Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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CIPO

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2020 COMC 116

Date de la décision : 2020-10-17

 

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DES OPPOSITIONS

 

 

Fresh, Inc.

Opposante

et

 

Coty Brands Management Inc.

Requérante

 

 

 



 

1,728,573 pour fresh cream & Prose Design

 

1,727,969 pour fresh cream & Prose Design

 

 

Demandes

Demande no 1,727,969 – fresh cream & Prose Design – Aperçu

[1]  philosophy, inc. a produit une demande pour faire enregistrer la marque de commerce fresh cream & Prose Design reproduite ci-dessous (la Marque) pour emploi en liaison avec les produits de soins capillaires, de bain et de soins de la peau (les Produits). philosophy, inc. a cédé la demande à Coty Brands Management Inc. (les deux entités sont appelées la Requérante). La demande d’enregistrement de la Marque est basée sur son emploi par la Requérante au Canada depuis au moins aussitôt que 2009.

 

 

fresh cream & Prose Design

[2]  Fresh, Inc. (l’Opposante ou « Fresh ») a produit une déclaration d’opposition alléguant que la Marque crée de la confusion avec ses marques de commerce FRESH pour emploi en liaison avec ses produits de soins de la peau, ses cosmétiques et autres produits similaires. Les ventes canadiennes de produits vendus par l’Opposante en liaison avec les marques de commerce Fresh de l’Opposante ont totalisé plus de 60 millions de dollars entre 2004 et 2016.

[3]  Pour les raisons exposées ci-dessous, l’opposition à la demande est accueillie.

Contexte

[4]  Le 13 mai 2015, la Requérante a produit une demande d’enregistrement de la Marque fondée sur son emploi au Canada depuis au moins aussitôt que 2009. La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le numéro du Journal des marques de commerce daté du 17 février 2016.

[5]  Le 30 juin 2016, l’Opposante s’est opposée à la demande selon les motifs d’opposition résumés ci-dessous. La Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi) a été modifiée le 17 juin 2019. Toutes les dispositions de la Loi mentionnées dans la présente décision renvoient à la Loi dans sa version modifiée, à l’exception de celles concernant les motifs d’opposition qui renvoient à la Loi dans sa version antérieure aux modifications (voir l’article 70 de la Loi).

a)  La demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30i) de la Loi, car la Requérante ne pouvait pas être convaincue qu’elle avait droit d’employer la Marque parce qu’elle connaissait, ou aurait dû connaître, les droits antérieurs de l’Opposante à l’égard de sa famille de marques de commerce FRESH et qu’elle savait, ou aurait dû savoir : (i) qu’il y aurait une probabilité de confusion entre la Marque et les marques de commerce FRESH de l’Opposante et (ii) que toute personne voyant la Marque ne supposerait qu’il existe un lien entre celle-ci et les marques de commerce FRESH de l’Opposante.

b)  La demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30b) de la Loi, car la Requérante n’avait pas :

  i.  employé la Marque au Canada tel qu’il est revendiqué avant la date de production de la demande; ou

  ii.  employé la Marque au Canada en liaison avec les Produits tel qu’il est revendiqué avant la date de production de la demande.

c)  La Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’article 12(1)d), car elle crée de la confusion avec une ou plusieurs des marques de commerce enregistrées suivantes :

Numéro

Marques de commerce

NLFD2488

FRESH

LMC617,598

FRESH Design

 

LMC906,500

FRESH F21C

LMC936,009

FRESH FAMILY

 

d)  La Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu de l’article 16(1)a) de la Loi parce que la Marque crée de la confusion avec les marques de commerce FRESH Design, FRESH LOTUS, FRESH ROSE FACE MASK, FRESH SOY FACE CLEANSER, et SUGAR FRESH F21C & Design de l’Opposante.

e)  La Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu de l’article 16(3)b) parce que la Marque crée de la confusion avec les avec les demandes d’enregistrement des marques de commerce de l’Opposante : FRESH LIFE (demande d’enregistrement no 1,638,904) et FRESH RESEARCH LAB Design (demande d’enregistrement no 1,703,753).

f)  La Marque n’est pas enregistrable car, qu’elle soit sous forme graphique, écrite ou sonore, elle donne une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des Produits.

g)  La Marque n’est pas distinctive de la Requérante, puisqu’elle ne distingue pas, ou n’est pas adaptée pour distinguer, les produits de la Requérante des produits et des services de l’Opposante compte tenu de l’emploi des marques de commerce de l’Opposante.

[6]  La Requérante a produit et signifié une contre‑déclaration.

[7]  L’Opposante a produit comme preuve l’affidavit de François Bonin. La Requérante a produit comme preuve l’affidavit de Dane Penney. Seule la Requérante a produit des observations écrites et était présente à l’audience.

Fardeau de preuve et fardeau ultime

[8]  Avant d’examiner les motifs d’opposition, il est approprié de rappeler certaines exigences techniques en ce qui concerne (i) le fardeau de preuve dont doit s’acquitter un opposant, soit celui d’étayer les allégations dans la déclaration d’opposition et (ii) le fardeau ultime qui incombe au requérant, soit celui de prouver sa cause.

[9]  En ce qui concerne le point (i) ci-dessus, il incombe à la partie opposante de démontrer les faits contenus dans les allégations qu’elle a invoquées dans la déclaration d’opposition [John Labatt Limited c The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), à la p. 298]. La présence d’un fardeau de preuve imposé à l’opposant à l’égard d’une question donnée signifie que, pour que cette question soit prise en considération, il doit exister une preuve suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de cette question. Quant à l’élément (ii) mentionné ci-dessus, c’est à la partie requérante qu’incombe le fardeau ULTIME de démontrer que la demande d’enregistrement ne contrevient pas aux dispositions de la Loi invoquées par la partie opposante (concernant les allégations pour lesquelles la partie opposante s’est acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait). Le fait que le fardeau ultime incombe à la partie requérante signifie que, s’il est impossible d’arriver à une conclusion déterminante une fois que toute la preuve a été présentée, la question doit être tranchée à l’encontre de la partie requérante.

Motifs d’opposition

Motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d)

[10]  La date pertinente pour un motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) est la date de ma décision [Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd et Registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

[11]  L’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve alors que j’ai exercé mon pouvoir discrétionnaire et je confirme que les enregistrements invoqués par l’Opposante établis ci-dessus sont en vigueur [Quaker Oats Co of Canada c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)] :

Numéro

Marque de commerce

LMC617,598

LMC906,500

FRESH F21C

LMC936,009

FRESH FAMILY

 

[12]  Je dois maintenant déterminer, selon la prépondérance des probabilités, si la Marque est susceptible de créer de la confusion avec une ou plusieurs des marques de commerce enregistrées de l’Opposante. Je considère que l’élément le plus susceptible de donner gain de cause à l’Opposante est l’enregistrement no LMC617,598 pour la marque de commerce FRESH Design et je vais concentrer mon analyse sur ce point. Cette marque de commerce est enregistrée pour emploi en liaison avec les produits :

Lotions pour le corps, crèmes pour les mains, crèmes de beauté, gels pour le bain, gels pour la douche, savons pour le visage, savons pour le corps, shampoings, revitalisants capillaires, cosmétiques, nommément rouge à lèvres, ombres à paupières, brillant à lèvres, vernis à ongles, poudres pour le visage, fond de teint, encens parfumé, parfums, eaux de toilette, huiles de massage.

Test permettant de déterminer la confusion

[13]  Le critère pour trancher la question de la confusion est établi à l’article 6(2) de la Loi qui indique que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus ou loués par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice. Pour faire cette évaluation, je dois considérer toutes les circonstances pertinentes, y compris celles indiquées à l’article 6(5) : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de produits, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques de commerce, notamment dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. Les critères énoncés à l’article 6(5) ne sont pas exhaustifs et un poids différent sera accordé à différents facteurs selon le contexte [Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22, [2006] 1 RCS 772, au para 54]. Je me réfère également à Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC), au para 49, où la Cour suprême du Canada déclare que l’article 6(5)e), la ressemblance entre les marques, est susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion.

[14]  Dans Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, [2006] 1 RCS 824, au para 20, la Cour suprême du Canada a établi la façon d’appliquer le test :

Le critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue [de la marque], alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce [précédentes] et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques.

Résumé de la preuve de l’Opposante

[15]  L’Opposante a produit l’affidavit de François Bonin, son dirigeant principal des finances (para 1). La preuve de l’Opposante résumée ci-dessous m’amène à conclure que sa marque de commerce FRESH Design est bien connue au Canada en liaison avec les produits de l’Opposante.

a)  L’Opposante est un fabricant et un vendeur de produits cosmétiques et de soins personnels de haute qualité, y compris les produits de soins de la peau et de soins du corps, les produits de soins capillaires, les parfums et autres produits de beauté connexes (para 4). La marque de commerce FRESH Design figure sur les contenants comme ceux qui sont indiqués ci-dessous (para 9, Pièce C).

FRESH Rose Face Mask

FRESH Lotus Youth Preserve Face Cream

FRESH Bath and Shower Gel

 

b)  Depuis 2004, la grande majorité des produits FRESH sont vendus et distribués par l’intermédiaire du détaillant national Sephora (para 11 et 12), notamment depuis 2015 par le biais de son site Web (para 13, Pièces H et I). En 2016, les produits FRESH étaient également vendus dans deux grands magasins Nordstrom à Toronto (para 17).

c)  Les ventes au Canada des produits FRESH de l’Opposante, de 2004 à 2016, par l’intermédiaire de Sephora, sont indiquées ci-dessous (para 16) :

 

Année

Ventes (CAN)

Année

Ventes (CAN)

2004

62 200

2011

2 658 800

2005

209 000

2012

4 008 100

2006

212 000

2013

6 4739 400 [sic]

2007

470 800

2014

11 864 000

2008

779 700

2015

18 197 700

2009

1 254 400

2016

22 702 400

2010

1 858 000

 

 

d)  L’Opposante fait la promotion de ses produits sur son site Web, à l’adresse www.fresh.com, qui est accessible aux clients situés au Canada depuis 2000 (para 18). La marque de commerce FRESH Design figure bien en vue sur son site Web (Pièce J). De 2009 à 2016, le site Web de Fresh a reçu plus de 439 500 visites d’internautes au Canada; pour la seule année 2016, le site Web de Fresh a reçu plus de 100 000 visites d’internautes au Canada (para 19).

e)  Les produits FRESH ont fait l’objet d’articles publiés dans des publications imprimées et en ligne, notamment dans des magazines et des journaux et sur des sites Web consacrés à la beauté et au style de vie, dont Vogue, Seventeen, Cosmopolitan, Vanity Fair, InStyle, Glamour, In Touch, Allure, People, New York Times, The Vancouver Sun, et Elle (Elle Canada et Elle Québec) (para 22; Pièce M). Bien que l’Opposante n’ait fourni aucune preuve de la circulation des magazines et journaux mentionnés dans l’affidavit de M. Bonin, je peux prendre connaissance d’office de l’existence d’une certaine circulation au Canada de magazines et journaux tels que The Vancouver Sun, Elle, New York Times et People [voir, par exemple, Northern Telecom Ltd c Nortel Communications Inc (1987), 15 CPR (3d) 540 (COMC), à la p. 543; Timberland Co c Wrangler Apparel Corp (2005), 46 CPR (4th) 201 (COMC), à la p. 207].

[16]  Les preuves de l’Opposante comprennent également des exemples de la Marque de la Requérante. À cet égard, M. Bonin joint la preuve établissant que les produits FRESH CREAM de la Requérante figurent sur des imprimés de divers sites Web, notamment www.philosophy.com, www.philosophyskincare.ca, et www.sephora.com (para 23 à 26; Pièces N à Q). Même si cette preuve peut démontrer que les produits de la Requérante figuraient sur ces sites Web à la date d’obtention des imprimés, elle ne prouve pas que la marque de fabrique ou la Marque philosophy était connue dans une quelconque mesure des consommateurs canadiens.

Caractère distinctif inhérent

[17]  Une marque de commerce possède un caractère distinctif inhérent lorsque rien en elle n’oriente le consommateur vers une multitude de sources [Compulife Software Inc c CompuOffice Software Inc, 2001 CFPI 559, au paragraphe 19]. Comme l’a souligné le juge Bédard dans Philip Morris Products SA c Imperial Tobacco Canada Limited, 2014 CF 1237, au para 66, citant Apotex Inc c Canada (Registrar of Trademarks), 2010 CF 291, la question de savoir si une marque de commerce est distinctive est une question de fait qui doit être jugée en fonction du message que la marque transmet au consommateur ordinaire des produits ou services en question lorsque la marque est considérée dans sa globalité sous l’angle de la première impression.

[18]  À mon avis, les marques de commerce des parties ont un caractère distinctif inhérent semblable. La marque de commerce FRESH de l’Opposante a une connotation quelque peu laudative, car elle peut suggérer que les produits donnent aux consommateurs une apparence de fraîcheur ou leur permettent de se sentir frais (voir les définitions du dictionnaire jointes à l’affidavit Penney, Pièce C). De même, la Marque peut avoir une connotation descriptive, car les consommateurs peuvent comprendre que les produits de la Requérante contiennent FRESH CREAM ou se sentent comme FRESH CREAM. Cette idée est accentuée par ce qui semble être une recette de FRESH CREAM figurant dans la moitié inférieure de la Marque. Enfin, la stylisation limitée des marques de commerce respectives de la Requérante et de l’Opposante ne renforce pas le caractère distinctif de l’une ou l’autre marque.

Période d’emploi et mesure dans laquelle la marque est devenue connue

[19]  Je suis convaincu, sur la base du témoignage de M. Bonin, que la marque de commerce FRESH Design de l’Opposante a été largement employée au Canada pendant une longue période. Par conséquent, j’estime qu’il est raisonnable de conclure que la marque de commerce FRESH Design est assez bien connue. Bien que M. Bonin ait également joint des pages de sites Web semblant montrer que les produits FRESH CREAM de la Requérante, tels que la lotion pour le corps FRESH CREAM et le shampoing FRESH CREAM, étaient disponibles à la vente à des clients canadiens (para 23 à 26, Pièces N à Q), en l’absence de preuve de ventes, je n’estime pas que le fait que ces produits apparaissent sur des sites Web, notamment le site Web de Sephora, ait donné lieu à une réputation canadienne significative pour la Marque.

Genre des produits et services

[20]  Les produits de soins capillaires, de bain et de soins de la peau de la Requérante sont identiques aux produits visés par l’enregistrement de l’Opposante (LMC617,598), qui indique « lotions pour le corps, crèmes pour les mains, crèmes de beauté, gels pour le bain, gels pour la douche, savons pour le visage, savons pour le corps, shampoings, revitalisants capillaires, cosmétiques, nommément rouge à lèvres, ombres à paupières, brillant à lèvres, vernis à ongles, poudres pour le visage, fond de teint, encens parfumé, parfums, eaux de toilette, huiles de massage ». Les produits de l’Opposante et de la Requérante pourraient être vendus dans des magasins identiques et semblent être vendus à Sephora.

Degré de ressemblance

[21]  Comme je l’ai mentionné plus tôt, le degré de ressemblance entre les marques de commerce sera souvent susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion. Lorsqu’il s’agit de déterminer le degré de ressemblance, il est clair en droit que les marques de commerce doivent être considérées dans leur ensemble. Le test approprié n’est pas une comparaison côte à côte, mais un vague souvenir dans l’esprit d’un consommateur de la marque de commerce d’un opposant [Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, précitée, au para 20]. La meilleure façon de comparer les marques de commerce consiste à déterminer d’abord si un aspect de la marque de commerce est particulièrement frappant ou unique [Masterpiece, précitée, au para 64].

[22]  En ce qui concerne la Marque, je conclus que l’élément le plus frappant est FRESH CREAM en raison de sa taille et de son positionnement dans la Marque. Je tire cette conclusion parce que le reste du texte de la Marque apparaît en petits caractères et semble avoir la nature d’une recette ou suggérer l’un des ingrédients des Produits (en particulier, FRESH CREAM est faite avec de la crème à fouetter, de la vanille et du sucre qui peuvent être utilisés pour garnir les friandises et les boissons). Bien que le mot PHILOSOPHY figure dans la marque, étant donné sa taille et son emplacement au début de la recette de FRESH CREAM, je ne trouve pas cet élément frappant.

[23]  J’estime qu’il y a une assez grande ressemblance en ce qui a trait à la présentation et au son entre la marque de commerce FRESH Design de l’Opposante et la Marque, en raison de l’élément commun FRESH, qui est la totalité de la marque de l’Opposante et la première partie de la partie la plus frappante de la marque de commerce de la Requérante. Cela est renforcé par la stylisation et l’accent mis sur FRESH dans la Marque. En outre, je pense qu’il est peu probable qu’un consommateur, sous l’angle de la première impression, prononce le nom de la marque (ou considère la marque lorsqu’elle est prononcée) pour inclure la recette en petits caractères, à l’exception de l’élément FRESH CREAM qui commence par [traduction] « philosophy 2 c. de crème fouettée épaisse, 1 c. à thé d’extrait de vanille, 4 c. à soupe de sucre glace […] ». J’estime qu’il y a moins de ressemblance dans les idées suggérées, car la marque de commerce de la Requérante suggère la nourriture FRESH CREAM, alors que la marque de commerce de l’Opposante n’a pas une telle connotation. Enfin, je note qu’il n’y a aucune preuve que les consommateurs attribuent un nom de marque de fabrique ou une signification de source au mot « philosophy » figurant dans la Marque, car rien ne prouve que des Canadiens ont consulté les pages Web présentant les produits FRESH CREAM jointes à l’affidavit Bonin.

État du registre et preuve du marché

[24]  La preuve de l’état du registre et de l’état du marché favorise un requérant lorsque la présence d’un élément commun dans les marques incite les consommateurs à porter une plus grande attention aux autres caractéristiques de ces marques de commerce et à les distinguer les unes des autres au moyen de ces autres caractéristiques [McDowell c Laverana GmbH & Co. KG, 2017 CF 327, au para 42].

[25]  Par exemple, dans Kellogg Salada Canada Inc c Maximum Nutrition Ltd, [1992] 3 CF 442, 43 CPR (3e) 349 (CA), où le litige portait sur la question de l’existence de confusion entre la marque de commerce NUTRI-VITE et les marques de commerce NUTRI-MAX et NUTRI-FIBRE, la Cour d’appel fédérale a conclu que les consommateurs étaient habitués de faire des distinctions fines entre les diverses marques de commerce NUTRI en fonction des petites différences dans leurs suffixes. Dans Kellogg. il y avait au moins 47 enregistrements de marques de commerce et 43 noms commerciaux qui contenaient le mot « Nutri ».

[26]  Dans McDowell, le juge MacTavish explique que la preuve d’enregistrements de marques de commerce de tiers avec un élément commun est seulement pertinente lorsque les marques de commerce enregistrées sont communément employées dans le marché en question [Cie Gervais Danone c Astro Dairy Products Ltd., 1999 CanLii 7656 (CF), 160 FTR 27, au para 17, [1999] ACF No 408 (CF 1re inst)].

[27]  M. Penney, un spécialiste en recherche de marques de commerce employé par l’agent de la Requérante inclut les résultats des recherches de demandes et d’enregistrements de marques dans les Catégories 3 et 5 contenant le mot FRESH (Pièce D-2). M. Penney a également imprimé des captures d’écran de sites Web et les a mises en corrélation avec un certain nombre de demandes et d’enregistrements repérés dans sa recherche.

[28]  L’état de la preuve du registre indique qu’il existe des centaines de demandes et d’enregistrements FRESH de tiers. La recherche a permis de repérer des dizaines de marques de commerce contenant FRESH, dans le domaine des soins de la peau et des cosmétiques : FRESH & SMOOTH MOISTURIZING+MEADOWFOAM (LMC888,448); FRESH’N FREE (LMC238,922); FRESH AIR (LMC516,872); FRESH APPEAL (LMC352,461); FRESH BLUSH (LMC308,930); FRESH GLOW (LMC528,478), FRESH HYDRATION (LMC904,823); FRESH KITCHEN (LMC880,461); FRESH LASH (LMC236,897); et FRESH SENSATION (LMC695,161). Je conclus que, compte tenu du nombre de marques de commerce pertinentes repérées par M. Penney, l’état de la preuve du registre est un facteur qui favorise la Requérante malgré les problèmes liés aux éléments de preuve exposés aux paragraphes 29 et 30 ci-dessous.

[29]  Premièrement, un nombre important des résultats trouvés dans la recherche de M. Penney ne sont pas dans le domaine d’intérêt des parties, notamment les exemples représentatifs suivants, ACTI-FRESH (LMC944,545 pour emploi avec les produits d’hygiène féminine); ACTIFRESH (LMC854,687 pour les assouplissants); AFFRESH (LMC824,357 pour les nettoyants pour surfaces de cuisson); ALWAYS FRESH (LMC810,365 pour les produits désodorisants pour caisses à litière); CITRUS FRESH (LMC925,956 pour le nettoyant pour lave‑vaisselle); FRESH & CLEAN (LMC939,053 pour les lingettes jetables imprégnées de produits chimiques et de composés pour le nettoyage vaginal et périnéal); FRESH’N CLEAN (LMC314,096 pour les shampoings et les crèmes de rinçage pour animaux); FORMALDE-FRESH (LMC391,004 pour la conservation des échantillons de tissus) et FRESH AMERICAN LAMB & Design (LMC629,656 pour les carcasses d’agneaux fraîches ou réfrigérées conditionnées). Deuxièmement, plus d’une centaine de résultats ne sont pas fondés sur l’emploi ou ne sont pas autorisés ou enregistrés. Troisièmement, un nombre important de marques n’incluent pas l’élément FRESH de manière dominante ou frappante (contrairement à la Marque et aux marques de commerce FRESH de l’Opposante), y compris, à titre d’exemples représentatifs, REPLENISH, RESTORE, REFRESH (LMC882,058), PAPIER D’ARMÉNIE & DESSIN (LMC489,874), MR. CLEAN & Design (LMC177,379) et FLEECY FRESH AIR AIR FRAIS & DESIGN (LMC977,139).

[30]  Quatrièmement, il y a des problèmes avec plusieurs des imprimés des pages Web joints à l’affidavit de M. Penney. Bon nombre de ces pages Web indiquent que les produits de tiers contenant FRESH comme élément de sa marque de commerce sont en rupture de stock ou non disponibles pour la livraison; d’autres sont destinés au marché américain, car leurs prix sont indiqués en dollars américains, y compris ceux énumérés ci-dessous. Enfin, l’élément FRESH est souvent une très petite partie ou une partie accessoire des marques de commerce de tiers, contrairement à la Marque et à la marque de commerce FRESH Design de l’Opposante, comme on le verra ci-après.

a)  Les marques de commerce dont l’imprimé de la page Web indique que le produit est en rupture de stock ou non disponible pour la livraison : Clinique Fresh Bloom Allover Colour, Peony Blend, Secret Fresh Effects Spring Cotton Scent Women’s Invisible Solid Antiperspirant & Deodorant, Fresh Glow Luminous Fluid Base, Degree Woman Body Responsive Antiperspirant & Deodorant, Speed Stick 24/7 Solid A/P Deodorant Fresh Rush, CoverGirl Fresh Complexion Under Eye Concealer, et L’Oreal Textureline Fresh Style Conditioner.

b)  Les marques de commerce dont les imprimés de pages Web indiquent USD : Victoria’s Secret PINK FRESH & CLEAN.

c)  Les marques de commerce où FRESH est une très petite partie ou une partie accessoire : Veet Rasera Hair Removal Gel Cream Fresh Sensation + Bladeless Tool, L’Oréal Professionnel Tecni.Art Fresh Dust Dry Shampoo, et Right Guard Total Defense 5 Fresh Blast Power Gel Antiperspirant and Deodorant.

[31]  En conclusion sur cette circonstance de l’espèce, malgré les lacunes relevées ci-dessus, ce facteur favorise fortement la Requérante en raison du nombre de résultats pertinents indiqués. Cela étant dit, bien que j’estime que ce facteur favorise fortement la Requérante, il n’est pas déterminant quant à savoir s’il existe une probabilité raisonnable de confusion, car toutes les circonstances de l’espèce doivent être prises en compte.

Conclusion

[32]  Eu égard à ce qui précède, et compte tenu du fait qu’il existe un degré de ressemblance assez marqué dans la présentation et le son entre les marques de commerce en cause, et que l’Opposante a établi que sa marque de commerce FRESH Design est bien connue au Canada en liaison avec des produits de nature identique à ceux de la Requérante qui peuvent être vendus par les mêmes voies de commercialisation, je conclus que la Requérante ne s’est pas acquittée du fardeau ultime qui lui incombait relativement à la question de la confusion entre la Marque et la marque de commerce FRESH Design de l’Opposante, selon la prépondérance des probabilités.

[33]  Je tire cette conclusion même si la preuve de l’état du registre de la Requérante indique que les consommateurs pourraient prêter davantage attention aux autres caractéristiques de la Marque. Le consommateur ordinaire plutôt pressé et ayant un vague souvenir de la marque de commerce FRESH Design de l’Opposante, peut croire à tort que la source des produits de la Requérante vendus en liaison avec la Marque est la même que la source des produits de l’Opposante. En tirant cette conclusion, j’ai pris note des remarques faites par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Mattel (para 58) : [l]a norme applicable n’est pas celle des personnes [traduction] « qui ne remarquent jamais rien », mais celle des personnes qui ne prêtent rien de plus qu’une [traduction] « attention ordinaire à ce qui leur saute aux yeux ». Enfin, s’il avait été prouvé que les consommateurs canadiens comprendraient que le mot « philosophy » figurant dans la Marque était le nom d’une marque de fabrique ou avait une signification de source, ma conclusion sur ce motif d’opposition aurait pu être différente.

Motif d’opposition fondé sur l’article 2

[34]  La preuve d’emploi de la marque de commerce FRESH Design, dont il est question au paragraphe 15, est suffisante pour permettre à l’Opposante de s’acquitter de son fardeau à l’égard du motif fondé sur l’article 2. La position de la Requérante n’est pas plus solide à la date de production de la déclaration d’opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc 2004 CF 1185, 34 CPR (4th) 317, à la p. 324 concernant la date pertinente qui s’applique à ce motif d’opposition]. Par conséquent, j’en arrive à la même conclusion en ce qui concerne la probabilité de confusion que pour le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) et ce motif d’opposition est également accueilli.

Motifs d’opposition restants

[35]  Ayant déjà refusé la demande en vertu de deux motifs, je ne discuterai pas des motifs d’opposition restants.

Demande no 1,728,573 – fresh cream & Prose Design

[36]  La demande no 1,728,573 pour la marque de commerce fresh cream & Prose Design présentée ci-dessous (la Marque FRESH CREAM & Prose Design) a été produite le 19 mai 2015 sur la base de son emploi au Canada en liaison avec des produits de soins de la peau depuis au moins aussi tôt que 2009. La Marque FRESH CREAM & Prose Design a été annoncée le 24 février 2016.

[37]  Les deux oppositions sont essentiellement semblables relativement aux questions, aux éléments de preuve et aux dates pertinentes. La seule différence notable est que le dessin de la Marque FRESH CREAM & Prose Design est dans une orientation différente, la recette apparaissant dans une colonne plus étroite sous FRESH CREAM (comme si elle était appliquée sur un tube ou un bocal). Cette différence n’a cependant aucun effet important sur l’examen des motifs d’opposition fondés sur les articles 12(1)d) et 2. Par conséquent, les résultats sont les mêmes pour cette demande que pour la demande no 1,727,969, c’est-à-dire que l’Opposante obtient gain de cause pour les deux motifs.

décision

[38]  Par conséquent, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette les demandes no 1,727,969 et no 1,728,573 conformément au paragraphe 38(8) de la Loi.


 

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Natalie de Paulsen
Membre
Commission des oppositions des marques de commerce
Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Hortense Ngo

 


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

 

 

Date de l’audience 2020-07-15

 

Comparutions

 

John C. Cotter  Pour l’Opposante

 

Aucune comparution  Pour la Requérante

 

 

Agents au dossier

 

Osler, Hoskin & Harcourt LLP  Pour l’Opposante

 

Bereskin & Parr LLP/S.E.N.C.R.L.,S.R.L.  Pour la Requérante

 

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