Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2023 COMC 005

Date de la décision : 2020-12-23

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE D’UNE PROCÉDURE EN VERTU DE L’ARTICLE 45

Partie requérante : DJB

Propriétaire inscrite : The Little Brown Box Pizza, LLC

Enregistrement : LMC929,431 pour PIEOLOGY

Introduction

[1] La présente décision concerne une procédure de radiation sommaire engagée en application de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T‑13 (la Loi) à l’égard de l’enregistrement no LMC929,431 pour la marque de commerce PIEOLOGY (la Marque).

[2] La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec les services suivants :

[traduction]

(1) Pizzérias; services de restaurant; services de restaurant offrant des pizzas, des salades, des plats d’accompagnement et des desserts; services de restaurant, y compris services de restaurant avec salle à manger et services de comptoir de plats à emporter; services de restaurant, nommément offre d’aliments et de boissons pour la consommation sur place ou pour emporter.

(2) Services de restaurant; services de restaurant, nommément offre d’aliments et de boissons pour la consommation sur place ou pour emporter.

[3] Pour les raisons qui suivent, je conclus que l’enregistrement doit être radié.

La procédure

[4] Le 28 juillet 2020, à la demande de DJB (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi à The Little Brown Box Pizza, LLC (la Propriétaire), la propriétaire inscrite de la Marque.

[5] L’avis enjoignait à la Propriétaire d’indiquer, à l’égard de chacun des services spécifiés dans l’enregistrement, si la Marque a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois années précédant la date de l’avis et, dans la négative, de préciser la date à laquelle la Marque a ainsi été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour démontrer l’emploi est du 28 juillet 2017 au 28 juillet 2020.

[6] La définition pertinente d’« emploi » en l’espèce est énoncée à l’article 4 de la Loi comme suit :

4(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

[7] Lorsque le propriétaire n’établit pas l’« emploi », l’enregistrement est susceptible d’être radié ou modifié, à moins que le défaut d’emploi ne soit en raison de circonstances spéciales.

[8] En réponse à l’avis du registraire, la Propriétaire a produit l’affidavit de Gregg Imamoto, souscrit le 27 avril 2018 en Californie, auquel étaient jointes les Pièces A à J.

[9] Les deux parties ont produit des observations écrites et étaient représentées à l’audience.

La preuve

[10] M. Imamoto s’identifie comme le président-directeur général de la Propriétaire. Il affirme que la Propriétaire est une entreprise californienne fondée en 2011 qui exploite une chaîne internationale de plus de 140 pizzérias dans le monde. Il affirme également que les restaurants de la Propriétaire servent des pizzas personnalisées, ainsi que des salades, des plats d’accompagnement et des desserts dans des environnements de repas sur place et par l’entremise des services de plats à emporter [para 2].

[11] M. Imamoto affirme que la Propriétaire a annoncé de façon exhaustive ses services en liaison avec la Marque au Canada pendant la période pertinente. À cet égard, il affirme que la Propriétaire possède son propre site Web, à l’adresse pieology.com, et des comptes de médias sociaux, à savoir Twitter, Facebook, Instagram et DoorDash. M. Imamoto atteste que les Canadiens pouvaient accéder au site Web et aux comptes de médias sociaux de la Propriétaire pendant la période pertinente [para 4 à 9].

[12] M. Imamoto affirme également que la Propriétaire poursuit activement l’expansion de son entreprise au Canada depuis plus de cinq ans. Plus particulièrement, il atteste que la Propriétaire a recherché des franchisés éventuels, et s’est annoncée auprès de ceux-ci, au Canada pendant la période pertinente [para 10 à 12].

[13] Selon M. Imamoto, depuis le début de mars 2020 et jusqu’à la fin de la période pertinente, la Propriétaire a eu de la difficulté à attirer des franchisés canadiens qualifiés en raison de la pandémie mondiale de COVID-19 et des restrictions connexes. Néanmoins, la Propriétaire a poursuivi ses efforts pour saisir les possibilités d’offrir ses services au Canada. À cet égard, il affirme que, le 27 juillet 2020, la Propriétaire a reçu une demande d’un franchisé éventuel situé en Alberta, et que plus tard, le 18 février 2021, il a reçu une autre demande d’un franchisé éventuel situé en Ontario. M. Imamoto atteste que les négociations relatives à la première demande ont en fin de compte été interrompues après le décès du partenaire d’investissement du franchisé éventuel. En ce qui concerne les négociations relatives à la deuxième demande, il affirme qu’elles ont été suspendues en raison des problèmes familiaux de ce franchisé éventuel. Enfin, M. Imamoto affirme que la Propriétaire continue de chercher des franchisés canadiens et a une intention sérieuse d’employer la Marque au Canada [para 13 à 16].

[14] À l’appui, les pièces suivantes sont jointes à l’affidavit de M. Imamoto :

  • La Pièce A comprend trois pages de captures d’écran tirées du site Web pieology.com de la Propriétaire. M. Imamoto affirme que les captures d’écran sont représentatives de l’apparence du site Web de la Propriétaire pendant la période pertinente. La Marque apparaît sous une forme figurative au haut des captures d’écran. Les captures d’écran présentent trois des cinq onglets, à savoir « Home », « Menu » et « Pie Life Rewards » (les Récompenses). Les autres onglets, à savoir « Locations » et « Our Story », ne sont pas compris dans l’affidavit de M. Imamoto. Sur la capture d’écran des Récompenses, bien que légèrement floue, je lis qu’en commandant une pizza avec l’application des Récompenses, les clients de la Propriétaire peuvent gagner des points avec chaque achat en vue d’obtenir d’une pizza gratuite.

  • Les Pièces B, C, D et E comprennent plusieurs captures d’écran tirées des comptes Twitter, Facebook, Instagram et DoorDash de la Propriétaire. M. Imamoto affirme que les captures d’écran sont représentatives de l’apparence de ces comptes pendant la période pertinente. La Marque figure au haut des captures d’écran. Je note qu’il n’y a aucun renvoi à un restaurant au Canada ou à des livraisons au Canada dans les captures d’écran.

  • La Pièce F comprend un article de deux pages du Foodservice and Hospitality Magazine (l’Article de presse), daté du 3 février 2016, avant la période pertinente. L’article est intitulé « Pieology is Bringing Its Artisanal Pizza to Canada ». À la page 2, l’article cite le fondateur de la Propriétaire, qui explique que la Propriétaire prévoyait [traduction] « tenir des discussions » au cours du premier trimestre de 2016 et ouvrir un ou plusieurs emplacements [traduction] « d’ici le troisième trimestre de 2016 ».

  • La Pièce G comprend un article de 14 pages de blogTO daté du 20 décembre 2015, avant la période pertinente, et intitulé « 20 Restaurants We Want to See Come to Toronto in 2016 ». « Pieology » figure en quatrième position de la [traduction] « liste de souhaits » de restaurants de l’auteure pour 2016.

  • La Pièce H comprend une brochure de 31 pages de la Propriétaire. Au paragraphe 12 de son affidavit, M. Imamoto affirme que cette brochure [traduction] « a été fournie aux franchisés éventuels au Canada et ailleurs pendant la période pertinente » [non souligné dans l’original]. La Marque figure sur la plupart des pages. Je note que le Canada ne figure pas parmi les pays énumérés dans la section « International Target/In-Progress Growth ». Deux autres sections, soit « Operational Support » et « Tech », figurent aux pages 87 et 88 de la brochure. Dans la section « Operational Support », le premier élément est « Leadership Training ». Je note que la section « Tech » énumère des acronymes, à savoir « APP », « CRM » et « UNOAPP », qui ne sont pas expliqués par M. Imamoto.

  • Les Pièces I et J comprennent deux copies de demandes de franchisage datées du 27 juillet 2020 et du 18 février 2021, respectivement. Bien que la Marque ne figure pas sur les demandes, M. Imamoto déclare qu’elles correspondent aux demandes présentées pour l’ouverture d’un restaurant sous la Marque au Canada. Je note que l’objet des courriels est « Franchise Application » et que les deux courriels indiquent que les demandeurs ont des adresses au Canada.

Analyse et motifs de la décision

Remarques préliminaires : contexte de la présente procédure

[15] Dans ses observations, la Propriétaire note que la Partie requérante est l’agent au dossier d’une demande en instance pour la marque de commerce PIEOLOGY, laquelle est fondée sur son emploi en liaison avec des restaurants. Toutefois, l’article 45 de la Loi vise fondamentalement à éliminer le « bois mort » du registre, et non à trancher des questions litigieuses entre des intérêts commerciaux opposés [voir Philip Morris Inc c Imperial Tobacco Ltd (1987), 13 CPR (3d) 289 (CF 1re inst); et Saks & Co c Canada (Registraire des Marques de commerce) (1989), 24 CPR (3d) 49 (CF 1re inst), au para 44]. Par conséquent, les observations concernant une demande d’enregistrement d’une marque de commerce distincte et tout différend subséquent ne seront pas pris en compte.

Emploi de la Marque pendant la période pertinente

[16] Je note d’abord que les déclarations de M. Imamoto et les observations de la Propriétaire indiquent que la Marque a été annoncée au Canada pendant la période pertinente.

Captures d’écran du site Web et comptes de médias sociaux

[17] M. Imamoto affirme que les Canadiens [traduction] « pouvaient accéder » au site Web et aux comptes de médias sociaux de la Propriétaire pendant la période pertinente. Toutefois, il n’affirme pas que ces sites Web et comptes ont été effectivement consultés par des Canadiens pendant la période pertinente. À cet égard, il a été jugé que les documents arborant la marque de commerce doivent être « distribu[és] à » ou accédés par les clients éventuels afin de constituer une annonce [Cornerstone Securities Canada Inc c Canada (Registraire des marques de commerce) (1994), 58 CPR (3d) 417 (CF 1re inst)]. Bien que les pages Web et les comptes de médias sociaux soient différents des annonces imprimées, en ce sens qu’ils ne peuvent pas être distribués de manière tangible de la même façon, ils doivent quand même être « distribu[és] à » des clients éventuels ou accédés par ces derniers pour constituer une annonce [voir, par exemple, Shift Law c Jefferies Group, Inc, 2014 COMC 277, au para 20; Ridout & Maybee LLP c Residential Income Fund LP, 2015 COMC 185, aux para 47 et 48]. En l’espèce, M. Imamoto n’a fait aucune déclaration au sujet de l’accès réel des consommateurs canadiens au site Web et aux comptes de médias sociaux de la Propriétaire. De plus, il n’y a aucune preuve me permettant de conclure raisonnablement que les consommateurs canadiens y ont accédé pendant la période pertinente.

[18] Même si j’acceptais que les Canadiens ont effectivement eu accès au site Web et aux comptes de médias sociaux de la Propriétaire pendant la période pertinente, je ne serais pas convaincue que la Propriétaire offrait et était prêt à offrir ses services au Canada pendant la période pertinente. À cet égard, il est bien établi que la présentation de la marque de commerce dans l’annonce des services est suffisante pour satisfaire aux exigences de l’article 4(2) de la Loi, du moment que le propriétaire de la marque de commerce est disposé à exécuter les services au Canada et en mesure de le faire [Wenward (Canada) Ltd c Dynaturf Co (1976), 28 CPR (2d) 20 (COMC)]. En l’espèce, même si les Canadiens pouvaient obtenir des renseignements sur les services de restaurant de la Propriétaire à l’extérieur du Canada sur son site Web et ses comptes de médias sociaux, M. Imamoto n’a pas indiqué que la Propriétaire offrait ou était prêt à offrir les services annoncés dans ces documents au Canada pendant la période pertinente. Par conséquent, compte tenu de la nature des services visés par l’enregistrement, je conclus que la possibilité d’obtenir des renseignements sur les services sur le site Web et les comptes de médias sociaux de la Propriétaire est insuffisante en soi.

[19] Comme il a été noté ci-dessus, l’Article de presse et l’article de blogTO sont tous deux datés hors de la période pertinente; de plus, même si j’acceptais qu’il s’agît d’une annonce des services de la Propriétaire, rien ne suggère que la Propriétaire offrait ou était prête à exécuter les services au Canada pendant la période pertinente. Quoi qu’il en soit, l’Article de presse fournit des renseignements sur le calendrier éventuel de la Propriétaire pour l’ouverture d’au moins un emplacement au Canada.

La brochure à l’intention des franchisés éventuels au Canada

[20] S’appuyant sur Markus Cohen Law Office c Cheesecake Factory Inc. (2003), 29 CPR (4th) 277 [Cheesecake Factory], et Restaurants la Pizzaiolle Inc c Pizzaiolo Restaurants Inc, 2013 COMC 118 [Pizzaiolo], la Propriétaire soutient que les [traduction] « services de restaurant » devraient être interprétés largement et qu’une preuve de l’annonce de services accessoires aux [traduction] « services de restaurant » peut suffire à établir l’emploi de la Marque en liaison avec les services visés par l’enregistrement. Plus particulièrement, la Propriétaire soutient que les [traduction] « services de franchisage » sont accessoires aux [traduction] « services de restaurant ». À cet égard, elle allègue que la brochure fournie aux franchisés éventuels constitue une preuve de l’annonce des services visés par l’enregistrement au Canada pendant la période pertinente.

[21] Comme l’a fait remarquer à juste titre la Propriétaire, le mot « services » n’est pas défini dans la Loi et il a été jugé que les services devraient recevoir une interprétation large et libérale, et comprendre les services qui peuvent être considérés comme « accessoires » [Kraft Ltd c Registraire des marques de commerce (1984), 1 CPR (3d) 457 (CF 1re inst)] (Kraft)]. Toutefois, chaque affaire doit être analysée en fonction de ses propres faits et la preuve doit démontrer que des personnes au Canada ont bénéficié de ces services pendant la période pertinente [Hilton Worldwide Holding LLP c Miller Thomson, 2018 CF 895, conf. par 2020 CAF 134], c’est-à-dire qu’il doit y avoir une preuve démontrant qu’un avantage concret et important a été tiré au Canada des services accessoires sur lesquels s’appuie la Propriétaire [Live! Holdings, LLC c Oyen Wiggs Green & Mutala LLP, 2019 CF 1042, conf. par 2020 CAF 120].

[22] En l’espèce, les [traduction] « services de franchisage » ne figurent pas dans l’enregistrement et M. Imamoto n’affirme pas explicitement que la Propriétaire offre des services de franchisage au Canada. M. Imamoto n’explique pas non plus en quoi l’annonce faite dans la brochure pourrait équivaloir à une annonce des services de restaurant ou à une annonce de services accessoires aux services de restaurant.

[23] À l’audience, l’avocat de la Propriétaire a soutenu que plusieurs étapes antérieures à l’offre de nourriture, comme la formation de franchisés, doivent être réalisées par un franchiseur. À cet égard, il a soutenu que la brochure donne des exemples de services de franchisage et a renvoyé aux sections « Operational Support » et « Tech », alléguant que ce soutien est fourni aux franchisés et constitue une preuve suffisante. De plus, il a soutenu que le fait que la Propriétaire exploite plus de 140 restaurants dans le monde démontre que la Propriétaire était en mesure d’offrir des services de franchisage au Canada et qu’elle était disposée à le faire.

[24] En ce qui concerne l’affaire Pizzaiolo citée par la Propriétaire, bien que je reconnaisse que, dans Pizzaiolo, le registraire a qualifié les [traduction] « services de franchisage » visés par la demande de la requérante de [traduction] « complémentaire[s] aux services de restaurant de la Requérante » dans le contexte de cette affaire, je ne suis pas d’accord avec la Propriétaire que cela équivaut à une décision générale selon laquelle les services de franchisage seront accessoires à des services de restaurant aux fins de l’application des articles 4(2) et 45 de la Loi. À cet égard, je note que l’extrait en question de Pizzaiolo concernait la question de savoir s’il y avait chevauchement entre les services ou les entreprises des parties en vertu de l’article 6(5)c) de la Loi, ce qui est une question différente de la question de savoir si une marque de commerce a été employée en liaison avec un service en vertu de l’article 4(2) de la Loi. De plus, dans l’affaire Pizzaiolo, les [traduction] « services de franchisage » étaient spécifiés dans l’état déclaratif des services figurant dans la demande en cause de façon distincte des [traduction] « services de restaurant » et la requérante avait fourni une preuve du lien entre ces services, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Cependant, le registraire a conclu, dans le contexte d’une affaire en vertu de l’article 45, que l’annonce et la fourniture de renseignements au sujet de [traduction] « services d’application de franchisés » ne constituent pas un emploi d’une marque de commerce en liaison avec des [traduction] « services de restauration » au sens de l’article 4(2) [voir 2277279 Ontario Inc c Checkers Drive-In Restaurants Inc, 2020 COMC 19, aux para 10, et 19 à 22].

[25] En l’espèce, je ne suis pas disposée à conclure que l’annonce de la Marque en liaison avec des [traduction] « services de franchisage » équivaut à l’annonce de services de restaurant ou à l’annonce de services accessoires à des services de restaurant [voir Checkers Drive-In Restaurants, précité]. À cet égard, je suis d’accord avec la Partie requérante qu’une interprétation du terme [traduction] « services de restaurant » fondée sur le sens commun comprendrait, au minimum, l’offre de nourriture et de boissons, plutôt que des étapes préalables à l’ouverture d’un emplacement où ces articles seront offerts [voir Pain & Ceballos LLP c Crab Addison, Inc., 2017 COMC 158, au para 41].

[26] Enfin, dans l’affaire Cheesecake Factory, invoquée par la Propriétaire, le registraire a conclu que les étapes précédant l’offre de nourriture, comme la collaboration avec un courtier pour explorer les sites possibles d’un restaurant au Canada, ne constituent pas un service, qu’il soit accessoire ou non. De plus, je note que, bien que la preuve dans cette affaire comprenne la livraison de gâteaux à des restaurants au Canada, ces livraisons ont été jugées insuffisantes pour maintenir un enregistrement en liaison avec des [traduction] « services de restaurant » [aux para 19 et 20].

[27] Pour toutes les raisons susmentionnées, je ne suis pas convaincue que la Propriétaire a démontré l’emploi de la Marque en liaison avec les services visés par l’enregistrement au sens des articles 4(2) et 45 de la Loi.

Circonstances spéciales

[28] Étant donné que la Propriétaire n’a pas démontré l’emploi de la Marque au Canada pendant la période pertinente, la règle générale prévoit que le défaut d’emploi sera pénalisé par la radiation, mais il peut exister une exception lorsque le défaut d’emploi est attribuable à des circonstances spéciales [Smart & Biggar c Scott Paper Ltd, 2008 CAF 129 (Scott Paper)]. Pour déterminer si l’existence de circonstances spéciales a été établie, je dois d’abord déterminer pourquoi, en fait, la Marque n’a pas été employée pendant la période pertinente. Ensuite, si je détermine que les raisons de l’absence d’emploi constituent des circonstances spéciales, je dois toujours déterminer si ces circonstances spéciales justifient l’absence d’emploi. Cette détermination repose sur l’examen de trois critères : (i) la durée de la période pendant laquelle la marque de commerce n’a pas été employée; (ii) la question de savoir si les raisons du défaut d’emploi étaient indépendantes de la volonté du propriétaire inscrit; et (iii) s’il existe une véritable intention de reprendre l’emploi de la marque à court terme [selon Registraire des marques de commerce c Harris Knitting Mills Ltd (1985), 4 CPR (3d) 488 (CAF)].

[29] En l’espèce, la Propriétaire soutient que des circonstances spéciales cumulatives justifient l’absence d’emploi. Ces circonstances peuvent être réparties en trois catégories.

[30] Premièrement, la Propriétaire soutient que l’établissement d’une franchise de restaurant est une entreprise importante au Canada. À l’audience, la Partie requérante s’est opposée à cet argument au motif qu’il introduisait de nouveaux faits. Je suis d’accord. Les observations écrites et orales de la Propriétaire comprennent des observations concernant le [traduction] « processus intrinsèquement difficile » de sélection des franchisés et la complexité des lois applicables connexes, dont aucune n’a été produite en preuve [observations écrites de la Propriétaire, aux para 30a à 30f]. Par conséquent, ces observations seront écartées [voir Ridout & Maybee LLP c Encore Marketing International Inc (2009), 72 CPR (4th) 204 (COMC) pour le principe général selon lequel les faits qui ne sont pas en preuve doivent être écartés].

[31] Deuxièmement, la Propriétaire soutient que le registraire a reconnu le décès d’un partenaire comme constituant une circonstance spéciale. Toutefois, chaque affaire doit être appréciée en fonction des faits qui lui sont propres. En l’espèce, M. Imamoto affirme que, même si les négociations avec le premier franchisé éventuel au Canada [traduction] « étaient prometteuses », elles [traduction] « ont en fin de compte été interrompues après le décès de son partenaire d’investissement » [affidavit de M. Imamoto, au para 14, non souligné dans l’original]. Étant donné que la présente demande a été produite la veille de la fin de la période pertinente et que les déclarations de M. Imamoto laissent entendre que les négociations ont progressé avec le temps, je conclus que le décès du partenaire du franchisé éventuel s’est produit après la fin de la période pertinente. Par conséquent, ce facteur n’explique pas pourquoi la Propriétaire n’a pas employé la Marque pendant la période pertinente.

[32] Troisièmement, la Propriétaire soutient qu’en raison de la pandémie, la période pertinente a été raccourcie et qu’elle n’a pas pu profiter des trois années complètes au cours desquelles elle devait démontrer l’emploi de la Marque en liaison avec les services visés par l’enregistrement.

[33] M. Imamoto affirme qu’en raison de la pandémie, la Propriétaire [traduction] « a eu de la difficulté à attirer des franchisés canadiens qualifiés » pour offrir ses services de restaurant [affidavit de M. Imamoto, au para 13]. À cet égard, je note que M. Imamoto ne fournit aucun détail supplémentaire sur la façon dont la pandémie pourrait avoir touché la capacité de la Propriétaire à attirer des franchisés canadiens, qu’ils soient qualifiés ou non. De plus, même si je suis d’accord que la pandémie a sans aucun doute entraîné des perturbations dans l’entreprise de la Propriétaire, la pandémie ne s’applique qu’à quelques mois à la fin de la période pertinente, soit de mars à juillet 2020. Par conséquent, la pandémie ne peut pas être la raison pour laquelle la Propriétaire n’a pas employé la Marque pendant la majeure partie de la période pertinente. S’il y avait des raisons précises pour lesquelles la Propriétaire n’avait pas pu offrir ses services au Canada avant mars 2020, ces raisons ne sont pas énoncées dans la preuve de la Propriétaire. Par conséquent, je ne suis pas convaincue que la pandémie a été la raison de l’absence d’emploi de la Marque au Canada.

[34] Même si j’acceptais que l’absence d’emploi découlait de la pandémie, je ne suis pas convaincue que ces circonstances justifient l’absence d’emploi.

[35] Étant donné que la Propriétaire n’a pas indiqué la date de dernier emploi de la Marque, je peux considérer la date d’enregistrement comme la date pertinente aux fins de l’évaluation de la durée du défaut d’emploi [voir, par exemple, Oyen Wiggs Green & Mutala LLP c Rath, 2010 COMC 34 (Oyen Wiggs)]. En l’espèce, la Marque a été enregistrée le 19 février 2016, soit plus d’un an et cinq mois avant l’émission de l’avis. Par conséquent, la durée totale de la période pendant laquelle la Marque n’a pas été employée est de quatre ans et cinq mois.

[36] En ce qui a trait au deuxième critère, qui est essentiel pour conclure à la l’existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi [selon Scott Paper], il a été jugé que des circonstances indépendantes de la volonté du propriétaire inscrit pendant une partie de la période pertinente ne sont pas suffisantes [selon Oyen Wiggs]. De plus, comme il a été noté ci-dessus, la pandémie n’explique pas l’absence d’emploi de la Marque entre la date d’enregistrement et mars 2020. À cet égard, je note que dans l’Article de presse daté du début de 2016, le fondateur de la Propriétaire a estimé le calendrier d’ouverture d’un restaurant au Canada à un an, y compris les négociations avec tout franchisé éventuel [Pièce F, à la p. 2]. Par conséquent, la preuve est silencieuse quant aux raisons pour lesquelles aucune demande n’a pas été présentée et examinée par la Propriétaire au cours des quatre années précédant le début des restrictions liées à la pandémie. En l’absence de raisons expliquant l’absence d’emploi pendant environ quatre ans, je ne peux pas déterminer si ce délai était indépendant de la volonté de la Propriétaire. Par conséquent, je ne suis pas convaincue que la Propriétaire a démontré l’existence de circonstances indépendantes de sa volonté.

[37] Enfin, M. Imamoto affirme que la Propriétaire continue de chercher des franchisés canadiens et a une intention sérieuse d’employer la Marque au Canada. Toutefois, il a été jugé que la simple intention de reprendre l’emploi n’est pas suffisante et doit être étayée par des éléments factuels, comme une date précise de reprise [voir Lander Co Canada Ltd c Alex E Macrae & Co (1993), 46 CPR (3d) 417 (CF 1re inst), au para 15; NTD Apparel Inc c Ryan, 2003 CFPI 780, 27 CPR (4th) 73 (CF 1re inst); et Arrowhead Spring Water Ltd c Arrowhead Water Corp (1993), 47 CPR (3d) 217 (CF 1re inst)]. En l’espèce, la Propriétaire n’indique aucun délai qu’elle aurait imparti pour commencer à employer la Marque au Canada. De plus, bien que la Propriétaire renvoie à deux négociations de franchise, pendant et après la période pertinente, les deux ont échoué. Il a été jugé que les négociations ou les discussions avec des franchisés éventuels, sans plus, sont insuffisantes pour démontrer une intention sérieuse de reprendre l’emploi [voir Canada Goose Inc c James, 2016 COMC 145, au para 47; et 2571011 Ontario Limited c Fig (Holding) SAL, 2020 COMC 143, au para 24]. Par conséquent, je ne suis pas non plus convaincue que la Propriétaire a fourni une preuve suffisante pour étayer une intention sérieuse de reprendre sous peu l’emploi de la Marque.

[38] Pour toutes les raisons susmentionnées, je ne suis pas non plus convaincue que la Propriétaire a démontré l’existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi de la Marque au sens de l’article 45(3) de la Loi.

Décision

[39] Par conséquent, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, et conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi, l’enregistrement sera radié.

_______________________________

Maria Ledezma

Agente d’audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Anne Laberge, trad. a.

 

Le français est conforme aux WCAG.


Comparutions et agents inscrits au dossier

DATE DE L’AUDIENCE : 2022-12-02

COMPARUTIONS

Pour la Partie requérante : Jean-Faustin Badimboli

Pour la Propriétaire inscrite : Reed Taubner

AGENTS AU DOSSIER

Pour la Partie requérante : DJB

Pour la Propriétaire inscrite : Gowling WLG (Canada) LLP

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