Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2023 COMC 068

Date de la décision : 2023-04-14

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE D’UNE OPPOSITION

Opposante : Fila Luxembourg S.A.R.L.

Requérante : Fila Incorporation Limited

Demande : 1,871,269 pour FILA

Introduction

[1] Fila Incorporation Limited (la Requérante) a déposé la demande pour enregistrer la marque de commerce FILA (la Marque) pour emploi en liaison avec les produits suivants :

[traduction]

Bières aromatisées; boissons gazeuses non alcoolisées; boissons aux fruits et jus de fruits; sirops pour boissons.

[2] Fila Luxembourg SARL (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la Marque. La principale allégation de l’Opposante est que la Marque crée de la confusion avec les nombreuses marques de commerce de l’Opposante composées du mot FILA, une version stylisée de ce mot ou une lettre « F » stylisée. L’Opposante allègue que ses marques de commerce ont été enregistrées et employées au Canada en liaison avec de nombreux produits concernant principalement les vêtements, les vêtements de sport et les produits athlétiques. L’une des marques de commerce FILA stylisées de l’Opposante est également enregistrée pour l’emploi en liaison avec des [traduction] « boissons pour récupérer de l’énergie ».

[3] Pour les raisons qui suivent, la demande est rejetée.

Le dossier

[4] La demande pour la Marque a été déposée le 5 décembre 2017 et a été annoncée aux fins d’opposition le 8 mai 2019.

[5] Le 8 juillet 2019, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC (1985), ch T-13 (la Loi). Dans sa déclaration d’opposition, l’Opposante affirme qu’elle est la propriétaire de plusieurs marques de commerce indiquées à l’annexe A de ces raisons (les Marques de commerce de l’Opposante). L’Opposante allègue cinq motifs d’opposition particuliers, lesquels sont décrits ci-dessous.

[6] La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration le 20 septembre 2019, réfutant chacune des allégations dans la déclaration d’opposition.

[7] Afin d’appuyer son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de Dennis Koop, exécuté le 20 août 2021. M. Koop est le vice-président, Marchandisage et approvisionnement de produits pour Fila Canada, ULC (Fila Canada), le licencié canadien de l’Opposante [para 1]. Son affidavit décrit ce qui suit :

  • ·l’Opposante et son entreprise [para 1 à 3];

  • ·la marque de l’Opposante et ses droits de marques de commerce [para 4 à 17];

  • ·la vente, la promotion et la publicisation des produits de l’Opposante au Canada, toutes en liaison avec ses marques de commerce [para 18 à 26].

[8] L’Opposante a également produit l’affidavit de Jane Buckingham, exécuté le 19 août 2021. Mme Buckingham est une recherchiste principale de marques de commerce avec Gowling WLG (Canada) LLP, l’agent des marques de commerce de l’Opposante. Son affidavit fournit des imprimés de diverses pages Web et de divers documents des sites Web suivants :

  • ·www.cr.gov.hk et www.icris.cr.gov.hk [para 2 et 3 et Pièces A et B];

  • ·filabeverage.com, ainsi que des copies archivées de pages de ce site obtenues de archive.org, et un rapport « WHOIS » pour filabeverage.com obtenu de whois.domaintools.com [para 4 et Pièce C];

  • ·www.ipo.gov.uk [para 5 et Pièce D];

  • ·tmsearch.uspto.gov, tsdr.uspto.gov, ttabvue.usto.gov et assignments.uspto.gov [para 6 et Pièce E].

[9] L’affidavit de Mme Buckingham contient également une copie de ce qui est allégué comme étant une décision de l’Office de la propriété intellectuelle de la Corée, avec une traduction notariée [para 7 et Pièce F].

[10] Ni M. Koops ni Mme Buckingham n’ont été contre-interrogés et la Requérante a choisi de ne produire aucune preuve en appui de sa demande.

[11] Seule l’Opposante a produit des observations écrites et aucune audience n’a été tenue.

Motifs d’opposition, fardeau de preuve et fardeau ultime

[12] L’Opposante invoque les motifs d’opposition suivants dans cette affaire :

  • la Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi (le Motif de la non-enregistrabilité);

  • la Requérante n’a pas le droit d’enregistrer la Marque en vertu de l’article 16(3)a) de la Loi (le Motif de l’article 16(3)a));

  • la Requérante n’a pas le droit d’enregistrer la Marque en vertu de l’article 16(3)c) de la Loi (le Motif de l’article 16(3)c));

  • la Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi (le Motif de l’absence de distinctivité);

  • la demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30i) de la Loi (le Motif de l’article 30i)).

[13] De nombreuses modifications à la Loi sont entrées en vigueur le 17 juin 2019, après l’annonce de la demande, mais avant le début de l’opposition de l’Opposante. En vertu de l’article 70 de la Loi dans sa version modifiée, les motifs d’opposition seront évalués en fonction de la Loi dans sa version immédiatement antérieure au 17 juin 2019, avec certaines exceptions [indiquées à l’article 70(1)a) de la Loi dans sa version modifiée]. À moins d’indication contraire, les références aux articles de la Loi seront à la Loi dans sa version immédiatement antérieure au 17 juin 2019.

[14] Pour chaque motif d’opposition de l’Opposante, elle doit s’acquitter du fardeau de preuve initial de produire une preuve à partir de laquelle on pourrait raisonnablement conclure à la véracité des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition. Si l’Opposante s’acquitte de ce fardeau initial, alors la Requérante a le fardeau ultime de convaincre le registraire que, selon la prépondérance des probabilités, les motifs d’opposition ne devraient pas empêcher l’enregistrement de la Marque [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst)].

Le Motif de la non-enregistrabilité

[15] En vertu de l’article 38(2)b) de la Loi, l’Opposante allègue que la Marque n’est pas enregistrable compte tenu de l’article 12(1)d) de la Loi, puisque la Marque crée de la confusion avec les Marques de commerce de l’Opposante (indiquées à l’annexe A) au sens de l’article 6 de la Loi.

[16] À moins d’indication contraire, je concentrerai mon analyse sur l’enregistrement de marque de commerce no LMC359,974 de l’Opposante (l’Enregistrement 974). La marque de commerce qui est l’objet de cet enregistrement (la Marque de commerce 974) est reproduite ci-dessous, ainsi que les détails de la revendication de couleur comprise dans l’enregistrement et les produits en liaison avec lesquels elle est enregistrée :

Text

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[traduction]

Revendication de couleur : Rouge pour la partie supérieure du « F » et bleu pour tout le reste.

Produits : (1) Produits parfumés et cosmétiques pour homme, femme et enfant, nommément parfums, eaux de toilette, écran facial, pulvérisateur d’huile sèche, bâtonnet d’antisudorifique, pulvérisateur de désodorisant pour le rendement, shampooing quotidien, revitalisant quotidien, baume à lèvre protecteur, talc de refroidissement, gel de bain et de douche, suppléments nutritionnels de vitamines et de minéraux, boissons pour récupérer de l’énergie.

[17] L’Enregistrement 974 comprend les produits [traduction] « boissons pour récupérer de l’énergie » ce qui semble être semblable, voire pareille, aux produits visés par la demande. Par conséquent, j’estime que l’Enregistrement 974 présente le meilleur argument de l’Opposante.

[18] Puisque l’Enregistrement 974 de l’Opposante existe au registre, l’Opposante s’acquitte de son fardeau initial dans le cadre de ce motif. Par conséquent, la Requérante doit établir selon la prépondérance des probabilités que ce motif d’opposition ne devrait pas empêcher l’enregistrement de la Marque. Autrement dit, la Requérante doit établir que, selon la prépondérance des probabilités, la Marque ne crée pas de confusion avec la Marque de commerce 974, au sens de l’article 6 de la Loi. La date pertinente pour évaluer la confusion dans le cadre de ce motif est la date de cette décision [Simmons Ltd c A to Z Comfort Beddings Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

Test en matière de confusion

[19] L’emploi d’une marque de commerce créera de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits ou les services liés à ces marques de commerce émanent de la même source [voir l’article 6(2) de la Loi, dans sa version modifiée]. Le test en matière de confusion est une question de la première impression dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé à la vue de la marque de commerce du requérant, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce de l’opposant. Ce consommateur ordinaire pressé ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques de commerce [Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, au para 20].

[20] L’application du test en matière de confusion est un exercice où il faut trouver les faits et tirer des conclusions [Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27, au para 102]. Toutes les circonstances de l’espèce doivent être évaluées, y compris celles énumérées à l’article 6(5) de la Loi, nommément :

  • le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues;

  • la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage;

  • le genre de produits, services ou entreprises;

  • la nature du commerce;

  • le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.

[21] Cette liste n’est pas exhaustive; tous les facteurs pertinents doivent être pris en considération, bien que le poids qu’il convient de leur accorder n’est pas nécessairement le même [voir Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22, au para 54; Veuve Clicquot, précité, au para 21].

Degré de ressemblance

[22] Le degré de ressemblance entre les marques de commerce est susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion [Masterpiece, au para 49]. En l’espèce, la Marque est composée du mot FILA, lequel est identique au mot illustré dans la Marque de commerce 974. Les marques de commerce sont donc fortement semblables dans la présentation et sont identiques dans le son. J’estime également que les idées suggérées par les marques de commerce sont identiques, puisque les éléments nominaux des marques de commerce sont identiques et qu’il n’y a aucune preuve que les éléments figuratifs de la Marque de commerce 974 approfondissent l’idée suggérée par cette marque de commerce ou la modifient.

[23] Par conséquent, j’estime que le degré de ressemblance entre les marques de commerce est élevé et que ce facteur favorise fortement l’Opposante.

Caractère distinctif inhérent et mesure dans laquelle les marques sont devenues connues

[24] La Marque de commerce 974 et la Marque sont composées du mot FILA. Exerçant le pouvoir discrétionnaire du registraire de prendre connaissance d’office des définitions de dictionnaires [voir Tradall SA c Devil’s Martini Inc, 2011 COMC 65], je note que FILA est le pluriel du mot anglais ordinaire FILUM, que le dictionnaire en ligne dictionary.com définit comme [traduction] « une structure de fil » ou un [traduction] « filament ». Puisque cette signification ne semble pas être descriptive ou suggestive des produits de l’Enregistrement 974 ou des produits visés par la demande, les deux marques de commerce possèdent un certain degré de caractère distinctif en liaison avec leurs produits respectifs. Puisque la Marque de commerce 974 comprend des éléments figuratifs uniques supplémentaires, comme la présentation stylisée du mot FILA et les caractéristiques de couleurs, j’estime que l’Enregistrement 974 possède quelque peu un caractère distinctif inhérent plus élevé que celui de la Marque.

[25] En ce qui a trait à la mesure dans laquelle les marques de commerce sont devenues connues, je ne dispose d’aucune preuve que l’une ou l’autre marque de commerce soit devenue connue dans une quelconque mesure importante en liaison avec leurs produits respectifs. Bien que l’Enregistrement 974 contienne une déclaration que la marque de commerce était employée en date de juin 1989, je ne suis pas prêt à accepter cette déclaration à elle seule comme preuve d’emploi continu depuis cette date en liaison avec les produits de l’Enregistrement 974 [voir Tokai of Canada c Kingsford Products Company, LLC, 2018 CF 951]. Bien que l’affidavit de M. Koop présente une preuve de l’emploi et de la promotion par l’Opposante des Marques FILA de l’Opposante en général, l’affidavit demeure muet à l’égard de l’emploi en liaison avec les produits de l’Enregistrement 974.

[26] En ce qui a trait à la Marque, la demande est fondée sur l’emploi projeté et il n’y a aucune preuve que la Requérante a employé la Marque, ou en a fait la promotion, au Canada.

[27] Compte tenu du fait que l’Enregistrement 974 ait un caractère distinctif inhérent quelque peu plus élevé que celui de la Marque, j’estime que ce facteur favorise légèrement l’Opposante.

Période d’emploi

[28] En l’absence de preuve d’emploi continu de l’une ou l’autre marque de commerce en liaison avec les produits pertinents, ce facteur ne favorise aucune des parties.

Genre de produits et nature du commerce

[29] En ce qui a trait au genre des produits et à la nature du commerce, les produits visés par la demande doivent être comparés à l’état déclaratif des produits dans l’Enregistrement 974 [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); voir également Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 1987 CanLII 8953 (CAF), 19 CPR (3d) 3 (CAF)].

[30] En l’espèce l’Enregistrement 974 comprend des [traduction] « boissons pour récupérer de l’énergie ». La plupart des produits visés par la demande semblent être fortement semblables, puisqu’ils sont également des types de boissons (ou des ingrédients pour fabriquer des boissons). En l’absence de preuve quant au genre des produits de boissons des parties et à la nature de leur commerce ou aux limitations relatives aux voies de commercialisation dans les états déclaratifs des produits, il y a un potentiel que les produits fortement semblables des parties soient disponibles dans les mêmes voies de commercialisation.

[31] En ce qui a trait aux produits visés par la demande définis par [traduction] « bières aromatisées », le degré de ressemblance est potentiellement réduit. Compte tenu de la signification simple des produits des parties en l’absence de preuve quant à leur genre particulier, il est raisonnable de s’attendre que : a) les [traduction] « bières aromatisées » sont alcoolisées; et b) les [traduction] « boissons pour récupérer de l’énergie » sont non alcoolisées. En ce qui a trait à la nature du commerce, de nouveau, en l’absence de preuve du commerce de la Requérante, les [traduction] « bières aromatisées » de la Requérante pourraient potentiellement être disponibles dans les mêmes voies de commercialisation que les boissons de l’Opposante.

[32] Tout compte fait, puisque les produits des parties sont à tout le moins semblables (et, dans la plupart des cas, fortement semblables) et puisque les produits peuvent potentiellement passer par les mêmes voies de commercialisation, j’estime que ces facteurs favorisent l’Opposante.

Conclusion concernant la confusion

[33] Le test à appliquer est une question de première impression dans l’esprit d’un consommateur moyen plutôt pressé qui voit la marque de commerce FILA employée en liaison avec les produits visés par la demande, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir de la Marque de commerce 974 et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur [Veuve Clicquot, au para 20]. S’il est raisonnablement probable qu’un tel consommateur conclue que les produits visés par la demande proviennent de la même source que ceux de l’Enregistrement 974, alors la Marque créée de la confusion avec la Marque de commerce 974.

[34] De nouveau, c’est à la Requérante qu’il incombe d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque ne crée pas de confusion au sens de l’article 6 de la Loi. Compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, j’estime que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau à l’égard de l’Enregistrement 974. Compte tenu du degré élevé de ressemblance entre les marques de commerce, de la ressemblance (et dans la plupart des cas, de la forte ressemblance) des produits des parties et du potentiel que ces produits passent par les mêmes voies de commercialisation, j’estime qu’il raisonnablement probable, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque crée de la confusion avec la Marque de commerce 974.

[35] Par conséquent, ce motif d’opposition est accueilli.

Motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)a)

[36] En vertu de l’article 38(2)c) de la Loi, l’Opposante fait valoir que la Marque n’est pas enregistrable à la lumière de l’article 16(3)a) de la Loi puisque, à la date de dépôt de la demande, la Marque créait de la confusion avec les Marques de commerce de l’Opposante (indiquées à l’annexe A), toutes ayant été précédemment employées au Canada par l’Opposante ou ses prédécesseurs en titre en liaison avec les produits déclarés dans les enregistrements de l’Opposante et qui n’avaient pas été abandonnées à la date à laquelle la demande a été annoncée aux fins d’opposition.

Fardeau de preuve initial de l’Opposante

[37] Afin de s’acquitter de son fardeau initial à l’égard de ce motif d’opposition, l’Opposante doit démontrer que les Marques de commerce de l’Opposante avaient été employées ou révélées au Canada avant la date de dépôt de la demande (le 5 décembre 2017) et que ces marques de commerce n’avaient pas été abandonnées à la date d’annonce de la demande (le 8 mai 2019). Je concentrerai mon analyse sur la marque de commerce de l’Opposante reproduite ci-dessous [la Marque figurative FILA] puisque j’estime qu’elle présente le meilleur argument de l’Opposante.

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[38] L’emploi antérieur qui doit être établi est celui qui est défini à l’article 4 de la Loi. Dans le cas des produits, « l’emploi » d’une marque de commerce a lieu si, au moment du transfert de la propriété ou de la possession des produits, dans la pratique normale du commerce, la marque de commerce était apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est de toute autre manière liée aux produits, de façon à ce que l’avis de liaison soit donné.

[39] La preuve établit que l’Opposante offre plusieurs types de produits qui sont marqués par la Marque figurative FILA, y compris des vêtements de sport, des vêtements urbains inspirés par les sports, des casquettes de baseball, des chausseurs d’athlétisme, des sacs d’athlétisme et des bouteilles d’eau (les Produits de l’Opposante) [Affidavits Koop, para 18 et Pièce G]. La preuve établit également ce qui suit :

  • l’Opposante a vendu les Produits de l’Opposante, arborant la Marque figurative FILA, au Canada au cours des 30 dernières années [Affidavit Koop, para 20];

  • les ventes des Produits de l’Opposante se sont poursuivies à tout le moins au cours de la période de 2016 à 2019 [Affidavit Koop, para 22].

[40] Compte tenu de la preuve décrite ci-dessus, je suis convaincu que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau d’établir l’emploi de la Marque figurative FILA, en liaison avec les Produits de l’Opposante, avant la date de dépôt de la demande. De plus, puisque cet emploi était continu au cours de la période de 2016 à 2019, laquelle comprend la date d’annonce de la demande, je suis convaincu que la Marque figurative FILA n’avait pas été abandonnée à cette date.

Confusion quant à la date de dépôt de la demande

[41] Puisque l’Opposante s’est acquittée de son fardeau, c’est à la Requérante qu’incombe le fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque ne créait pas de confusion avec la Marque figurative FILA à la date de dépôt de la demande (le 5 décembre 2017). Autre que le changement dans la date pertinente pour évaluer la confusion, le test en matière de confusion dans le cadre de ce motif d’opposition est le même que celui à l’égard du Motif de l’article 12(1)d). Toutes les circonstances de l’espèce doivent être évaluées, y compris celles établies à l’article 6(5) de la Loi.

Degré de ressemblance

[42] Puisque la Marque figurative FILA est essentiellement identique à la Marque de commerce 974, le degré de ressemblance à l’égard de ce motif d’opposition est également élevé et favorise fortement l’Opposante.

Caractère distinctif, mesure dans laquelle les marques sont devenues connues et période pendant laquelle elles ont été en usage

[43] Contrairement au cas à l’égard du Motif de l’article 12(1)d), il y a une preuve d’emploi important de la Marque figurative FILA en liaison avec les Produits de l’Opposante. La preuve établit que, de 2015 à la date de l’affidavit de M. Koop, les Produits de l’Opposante étaient disponibles dans le marché canadien par l’entremise de plusieurs détaillants, y compris Costco, TJX/Winners, Footlocker Canada, Hudson’s Bay et Sport Check [Affidavit Koop, para 19]. Les ventes nettes totales au Canada étaient en moyenne de plus de 36 millions de dollars par année au cours de la période de 2016 à 2019 [Affidavit Koop, para 22].

[44] La preuve suggère également que, à la date de dépôt de la demande, la Marque figurative FILA était devenue connue au Canada de plusieurs autres façons, en plus de la vente des Produits de l’Opposante au Canada :

  • Pour la période de quatre ans débutant en 2016, Fila Canada a dépensé en moyenne 300 000 $ par année pour faire la promotion et la publicisation des Marques de commerce de l’Opposante (y compris la Marque figurative FILA) au Canada. Les activités promotionnelles comprenaient du marketing direct auprès des détaillants, des vêtements et des accessoires promotionnels et des promotions lors d’événements spéciaux [Affidavit Koop, para 23].

  • En 2016, Fila Canada a commandité le tournoi de tennis annuel de la Coupe Rogers et est venu le fournisseur officiel de vêtements pour Tennis Canada [Affidavit Koop, para 23].

  • À la date de dépôt de la demande, plusieurs athlètes avaient été commandités par l’Opposante [Affidavit Koop, para 10 et Pièce D, de la première page à la quatorzième page], bien qu’il n’y ait aucune indication de la mesure dans laquelle les athlètes commandités avaient fait la promotion des Marques de commerce de l’Opposante.

  • À la date de dépôt de la demande, l’Opposante avait collaboré avec les fabricants de la boisson gazeuse MOUNTAIN DEW pour créer une chaussure promotionnelle spéciale arborant les Marques de commerce de l’Opposante (y compris la Marque figurative FILA de l’Opposante) et les couleurs associées à MOUNTAIN DEW. Cette chaussure était disponible dans un emballage arborant les Marques de commerce de l’Opposante et celles de MOUNTAIN DEW [Affidavit Koop, para 12 et Pièce E, de la première à la cinquième pages]. Bien que M. Koop affirme que cette collaboration était fortement publicisée [para 12], l’étendue dans laquelle elle l’avait été n’a pas été quantifiée. Par exemple, aucun volume de vente des chaussures promotionnelles ou chiffres de distribution des publicités n’a été fourni.

  • Les marques de commerce de l’Opposante (y compris la Marque figurative FILA de l’Opposante) ont été mentionnées dans des publications comme le New York Times, le Wall Street Journal et Forbes Magazine [Affidavit Koop, para 5, Pièce B]. Au moins l’une de ces références a eu lieu avant la date de dépôt de la demande, dans le Wall Street Journal [Pièce B, de la première à la quatrième pages]. L’Opposante affirme, et je suis d’accord, que je suis en mesure de prendre connaissance d’office du fait que le Wall Street Journal profite d’une distribution généralisée au Canada [voir Motel 6 Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 1 CF 638].

  • Des vêtements comportant la Marque figurative FILA de l’Opposante ont été portés par des célébrités mondiales comme Beyoncé, Rihanna et Kendall Jenner [Affidavit Koop, para 6]. L’Opposante affirme, et je suis d’accord, que je suis en mesure de prendre connaissance d’office des noms célèbres dans la culture populaire. Cependant, il n’y a aucune indication quant à savoir si la Marque de commerce FILA de l’Opposante avait été portée des célébrités avant la date de dépôt de la demande ou de l’étendue dans laquelle une quelconque couverture médiatique avait publicisé ces célébrités portant la marque de commerce.

[45] Malgré ces lacunes soulignées dans la preuve, je suis convaincu que, à la date de dépôt de la demande, la Marque figurative FILA de l’Opposante était devenue connue dans le marché canadien à tout le moins dans une certaine mesure, compte tenu des ventes importantes des Produits de l’Opposant et des activités promotionnelles qui avaient eu lieu à ladite date.

[46] En ce qui a trait à la Marque, la demande a été déposée fondée sur l’emploi projeté au Canada et il n’y a aucune preuve que la Marque avait été employée, ou que sa promotion avait été faite, au Canada par la Requérante à la date de dépôt de la demande.

[47] Par conséquent, le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et l’étendue dans laquelle elles étaient devenues connues, ainsi que la période pendant laquelle les marques de commerce ont été employées, favorisent tous l’Opposante.

Genre de produits et nature du commerce

[48] Puisque l’Opposante invoque une marque de commerce non déposée à l’égard de ce motif, les produits visés par la demande doivent être comparés aux produits que l’Opposante vendait en fait, ainsi que les voies de commercialisation par lesquelles les produits transigeaient, à la date de dépôt de la demande [voir Hayabusa Fightwear Inc c Suzuki Motor Corporation, 2014 CF 784, aux para 46 et 47]. Comme il en a été question ci-dessus à l’égard du fardeau de preuve initial de l’Opposante, l’Opposante a établi l’emploi de la Marque figurative FILA de l’Opposante en liaison avec les Produits de l’Opposante à la date de dépôt de la demande. Par conséquent, ce sont ces produits qui seront comparés aux produits visés par la demande. Puisque l’Opposante n’a pas démontré l’emploi d’une quelconque marque de commerce en liaison avec les [traduction] « boissons pour récupérer de l’énergie » ou d’autres produits de l’Enregistrement 974, ces produits ne feront pas l’objet de considérations à l’égard du Motif de l’article 16(3)a).

[49] Bien que les Produits de l’Opposante ne soient pas aussi semblables aux produits visés par la demande que les produits de l’Enregistrement 974, les Produits de l’Opposante sont tout de même associés aux produits visés par la demande de quelques façons. Les Produits de l’Opposante comprennent des bouteilles d’eau, lesquelles peuvent être employées par les consommateurs conjointement avec les produits de boissons dans la demande. Le fait que les produits peuvent être employés ensemble tend à accroître la probabilité de confusion [Schwan’s IP, LLC c Sobeys West Inc, 2017 CF 38, aux para 22 et 75].

[50] De plus, la preuve démontre une relation entre les produits par la collaboration de l’Opposante avec les entreprises de boissons. À la date de dépôt de la demande, la collaboration de l’Opposante avec MOUNTAIN DEW avait eu lieu. J’estime que cela donne lieu à une possibilité raisonnable que les consommateurs concluent que les chaussures des Produits de l’Opposante et les boissons des produits visés par la demande, lorsque vendus en liaison avec des marques de commerce fortement semblables, sont associés à la même source.

[51] En ce qui concerne la nature du commerce, de nouveau, en l’absence de preuve, j’estime que les produits des parties étaient potentiellement disponibles dans des voies de commercialisation qui se chevauchent, particulièrement dans le cas des Produits de l’Opposante qui étaient produits en collaboration avec un fabricant de boissons.

[52] Compte tenu des liens potentiels entre les produits des parties et du chevauchement potentiel dans les voies de commercialisation, j’estime que ces facteurs favorisent l’Opposante, bien que ce soit à un degré plus faible que celui à l’égard du Motif de l’article 12(1)d).

Conclusion concernant la confusion

[53] En appliquant le même test en matière de confusion que celui dans le Motif de l’article 12(1)d), j’estime que la Requérante n’est pas arrivée à démontrer que la Marque ne créait pas confusion avec la Marque figurative FILA de l’Opposante à la date de dépôt de la demande. Puisque, à la date de dépôt de la demande, le degré de ressemblance entre les marques de commerce était élevé, la Marque figurative FILA de l’Opposante était connue aux consommateurs canadiens à tout le moins dans une certaine mesure, les produits des parties étaient à tout le moins quelque peu associés et les commerces des parties se chevauchaient potentiellement, j’estime qu’il est quelque peu plus probable que la Marque crée de la confusion, plutôt que de ne pas en créer, avec la Marque figurative FILA de l’Opposante, au sens de l’article 6 de la Loi.

[54] Par conséquent, ce motif d’opposition est accueilli.

Autres motifs d’opposition

[55] Puisque deux motifs d’opposition de l’Opposante ont déjà été accueillis, il n’est pas nécessaire d’aborder les autres motifs d’opposition.

Décision

[56] Pour les raisons qui précèdent, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la demande selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi dans sa version modifiée.

 

 

_______________________________

Jaimie Bordman

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

William Desroches

Le français est conforme aux WCAG.


Annexe A – Marques de commerce invoquées par l’Opposante






Comparutions et agents inscrits au dossier

DATE DE L’AUDIENCE : Aucune audience tenue

AGENTS AU DOSSIER

Pour l’Opposante : Gowling WLG (Canada) LLP

Pour la Requérante : Neomark Ltd.

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