Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2023 COMC 086

Date de la décision : 2023-05-26

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE D’UNE OPPOSITION

Opposante : Aichi Miso Tamari Shoyu Cooperative Society

Requérante : Hikari Miso Co., Ltd.

Demande : 1885582 pour Japanese Characters Design

Introduction

[1] Aichi Miso Tamari Shoyu Cooperative Society (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de Japanese Characters Design (la Marque) laquelle fait l’objet de la demande d’enregistrement no 1885582 déposée par Hikari Miso Co., Ltd. (la Requérante). La Marque est affichée ci-dessous :

Japanese Characters Design

[2] La Marque est visée par une demande sur la base de l’emploi projeté au Canada en liaison avec l’état déclaratif des produits tel que reproduit ci-dessous, accompagné de la classe de Nice connexe (CI) :

[traduction]

Cl 29 (1) Préparations précuites pour ragoûts au cari, ragoûts et soupes; soupe instantanée ou précuite; soupe de miso instantanée ou précuite; soupe instantanée contenant des nouilles à l’amidon de haricots non cuites.

Cl 30 (2) Miso.

[3] La demande comprend la translittération des caractères étrangers suivante : [traduction] « Selon le requérant, la translittération des caractères non latins dans la marque est HACCHO. »

[4] L’opposition est principalement fondée sur l’allégation que la Marque est identique ou presque identique à une indication géographique au Japon (« Hatcho miso »), et que la demande a donc été produite de mauvaise foi.

[5] Pour les motifs exposés ci-dessous, je rejette l’opposition.

Le dossier

[6] La demande d’enregistrement de la Marque a été déposée le 1er mars 2018 et a été annoncée aux fins d’opposition le 11 décembre 2019.

[7] Le 17 mars 2020, l’Opposante s’est opposée à la demande en produisant une déclaration d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) dans sa version modifiée le 17 juin 2019 (la Loi).

[8] Les motifs d’opposition sont fondés sur la mauvaise foi en vertu de l’article 38(2)a.1); la non-enregistrabilité en vertu des articles 12(1)b) et 12(1)e); l’absence de caractère distinctif en vertu de l’article 2; et l’absence de droit à l’emploi en vertu de l’article 38(2)f) de la Loi.

[9] La Requérante a déposé une contre-déclaration réfutant les motifs d’opposition.

[10] À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de Michael S. Duchesneau, daté du 26 octobre 2020 (l’affidavit Duchesneau), et une contre-preuve sous la forme d’un deuxième affidavit de Michael Duchesneau, daté du 1er octobre 2021 (l’affidavit de réponses Duchesneau).

[11] À l’appui de sa demande, la Requérante a produit l’affidavit de Bonnie D. Headley, daté du 23 février 2021 (l’affidavit Headley), ainsi qu’une copie certifiée conforme du dossier de demande d’enregistrement de la Marque.

[12] Aucun des déposants n’a été contre-interrogé quant à son affidavit.

[13] Les deux parties ont également produit des observations écrites, mais seule la Requérante a été représentée à l’audience.

Aperçu de la preuve de l’opposante

Affidavit Duchesneau

[14] M. Duchesneau est un auxiliaire juridique employé par l’agent au dossier de l’Opposante [para 1]. Son affidavit se compose en grande partie d’imprimés de divers sites Web qu’il déclare avoir visités en octobre 2020 [para 2 à 11, Pièces A à J].

[15] Je note que M. Duchesneau n’explique pas la signification des sites Web qu’il a visités et ne fait aucune déclaration quant aux actes de procédure de l’Opposante. Je note également que, bien que M. Duchesneau indique aux paragraphes 8 à 11 de son affidavit que la fonction Google Translate a été utilisée pour les Pièces G à J, une partie de ce contenu demeure en japonais. Néanmoins, voici un résumé concis des imprimés joints à l’affidavit Duchesneau :

Affidavit de réponses Duchesneau

[16] Comme pour le premier affidavit Duchesneau, M. Duchesneau joint des documents à son affidavit de réponses, mais ne fournit pas d’explication sur l’importance de ces documents ni sur toute déclaration quant aux actes de procédure de l’Opposante. Les pièces jointes à l’affidavit de réponses Duchesneau sont les suivantes :

Aperçu de la preuve de la Requérante

[17] Comme il est indiqué ci-dessus, outre l’affidavit Headley, les preuves de la Requérante comprennent une copie certifiée conforme du dossier de demande d’enregistrement de la Marque.

L’affidavit Headley

[18] Mme Headley est une agente de marques de commerce agréée, exerçant ses activités sous le nom de Greenspace Trademark Services. Mme Headley déclare qu’elle fournit périodiquement des services liés aux marques de commerce à l’agent agréé de la Requérante [para 1]. En janvier 2021, Mme Headley a visité divers sites Web, et son affidavit est en grande partie constitué d’imprimés de ces sites Web [para 2 à 11, Pièces A à J]. Je note que Mme Headley ne fait aucune déclaration quant aux actes de procédure de l’Opposante et qu’elle n’explique pas directement l’importance des sites Web qu’elle a visités. Néanmoins, les pièces jointes à l’affidavit Headley sont les suivantes :

Fardeau de preuve et fardeau ultime

[19] Conformément aux règles de preuve habituelles, l’Opposante a le fardeau de preuve initial d’établir les faits sur lesquels elle appuie les allégations formulées dans la déclaration d’opposition [John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd, 1990 CarswellNat 1053 (CF 1re inst)]. L’imposition d’un fardeau de preuve à l’Opposante à l’égard d’une question donnée signifie que, pour que cette question soit examinée, il doit exister une preuve suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de cette question.

[20] En ce qui concerne les allégations à l’égard desquelles l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve, la Requérante a le fardeau ultime de démontrer que la demande ne contrevient pas aux dispositions de la Loi, tel qu’il est allégué dans la déclaration d’opposition. L’imposition d’un fardeau ultime à la Requérante signifie que, s’il est impossible d’arriver à une conclusion déterminante une fois que l’ensemble de la preuve a été examinée, la question doit être tranchée à l’encontre de la Requérante.

Remarques préliminaires

Caractère suffisant des motifs d’opposition invoqués

[21] L’article 38(3)a) de la Loi exige que la déclaration d’opposition soit rédigée avec « suffisamment de précision pour permettre à la requérante d’y répondre ». Pour satisfaire à cette exigence, l’opposant doit inclure des allégations de fait à l’appui de chaque motif invoqué. À mon avis, comme cela est expliqué plus loin dans l’analyse des différents motifs, pour un grand nombre des motifs invoqués, l’Opposante n’a pas fourni dans sa déclaration d’opposition le niveau de détail exigé par l’article 38(3)a) de la Loi. Si la requérante avait demandé une décision interlocutoire avant la production sa contre-déclaration, il est probable qu’un ou plusieurs motifs d’opposition auraient été radiés pour avoir été insuffisamment plaidés.

Valeur probante de la preuve

[22] En l’espèce, l’Opposante s’appuie uniquement sur la preuve présentée par un employé de son agent au dossier, M. Duchesneau.

[23] En général, l’affidavit d’un employé de la société d’un agent est admissible seulement dans la mesure où la preuve porte sur des questions non controversées et non centrales [Cross Canada Auto Body Supply (Windsor) Limited et al c Hyundai Auto Canada, 2005 CF 1254, conf par CAF 133].

[24] Comme l’Opposante semble s’être concentrée sur son allégation de mauvaise foi dans cette opposition, sa preuve aurait dû être présentée par une personne bien informée et compétente, par exemple un dirigeant de l’Opposante ou un licencié, qui aurait pu être soumis à un contre-interrogatoire significatif, et non pas simplement par un auxiliaire juridique employé par l’agent de l’Opposante.

[25] En outre, je suis d’accord avec la Requérante pour dire que l’affidavit de réponses de Duchesneau est une contre-preuve inappropriée, étant donné qu’il n’est pas strictement limité aux questions en réponse, mais qu’il semble plutôt être simplement une preuve supplémentaire [observations écrites de la Requérante, au para 35]. De toute façon, compte tenu du fait que la preuve de l’Opposante constitue du ouï-dire, je ne considère pas qu’il soit approprié de lui accorder beaucoup de poids. Comme nous le verrons plus loin, abstraction faite des questions de ouï-dire et de recevabilité, une grande partie des preuves n’est pas d’une grande utilité pour l’Opposante.

[26] Pour sa part, la Requérante s’est également appuyée sur la preuve d’un déposant qui ne semble pas posséder une connaissance de directe des questions centrales de cette procédure. Toutefois, selon l’analyse ci-dessous, cette preuve n’est pas aussi problématique.

Motif fondé sur la mauvaise foi

[27] Conformément à l’article 38(2)a.1) de la Loi, l’Opposante soutient que la demande d’enregistrement de la Marque a été produite de mauvaise foi parce que la Requérante savait ou aurait dû savoir que la Marque est identique ou presque identique à l’indication géographique HATCHO MISO.

[28] À cet égard, l’Opposante soutient qu’elle est une société coopérative japonaise chargée d’établir les normes de production et de vente du miso propre à la préfecture d’Aichi au Japon sous l’indication géographique HATCHO MISO, qui est enregistrée au Japon sous le numéro d’indication géographique (IG) 49. En outre, l’Opposante soutient que :

[traduction]

Au niveau international, y compris au Canada, l’indication géographique HATCHO MISO est bien connue des consommateurs, car elle désigne le miso produit dans la préfecture d’Aichi uniquement à partir de graines de soja et de sel, d’une couleur rouge-brun foncé distincte et d’une saveur unique, caractérisée par une acidité modérée, un unami fort, de l’amertume et de l’astringence.

[29] La date pertinente pour l’évaluation de ce motif d’opposition est la date de production de la demande, soit le 1er mars 2018.

[30] Dans ses observations, l’Opposante soutient que [traduction] « la Marque (dont la translittération fournie est HACCHO) est identique ou presque identique à l’indication géographique HATCHO MISO » [para 17].

[31] Ainsi, l’essentiel des arguments de l’Opposante quant à ce motif est résumé comme suit dans ses observations écrites :

[traduction]

[…] la Requérante savait ou aurait dû savoir que la Marque est identique ou presque identique à l’indication géographique HATCHO MISO, qu’elle n’est pas autorisée à employer en liaison avec les Produits puisqu’elle n’est pas une productrice de Hatcho miso dans la préfecture d’Aichi [para 23].

[32] L’observation de l’Opposante selon laquelle la Requérante [traduction] « n’est pas autorisée » à employer le terme HACCHO est fondée sur ce qui semble être la loi japonaise intitulée Act on Protection of the Names of Specific Agricultural Forestry and Fishery Products and Foodstuffs [observations écrites de l’Opposante, au para 21].

[33] En réponse, la Requérante note que HATCHO MISO n’est pas une indication géographique enregistrée au Canada et que l’Opposante n’a fourni aucune preuve à l’appui de l’affirmation selon laquelle HATCHO MISO est [traduction] « bien connu » des consommateurs canadiens comme désignant le miso produit dans la préfecture d’Aichi [observations écrites de la Requérante, au para 32].

[34] L’article 38(2)a.1) de la Loi, qui est entré en vigueur en juin 2019, se lit comme suit :

(2) Cette opposition peut être fondée sur l’un des motifs suivants : […]

a.1) la demande a été produite de mauvaise foi;

[35] La Loi ne définit pas la « mauvaise foi », et seules quelques décisions l’ont examinée depuis l’entrée en vigueur de l’article 38(2)a.1) de la Loi. Toutefois, la Cour fédérale a confirmé que la jurisprudence antérieure à l’entrée en vigueur de l’article 38(2)a.1) peut être pertinente pour l’évaluation de la mauvaise foi [voir Blossman Gas Inc c Alliance Autopropane Inc, 2022 CF 1794, au para 119]. Les principes généraux qui semblent continuer à s’appliquer sont les suivants :

[36] En l’espèce, notant que l’allégation de mauvaise foi de l’Opposante n’est pas fondée sur ses propres droits de marque de commerce au Canada, je considère néanmoins qu’il est approprié de s’inspirer des principes généraux susmentionnés, en particulier que la simple connaissance des droits d’autrui ou l’aveuglement volontaire à leur égard ne suffit pas à étayer une allégation de mauvaise foi.

[37] Je note également une jurisprudence plus récente dans laquelle la Cour fédérale a indiqué que la mauvaise foi [traduction] « s’entend généralement du fait, pour le requérant, de manquer à une obligation légale ou morale à l’égard d’un tiers » et que la preuve par [traduction] « ouïdire et des sousentendus » ne suffisent pas à étayer une allégation de mauvaise foi [voir Beijing Judian Restaurant Co Ltd c Meng, 2022 CF 743, au para 39].

[38] Outre les principes susmentionnés relatifs à la mauvaise foi, je note à ce stade que le droit étranger est considéré comme des faits qui doivent être prouvés [Waterford Wedgwood PLC c Forma-Kutzscher GmbH, 2006 CanLII 80364 (COMC)]. En l’espèce, l’Opposante s’est contentée de présenter ce qui semble être une copie de la loi japonaise citée en référence, accompagnée d’une traduction en anglais provenant d’une source non officielle [affidavit de réponses Duchesneau, Pièce C]. Comme il a déjà été mentionné, au mieux, cette preuve ne peut avoir qu’un poids limité en raison du fait que les affidavits Duchesneau constituent du ouï-dire.

[39] De toute façon, comme pour les autres motifs d’opposition, l’Opposante concentre à tort ses arguments sur la translittération de la Marque (HACCHO) plutôt que sur la Marque visée par la demande, à savoir des caractères japonais sur fond noir, comme reproduit ci-dessus.

[40] Même si je devais écarter les questions de ouï-dire et de recevabilité susmentionnées, je conviens avec la Requérante que la preuve est insuffisante pour étayer l’affirmation clé selon laquelle HATCHO MISO est connu au Canada comme désignant un produit miso fabriqué dans la préfecture d’Aichi [observations écrites de la Requérante, au para 47].

[41] Par conséquent, je conclus que les preuves fournies par l’Opposante sont insuffisantes pour lui permettre de s’acquitter de son fardeau à l’égard de l’allégation de mauvaise foi.

[42] Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur la mauvaise foi est rejeté.

Motif fondé sur la non-enregistrabilité – article 12(1)e)

[43] Conformément à l’article 38(2)b) de la Loi, l’Opposante soutient que la Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’article 12(1)e) de la Loi parce que l’adoption de la Marque est interdite par l’article 10 de la Loi puisque sa ressemblance est telle qu’on pourrait vraisemblablement la confondre avec la prétendue indication géographique HATCHO MISO, qui a été reconnue au Canada comme désignant le genre, la qualité et le lieu d’origine du miso produit dans la préfecture d’Aichi.

[44] La date pertinente pour l’analyse de ce motif d’opposition est la date de la présente décision [Canadian Olympic Association c Olympus Optical Co (1991), 38 CPR (3d) 1 (CAF)].

[45] L’article 10 de la Loi se lit comme suit :

10. Si un signe ou une combinaison de signes, en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique, devient reconnu au Canada comme désignant le genre, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la date de production ou le lieu d’origine de produits ou services, nul ne peut l’adopter comme marque de commerce en liaison avec ces produits ou services ou d’autres de la même catégorie générale, ou l’employer d’une manière susceptible d’induire en erreur, et nul ne peut ainsi adopter ou employer un signe ou une combinaison de signes dont la ressemblance avec le signe ou la combinaison de signes en question est telle qu’on pourrait vraisemblablement les confondre [je souligne].

[46] Il ressort clairement du libellé de l’article 10 de la Loi que, pour que l’Opposante s’acquitte de son fardeau à l’égard de ce motif, la preuve doit démontrer que le [traduction] « signe » qu’elle invoque (qui, en l’espèce, est la prétendue indication géographique HATCHO MISO au Japon) a été reconnu au Canada par [traduction] « l’emploi commercial ordinaire et authentique ».

[47] Même si je devais accorder un certain poids à la preuve de l’Opposante malgré les questions de ouï-dire et de recevabilité abordées ci-dessus, il n’y a aucune preuve de l’emploi de la prétendue indication géographique HATCHO MISO au Canada, à la date pertinente ou autrement. Ainsi, à tout le moins, l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial à l’égard de ce motif.

[48] Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur la non-enregistrabilité en vertu de l’article 12(1)e) de la Loi est rejeté.

Motif fondé sur la non-enregistrabilité – article 12(1)b)

[49] Conformément à l’article 38(2)b) de la Loi, l’Opposante soutient que la Marque n’est pas enregistrable au regard de l’article 12(1)b) de la Loi parce qu’elle donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse, lorsqu’elle est sous forme sonore, de la nature, de la qualité, des conditions de production et du lieu d’origine des produits en liaison avec lesquels on projette de l’employer, puisqu’elle décrit que les produits faisant l’objet de la demande sont produits dans la préfecture d’Aichi au Japon conformément à des normes définies.

[50] La date pertinente pour l’évaluation de ce motif d’opposition est la date de production de la demande.

[51] La question de savoir si une marque de commerce donne une description claire ou une description fausse et trompeuse doit être examinée du point de vue de l’acheteur moyen des produits et services liés. La [traduction] « nature » s’entend d’une particularité, d’un trait ou d’une caractéristique des produits ou services, et [traduction] « claire » signifie qu’elle est facile à comprendre, évidente ou simple [Drackett Co of Canada Ltd c American Home Products Corp (1968), 55 CPR 29 (C. de l’Éch) à la page 34]. Il ne faut pas scruter la marque de commerce, mais la considérer dans son ensemble sous l’angle de la première impression [Wool Bureau of Canada Ltd c Canada (Registraire des marques de commerce (1978), 40 CPR (2d) 25 (FCTD); Atlantic Promotions Inc c Registrar of Trade-marks [1984], 2 CPR [3d] 183 [CF 1re inst]]. En d’autres termes, la marque de commerce ne doit pas être examinée de façon isolée, mais plutôt dans le contexte de sa relation avec les produits visés par la demande [Conseil du régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario c Canada (Procureur général (2012), 2012 CAF 60]. Enfin, il faut appliquer le bon sens lorsqu’il s’agit de juger du caractère descriptif [Neptune SA c Canada (Procureur général) 2003 CFPI 715].

[52] Dans ses observations, la Requérante soutient que ce motif d’opposition est plaidé de manière inappropriée et qu’il ne s’applique pas aux faits de la présente opposition. Plus précisément, la Requérante soutient ce qui suit :

[traduction]

Étant donné que la Marque est composée de caractères japonais, n’est pas représentée en anglais ou en français et n’a pas de traduction ou de signification applicable dans l’une ou l’autre de ces langues, il ne peut être dit que la Marque donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse, en langue anglaise ou française. En conséquence, il est respectueusement soutenu que ce motif d’opposition devrait être entièrement ignoré par [le registraire].

De toute façon, l’Opposante n’a fourni aucune preuve à l’appui de son allégation selon laquelle la Marque donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse, en anglais ou en français, et devrait donc succomber à l’égard de ce motif étant donné que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial de produire une preuve suffisante qui confirme la véracité de l’allégation [observations écrites de la Requérante, para 55 et 56].

[53] L’Opposante n’a présenté aucune observation à l’égard de ce motif pour clarifier ou appuyer son argument.

[54] Je conviens avec la Requérante que ce motif est plaidé de manière inappropriée puisque, à tout le moins, l’article 12(1)b) de la Loi concerne les marques de commerce [traduction] « en langue anglaise ou française » et que l’Opposante ne l’a pas invoqué.

[55] Quoi qu’il en soit, la Marque est clairement constituée de caractères japonais et il n’y a aucune preuve établissant que la Marque a une signification en anglais ou en français. Ainsi, l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial à l’égard de ce motif.

[56] Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur la non-enregistrabilité en vertu de l’article 12(1)b) de la Loi est rejeté.

Motif fondé sur l’absence de caractère distinctif

[57] Conformément à l’article 38(2)d) de la Loi, l’Opposante soutient que la Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi parce qu’elle ne se distingue pas véritablement, et n’est pas adaptée non plus pour distinguer les produits visés par la demande de la Requérante des produits de tiers vendant du miso produit dans la préfecture d’Aichi.

[58] La date pertinente pour ce motif est la date de production de l’opposition [Metro‑Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc, 2004 CF 1185].

[59] L’article 2 de la Loi définit le terme « distinctive » comme suit :

distinctive Se dit de la marque de commerce qui distingue véritablement les produits ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire de ceux d’autres personnes, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi.

[60] Une marque de commerce « distingue véritablement » en acquérant le caractère distinctif par l’emploi, ce qui donne lieu à un caractère distinctif en fait. En revanche, une marque de commerce qui est « adaptée à les distinguer ainsi » est une marque qui ne dépend pas de l’emploi pour acquérir son caractère distinctif parce qu’elle possède un caractère distinctif inhérent [Astrazeneca AB c Novopharm Ltd, 2003 CAF 57, au para 16].

[61] Selon mes remarques préliminaires – et notant encore une fois que l’Opposante a choisi de ne pas aborder ce motif dans ses observations écrites – je conclus que ce motif d’opposition n’est pas suffisamment plaidé. En particulier, il manque de détails concernant :
[traduction]

[62] À tout le moins, il était nécessaire que l’Opposante prouve qu’à la date pertinente, des tiers vendaient du miso produit dans la préfecture d’Aichi d’une manière qui a fait connaître ces produits et leur source dans une certaine mesure au Canada.

[63] De plus, je conviens avec la Requérante que l’Opposante n’a présenté aucune preuve démontrant que les consommateurs canadiens identifient soit le HACCHO, soit le HATCHO avec le miso produit dans la préfecture d’Aichi. Encore une fois, à tout le moins, en l’absence d’une telle preuve, l’Opposante ne s’acquitte pas de son fardeau initial à l’égard de ce motif.

[64] Compte tenu de ce qui précède, le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif est rejeté.

Motif fondé sur l’absence du droit à l’enregistrement

[65] Conformément à l’article 38(2)f) de la Loi, l’Opposante soutient qu’à la date de production de la demande, la Requérante n’avait pas le droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les produits visés par la demande puisqu’un tel emploi de la Marque en liaison avec les produits visés par la demande constitue une désignation qui est fausse sous un rapport essentiel et de nature à tromper le public en ce qui regarde les caractéristiques, la qualité, l’origine géographique et le mode de production de ces produits visés par la demande, contrairement à l’article 7d) de la Loi et à l’article 52 de la Loi sur la concurrence – par conséquent, un tel emploi, à tout moment pertinent, était et est illégal.

[66] L’article 38(2)f) de la Loi se lit comme suit :

(2) Cette opposition peut être fondée sur l’un des motifs suivants : […]

f) à la date de production de la demande au Canada, le requérant n’avait pas le droit d’employer la marque de commerce au Canada en liaison avec ces produits ou services.

[67] L’article 38(2)f) de la Loi porte sur le droit d’un requérant d’employer une marque de commerce visée par une demande (par exemple, conformément aux lois fédérales pertinentes et aux autres obligations juridiques interdisant [traduction] « l’emploi » d’une marque de commerce au sens de l’article 4 de la Loi).

[68] Selon mes remarques préliminaires ci-dessus, je note d’abord que l’argument n’énonce pas clairement pourquoi ou comment l’emploi de la Marque par la Requérante serait susceptible d’induire le public en erreur et serait contraire soit à l’article 7d) de la Loi, soit à l’article 52 de la Loi sur la concurrence, L.R.C. (1985), ch C-34. Compte tenu de la déclaration d’opposition dans son ensemble, l’Opposante s’appuie vraisemblablement sur ce qu’il affirme que la Requérante savait ou aurait dû savoir concernant l’indication géographique alléguée HATCHO MISO et la loi japonaise qui interdit prétendument l’emploi de ce terme au Japon.

[69] Cependant, l’Opposante n’a produit aucune observation à l’appui de ce motif d’opposition. Ainsi, il n’est même pas clair, par exemple, si les deux dispositions législatives mentionnées dans l’argument sont censées être interprétées et appliquées ensemble, ou si l’argument doit être compris comme essentiellement deux motifs distincts avec des bases légales différentes. Quoiqu’il en soit, comme discuté ci-dessous, il n’est pas clair que le motif invoqué doive être considéré comme un motif valable d’opposition en vertu de l’article 38(2)(f) au regard de l’article 7d) de la Loi, soit l’article 52 de la Loi sur la concurrence.

[70] Pour sa part, la Requérante soutient ce qui suit à l’égard de ce motif :

[traduction]

Les motifs d’opposition de l’Opposante, au regard de l’article 38(2)f) et de l’article 7d), portent sur l’utilisation d’une marque. Cependant, la Demande a été déposée sur la base de l’emploi projeté au Canada. Aucun emploi de la Marque au Canada n’a été prouvé par la Requérante ou l’Opposante. Par conséquent, comme aucune preuve n’a été présentée indiquant l’emploi de la Marque par la Requérante pour les Produits de la Requérante, l’Opposante ne peut établir une preuve prima facie que l’emploi de la Marque par la Requérante au Canada constituait une violation d’une loi fédérale. Étant donné que l’Opposante ne peut s’acquitter de son fardeau de preuve initial, l’Opposante devrait succomber à l’égard de ces motifs.

Malgré l’absence de toute preuve indiquant l’emploi de la Marque par la Requérante au Canada, il est respectueusement soutenu que tout emploi de la Marque par la Requérante au Canada n’est pas illégal, compte tenu de tous les faits présentés par la Requérante dans ses Observations écrites. Plus précisément, que les consommateurs canadiens ne seraient pas induits en erreur par un tel emploi, en ce qui regarde leurs caractéristiques, leur qualité, quantité ou composition, leur origine géographique ou leur mode de fabrication et de production des Produits de la Requérante [observations écrites de la Requérante, aux para 77 et 78].

[71] La Requérante soutient également qu’il incombe à l’Opposante d’établir une preuve prima facie que la Requérante n’avait pas le droit d’employer la Marque en raison de la violation d’une loi fédérale. Plus précisément, au paragraphe 76 de ses observations écrites, la Requérante cite le passage suivant de la décision Institut National des Appellations d’Origine c Pepperidge Farm Inc, 1997 CanLII 15732 (TMOB) :

[traduction]

Lorsque l’opposant affirme qu’un requérant n’aurait pas pu être convaincu qu’il avait le droit d’employer sa marque parce que son emploi constituait une violation d’une loi fédérale, il incombe à l’opposant d’établir une preuve prima facie d’une telle violation (E. Remy Martin & Co SA c Magnet Trading Corp [HK] Ltd (1988), 23 C.P.R. (3d) 242 (COMC) et Co-operative Union of Canada c Télé-Direct [Publications] Inc (1991), 38 C.P.R. (3d) 263 (COMC)). La base du test prima facie est le fardeau de preuve habituel qui incombe à un opposant à l’égard d’un motif fondé sur l’article 30 dans une procédure d’opposition, c’est-à-dire que l’opposant doit prouver les allégations de fait formulées à l’appui de son motif d’opposition (Canada Post Corporation v Comdata Services Ltd (1996), 69 CPR (3d) 398, à la p. 405 (COMC)).

[72] L’article 7d) de la Loi se lit comme suit :

7. Nul ne peut […]

d) employer, en liaison avec des produits ou services, une désignation qui est fausse sous un rapport essentiel et de nature à tromper le public en ce qui regarde :

(i) soit leurs caractéristiques, leur qualité, quantité ou composition,

(ii) soit leur origine géographique,

(iii) soit leur mode de fabrication, de production ou d’exécution.

[73] À mon avis, au mieux, il n’est pas clair si l’article 7d) de la Loi peut constituer le fondement d’un motif valable d’opposition en vertu de l’article 38(2)f) de la Loi. À première vue, l’article 7d) semble interdire l’emploi de certaines descriptions fausses ou trompeuses sur le marché; toutefois, pour que l’article 38(2)f) de la Loi s’applique, l’absence de droit d’emploi doit être absolue, partout au Canada et, de manière significative, à la date pertinente.

[74] Même si l’article 7d) de la Loi pouvait être compris comme interdisant certains emplois de la Marque, il n’interdit pas à première vue tous les emplois, compte tenu notamment des définitions larges d’« emploi » applicables en vertu de l’article 4 de la Loi.

[75] En ce qui a trait à l’article 52 de la Loi sur la concurrence, je note d’abord que l’Opposante s’est contentée de faire renvoi à cet article dans sa déclaration d’opposition, mais n’a introduit aucune disposition particulière dans sa preuve ou ses observations.

[76] Néanmoins, l’article 52(1) de la Loi sur la concurrence se lit comme suit :

52 (1) Nul ne peut, de quelque manière que ce soit, aux fins de promouvoir directement ou indirectement soit la fourniture ou l’utilisation d’un produit, soit des intérêts commerciaux quelconques, donner au public, sciemment ou sans se soucier des conséquences, des indications fausses ou trompeuses sur un point important.

[77] Bien que ce paragraphe particulier soit repris dans l’argument de l’Opposante, l’article 52 de la Loi sur la concurrence est en fait composé de 11 paragraphes, dont certains ont également d’autres paragraphes. Compte tenu de l’argument insuffisamment détaillé et du manque d’observations concernant ce motif, ce que l’Opposant entendait inclure dans l’argument est loin d’être clair.

[78] Quoi qu’il en soit, encore une fois, il n’est pas clair comment la Loi sur la concurrence peut constituer le fondement d’un motif en vertu de l’article 38(2)f) de la Loi. L’article 52 semble n’interdire que certaines indications fausses ou trompeuses et, à première vue, il ne s’agit pas d’une interdiction absolue d’employer une marque de commerce ou la Marque en question.

[79] À mon avis, il n’appartient pas au registraire d’interpréter, d’appliquer et/ou essentiellement de faire respecter d’autres lois de cette manière. Le concept d’emploi est fondamental dans le régime des marques de commerce du Canada, et les définitions d’« emploi » en vertu de l’article 4 de la Loi sont nécessairement larges et généreuses. Par conséquent, l’article 38(2)f) de la Loi ne devrait pas être appliqué à la légère, surtout dans les cas d’emploi projeté comme celui-ci.

[80] Ces commentaires généraux mis à part, même si je devais considérer ce motif comme valide et suffisamment plaidé, à l’instar des autres motifs d’opposition, je conclus que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial.

[81] À cet égard, pour s’acquitter de son fardeau de preuve en ce qui concerne l’invocation par l’Opposante de l’article 7d) de la Loi tel qu’il est allégué, l’Opposante doit au moins avoir démontré que le public canadien connaissait l’indication géographique alléguée HATCHO MISO et associé HATCHO MISO à un type spécifique de miso. En l’absence d’une telle preuve, l’Opposante ne s’acquitte pas nécessairement de son fardeau en vertu de ce motif dans la mesure où elle invoque l’article 7d) de la Loi.

[82] En ce qui concerne l’invocation par l’Opposante de l’article 52 de la Loi sur la concurrence, dans la mesure où cela dépend également des conclusions selon lesquelles HATCHO MISO était connu au Canada et que l’emploi de la Marque serait en quelque sorte une indication [traduction] « fausse et trompeuse » à cet égard, la preuve ne le fait pas. Par conséquent, l’Opposante ne s’acquitte pas de son fardeau initial en vertu de ce motif dans la mesure où elle invoque l’article 52 de la Loi sur la concurrence.

[83] En fin de compte, l’article 38(2)f) de la Loi n’est pas un motif spéculatif. En l’espèce, les dispositions invoquées ne constituent manifestement pas une interdiction prima facie d’emploi de la Marque ou de toute marque de commerce. Même si un tribunal compétent avait déterminé si l’emploi particulier de la Marque par la Requérante constituait une indication fausse ou trompeuse, ce serait la décision de ce tribunal qui indiquerait si la Requérante n’avait pas le droit d’employer la Marque à la date pertinente.

[84] Pour toutes les raisons énoncées ci-dessus, le motif d’opposition fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement n’est également pas accueilli.

Décision

[85] Compte tenu de tout ce qui précède, conformément à l’article 38(12) de la Loi et dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition.

 

_______________________________

Andrew Bene

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Hortense Ngo

 

Le français est conforme aux WCAG.


Comparutions et agents inscrits au dossier

DATE DE L’AUDIENCE : 2023-03-06

COMPARUTIONS

Pour l’Opposante : Aucune comparution

Pour la Requérante : Lorraine Pinsent

AGENTS AU DOSSIER

Pour l’Opposante : Smart & Biggar LP

Pour la Requérante : Lorraine Pinsent (MLT Aikins LLP)

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