la preuve et qu’il n’est pas pertinent que M. Heinemann ne fasse pas partie de la section du marketing de l’Opposante puisqu’il occupe un poste supérieur au sein de l’entreprise. L’Opposante observe que les documents à l’appui à l’affidavit de M. Heinemann sont des dossiers d’entreprise qui sont intrinsèquement fiables [Grain Workers’ Union Local 333 c Viterra Inc, 2021 CF 920]. Je suis d’accord. En effet, M. Heinemann a clairement attesté de son poste comme directeur des services organisationnels, réglementaires et commerciaux de l’Opposante et que son affidavit est fondé sur ses propres connaissances ou sur des dossiers pertinents auxquels il a accès et qu’il a examinés.

· De plus, l’Opposante observe que les critiques de la Requérante des réponses de M. Heinemann au cours du contre-interrogatoire (y compris en ce qui a trait au moment et à la durée de la présentation des publicités) font une interprétation erronée du fardeau de preuve de l’Opposante, lequel est simplement de démontrer que l’Opposante avait employé sa marque avant le dépôt de la Demande. Je suis d’accord que la preuve de l’Opposante est suffisante pour démontrer l’emploi antérieur. À cet égard, M. Heinemann a fourni une vaste quantité d’exemples représentatifs d’emploi, comme il est indiqué dans le résumé de la preuve ci-dessus. De tels exemples représentatifs couvrent la période de 2006 à la date de dépôt de la Demande pour la Marque et au-delà, arborent clairement la Marque de l’Opposante ainsi que de nombreuses phrases qui comportent l’expression « feel good » et sont clairement associés à un large éventail de services financiers. Que M. Heinemann ne soit pas en mesure d’attester de la durée particulière de la présentation d’une affiche donnée sur un autobus, d’attester de la durée de la diffusion d’une publicité radio ou de fournir des renseignements quant à la façon dont les diverses vidéos YouTube ont été communiquées aux clients ne mine pas le fait que la preuve démontre que la Marque de l’Opposante a été employée avant la date de dépôt de la Demande. De plus, j’accepte que cette preuve démontre que la Marque de l’Opposante avait été employée de façon continue et n’avait pas été abandonnée à la date de l’annonce de la Demande pour la Marque.

· Puisque l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial, je dois maintenant déterminer, selon la prépondérance des probabilités, si la Marque créera probablement de la confusion avec la Marque de l’Opposante.

Test en matière de confusion

· Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. L’article 6(2) de la Loi indique que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe.

· Lorsqu’il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles expressément énoncées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent de la marque de commerce ou du nom commercial, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; b) la période pendant laquelle la marque de commerce ou le nom commercial ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce; notamment dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.

· Ces critères ne sont pas exhaustifs et un poids différent sera accordé à différents facteurs selon le contexte [voir Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22, 1 RCS 772, au para 54]. Je me réfère également à Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27, 92 CPR (4th) 361 (SCC), au para 49, où la Cour suprême du Canada déclare que l’article 6(5)e), la ressemblance entre les marques, sera susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion.

Article 6(5)a) – Caractère distinctif inhérent des marques de commerce et mesure dans laquelle elles sont devenues connues

· L’Opposante affirme que sa marque est une combinaison unique de mots qui ne sont pas descriptifs des produits et services connexes et qu’elle ne réfère pas le consommateur à une multitude de sources.

· L’Opposante observe que non seulement sa marque possède un caractère distinctif inhérent, mais également que la preuve fournie dans le premier affidavit Heinemann établit clairement que la Marque de l’Opposante et son image de marque « feel good » ont acquis un caractère distinctif important subséquemment au long historique d’emploi et de marketing répandus par l’Opposante au Canada (en Alberta depuis au moins aussi tôt que 2006). De plus, l’Opposante fait valoir que l’étude d’opinion publique menée par le Angus Reid Institute (Pièce 1 à l’affidavit Eliopoulos) a démontré que 50 % des répondants indiquaient qu’ils avaient lu, entendu ou vu la marque de commerce de l’Opposante avant de participer à l’étude. L’Opposante observe qu’il s’agit d’un pourcentage important.

· La Requérante en revanche, affirme que les marques des deux parties possèdent un caractère distinctif inhérent, mais n’ont pas le droit à une grande portée de protection puisqu’elles sont des slogans.

· La Requérante observe également que l’Opposante n’a fourni aucune preuve d’emploi fiable ou importante de ses propres marques suffisamment répandu pour cause de la confusion et que l’Opposante n’a produit aucune preuve d’emploi de sa marque à la date de premier emploi revendiquée de septembre 2006.

· Comme il en a été question précédemment à l’égard de l’établissement du fait que l’Opposante s’était acquittée de son fardeau initial dans le cadre de ce motif, j’accepte que l’affidavit de M. Heinemann démontre l’emploi de la Marque de l’Opposante (et de diverses phrases comportant l’expression « feel good ») en liaison avec un large éventail de services financiers. J’ajouterais que je suis prête à accepter que cette preuve démontre que la Marque de l’Opposante était devenue connue dans une importante mesure en Alberta, au Canada, à la date pertinente. La preuve démontre que la Marque de l’Opposante avait été publicisée par l’entremise d’une multitude de médias (imprimés, affiches et autobus, médias sociaux et en ligne, radio et télévision, etc.) sur une longue période en liaison avec un large éventail de services financiers en Alberta. En effet, les vidéos YouTube en date du 7 mars 2016 et du 21 décembre 2017 (affidavit Heinemann, Pièce K) indiquent qu’elles ont été visionnées plus de 494 000 et 351 000 fois respectivement et les visionnements par produits pour une publicité télévisée de 2013 (affidavit Heinemann, Pièce H) qui arborait clairement la Marque de l’Opposante (et a été diffusée sur huit différents réseaux en Alberta) était de plus de 3 000 000.

· Compte tenu de ce qui précède, bien que les marques des parties soient équilibrées à l’égard du caractère distinctif, compte tenu du caractère distinctif acquis de la Marque de l’Opposante, ce facteur favorise en bout de compte de l’Opposante.

Article 6(5)b) – Durée d’emploi

· Selon le facteur relatif à l’article 6(5)a), j’accepte que l’Opposante ait démontré l’emploi de la Marque de l’Opposante depuis 2006. De plus, la Demande est fondée sur l’emploi projeté et, bien que la Requérante ait fourni la preuve d’emploi de la Marque au moyen de l’affidavit Arhontoudis, cette preuve est ultérieure à la date pertinente du 3 mars 2017, ce qui signifie que je ne suis pas en mesure d’en tenir compte.

· Ainsi, ce facteur favorise également l’Opposante.

Articles 6(5)c) et d) – Genre de produits, services ou entreprises et nature du commerce

· L’Opposante fait valoir que, comme il est indiqué dans le premier affidavit Heinemann, les services associés à la Marque de la Requérante sont des services financiers qui sont identiques à un certain nombre de services financiers associés avec la Marque de l’Opposante.

· En effet, aucune des parties ne conteste le fait qu’il existe un chevauchement dans les produits, services et entreprises des parties. Les deux parties sont des caisses populaires offrant des services financiers (et les produits connexes).

· Cependant, la Requérante affirme que, puisque l’Opposante admet qu’elle a seulement employé sa marque en Alberta et que la Marque de l’Opposante est une marque reconnue en common law, ces droits doivent se limiter à l’Alberta. L’Opposante, en réponse, souligne correctement que ce fait n’est pas pertinent, puisque l’emploi à tout endroit au Canada est suffisant.

· Par conséquent, ces facteurs favorisent l’Opposante.

Article 6(5)e) – Degré de ressemblance

· L’Opposante affirme que, comme il est indiqué dans le premier affidavit Heinemann, lorsque pris en liaison avec les produits et services associés aux marques en question, il y a une similarité marquée entre les mots clés et les concepts communiqués par la marque de l’Opposante, les nombreuses phrases de l’Opposante qui comportent le concept [traduction] « se sentir bien » et la Marque de la Requérante, tous communiquant la connotation de se sentir bien au sujet des services bancaires, de l’argent et des affaires financières.

· L’Opposante observe que, comme l’a démontré l’Étude Angus Reid, les Albertains ont une forte probabilité de percevoir que les marques en question proviennent de la même organisation. Plus particulièrement, l’Opposante note que 34 % des répondants ont indiqué qu’il était [traduction] « très probable » que ces slogans proviennent de la même organisation et qu’une autre tranche de 50 % répondants ont répondu que cela était [traduction] « probable », entraînant un total de 84 % des répondants indiquant qu’il était à tout le moins probable que les marques en question proviennent de la même organisation.

· L’Opposante fait valoir que lorsque l’on tient compte des aspects visuels, auditifs et conceptuels des marques en question, il faut conclure qu’il existe un degré élevé de ressemblance entre elles.

· La Requérante observe, en revanche, que l’Opposante n’a démontré aucun degré de ressemblance entre les deux slogans excepté pour les mots « FEEL(S) GOOD », lesquels ne doivent pas être évalués en isolation pour trancher la question de la confusion et accorderaient autrement à l’Opposante un monopole injuste sur un concept non unique communément employé.

· Lorsqu’il s’agit de déterminer le degré de ressemblance, la loi est claire qu’il faut considérer les marques de commerce dans leur ensemble; il n’est pas approprié de les placer côte à côte dans le but de les comparer et de relever les ressemblances ou les différences entre leurs éléments constitutifs. De plus, bien que le premier élément de la marque de commerce soit habituellement le plus important aux fins de la distinction [voir Conde Nast Publications Inc c Union des Editions Modernes (1979), 46 CPR (2d), 183 (CF 1re inst)], la Cour suprême du Canada dans Masterpiece a indiqué que l’approche préférable pour comparer les marques consiste à déterminer d’abord s’il y a un aspect de la marque qui est particulièrement frappant ou unique.

· Bien que les maques des deux parties soient composées de mots ordinaires du dictionnaire, j’estime que l’élément le plus frappant et dominant de chaque marque est l’idée suggérée par les marques dans leur ensemble, alors qu’elles emploient l’expression identique « feel good ». À cet égard, les deux « slogans » tournent autour de cette expression, laquelle est un adjectif composé employé pour modifier les expressions [traduction] « services bancaires » et [traduction] « argent ». C’est-à-dire, les deux marques sont formées à l’aide de l’expression identique « feel good » pour suggérer une attitude ou un état émotionnel positifs lorsque l’on fait appel aux services bancaires et financiers des parties. Ainsi, bien que les marques des parties ne soient pas identiques, il y a un degré significatif de ressemblance entre les marques des parties en raison de l’emploi de l’expression identique « feel good » et du sentiment fortement semblable, voire identique, suggéré par les slogans des parties. Cela est particulièrement important dans l’application du test en matière de confusion, puisqu’il est nécessaire d’évaluer les marques du point de vue d’une personne qui possède seulement un souvenir général et imprécis de la première marque au moment de voir la deuxième marque elle-même.

· Ainsi, j’estime que le consommateur moyen ayant seulement un souvenir imparfait de la Marque, au moment d’apercevoir la deuxième marque FEEL GOOD ABOUT YOUR MONEY, croirait que les produits et services des parties émanent de la même source, particulièrement compte tenu de la similarité importante dans les idées qu’elles suggèrent.

Circonstances environnantes – État du registre et du marché

· La Requérante affirme que l’affidavit Cardinell démontre que l’état du registre dévoile plusieurs enregistrements pour des marques coexistant dans le domaine des services financiers qui comprennent les mots « FEEL » et « GOOD ». La Requérante souligne les marques suivantes comme exemples pertinents :

Marque de commerce

No de demande ou d’enregistrement et statut

Propriétaire

WE ARE THE GOOD IN BANKING

1,982,053

Date de dépôt : 23 août 2019

Statut : recherchée

Alterna Savings and Credit Union Limited

DISCOVER THE GOOD IN BANKING

1,982,055

Date de dépôt : 23 août 2019

Statut : recherchée

Alterna Savings and Credit Union Limited

THE GOOD IN BANKING

LMC976,406

Statut : enregistrée le 21 juillet 2017

Alterna Savings and Credit Union Limited

That’s just good banking

LMC944,329

Statut : enregistrée le 27 juillet 2016

Loblaws Inc.

· La Requérante fait valoir qu’il est particulièrement important que Alterna, un compétiteur direct de la Requérante et de l’Opposante, possède déjà un enregistrement de juillet 2017 et a présentement plusieurs demandes en instance pour des marques qui comprennent les mots « GOOD IN BANKING ».

· Cependant, l’Opposante observe que les marques qui comportent simplement le mot « GOOD » ne sont pas pertinentes, puisqu’elles communiquent un concept différent concernant un sentiment de bien moral ou de haute qualité. En ce qui a trait aux deux marques de commerce de tiers dans l’affidavit Cardinell qui comprennent l’expression FEEL GOOD, l’Opposante observe que, selon le deuxième affidavit Heinemann, la marque de commerce FEEL GOOD COVERAGE d’Intact a depuis été radiée et la marque de commerce FEEL GOOD INVESTING (appartenant à Bonnie Barnes-Tracey) est contestée par l’Opposante devant la Cour fédérale.

· La preuve de l’état du registre favorise un requérant lorsqu’il peut être démontré que la présence d’un élément commun dans les marques inciterait les consommateurs à porter une plus grande attention aux autres caractéristiques de ces marques et à les distinguer les unes des autres au moyen de ces autres caractéristiques [McDowell c Laverana GmbH & Co KG, 2017 CF 327, au para 42]. Des conclusions concernant l’état du marché peuvent être tirées de cette preuve dans deux situations : un grand nombre d’enregistrements pertinents sont trouvés; ou il y a preuve d’emploi commun dans le marché des marques d’une tierce partie pertinente [Kellogg Salada Canada Inc c Maximum Nutrition Ltd (1992), 43 CPR (3d) 349 (CAF); McDowell, précité, aux para 41 à 46]. Les marques de commerce pertinentes comptent celles qui (i) sont déposées; (ii) concernent des produits et services similaires à ceux des marques en cause; et (iii) incluent l’élément en tant qu’élément important [Sobeys West Inc c Schwan’s IP, LLC, 2015 COMC 197].

· En l’espèce, je suis d’accord avec l’Opposante que bon nombre des marques de commerce relevées par la Requérante dans l’affidavit Cardinell ne sont pas pertinentes puisqu’elles contiennent seulement le mot « good », plutôt que l’expression « feel good ». À cet égard, je suis d’accord avec l’Opposante que le mot « good » dans ces marques communique une impression différente, où le mot « good » concerne une qualité morale ou un degré de qualité et est employé comme qualificatif ou adjectif pour d’autres éléments comme [traduction] « services bancaires ». En revanche, dans l’expression « feel good », le mot « good » modifie le mot « feel », communiquant, comme l’affirme l’Opposante, une impression distincte de bonheur, de plaisir et de sentiments positifs.

· En bout de compte, seulement deux marques de commerce pertinentes sont relevées dans l’affidavit Cardinell : FEEL GOOD INVESTING et FEEL GOOD COVERAGE. De plus, la preuve de l’état du marché a seulement été fournie à l’égard d’une de ces marques. Je n’ai pas à évaluer la contre-preuve de l’Opposante pour constater que deux cas semblables au registre et un cas d’emploi dans le marché sont insuffisants pour me permettre de conclure que les consommateurs sont habitués à distinguer les marques contenant « feel good » en liaison avec les services financiers. Par conséquent, il ne s’agit pas d’une circonstance de l’espèce qui favorise la Requérante.

Circonstance de l’espèce – Emploi par l’Opposante de la marque « feel good »

· L’Opposante fait valoir qu’elle a fait un emploi répandu de sa marque de commerce FEEL GOOD ABOUT YOUR MONEY ainsi que de nombreuses phrases employant l’expression « feel good » et des variations de celles-ci (comme « feels good ») depuis 2006 en liaison avec ses produits et services.

· La Requérante observe que l’Opposante tente de former un monopole de l’emploi des mots « feel good » pour des services financiers, toutefois l’Opposante ne possède pas un enregistrement pour « feel good ». De plus, la Requérante observe que l’expression « feel good » est un concept non unique communément employé au sujet de l’argent ou des services bancaires.

· Bien que l’Opposante ne possède pas un enregistrement pour l’expression « feel good » en isolation, il y a une vaste quantité de preuves que l’Opposante avait employé l’expression « feel good » dans diverses phrases en liaison avec des services financiers, dans l’ensemble du premier affidavit Heinemann. Une liste non exhaustive d’exemples comprend « A great rate and a new home. What’s not to feel good about? », « At this rate, you can feel good about getting a loan », « That’s why Servus offers the Feel-Good Loan », « Feel-Good Mortgage », « Introducing the Feel-Good GIC », « It’s official – time to feel good again », « Getting sound financial advice feels good » (où « feels good » est comparativement plus large), « Planning for your future feels good » (où « feels good » est aussi comparativement plus large) et « Visit us in Okotoks and feel good knowing we’re there for you ». L’étendue de l’expression « feel good » employée dans diverses phrases dans l’ensemble de telles publicités et de tels documents promotionnels dans la preuve de l’Opposante signale également l’élément dominant plus frappant de la Marque de l’Opposante. De plus, comme pour la circonstance de l’espèce précédemment abordée, la Requérante n’a pas démontré que l’expression « feel good » (ou son idée) est communément employée dans l’industrie des services financiers. Par conséquent, j’estime qu’il s’agit d’une circonstance de l’espèce quelque peu favorable à l’Opposante.

Circonstance de l’espèce – Résultats de l’enquête

· La pertinence et l’admissibilité des témoignages d’experts dans les affaires de marques de commerce ont été examinées par la Cour suprême dans Masterpiece, précité, aux para 75 à 99. Dans cette affaire, le juge Rothstein nous rappelle que, pour être recevable, le témoignage d’expert doit satisfaire aux quatre critères énoncés dans R c Mohan (CSC), [1994] 2 RCS 9, à savoir :

· la pertinence;

· la nécessité d’aider le juge des faits;

· l’absence de toute règle d’exclusion;

· la qualification suffisante de l’expert.

· En ce qui a trait aux enquêtes, la cour dans Masterpiece, au para 93, indique que les enquêtes ont le potentiel de fournir une preuve empirique qui démontre les réactions des consommateurs dans le marché, ce qui en général n’est pas quelque chose connu à un juge et sert à répondre à la question à laquelle le juge tente de répondre dans une affaire de confusion.

· La Requérante a présenté de vastes observations, s’attaquant principalement à la pertinence de l’enquête de l’Opposante. En ce qui a trait au premier critère Mohan, la pertinence est divisée en deux sous-questions : la fiabilité et la validité (Mattel, para 4). Une enquête est fiable dans le sens que si l’enquête était répétée, elle produirait probablement les mêmes résultats, et la validité d’une enquête dépend de la présentation des bonnes questions, de la bonne façon, à un bassin approprié de répondants (Mattel, para 45).

· La Requérante fait valoir que l’enquête de l’Opposante n’est pas fiable et est invalide puisqu’elle ne respecte pas les conditions susmentionnées pour une multitude de raisons, lesquelles je résumerai ci-dessous :

· l’enquête ne répond pas à la question pertinente de la probabilité de confusion, mais pose des questions suggestives concernant la possibilité de confusion;

· il n’y avait aucun group de contrôle, puisque l’enquête ne s’est pas assurée que les répondants étaient sélectionnés correctement et formaient le bassin approprié de répondants.

· En ce qui concerne la question appropriée, la Requérante observe que M. Eliopoulos reconnaît le biais de positivité de l’enquête et la nature suggestive des questions de l’enquête (contre-interrogatoire Eliopoulos, para 131 à 133, 137). À cet égard, la Requérante affirme que les questions de l’enquête ont été élaborées de manière à ne pas inciter de certitude et invitaient donc des suppositions. De plus, la Requérante observe que les questions étaient contextualisées de manière à donner une réponse positive (c’est-à-dire il est probable plutôt qu’il est improbable) et que ce biais de positivité n’a fait l’objet d’aucune considération. Enfin, la Requérante affirme que, lorsque l’on a demandé à M. Eliopoulos d’expliquer ce que signifiait « confusion » dans sa déclaration que l’enquête portait sur le sujet de la [traduction] « confusion des slogans » (affidavit Eliopoulos, para 2), il a répondu que le mot « confusion » concernait la [traduction] « question fondamentale » de l’enquête; c’est-à-dire à quel point il était probable que deux slogans en particulier proviennent de la même organisation. La Requérante observe alors que lorsqu’on lui a demandé de quelle façon cette question évalue la confusion, M. Eliopoulos a répondu que l’enquête n’évaluait pas particulièrement la confusion (contre‑interrogatoire Eliopoulos, para 71 et 72). Ainsi, la Requérante affirme que le but principal de l’enquête n’a pas été atteint par le médium conçu pour y arriver.

· L’Opposante observe en réponse que le concept de confusion est associé à la question fondamentale, comme il est défini à l’article 6(2) de la Loi. De plus, l’Opposante réfute l’affirmation que M. Eliopoulos a admis lors du contre‑interrogatoire que l’étude comportait des suppositions. L’Opposante affirme que M. Eliopoulos a confirmé la fiabilité de l’enquête en menant une deuxième enquête qui a reproduit les résultats de la première (affidavit Eliopoulos, Pièce 1, description de la méthode de l’enquête). En ce qui a trait au biais de positivité, l’Opposante fait valoir que l’enquête a été menée en ligne et qu’il n’y avait aucune indication que les répondants recherchaient une réponse en particulier.

· En ce qui a trait au bassin approprié de répondants, la Requérante affirme qu’aucune question de disqualification n’a été posée et aucune vérification des antécédents n’a été menée pour s’assurer que les participants à l’enquête n’avaient pas de préjugés (p. ex. en étant un employé ou un membre de la famille de l’Opposante, ou recruté par l’un de ceux-ci) ou correspondaient à la population pertinente (p. ex. âge approprié et possession d’un compte bancaire). La Requérante affirme que le fait que de telles démarches fondamentales n’aient pas été suivies remet en question l’affirmation par Angus Reid et l’Opposante que l’enquête a été menée objectivement et exclusivement parmi un échantillon de la population adulte albertaine [citant Triple Five Corporation c Walt Disney Productions, [1994] ABCA 120, au para 18, concernant [traduction] « l’univers » approprié]. La Requérante cite également National Hockey League c Pepsi-Cola Canada Ltd (91992), 2324 (BC SC) au para 44, et Wenger SA c Travel Way Group International Inc [2016] CF 347, au para 84, comme d’autres exemples où des enquêtes ont été exclues lorsque les participants ne constituaient pas la population pertinente.

· Cependant, l’Opposante affirme que le bassin de répondants provenait du Forum Angus Reid, lequel existait avant l’enquête et, peu importe, les employés font partie de l’univers pertinent.

· La critique restante de la Requérante est à l’égard du critère Mohan final, alléguant que la personne qui a mené et rédigé l’enquête, M. Eliopoulos, n’est pas un expert proprement qualifié. À cet égard, la Requérante fait valoir que M. Eliopoulos a admis lors de son contre-interrogatoire qu’il n’a jamais mené une enquête quant à savoir si une marque crée de la confusion avec une autre marque ou d’enquête concernant la comparaison de slogans ou de marques de commerce (contre-interrogatoire Eliopoulos, para 34, 39, 40). De plus, la Requérante observe que M. Eliopoulos n’a jamais été qualifié comme expert devant un tribunal, à l’égard des enquêtes ou autre, et son curriculum vitae (Pièce 1C à l’affidavit Eliopoulos, Appendice C au Rapport Angus Reid) ne comporte aucun antécédent et aucune expérience dans l’exécution d’enquêtes sur les marques concernant la comparaison de deux marques pour déterminer si elles créent de la confusion (contre‑interrogatoire Eliopoulos, para 41, 42 et 45).

· L’Opposante fait valoir qu’il n’est pas nécessaire que M. Eliopoulos ait précédemment mené ce type d’enquête ou qu’il ait été qualifié comme expert devant la Cour. À cet égard, l’Opposante fait référence à l’affaire de London Life Insurance Company c Liberty Mutual Insurance Company, 2013 COMC 217, aux para 19 et 20, où elle affirme que la Commission a noté qu’elle est un tribunal et n’est pas liée par les règles de la preuve applicables aux procédures de la cour. L’Opposante observe que M. Eliopoulos a plus de 15 années d’expérience en sondages (affidavit Eliopoulos, au para 3) et est un expert proprement qualifié comme il est indiqué dans le rapport d’enquête (affidavit Eliopoulos, Pièce 1C).

· L’enquête de l’Opposante semble avoir des lacunes, ce qui remet en question sa fiabilité et sa validité. Par exemple, il est vrai qu’aucune mesure de question de disqualification n’a été prise auprès des répondants à l’enquête. Cependant, ce sont les résultats de l’enquête qui réellement soulèvent plus de questions. Non seulement 84 % des répondants ont répondu qu’il était probable ou très probable que les marques de la Requérante et de l’Opposante proviennent de la même organisation, mais également 74 % l’on fait lorsque confrontés à « Common sense banking », 62 % avec « Making money make a difference » et 70 % à l’égard de « Forward Banking ». Ces dernières marques n’ont aucune ressemblance avec la Marque de l’Opposante, pourtant une part importante des répondants à l’enquête ont répondu dans l’affirmative. L’Opposante tente d’atténuer le résultat « Common sense banking », puisqu’elle observe que ces « slogans » proviennent en fait de la même source, les deux appartenant à l’Opposante. Cependant, l’Opposante observe simplement à l’égard des deux autres slogans que les différences dans les réponses sont significatives sur le plan statistique. Bien que le résultat le plus fort était pour la question concernant la Marque et la Marque de l’Opposante, les observations de l’Opposante ne répondent pas à la question concernant les réponses fortement affirmatives pour ces autres slogans.

· Peu importe, bien que l’enquête semble avoir certaines lacunes, il est inutile d’accorder un quelconque poids, voire aucun, aux résultats de l’enquête à mes conclusions concernant la probabilité de confusion entre les marques des parties. À cet égard, je suis en mesure d’arriver à ma conclusion en fonction de l’ensemble des autres circonstances de l’espèce, comme il en est question ci-dessous.

Conclusion

· J’ai considéré ce critère comme s’agissant de la question de la première impression et du souvenir imparfait. Compte tenu de ce qui précède, je conclus que la prépondérance des probabilités en ce qui concerne la question de la confusion est favorable à l’Opposante. J’arrive à cette conclusion en raison de l’important chevauchement des produits et services des parties, de leurs entreprises et de leurs voies de commercialisation, du caractère distinctif acquis de la Marque de l’Opposante et de son emploi de l’expression « feel good », de l’absence de preuve de l’emploi commun de « feel good » en liaison avec les services financiers, ainsi que du degré de ressemblance entre les marques des parties, particulièrement à l’égard des idées suggérées. J’arrive à cette conclusion nonobstant toute considération en matière d’admissibilité concernant les résultats de l’enquête.

· Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 16(1)a) est accueilli.

 

Motif d’opposition fondé sur l’article 2

· L’Opposante fait valoir que la Marque de la Requérante n’est pas distinctive puisqu’elle ne distingue pas et n’est pas adaptée pour distinguer les services de la Requérante des services des autres, en particulier, des produits et services avec lesquels l’Opposante avait précédemment employé la Marque de l’Opposante au Canada.

· L’Opposante doit s’acquitter du fardeau de preuve initial d’établir qu’à la date de production de l’opposition (en l’espèce, le 15 août 2019), les marques de commerce de l’Opposante étaient connues dans une mesure suffisante pour annuler le caractère distinctif de la Marque visée par la demande [Bojangles’ International LLC c Bojangles Café Ltd, 2006 CF 657, 48 CPR (4th) 427]. Pour ce faire, l’Opposante doit établir que ses marques de commerce sont soit connues dans une certaine mesure au Canada, soit sont bien connues dans une région précise du Canada [Bojangles, précité, aux para 33 et 34]. Je suis convaincue que l’Opposante a démontré que sa marque invoquée était connue dans une mesure importante en Alberta, au Canada, à la date de production de la déclaration d’opposition (voir les conclusions concernant le caractère distinctif acquis dans le cadre de l’analyse de l’article 6(5)a) pour le motif fondé sur l’article 16(1)a)).

· L’Opposante s’étant acquittée de son fardeau de preuve, la Requérante doit maintenant s’acquitter de son fardeau ultime de démontrer que la Marque est distinctive au Canada. Pour déterminer si une marque de commerce est distinctive, il est possible d’examiner la question de savoir si elle est susceptible de créer de la confusion avec la marque de commerce d’une autre partie [Bensusan Restaurant Corp c Blue Note Restaurant Inc (2000), 10 CPR (4th) 550 (COMC), au para 30].

· Les différences dans la date pertinente entre ce motif et le motif fondé sur l’article 16(1)a) n’ont pas une incidence significative sur la détermination de la question de la confusion entre les marques de commerce des parties. C’est-à-dire, malgré l’observation de la Requérante que les marques des parties coexistent depuis 2018, je n’estime pas que ce facteur favorise la Requérante. À cet égard, compte tenu de la courte période de coexistence des marques de commerce des parties et du fait que la preuve de la Requérante n’illustre pas un emploi répandu de la Marque avant la date pertinente, je ne suis pas prête à tirer une conclusion négative concernant la probabilité de confusion du manque de preuve de confusion réelle.

· Par conséquent, j’accueille également le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif.

Autres motifs d’opposition

· Étant donné que j’ai déjà conclu en faveur de l’Opposante pour deux motifs d’opposition séparés, je n’aborderai pas les autres motifs.

Décision

· Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la demande selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

___________________________

Kathryn Barnett

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

William Desroches

Le français est conforme aux WCAG.


Comparutions et agents inscrits au dossier

DATE DE L’AUDIENCE : 2023-03-21

COMPARUTIONS

Pour l’Opposante : Christopher Zelyas

Pour la Requérante : May Cheng

AGENTS AU DOSSIER

Pour l’Opposante : Dentons Canada LLP

Pour la Requérante : Osler, Hoskin & Harcourt LLP

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.