Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2023 COMC 127

Date de la décision : 2023-07-26

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

Opposante : Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli AG

Requérante : Maureen Smith

Demande : 1859548 pour Women’s Millionaire

Introduction

[1] Maureen Smith (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce Women’s Millionaire (la Marque) pour emploi en liaison avec une variété de produits et de services, qui sont énoncés à l’annexe A de la présente décision. La plupart des produits et services visés par la demande sont de la nature d’ateliers et de séminaires sur des sujets d’affaires comme les finances et l’immobilier, d’un magazine sur les mêmes sujets d’affaires, et d’autres produits et services connexes. Les produits visés par la demande comprennent également des confiseries au chocolat.

[2] Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli AG (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la Marque pour emploi en liaison avec des confiseries au chocolat. La principale allégation de l’Opposante est que la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce MILLIONAIRES de l’Opposante, qui, selon cette dernière, est enregistrée et a été employée en liaison avec des [traduction] « Confiseries, nommément bonbons et chocolat ».

[3] Pour les raisons qui suivent, la demande de Mme Smith est rejetée en ce qui a trait aux confiseries au chocolat seulement. La demande n’est pas rejetée en ce qui a trait à tous les autres produits et services.

Le dossier

[4] La Requérante a produit la demande d’enregistrement pour la Marque le 26 septembre 2017. La demande a été annoncée le 20 mai 2020 aux fins d’opposition.

[5] Le 20 novembre 2020, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi). Dans sa déclaration d’opposition, l’Opposante invoque quatre motifs d’opposition. Pour chaque motif, l’Opposante allègue que la Marque crée de la confusion avec sa marque de commerce MILLIONAIRES.

[6] La Requérante a signifié et produit une contre-déclaration le 26 janvier 2021.

[7] À l’appui de son opposition, l’Opposante a déposé une copie certifiée de sa demande d’enregistrement no LMC967,066 pour la marque de commerce MILLIONAIRES pour emploi en liaison avec des [traduction] « Confiseries, nommément bonbons et chocolat ».

[8] À l’appui de la demande, la Requérante a déposé un affidavit qu’elle a signé le 30 juillet 2021. L’affidavit indique ce qui suit :

  • ·une description de l’historique de la demande et de l’historique d’une demande d’enregistrement antérieure pour la Marque;

  • ·une copie d’un enregistrement de marque de commerce américain pour la Marque;

  • ·une description et des exemples de l’emploi de la Marque par la Requérante en liaison avec ses ateliers et ses séminaires sur des sujets comme les finances et l’immobilier, son magazine sur ces mêmes sujets et d’autres produits et services connexes;

  • ·une description des plans de la Requérante concernant introduire d’une gamme de confiseries au chocolat en liaison avec la Marque.

[9] L’Opposante a demandé une ordonnance pour contre-interroger de la Requérante au sujet de sa demande, laquelle a été accordée. Toutefois, aucun contre-interrogatoire n’a été effectué.

[10] Seule la Requérante a déposé des observations écrites. Les deux parties ont comparu et présenté des observations à l’audience sur la présente affaire.

Motifs d’opposition, fardeau de preuve et fardeau ultime

[11] Dans sa déclaration d’opposition, l’Opposante invoque les motifs d’opposition suivants :

  • ·le motif fondé sur la non-enregistrabilité – conformément à l’article 38(2)b) de la Loi, la Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi parce que la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce déposée MILLIONAIRES de l’Opposante (enregistrement no LMC967,066);

  • ·le motif fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement – conformément à l’article 38(2)c) de la Loi, la Requérante n’est pas la personne ayant le droit à l’enregistrement de la Marque en vertu de l’article 16(1)a) de la Loi parce que la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce MILLIONAIRES de l’Opposante, qui avait été employée antérieurement ou révélée au Canada;

  • ·le motif fondé sur l’absence de caractère distinctif – conformément à l’article 38(2)d) de la Loi, la Marque n’est pas distinctive parce qu’elle n’est pas adaptée pour distinguer, ne distingue pas véritablement ou ne permet pas de distinguer les produits et services de la Requérante des produits et services en liaison avec lesquels l’Opposante a employé, annoncé et promu sa marque de commerce déposée MILLIONAIRES;

  • ·le motif fondé sur l’absence de droit à l’emploi – conformément à l’article 38(2)f) de la Loi, à la date de production de la demande au Canada, la Requérante n’avait pas le droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec des confiseries au chocolat parce que cet emploi contreferait la marque de commerce déposée MILLIONAIRES de l’Opposante en vertu de l’article 20 de la Loi.

[12] La plupart des motifs d’opposition comme ils sont invoqués s’appliquent à tous les produits et services énumérés dans la demande. Toutefois, à l’audience sur la présente affaire, l’Opposante a confirmé qu’elle ne s’opposait à la demande qu’en ce qui a trait aux produits définis comme des [traduction] « confiseries au chocolat ».

[13] Pour chaque motif d’opposition, l’Opposante doit s’acquitter du fardeau initial de produire une preuve permettant de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition. Si l’Opposante s’est acquittée de ce fardeau initial, la Requérante a le fardeau ultime de convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, que le motif d’opposition ne devrait pas empêcher l’enregistrement de la Marque [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst)].

Remarques préliminaires concernant les faits non étayés par la preuve

[14] À l’audience, la Requérante a renvoyé à plusieurs faits allégués qui ne sont pas étayés par la preuve, notamment les suivants :

  • ·le registre contient de plusieurs autres marques de commerce qui comprennent le mot « Millionnaire » ou « Millionnaires »;

  • ·une filiale de l’Opposante emploie la marque de commerce MILLIONAIRE$, en remplaçant la lettre « S » par un symbole de dollar à la fin de la marque;

  • ·les chocolats de l’Opposante sont sucrés avec du miel, tandis que les chocolats de la Requérante sont sucrés avec du stévia;

  • ·les chocolats de l’Opposante sont fabriqués en Suisse, tandis que les chocolats de la Requérante sont fabriqués au Canada.

[15] L’Opposante s’est opposée au renvoi de la Requérante à ces faits au motif qu’il n’y avait aucune preuve au dossier à l’appui de ces faits.

[16] Je suis d’accord avec l’Opposante qu’il n’y a aucune preuve à l’appui de ces faits. Par conséquent, ma décision ne sera pas fondée sur ces faits. Le processus d’opposition est de nature quasi judiciaire. On s’attend à ce que les parties démontrent chaque aspect de leur dossier au moyen d’une preuve. Si la Requérante avait l’intention de se fonder sur ces faits pour appuyer la demande, il lui incombait de produire une preuve et de permettre à l’Opposante de contester la preuve au moyen d’un contre-interrogatoire, si elle le souhaitait.

[17] En ce qui concerne plus particulièrement les allégations concernant l’état du registre, bien que le registraire ait le pouvoir discrétionnaire de prendre connaissance d’office de ses dossiers, je ne crois pas qu’il soit approprié d’exercer ce pouvoir discrétionnaire en l’espèce. Bien qu’il y ait un intérêt public à maintenir l’intégrité du registre des marques de commerce, ce qui justifie la prise de connaissance d’office par la registraire des demandes d’enregistrement et des enregistrements identifiés dans une déclaration d’opposition, le registraire n’a aucun intérêt public à chercher à aider un requérant à enregistrer sa marque de commerce en vérifiant les enregistrements de tiers qui pourraient être utiles [voir John Labatt Limited/John Labatt Limitée c WCE Western Canada Water Enterprises Inc (1991), 39 CPR (3d) 442, aux p 445 et 446 (COMC)]. Si la Requérante voulait invoquer le fait que d’autres enregistrements contenaient le mot « Millionaire », il lui incombait de soumettre une preuve de ces enregistrements.

Motif fondé sur la non-enregistrabilité

[18] En ce qui concerne ce motif, étant donné que l’enregistrement de l’Opposante pour MILLIONAIRES est en règle, l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial. Par conséquent, la Requérante a le fardeau juridique d’établir que ce motif d’opposition ne devrait pas empêcher l’enregistrement de la Marque. Plus précisément, la Requérante doit établir, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque ne crée pas de confusion avec la marque de commerce MILLIONAIRES de l’Opposante. La date pertinente pour évaluer la confusion, en vertu de ce motif, avec une marque de commerce déposée est la date de la présente décision [Simmons Ltd c A to Z Comfort Beddings Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

Test en matière de confusion

[19] Le concept de confusion en matière de marques de commerce est défini à l’article 6 de la Loi. Selon l’article 6, une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure aux consommateurs que les produits liés aux marques de commerce sont fabriqués ou vendus par la même personne. Une marque de commerce crée également de la confusion si les consommateurs sont susceptibles de présumer que les produits des parties sont approuvés, autorisés ou appuyés par la même personne [voir Glen-Warren Productions Ltd c Gertex Hosiery Ltd (1990), 29 CPR (3d) 7, au para 21 (CF 1re inst)]. Par conséquent, la question pertinente en l’espèce est de savoir si les consommateurs qui voient les confiseries au chocolat de la Requérante en liaison avec la Marque croiraient que les confiseries au chocolat sont fabriquées, vendues, approuvées, autorisées ou appuyées par l’Opposante. La question de la confusion ne concerne pas la question de savoir si les consommateurs confondront la Marque avec la marque de commerce de l’Opposante.

[20] Le test en matière de confusion est une question de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue de la marque de commerce, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce de l’opposant et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques de commerce [Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, au para 20].

[21] L’application du test en matière de confusion est un exercice qui consiste à rechercher les faits et à tirer des conclusions [Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27, au para 102]. Toutes les circonstances de l’affaire doivent être prises en compte, y compris les facteurs énumérés à l’article 6(5) de la Loi, à savoir :

  • ·le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

  • ·la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

  • ·le genre de produits, services ou entreprises;

  • ·la nature du commerce;

  • ·le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux, notamment dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

[22] La liste des circonstances à prendre en compte n’est pas exhaustive. Tous les facteurs pertinents doivent être pris en compte même si le poids qu’il convient de leur accorder n’est pas nécessairement le même [voir Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22, au para 54; Veuve Clicquot, au para 21].

Caractère distinctif inhérent et mesure dans laquelle les marques de commerce sont devenues connues

[23] Le caractère distinctif inhérent d’une marque de commerce renvoie à son originalité. Lorsqu’une marque de commerce est un nom unique ou inventé, de sorte qu’elle ne peut renvoyer qu’à une seule chose, elle possède un caractère distinctif inhérent [Tommy Hilfiger Licensing Inc c Produits de Qualité IMD Inc, 2005 CF 10, au para 53].

[24] À l’inverse, les marques de commerce constituées de mots qui ne sont pas originaux ou uniques, ou qui comprennent de tels mots, comme des mots employés par tous les commerçants pour décrire la nature ou la qualité de leurs produits, possèdent un faible degré de caractère distinctif inhérent. Ces marques de commerce confèrent une protection plus limitée par rapport à un mot inventé, unique ou non descriptif. De petites différences suffisent à différencier ces marques de commerce [voir General Motors Corp c Bellows, 1949 CanLII 47 (CSC), [1949] RCS 678; voir aussi GSW Ltd c Great West Steel Industries Ltd (1975), 22 CPR (2d) 154 (CF 1re inst)].

[25] Lorsqu’une marque de commerce ne possède pas un caractère distinctif inhérent, elle peut tout de même acquérir un caractère distinctif par son emploi continu dans le marché. Pour démontrer qu’une marque a acquis un caractère distinctif, il faut établir que la marque est devenue connue des consommateurs comme provenant d’une source déterminée [Tommy Hilfiger Licensing, au para 53].

[26] La marque de commerce de l’Opposante possède un faible degré de caractère distinctif inhérent. « Millionaires » est un mot anglais ordinaire qui renvoie à des personnes [traduction] « dont la fortune est estimée à un million de dollars ou plus » [voir le dictionnaire en ligne situé à l’adresse merriam-webster.com; voir aussi Tradall SA c Devil’s Martini Inc, 2011 COMC 65, pour la proposition selon laquelle le registraire a le pouvoir discrétionnaire de prendre connaissance d’office des définitions de dictionnaire]. La marque de commerce de l’Opposante n’est donc pas unique, et son sens ordinaire, lorsqu’il est considéré dans le contexte de produits comme les bonbons et le chocolat de l’Opposante, suggère quelque peu que les produits sont de grande qualité ou sont luxueux. Cela dit, la marque de commerce ne décrit pas directement les bonbons et le chocolat de l’Opposante, ni aucun attribut de ceux-ci. Par conséquent, je conclus que la marque de commerce de l’Opposante ne possède pas un degré élevé de caractère distinctif inhérent, mais qu’elle possède tout de même un certain degré de caractère distinctif inhérent.

[27] En ce qui concerne la mesure dans laquelle la marque de commerce de l’Opposante est devenue connue, il n’y a aucune preuve d’activités qui révéleraient la marque de commerce au Canada dans une quelque mesure, comme l’emploi ou la promotion de la marque de commerce de l’Opposante au Canada. La marque de commerce de l’Opposante n’a pas acquis de caractère distinctif par son emploi.

[28] Je conclus que la Marque possède un degré légèrement plus élevé de caractère distinctif inhérent que la marque de commerce de l’Opposante. L’expression « women’s millionaire » semble assez inhabituelle et unique. Il s’agit d’un millionnaire qui « appartient » d’une manière ou d’une autre à des femmes, ce qui est inhabituel et ne semble pas avoir de sens établi, dans le contexte de chocolats ou dans un autre contexte. La nature inhabituelle et unique de cette expression confère à la Marque un degré de caractère distinctif inhérent quelque peu plus élevé que celui de la marque de commerce de l’Opposante.

[29] Le caractère distinctif inhérent de la Marque n’a pas été renforcé par son emploi dans le marché canadien. Dans sa preuve [à la deuxième page, aux quatrième et cinquième paragraphes] et dans ses observations écrites [à la page 1, au septième paragraphe], la Requérante a laissé entendre qu’aucun chocolat de marque Women’s Millionaire n’avait encore été vendu.

[30] Compte tenu de tout ce qui précède, je conclus que ce facteur favorise légèrement la Requérante. Bien qu’aucune des marques de commerce n’ait acquis un caractère distinctif en devenant connue au Canada, la Marque possède un degré de caractère distinctif inhérent quelque peu plus élevé que celui de la marque de commerce de l’Opposante.

Période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[31] Ce facteur ne favorise aucune des parties parce qu’aucune des parties n’a employé sa marque de commerce au Canada en liaison avec des chocolats.

Genre des produits, services ou entreprises, et nature du commerce

[32] Selon le bon sens, la probabilité de confusion diminue si les produits ou les services en question sont différents. En ce qui concerne la nature du commerce, qui renvoie à la façon dont les consommateurs obtiennent les produits ou les services en question, il y a une plus grande probabilité de confusion si les produits ou les services sont vendus aux mêmes endroits et de la même façon [voir Alticor Inc c Nutravite Pharmaceuticals Inc, 2004 CF 235, aux para 31 et 33].

[33] Lorsqu’il est question d’évaluer le genre des produits et services des parties et la nature du commerce, ce sont les états déclaratifs dans la demande en question et l’enregistrement en question qui gouvernent [voir Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd, 1987 CanLII 8953 (CAF)]. En l’espèce, étant donné que la demande ne fait l’objet d’une opposition qu’en ce qui a trait aux confiseries au chocolat, ces produits seront comparés aux bonbons et au chocolat énoncés dans l’enregistrement de l’Opposante.

[34] Le genre des produits en cause et la nature du commerce dans lequel ces produits circulent favorisent tous les deux l’Opposante. Les confiseries au chocolat de la Requérante chevauchent directement les bonbons et le chocolat de l’Opposante. De plus, étant donné que les produits se chevauchent directement, il est raisonnable de déduire qu’ils pourraient être offerts aux consommateurs par les mêmes voies de commercialisation.

[35] La Requérante soutient que le genre des produits la favorise en raison de plusieurs différences alléguées entre les chocolats de l’Opposante et les chocolats que la Requérante a l’intention d’introduire, à savoir les suivantes :

  • ·les chocolats de la Requérante seront sans sucre et sucrés avec un substitut de sucre appelé du stévia [observations écrites de la Requérante, au para k)]. À l’audience, la Requérante a affirmé que les chocolats de l’Opposante sont sucrés de miel;

  • ·les chocolats de la Requérante seront fabriqués au Canada, tandis que ceux de l’Opposante sont fabriqués en Suisse [para m)];

  • ·les chocolats de la Requérante auront une taille et une forme distinctes [para (j)].

[36] Les observations de la Requérante concernant le genre des produits ne sont pas convaincantes. Étant donné qu’il n’y a aucune preuve du genre des chocolats MILLIONAIRES de l’Opposante et que la preuve confirme que les chocolats Women’s Millionaire de la Requérante n’existent pas encore, la Requérante ne peut pas établir que les produits des parties diffèrent véritablement des façons alléguées.

[37] Même si la Requérante établissait que les différences alléguées existent, celles-ci ne l’aideraient pas pour deux raisons. Premièrement, ni l’enregistrement de l’Opposante ni la demande de la Requérante ne se limitent aux chocolats ayant les caractéristiques décrites par la Requérante. Cela signifie que la marque de commerce de l’Opposante est enregistrée pour emploi en liaison avec tout type de chocolat, y compris ceux fabriqués au Canada et sucrés avec du stévia. De même, si la Marque était enregistrée pour emploi en liaison avec des confiseries au chocolat, la Requérante aurait le droit exclusif d’employer la Marque en liaison avec tout type de chocolat, y compris les chocolats fabriqués en Suisse et sucrés au miel.

[38] Deuxièmement, même si l’enregistrement de l’Opposante et la demande de la Requérante se limitaient aux chocolats ayant les caractéristiques décrites, je ne serais toujours pas convaincu que ce facteur favorise la Requérante. Les types de chocolat décrits par la Requérante (à savoir les chocolats fabriqués au Canada et les chocolats sucrés avec du stévia par rapport aux chocolats fabriqués en Suisse et aux chocolats sucrés avec du miel) sont exactement cela : différents types du même produit. En l’absence de preuve suggérant que, pour une raison quelconque, un fabricant ou un vendeur de chocolats ne fabriquerait ou ne vendrait pas ces deux types de chocolats, je ne suis pas disposé à accepter que les différences dans le lieu de fabrication ou la source du sucre favorisent une conclusion d’absence de confusion.

[39] La Requérante soutient également que la nature du commerce la favorise parce que ses chocolats de la Requérante seront vendus principalement sur les sites Web de Women’s Millionaire et du magazine Women’s Millionaire, et lors de salons professionnels où la Requérante offre des services d’encadrement et de consultation. Bien que ces différences dans les voies de commercialisation puissent potentiellement favoriser la Requérante, elles ne sont pas pertinentes en l’espèce parce qu’elles ne sont pas incluses dans l’état déclaratif des produits [voir A Lassonde & Fils Inc c Withey’s Water Softening & Purification Ltd, 1996 CanLII 11427 (COMC), citant Henkel Kommanditgesellschaft Auf Aktien v Super Dragon Import Export Inc, 2 CPR (3d) 361, à la p 372 (CF 1re inst), conf par 12 CPR (3d) 110, à la p 112 (CAF)]. L’enregistrement, s’il est délivré comme demandé, donnerait à la Requérante le droit de vendre des chocolats en liaison avec la Marque, par n’importe quelle voie de commercialisation, y compris par l’entremise de détaillants où les chocolats MILLIONAIRES de l’Opposante peuvent être présents.

[40] Compte tenu du chevauchement direct des produits des parties et, par déduction, des voies de commercialisation, ces deux facteurs favorisent l’Opposante.

Degré de ressemblance

[41] Lorsqu’on examine le degré de ressemblance entre les marques de commerce, on doit les considérer dans leur totalité; il n’est pas approprié de les placer côte à côte et d’examiner attentivement les ressemblances et les différences entre les marques de commerce. Bien qu’une telle analyse puisse permettre de distinguer facilement les marques de commerce en cause, la capacité de distinguer les marques de commerce n’est pas le bon critère à appliquer en matière de confusion entre des marques de commerce. Au moment de trancher la question de la confusion, il faut tenir compte de la possibilité qu’une personne qui voit une marque de commerce puisse croire à tort qu’il s’agit de la marque de commerce qu’elle a vue antérieurement, ou qu’une nouvelle marque de commerce soit en quelque sorte liée à la marque de commerce antérieure [voir Veuve Clicquot, au para 20].

[42] En l’espèce, je conclus qu’il y a un certain degré de ressemblance entre la Marque et la marque de commerce MILLIONAIRES de l’Opposante. La Marque dans son ensemble contient la forme unique de la marque de commerce de l’Opposante et modifie davantage cette marque de commerce à l’aide du nom possessif « Women’s ». Par conséquent, dans la mesure où chaque marque de commerce contient le mot « Millionaire » (au singulier ou au pluriel), il y a clairement un certain degré de ressemblance dans la présentation et le son des deux marques de commerce.

[43] Je conclus également qu’il existe un certain degré de similitude dans les idées que suggèrent les marques de commerce. L’ajout du nom possessif « Women’s » au nom « Millionaire » a pour effet que la Marque suggère l’idée une variante de l’idée suggérée par la marque de commerce de l’Opposante, plutôt qu’une idée entièrement différente. En particulier, le Marque suggère l’idée d’un « women’s millionaire » [millionnaire de femmes], plutôt que d’un « millionnaire » en général. Cela pourrait raisonnablement suggérer une sorte de lien entre la Marque et la marque de commerce MILLIONAIRES de l’Opposante.

[44] Dans ses observations écrites, la Requérante indique des différences dans le nombre de mots et de lettres de chaque marque de commerce, et le fait que la marque de commerce de l’Opposante est au pluriel, tandis que la portion « Millionnaire » de la Marque est au singulier. La Requérante affirme qu’il n’y a aucune ressemblance dans la présentation des deux marques de commerce qui pourrait entraîner une confusion [observations écrites de la Requérante, à la première page]. Toutefois, ces différences sont telles qu’elles apparaissent évidentes lors d’un examen détaillé, côte à côte, des deux marques de commerce. Un examen aussi approfondi des marques de commerce n’est pas la bonne façon d’évaluer la ressemblance dans le contexte de la confusion de marques de commerce. De plus, même s’il s’agissait de la bonne approche, les différences invoquées par la Requérante n’invalideraient pas la possibilité que les consommateurs considèrent la Marque comme étant liée à la marque de commerce MILLIONAIRES de l’Opposante d’une quelque façon.

[45] La Requérante soutient également que la conception et les images de l’emballage de ses confiseries au chocolat Women’s Millionnaire seront très différentes de ceux des chocolats MILLIONAIRES de l’Opposante, avec des polices de caractères, des couleurs et des tailles différentes [observations écrites de la Requérante, au para (j)]. Cet argument n’aide pas la Requérante parce que l’analyse relative à la confusion doit porter sur la Marque telle qu’elle figure dans la demande. Il est inapproprié de limiter l’analyse à toute forme particulière de la marque de commerce qui pourrait relever de la portée de la marque de commerce telle que définie dans la demande [Masterpiece, aux para 56 et 59]. En l’espèce, la Marque est constituée des mots « Women’s Millionaire ». Si la Marque était enregistrée, la Requérante aurait le droit d’employer ces mots sous quelque forme que ce soit, et sur tout emballage, y compris ceux qui peuvent être semblables à la forme sous laquelle l’Opposante peut présenter sa marque de commerce.

[46] Étant donné que je conclus qu’il y a un certain degré de ressemblance entre la Marque et la marque de commerce MILLIONAIRES de l’Opposante dans la présentation et le son, ainsi que dans les idées que suggèrent les marques de commerce, ce facteur favorise l’Opposante.

Conclusion concernant la confusion

[47] Après avoir examiné toutes les circonstances de l’espèce, comme il est établi dans la preuve dont je suis saisi, je conclus que la probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce MILLIONAIRES de l’Opposante est un peu plus élevée qu’égale. En d’autres termes, selon la prépondérance des probabilités, il est plus probable que les consommateurs déduisent que les bonbons et chocolats MILLIONAIRES de l’Opposante et les confiseries au chocolat Women’s Millionaire de la Requérante proviennent de la même source. J’en arrive à cette conclusion principalement en raison du degré de similitude entre les marques de commerce et du chevauchement des produits et des voies de commercialisation. Bien que le degré plus faible de caractère distinctif de la marque de commerce de l’Opposante suggère que des différences relativement faibles peuvent suffire à distinguer les deux marques de commerce, je conclus que la ressemblance entre les marques et le chevauchement des produits et des voies de commercialisation l’emporte sur ce facteur.

[48] Comme je l’ai mentionné ci-dessus, la Requérante a le fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque ne crée pas de la confusion avec la marque de commerce MILLIONAIRES de l’Opposante. Étant donné que je conclus qu’il est un peu plus probable que la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce de l’Opposante en ce qui a trait aux confiseries au chocolat, la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau ultime à l’égard de ces produits. Par conséquent, ce motif d’opposition est accueilli.

Motif fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement

[49] Pour s’acquitter de son fardeau initial à l’égard du motif fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement, l’Opposante doit démontrer que sa marque de commerce MILLIONAIRES avait été employée antérieurement ou révélée au Canada. La date pertinente est la plus ancienne des deux dates suivantes : a) la date de production de la demande; b) la date de premier emploi de la Marque au Canada [article 16(1)a) de la Loi]. L’Opposante doit également démontrer que sa marque de commerce n’avait pas été abandonnée à la date à laquelle la demande a été annoncée aux fins d’opposition [article 16(3) de la Loi].

[50] L’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial à l’égard de ce motif parce qu’elle n’a présenté aucune preuve d’emploi ou de révélation de sa marque de commerce au Canada, à tout moment. En effet, la seule preuve que l’Opposante a déposée est une copie certifiée de son enregistrement pour la marque de commerce MILLIONAIRES. L’enregistrement ne prouve pas que la marque de commerce a été employée ou révélée au Canada.

[51] Étant donné que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial, ce motif d’opposition est rejeté.

Motif fondé sur l’absence de caractère distinctif

[52] Pour s’acquitter de son fardeau initial à l’égard de ce motif, l’Opposante doit démontrer que : a) sa marque de commerce MILLIONAIRES était connue dans une certaine mesure au Canada; et b) la réputation attachée à cette marque était importante, significative ou suffisante pour annuler le caractère distinctif de la Marque [voir Bojangles’ International LLC c Bojangles Café Ltd, 2006 CF 657, au para 36]. La date pertinente pour ce motif est la date de production de la déclaration d’opposition [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc, 2004 CF 1185, au para 25].

[53] L’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial parce qu’elle n’a produit aucune preuve d’emploi ou de révélation de la marque de commerce MILLIONAIRES au Canada. Il n’y a donc aucun fondement permettant de déduire que la marque de commerce MILLIONAIRES de l’Opposante était connue au Canada dans une certaine mesure.

[54] Étant donné que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial, ce motif d’opposition est rejeté.

Motif fondé sur l’absence de droit à l’emploi

[55] Pour s’acquitter de son fardeau initial à l’égard de ce motif d’opposition, l’Opposante doit produire une preuve suffisante pour permettre de conclure raisonnablement qu’à la date pertinente, la Requérante n’avait pas le droit d’employer la Marque en liaison avec des confiseries au chocolat parce qu’un tel emploi constituerait une contrefaçon de la marque de commerce déposée MILLIONAIRES de l’Opposante, conformément à l’article 20 de la Loi. La date pertinente pour ce motif d’opposition est la date de production de la demande, déterminée sans tenir compte de l’article 34(1) de la Loi [article 38(2)f) de la Loi].

[56] L’article 38(2)f) de la Loi, sur lequel ce motif d’opposition est fondé, se rapporte au droit légal de la Requérante d’employer la marque de commerce (c’est-à-dire en conformité avec les lois fédérales pertinentes et les autres obligations juridiques), contrairement au droit de la Requérante d’enregistrer la Marque (relativement à la marque de commerce d’une autre personne, conformément à l’article 16 de la Loi) [voir Methanex Corporation c Suez International, société par actions simplifiée, 2022 COMC 15]. À mon avis, la Requérante ne peut pas avoir le droit d’employer la Marque en liaison avec des confiseries au chocolat si cet emploi viole le droit exclusif de l’Opposante d’employer la marque de commerce MILLIONAIRES en vertu de l’article 20 de la Loi (qui est une loi fédérale). Par conséquent, si l’emploi de la Marque par la Requérante violait les droits de l’Opposante à l’égard de sa marque de commerce déposée, l’article 38(2)f) empêche la Requérante d’enregistrer la Marque.

[57] Je suis convaincu que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial à l’égard de ce motif. Selon la preuve dont je suis saisi, l’emploi de la Marque par la Requérante en liaison avec des confiseries au chocolat semble contrefaire la marque de commerce déposée MILLIONAIRES de l’Opposante en vertu de l’article 20 de la Loi. L’article 20 de la Loi prévoit plusieurs circonstances où les droits conférés à l’égard d’une marque de commerce déposée sont réputés être violés. Une de ces circonstances est lorsqu’une personne « vend, distribue ou annonce des produits ou services en liaison avec une marque de commerce […] créant de la confusion » [article 20(1)a) de la Loi, non souligné dans l’original].

[58] L’« emploi » d’une marque de commerce, au sens de l’article 4 de la Loi, s’entend de la vente, de la distribution et de l’annonce visées à l’article 20. En ce qui concerne la question de savoir si la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce de l’Opposante, je conclus qu’il est quelque plus probable qu’il y avait confusion qu’absence de confusion à la date pertinente pour ce motif d’opposition. J’en arrive à cette conclusion essentiellement pour les mêmes raisons que celles invoquées à l’égard du motif fondé sur la non-enregistrabilité. L’exclusion de la preuve postérieure à la date pertinente pour ce motif n’a aucune incidence significative sur mes conclusions à l’égard du motif fondé sur la non-enregistrabilité.

[59] Étant donné que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial, la Requérante a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle avait le droit d’employer la Marque à la date pertinente, malgré le fait que cet emploi semble violer les droits de l’Opposante à l’égard de sa marque de commerce déposée en vertu de l’article 20 de la Loi. En l’absence de preuve ou d’argument suggérant une raison quelconque pour laquelle la Requérante aurait le droit d’employer la Marque, je ne suis pas convaincu que la Requérante se soit acquittée de son fardeau ultime. Par conséquent, ce motif d’opposition est accueilli.

Décision

[60] Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la demande en ce qui a trait aux produits [traduction] « confiseries au chocolat » seulement. La demande n’est pas rejetée en ce qui a trait à tous les autres produits et services.

 

 

_______________________________

Jaimie Bordman

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Anne Laberge, trad. a.

Le français est conforme aux WCAG.


Annexe A

Produits et services visés par la demande

[traduction]

 

Produits

Classe 09

(1) Disques compacts, fichiers MP3, DVD, balados radio et fichiers numériques téléchargeables de contenu éducatif concernant l’encadrement professionnel, la consultation en immobilier et l’investissement; livres, magazines électroniques téléchargeables.

Classe 16

(2) Magazines, livres, brochures et feuillets publicitaires sur la finance, l’immobilier, l’investissement et l’inspiration.

Classe 28

(3) Jeux de plateau.

Classe 30

(4) Pâtisseries, confiseries au chocolat et thé de marque.

 

Services

Classe 35

(1) Campagnes de publicité et de marketing pour le compte d’autres entreprises par Internet, à la radio, par des communiqués de presse, par des campagnes radiophoniques.

(2) Administration d’un programme de rabais permettant aux clients d’obtenir des rabais ou des avantages indirects ayant trait à des produits et à des services grâce à une carte de réduction pour les membres ou à l’adhésion à un club.

Classe 36

(3) Consultation financière pour l’aide relative aux finances personnelles. Services immobiliers pour l’offre de consultation et d’information principalement dans le domaine de la consultation en immobilier sur le placement en biens immobiliers et la promotion immobilière.

Classe 41

(4) Conception d’une émission de webradio et de télévision sur Internet.

(5) Ateliers et conférences présentant des conférenciers professionnels dans les domaines de la finance, de l’immobilier et de l’inspiration pour le succès en général. Encadrement professionnel, mentorat personnalisé et services de consultation aux clients concernant l’encadrement professionnel, le marketing et la consultation en immobilier offerts au moyen d’encadrement individuel et d’encadrement de groupe.

Classe 43

(6) Retraites, allocutions et ateliers offrant des aliments et des boissons, nommément au moyen de services d’hôtels et de services de traiteur de restaurants ainsi qu’offre d’hébergement hôtelier temporaire.

Classe 45

(7) Offre de rencontres sociales, à savoir d’évènements de réseautage pour les célibataires, de rencontres éclair, de danses et d’évènements de promotion des affaires.

COMPARUTIONS ET AGENTS AU DOSSIER

DATE DE L’AUDIENCE : 2023-05-23

COMPARUTIONS

Pour l’Opposante : Graham Hood

Pour la Requérante : Maureen Smith

AGENTS AU DOSSIER

Pour l’Opposante : Smart & Biggar S.E.N.C.R.L.

Pour la Requérante : Aucun agent nommé

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