Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Référence : 2020 COMC 133

Date de la décision : 2020-11-30

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45

 

Nexus Law Group LLP

Partie requérante

et

 

Konami Gaming, Inc.

Propriétaire inscrite

 

LMC654,582 pour

DRAGON TREASURE

Enregistrement

introduction

[1]  Le 28 juin 2017, à la demande de Nexus Law Group LLP (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi) à Konami Gaming, Inc. (la Propriétaire), la Propriétaire inscrite de l’enregistrement no LMC654,582 pour la marque de commerce DRAGON TREASURE (la Marque).

[2]  La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec les produits « Matériel de jeu, nommément machines à sous, machines de jeux et logiciels de jeu connexes; matériel de jeu, nommément machines à sous, machines de jeux et logiciels de jeu connexes, le tout en conformité avec la législation canadienne. »

[3]  L’avis enjoignait à la Propriétaire d’indiquer, à l’égard des produits visés par l’enregistrement, si la Marque a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois années précédant immédiatement la date de l’avis et, dans la négative, qu’elle précise la date à laquelle la marque a ainsi été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour établir l’emploi s’étend du 28 juin 2014 au 28 juin 2017.

[4]  Pour les raisons exposées ci-après, je conclus qu’il y a lieu de radier l’enregistrement.

[5]  La définition pertinente d’« emploi » en l’espèce est énoncée à l’article 4(1) de la Loi comme suit :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[6]  Il est bien établi que de simples allégations d’emploi d’une marque de commerce ne sont pas suffisantes pour établir l’emploi dans le contexte d’une procédure en vertu de l’article 45 [Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)]. Bien que le seuil pour établir l’emploi dans le cadre de cette procédure soit faible [Woods Canada Ltd c Lang Michener (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst)], et qu’il ne soit pas nécessaire de produire une surabondance d’éléments de preuve [Union Electric Supply Co Ltd c le Registraire des marques de commerce (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst)], il n’en faut pas moins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des produits spécifiés dans l’enregistrement pendant de la période pertinente [John Labatt Ltd c Rainier Brewing Co (1984), 80 CPR (2d) 228 (CAF)].

[7]  En réponse à l’avis du registraire, la Propriétaire a produit l’affidavit de Thomas A. Jingoli, vice-président directeur et directeur commercial de la Propriétaire, souscrit le 29 janvier 2018 à Las Vegas, au Nevada. Les deux parties ont produit des observations écrites et ont été représentées à l’audience.

preuve de la propriétaire

[8]  M. Jingoli déclare que la Propriétaire fabrique et vend des machines de jeux destinées à être utilisées dans les casinos du Canada. Ces machines sont préinstallées avec un assortiment de jeux, et peuvent être vendues soit par une vente [traduction] « pure et simple », soit selon un modèle de location/participation. Dans le premier cas, les ventes incluront souvent une garantie de conversion dans laquelle les nouveaux jeux sont fournis aux acheteurs sans frais supplémentaires lors de la sortie des jeux. Si cette garantie n’est pas incluse dans la vente de la machine, une licence d’utilisation du logiciel peut également être achetée auprès de la Propriétaire. M. Jingoli explique en outre que les nouveaux jeux sont installés sur les machines de la Propriétaire à l’aide de trousses de conversion fournies par cette dernière, qui comprennent une carte flash contenant le logiciel de jeu ainsi que des instructions d’installation.

[9]  Comme Pièce A à son affidavit, M. Jingoli joint des photographies de la Marque affichée sur l’écran vidéo d’une machine de jeux ainsi que sur le dessus d’une telle machine. Il déclare que cette illustration est représentative de la manière dont la Marque a été employée en liaison avec les produits enregistrés au Canada depuis le 24 septembre 2002. Il explique [traduction] qu’« avant la période pertinente, une version améliorée du jeu DRAGON TREASURE était en cours de développement chez Konami pour être réinstallée sur des machines de jeux de nouvelle génération » et qu’à l’hiver 2016, une machine de jeux avec la nouvelle version du jeu DRAGON TREASURE a été présentée à la salle d’exposition de la Propriétaire à son siège de Las Vegas. Il déclare qu’un certain nombre de clients canadiens actuels et éventuels ont visité la salle d’exposition et testé le jeu en 2016.

[10]  M. Jingoli déclare qu’en mars 2017, la nouvelle version du jeu DRAGON TREASURE a été lancée et mise en vente au Canada et ailleurs. Comme Pièces B et C, respectivement, il joint des captures d’écran du site Web de la Propriétaire telles qu’elles sont apparues pendant la période pertinente, ainsi que des photographies, chacune d’elles montrant la Marque affichée sur une machine de jeux. Il déclare que ces images sont représentatives de la façon dont la Marque apparaîtrait sur toutes les machines de jeux qui comprennent le logiciel de jeu DRAGON TREASURE.

[11]  M. Jingoli ajoute qu’au Canada, la fabrication et la vente de matériel et de logiciels de jeu sont réglementées au niveau provincial, et que la plupart des provinces exigent que tout matériel de jeu électronique réponde à des normes techniques minimales. Il déclare qu’en Ontario, la Commission des alcools et des jeux de l’Ontario (CAJO) examine les nouvelles machines de jeux et les nouveaux logiciels de jeu pour s’assurer de leur conformité avec la Loi de 1992 sur la Réglementation des jeux, LO 1992, c 24 (Loi sur la réglementation des jeux), et que le logiciel DRAGON TREASURE a été envoyé à la CAJO le 5 avril 2017, afin d’être testé avant sa mise sur le marché ontarien. Comme Pièce D, il joint une lettre d’approbation de la CAJO pour le logiciel de jeu DRAGON TREASURE, en date du 15 mai 2017.

[12]  Enfin, M. Jingoli déclare qu’après l’approbation du logiciel de jeu DRAGON TREASURE, deux trousses de conversion de logiciel pour le jeu ont été expédiées au casino Great Blue Heron à Port Perry, en Ontario en octobre 2017. Comme Pièces E et F, respectivement, il joint une copie des avis d’expédition des trousses de conversion, en date du 11 octobre 2017, et une photographie d’une machine de jeu affichant la marque, qui, selon lui, a été prise au casino susmentionné de Port Perry.

analyse

[13]  La Partie requérante fait valoir (i) qu’il n’y a aucune preuve de transferts dans la pratique normale du commerce pendant la période pertinente, et (ii) qu’il n’existe pas de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi de la Marque. Chaque observation sera examinée à tour de rôle.

Transferts dans la pratique normale du commerce

[14]  En ce qui concerne les transferts dans la pratique normale du commerce, la Partie requérante soutient, et j’en conviens, que l’affichage de la Marque sur des produits dans la salle d’exposition de la Propriétaire à Las Vegas ou sur son site Web, en l’absence de transfert de ces produits, ne constitue pas un emploi de la Marque dans la pratique normale du commerce. Je conviens également avec la Partie requérante que même si des machines plus anciennes affichant la marque continuaient d’être utilisées dans les casinos canadiens pendant la période pertinente, cette poursuite de l’utilisation en soi ne constituerait pas un transfert de l’un quelconque des produits visés par l’enregistrement au sens de la Loi.

[15]  La Propriétaire soutient que la soumission de son logiciel à la CAJO en avril 2017 représentait le début d’une chaîne de distribution conduisant à un transfert des produits dans la pratique normale du commerce. Toutefois, je suis d’accord avec la Partie requérante pour dire que la soumission d’un logiciel pour approbation réglementaire ne constitue pas un transfert dans la pratique normale du commerce. Le concept de [traduction] « chaîne de distribution » dans la pratique normale du commerce du propriétaire d’une marque de commerce fait intervenir des distributeurs et des grossistes ou des détaillants [voir Manhattan Industries Inc c Princeton Manufacturing Ltd (1971), 4 CPR (2d) 6 (CF 1re inst)]. La CAJO n’est pas une grossiste, une détaillante, une distributrice, ni une cliente des produits de la Propriétaire. Comme la seule preuve d’un transfert dans la pratique normale du commerce est postérieure à la période pertinente, je ne suis pas convaincu que la Propriétaire a démontré l’emploi de la Marque en liaison avec l’un des produits visés par l’enregistrement au sens de la Loi.

Circonstances spéciales

[16]  Ainsi, comme il n’existe aucune preuve de l’emploi de la Marque au Canada pendant la période pertinente, la question est de déterminer, en vertu de l’article 45(3) de la Loi, s’il existait des circonstances spéciales qui justifiaient le défaut d’emploi. La règle générale porte que le défaut d’emploi sera pénalisé par la radiation, mais il peut exister une exception lorsque le défaut d’emploi est attribuable à des circonstances spéciales [Smart & Biggar c Scott Paper Ltd, 2008 CAF 129 (Scott Paper)].

[17]  Pour déterminer si l’existence de circonstances spéciales a été démontrée, le registraire doit en premier lieu déterminer, à la lumière de la preuve, les raisons pour lesquelles la marque de commerce n’a pas été employée pendant la période pertinente. En second lieu, le registraire doit déterminer si ces raisons du défaut d’emploi constituent des circonstances spéciales [Registraire des marques de commerce c Harris Knitting Mills Ltd (1985), 4 CPR (3d) 488 (CAF) (Harris Knitting)]. La Cour fédérale a conclu que les circonstances spéciales signifient des circonstances ou des raisons qui sont [traduction] « inhabituelles, peu communes ou exceptionnelles » [John Labatt Ltd c Cotton Club Bottling Co (1976), 25 CPR (2d) 115 CF 1re inst), au para 29].

[18]  S’il détermine que les raisons du défaut d’emploi constituent des circonstances spéciales, le registraire doit encore déterminer si ces circonstances justifient la période de défaut d’emploi. Cette détermination repose sur l’examen de trois critères : (i) la durée de la période pendant laquelle la marque n’a pas été employée; (ii) si les raisons du défaut d’emploi étaient indépendantes de la volonté du propriétaire inscrit; et (iii) s’il existe une intention sérieuse de reprendre l’emploi de la marque à court terme [Harris Knitting].

[19]  Ces critères sont tous trois pertinents, mais le deuxième critère doit obligatoirement être rempli pour que l’on puisse conclure à l’existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi [Scott Paper].

[20]  En ce qui concerne la première détermination, la Propriétaire fait valoir que, contrairement à la plupart des jeux informatiques, les machines de jeux de casino et les logiciels connexes sont réglementés par divers cadres provinciaux, et qu’il ne pouvait pas employer la Marque au Canada en liaison avec les produits visés par l’enregistrement avant d’obtenir l’approbation réglementaire au Canada. La Propriétaire soutient que les efforts déployés pour se conformer aux cadres réglementaires peuvent constituer des circonstances spéciales, citant Cassels Brock & Blackwell LLP c Montorsi Francesco E Figli SPA, 2004 CF 753. À l’audience, la Propriétaire a en outre fait valoir que le registraire peut tenir compte du fait que la Loi sur la réglementation des jeux était en vigueur pendant toute la période pertinente, et qu’il peut être déduit des dispositions de la Loi sur la réglementation des jeux et de la lettre d’approbation que l’approbation par la CAJO a nécessité des efforts continus pour développer un logiciel conforme, plutôt qu’une seule soumission du logiciel pour évaluation.

[21]  En réponse, la Partie requérante soutient que le développement de logiciels est un aspect courant des jeux informatiques en général, de sorte qu’il ne peut constituer une circonstance inhabituelle, peu commune ou exceptionnelle. En outre, la Partie requérante note que la Propriétaire n’a fourni aucun fait substantiel pour expliquer la période apparente de défaut d’emploi de la Marque, de 2005 à l’expédition du jeu pour des tests à la CAJO en 2017, et soutient que toute circonstance spéciale alléguée doit s’appliquer à toute la période de défaut d’emploi.

[22]  Dans certains cas, les efforts déployés pour se conformer aux normes réglementaires canadiennes peuvent constituer des circonstances inhabituelles, peu communes ou exceptionnelles [Spirits International NV c Canada (Registraire des marques de commerce), 2006 CF 520, conf. par 2007 CAF 162]. Toutefois, lorsqu’un propriétaire inscrit fait valoir que ses efforts pour se conformer aux cadres réglementaires constituent des circonstances spéciales, ces efforts doivent être corroborés par la preuve de mesures actives prises pour obtenir l’approbation réglementaire [voir Oyen Wiggs Green & Mutala LLP c Rath, 2010 COMC 34, aux para 17 et 18; Currier + Kao LLP c LiFung Trinity Management (Singapore) Pte Ltd, 2014 COMC 289, au para 19].

[23]  En l’espèce, bien que M. Jingoli atteste que la version améliorée du jeu DRAGON TREASURE était en cours de développement avant la période pertinente, il n’y a aucune preuve indiquant que ce développement comprenait des efforts [traduction] « continus » pour se conformer spécifiquement aux cadres réglementaires provinciaux. La preuve de la Propriétaire indique plutôt qu’elle développait le jeu pour une sortie mondiale, et la seule preuve de ses efforts pour se conformer spécifiquement aux règlements provinciaux en vigueur au Canada date proche de la fin de la période pertinente. Si, dans le cadre de ses efforts pour développer le logiciel DRAGON TREASURE, la Propriétaire avait déployé de tels efforts continus pour se conformer aux cadres réglementaires au Canada particulièrement, il lui incombait de fournir des preuves de ces efforts. En l’absence de telles preuves, je ne suis pas convaincu que l’absence d’approbation réglementaire avant 2017 n’était pas simplement le résultat de décisions d’affaires antérieures de la Propriétaire concernant le marché canadien [pour des conclusions semblables voir PM‑International AG c PM-International AG, 2013 COMC 15, aux para 15 et 16; ExxonMobil Oil Corp c Mövenpick-Holding AG, 2013 COMC 98, aux para 25 et 26].

[24]  Je note également que la preuve de la Propriétaire indique qu’elle est une filiale d’un [traduction] « développeur de divertissement de renommée mondiale » et qu’il vend des machines de jeu au Canada depuis le début des années 2000. Cependant, la Propriétaire n’a présenté aucune preuve démontrant que ses efforts pour assurer la conformité réglementaire du jeu DRAGON TREASURE étaient [traduction] « inhabituels, peu communs ou exceptionnels » par rapport au processus normal de développement de ses jeux, ou des jeux de l’industrie du jeu en général.

[25]  Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincu que la Propriétaire a fourni des raisons du défaut d’emploi de la Marque qui puissent constituer des circonstances. Il n’est pas donc pas nécessaire que je détermine si ces circonstances justifient la période de défaut d’emploi.

[26]  Néanmoins, je note que la vente subséquente du logiciel par la Propriétaire en liaison avec la Marque en 2017 soutient son intention sérieuse de reprendre l’emploi de la Marque. Comme il a été indiqué dans l’arrêt Scott Paper, toutefois, cette intention n’est pas suffisante à elle seule aux fins de l’article 45(3) de la Loi.

[27]  En outre, même si je disposais d’éléments de preuve suffisants concernant la manière dont le défaut d’emploi de la Marque pendant la période pertinente était indépendant de la volonté de la Propriétaire en l’espèce, je constate que l’absence d’emploi remonte à la date d’enregistrement de la Marque en 2005. Il s’agit d’une longue période de défaut d’emploi qui serait fortement défavorable à la Propriétaire en l’absence d’explications supplémentaires de sa part.

décision

[28]  Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera radié selon les dispositions de l’article 45 de la Loi.

 

G.M. Melchin

Agent d’audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Hortense Ngo


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.