Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2020 COMC 57

Date de la décision : 2020-03-24

 [TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

The Black & Decker Corporation

Opposante

et

 

Piranha Abrasives Inc.

Requérante

 

1,662,383 pour PIRANHA ABRASIVES et Dessin

1,720,124 PIRANHA ABRASIVES

Demandes

 

Introduction

[1]  Piranha Abrasives Inc., la Requérante en l’espèce, est spécialisée dans les outils abrasifs au diamant conçus pour le marbre, le granit, le verre, la porcelaine, la tuile et le béton ainsi que les machines et services à cet égard. Elle a demandé l’enregistrement des marques PIRANHA ABRASIVES et PIRANHA ABRASIVES et Dessin pour les employer avec ces types d’outils et d’accessoires spécialisés et services connexes. Black & Decker Corporation, l’Opposante, vend notamment des lames pour scies électriques et des lames pour scies circulaires destinées principalement au découpage du bois, du plastique et de cloisons sèches. Elle est aussi la propriétaire des enregistrements canadiens de marque de commerce relatifs aux marques nominales PIRANHA et PIRANHA et Dessin enregistrées pour des lames pour scies circulaires et des lames pour scies électriques. L’Opposante s’oppose à l’enregistrement des deux marques de la Requérante.

[2]  Pour les motifs qui suivent, les deux oppositions sont rejetées.

Demande no 1,662,383 pour Piranha Abrasives et Dessin

Le dossier

[3]  Le 3 février 2014, la Requérante a produit la demande no 1,662,383 pour la marque de commerce PIRANHA ABRASIVES et Dessin (la Marque figurative) (illustrée ci-dessous).

 

PIRANHA ABRASIVES & Design

La Marque figurative comprend la revendication de couleur suivante :

« La couleur est revendiquée comme caractéristique de la marque de commerce. Le piranha est bleu et une bande interne jaune essentiellement horizontale suit les bords du dos et du ventre du poisson. Le demi-cercle denté supérieur gauche est or et une bande argent suit son contour, et les deux autres demi-cercles dentés sont argent. Le mot “piranha” est vert. Le mot “abrasives” est noir. La ligne séparant les mots “piranha” et “abrasives” est noire. »

[4]  La Requérante a demandé l’enregistrement de la Marque figurative en liaison avec les produits et services suivants, selon l’emploi et l’emploi projeté indiqué ci-dessous :


 

Produits

(1) Outils abrasifs de polissage, de meulage, de carottage et de fraisage au diamant pour le marbre, le granit, le verre, la porcelaine, la tuile et le béton (selon l’emploi depuis au moins mai 2010).

(2) Machines de coupe pour le marbre, le granit, le verre, la porcelaine, la tuile et le béton; machines de polissage électriques pour le polissage du marbre, de la pierre et du granit; fraiseuses à pierre de carrière pour le granit et le marbre; machines à affûter les outils; roues d’affûtage de machine à affûter les outils (selon l’emploi proposé). 

Services

(1) Réparation, fabrication et personnalisation d’outils abrasifs de polissage, de meulage, de carottage et de fraisage au diamant (selon l’emploi depuis au moins juillet 2010).

(2) Soudage de segments abrasifs au diamant sur des outils de polissage, de meulage, de carottage et de fraisage pour le marbre, le granit, le verre, la porcelaine, la tuile et le béton (selon l’emploi proposé).

[5]  La Demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 4 novembre 2015.

[6]  Le 26 février 2016, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition contre la marque figurative en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi). La Loi a été modifiée le 17 juin 2019. Toutes les dispositions de la Loi mentionnées dans la présente décision renvoient à la Loi dans sa version modifiée, à l’exception de celles concernant les motifs d’opposition qui renvoient à la Loi dans sa version antérieure aux modifications. L’article 70 de la Loi prévoit que le paragraphe 38(2) de la Loi, dans sa version antérieure au 17 juin 2019, s’applique aux demandes annoncées avant cette date.

[7]  Comme je l’ai indiqué ci-dessus, l’Opposante est la propriétaire des enregistrements canadiens de marque commerce nos LMC330,222 pour PIRANHA (marque nominale) et LMC330,223 et LMC452,371 pour PIRANHA et Dessin (illustrés ci-dessous). Ces marques seront collectivement désignées comme « les marques PIRANHA de l’Opposante ».

PIRANHA & DESIGN

LMC 330,223

PIRANHA & DESIGN

LMC 452,371

[8]  Les motifs d’opposition de l’Opposante sont résumés ci-dessous :

·  La demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30b) de la Loi en ce sens que la Requérante n’a pas employé la Marque figurative au Canada en liaison avec les produits et services visés par la demande depuis les dates de premier emploi revendiquées.

·  La Demande n’est pas conforme à l’article 30i) de la Loi, car la Requérante ne pouvait pas être convaincue d’avoir droit d’employer la Marque figurative en liaison avec les produits et services visés par la demande puisqu’à la date de production de la demande, la Marque figurative créait de la confusion avec les marques de commerce PIRANHA de l’Opposante, ce que la Requérante devait savoir compte tenu des enregistrements antérieurs et de l’emploi de cette marque par l’Opposante.

·  Conformément à l’article 12(1)d) de la Loi, la Marque figurative n’est pas enregistrable parce qu’elle crée de la confusion avec les trois marques de commerce déposées PIRANHA de l’Opposante.

·  La Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque figurative au Canada en vertu de l’article 16(1)a) de la Loi, puisqu’à la date de premier emploi de la Requérante, la Marque figurative créait de la confusion avec les marques de commerce PIRANHA de l’Opposante qui avaient été antérieurement employées au Canada par l’Opposante.

·  La Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque figurative puisqu’à la date de production de la demande, la Marque figurative créait de la confusion avec les marques de commerce PIRANHA de l’Opposante qui avaient été antérieurement employées au Canada par l’Opposante.

·  La Marque figurative n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi, puisqu’elle n’est pas adaptée à distinguer et ne peut distinguer les produits et services visés par la demande des produits fournis par l’Opposante en liaison avec ses marques PIRANHA.

[9]  Le 9 mai 2016, la Requérante a produit une contre-déclaration dans laquelle elle réfutait les motifs d’opposition et indiquait les raisons (qui seront examinées plus loin) pour lesquelles elle estime que l’opposition contre la Marque figurative est futile et vexatoire.

[10]  L’Opposante a produit les affidavits de Julie Chung et de George C. Weston dans le cadre de sa preuve principale, et la Requérante a produit les affidavits de Pino Cannarozzo et de Carolyn Hewitt. Dans le cadre de sa contre-preuve, l’Opposante a produit l’affidavit de Shawn Duguay. Bien que l’Opposante ait demandé et obtenu une ordonnance pour contre‑interroger M. Cannarozzo et Mme Hewitt, elle a choisi de ne pas le faire.

[11]  Les deux parties ont produit des observations écrites, et une audience a été tenue au cours de laquelle les parties étaient représentées.

Fardeau de preuve et dates pertinentes

[12]  C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Toutefois, l’Opposante doit s’acquitter du fardeau de preuve initial en produisant suffisamment d’éléments de preuve admissibles à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition [voir John Labatt Limitée c Les Compagnies Molson Limitée (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), à la page 298].

[13]  Les dates pertinentes relatives aux motifs d’opposition sont les suivantes :

·  articles 38(2)a) et 30 de la Loi – la date de production de la demande [Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC)];

·  articles 38(2)b) et 12(1)d) de la Loi – la date de ma décision [Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd et Le registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)];

·  articles 38(2)c) et 16(1) de la Loi – la date de premier emploi de la Requérante;

·  articles 38(2)c) et 16(3) de la Loi – la date de production de la demande;

·  article 38(2)d) de la Loi – la date de production de l’opposition [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc (2004) 34 CPR (4th) 317 (CF)].

Questions préliminaires

Décision antérieure de la Cour fédérale

[14]  Dans Black & Decker Corporation c Piranha Abrasives Inc, 2015 CF 185 (Black & Decker c Piranha Abrasives), la Cour fédérale du Canada a conclu que l’emploi par la Requérante de la Marque figurative en liaison avec des « outils de coupe abrasifs diamantés » usurpait les droits de l’Opposante dans ses enregistrements PIRANHA et PIRANHA et Dessin (LMC 330,222 et LMC 452,371). Même si la Cour fédérale a ordonné que la demande visant la Marque figurative soit modifiée pour supprimer les outils de coupe abrasifs au diamant, elle a aussi conclu que l’emploi par la Requérante de la Marque figurative en liaison avec ses autres produits ne constituait pas de l’usurpation des droits de l’Opposante. 

[15]  La Requérante soutient que l’opposition de l’Opposante à ses demandes est une tentative pour instruire de nouveau des questions déjà tranchées par la Cour fédérale, décision qui n’a pas fait l’objet d’un appel. La Requérante soutient que M. le juge Manson déjà examiné l’ensemble des motifs soulevés dans la présente opposition. La Requérante renvoie au paragraphe 110 de la décision, où le juge Manson a déclaré ce qui suit :

« Bien que j’aie conclu qu’il y a usurpation de marque de commerce en raison de l’emploi fait par la défenderesse de sa marque de commerce PIRANHA ABRASIVES et dessin et de son nom commercial PIRANHA ABRASIVES en liaison avec des lames abrasives pour scies circulaires, j’estime que ce même emploi en liaison avec ses autres produits ne constitue pas de l’usurpation. Je n’ai pas conclu non plus à l’existence d’une commercialisation trompeuse ou d’une dépréciation de l’achalandage par suite des activités de la défenderesse. »

[16]  La Requérante soutient aussi que l’Opposante ne peut donner suite à la présente action qui fait en sorte que la même question fondamentale serait tranchée à cause du principe de res judicata. La Requérante soutient qu’il existe d’excellentes raisons de principe pour éviter les instances faisant double emploi, puisqu’elles pourraient mener à des résultats incohérents. De plus, elle fait valoir qu’elle a droit au caractère définitif de l’instance, qui est le principal objectif du principe de res judicata.

[17]  De son côté, l’Opposante soutient qu’il est bien accepté que, dans la mesure où les éléments de preuve produits dans une procédure d’opposition diffèrent de ceux produits dans une procédure antérieure devant la Cour fédérale, le registraire n’est pas lié par la décision de la Cour fédérale [Vibe Ventures LLC c CTV Limited, 2010 COMC 166 et McCallum Industries Limited c HJ Heinz Company Australia Limited, 2014 COMC 284]. L’Opposante fait aussi valoir que les conclusions de la Cour fédérale dans la décision antérieure ne l’empêchent de s’opposer à l’enregistrement de la Marque figurative visée par la demande.

[18]  Je suis d’accord avec la Requérante pour dire qu’il existe des similitudes entre l’action en usurpation et la présente opposition – les parties sont les mêmes, certains éléments de preuve sont les mêmes et les deux procédures comprennent notamment la détermination de la question de la confusion entre les marques de l’Opposante et la Marque figurative de la Requérante. La preuve présentée est aussi semblable. Toutefois, la jurisprudence indique clairement que la doctrine de res judicata ne s’applique pas dans les procédures d’opposition et que chaque cas doit être entendu selon ses propres faits [voir Sunny Crunch Foods Ltd c Robin Hood Multifoods Inc (1982), 70 CPR (2d) 244 (COMC) à la page 249]. La demande produite devant la Cour fédérale visait notamment une injonction empêchant la Requérante d’employer sa Marque PIRANHA ABRASIVES et Dessin avec les lames abrasives pour scies circulaires, alors que dans la présente procédure, l’Opposante s’oppose à l’enregistrement de la Marque PIRANHA ABRASIVES et Dessin de la Requérante qui a été demandée en liaison avec les produits et services. Plusieurs des questions légales à trancher ainsi que les dates pertinentes pour le faire sont différentes. Ainsi, je ne peux pas rejeter l’opposition sur le seul fondement du principe de res judicata. Cela dit, je mentionnerai tout de même la décision de la Cour fédérale lorsque ce sera approprié.

[19]  Pour ce qui est des allégations de la Requérante selon lesquelles l’opposition est vexatoire, l’article 38(4) de la Loi régit l’envoi de la déclaration d’opposition. Si le registraire conclut qu’au moins un motif d’opposition soulève une question sérieuse pour décision, il enverra une déclaration d’opposition au requérant. En l’espèce, le registraire estimait qu’au moins un motif d’opposition soulevait une question sérieuse pour décision. Si la Requérante en l’espèce souhaitait demander une décision interlocutoire pour radier chacun des motifs d’opposition parce que chacun d’eux n’était pas conforme à l’article 38(3) de la Loi, elle doit le faire au moment de produire la contre-déclaration ou avant cette production. À ce moment‑ci, j’estime que chaque motif d’opposition plaidé et lu est conforme à l’article 38(3).

Copies d’affidavits de la procédure devant la Cour fédérale jointes à l’Affidavit Cannarozzo

[20]  M. Cannorozzo est l’administrateur de la Requérante. En plus de décrire les antécédents de sa société et les produits vendus par la Requérante en vertu de ses marques de commerce nominales et figuratives PIRANHA ABRASIVES, M. Cannorozzo formule des commentaires sur la décision dans Black and Decker c Piranha Abrasives et la preuve de l’Opposante dans la présente procédure. Il soutient que la preuve produite dans la présente procédure n’est pas différente de celle produite dans Black & Decker c Piranha Abrasives. Il a joint à son affidavit à titre de pièces 9 et 10 des copies des affidavits de M. Weston, de M. Chong et de M. Kunkel, sans pièces, ainsi que des copies des affidavits de M. Cannarozzo, de M. Gabriel, de M. Keltie, de M. Stephan, de M. Snooks et de M. Aloia, sans pièces, tous produits par l’Opposante et la Requérante, respectivement, dans le cadre de la procédure devant la Cour fédérale.

[21]  L’Opposante soutient que tout commentaire au sujet de la décision Black & Decker c Piranha Abrasives et la preuve qui y a été soumise figurant dans l’affidavit de M. Cannarozzo devrait être écarté par le registraire dans le cadre de la présente procédure d’opposition. L’Opposante fat notamment remarquer que les copies des affidavits constituent du ouï-dire.

[22]  Le registraire a déjà accepté des copies d’affidavits produits dans d’autres procédures d’opposition lorsque les circonstances le justifient [voir Beachcombers Restaurant Ltd c Vita‑Park Citrus Products Co (1976), 26 CPR (2d) 282 (COMC) et Barbara’s Bakery Inc c Sparkles Photo Ltd, 2011 COMC 28, 91 CPR (4th) 457]. Le registraire a aussi renvoyé à des facteurs qui ont été pris en compte à cet égard, y compris a) la question de savoir si les parties à la procédure sont les mêmes; b) la question de savoir si la marque de commerce visée par la demande est la même dans les deux procédures; c) la disponibilité du déposant pour contre‑interrogatoire; et d) la question de savoir si la totalité ou une partie des questions dans les deux procédures sont les mêmes [voir Springwall Sleep Products Ltd c Ther-a-Pedic Associates, Inc (1984), 79 CPR (2d) 227].

[23]  Bien que les copies des affidavits de M. Weston et de M. Cannarozzo jointes à l’affidavit de M. Cannarozzo respectent la plupart de ces facteurs, je ne crois pas que les copies de leur témoignage produit dans le cadre de la procédure devant la Cour fédérale peuvent se voir accorder autant de poids dans la présente procédure. D’abord, aucune des parties n’a confirmé la véracité du contenu des affidavits antérieurs ni fait siennes les déclarations qui y figurent. De plus, les pièces ne sont pas jointes à l’un ou l’autre de ces affidavits. Même si ces deux déposants avaient été disponibles pour être contre-interrogés parce qu’ils ont aussi déposé sous serment dans la présente procédure, ils n’auraient pas pu être contre-interrogés au sujet des pièces qui étaient jointes aux affidavits produits dans le cadre de la procédure devant la Cour fédérale. Je suis donc disposée à accorder au contenu de ces affidavits un poids limité.

[24]  Pour ce qui est des copies des autres affidavits produits par chaque partie dans Black & Decker c Piranha Abrasives, étant donné qu’aucun des déposants n’a déposé sous serment dans le cadre de la présente procédure, ils ne seraient pas disponibles pour être contre‑interrogés. Les copies de ces affidavits constituent donc du ouï-dire et démontrent uniquement que cette preuve a été produite devant la Cour.

Objection à l’Affidavit Chung

[25]  Mme Chung était une stagiaire pour l’Opposante à qui un avocat de l’agent de l’Opposante a demandé de se rendre chez des détaillants locaux à Ottawa pour prendre des photos de lames pour scies et des meules pou affûtage présentées dans les magasins. Mme Chung joint à son affidavit des photos qu’elle a prises et des commentaires indiquant en détail le lieu où se trouvent les meules pour affûtage à côté des lames pour scies circulaires dans chacun des magasins, l’affichage et le secteur du magasin.

[26]  Selon la décision dans Cross-Canada Auto Body Supply (Windsor) Ltd c Hyundai Auto Canada (2006), 2006 CAF 133 (CanLII) (Cross-Canada), la première objection soulevée par la Requérante concerne le fait que la preuve de Mme Chung a été produite par un employé de l’agent de l’Opposante. Selon l’argument général, les employés ne sont pas des témoins indépendants qui peuvent témoigner sans partialité lorsqu’ils donnent un témoignage d’opinion sur les questions contestées [Cross-Canada, supra]. La Requérante soutient qu’en conséquence il convient d’accorder peu de poids, voire aucun, à cet affidavit.

[27]  Bien que Mme Chung travaille pour l’agent de l’Opposante et que son témoignage vise les voies de commercialisation des parties, je ne crois pas que les préoccupations soulevées par la Cour d’appel fédérale s’appliquent en l’espèce. Même si son témoignage peut démontrer la possibilité de chevauchement entre les divers outils sur les tablettes des magasins, l’affidavit de Mme Chung ne contient pas de conclusions ou d’opinions sur les questions litigieuses de la présente opposition. Elle s’est simplement présentée à divers magasins pour prendre des photos de l’emplacement de différents produits. Je ne vois pas comment le fait que ce témoignage a été fourni par une employée de l’agent de l’Opposante le rend moins approprié que si l’Opposante ou son agent avait embauché un enquêteur externe pour faire le même travail et établir sous serment un affidavit. Dans l’ensemble, la preuve ne me semble pas controversée. J’estime donc que cette preuve est admissible.

Objection relativement à la contre-preuve

[28]  Dans le cadre de sa contre-preuve, l’Opposante a présenté l’affidavit de Shawn M.J. Duguay. L’Opposante soutient que l’affidavit de M. Duguay répond directement aux commentaires de M. Cannarozzo au sujet des lacunes de l’affidavit de Mme Chung sur ses recherches sur le marché.

[29]  Comme je l’ai indiqué, Mme Chung s’est présentée à six magasins d’Ottawa et de Nepean (Lowes, Home Depot, Canadian Tire, Rona, Walmart et Home Hardware) et elle a pris des photos dans chaque magasin. Elle a formulé des commentaires indiquant en détail le lieu où se trouvent les meules pour affûtage à côté des lames pour scies circulaires dans chacun des magasins et l’affichage dans chaque magasin.

[30]  M. Cannarozzo a formulé des commentaires au sujet des lacunes de la recherche de Mme Chung ainsi :

·  elle n’a pas visité l’un des magasins énumérés au paragraphe 32 de l’affidavit Weston (c.‑à-d. les magasins qui, selon M. Weston, étaient des distributeurs des deux parties) (para 24);

·  aucun des magasins visités ne vendait la Marque figurative de la Requérante et un seul a démontré l’emploi de l’une des marques PIRANHA de l’Opposante [Chung, pièce O] (para 25);

·  aucune des meules pour affûtage présentées dans les pièces de l’affidavit de Mme Chung ne pouvait être utilisée avec de la pierre, du béton ou des tuiles – le fonctionnement et l’apparence des meules pour l’affûtage du métal ou de la maçonnerie (p. ex. cloisons sèches) sont totalement différents de ceux d’une meule pour l’affûtage de la pierre et du béton (para 32).

[31]  M. Duguay, un avocat et ancien stagiaire de l’Opposante, a été prié de se présenter chez les six détaillants locaux que Mme Chung a visités à Ottawa et de prendre des photos de mèches creuses abrasives au diamant ainsi que d’outils de polissage et de meulage présentés, destinés au découpage du marbre, du granit, de la porcelaine, de la tuile et du béton. On lui a aussi demandé d’indiquer à quel endroit se trouvaient les produits en ce qui concerne les lames pour scies circulaires et les lames pour scies sauteuses destinées au découpage du bois. M. Duguay joint des photographies, décrit les différents secteurs et produits trouvés dans les six magasins et il formule l’observation suivante :

[traduction]

« les meules boisseau, meules, outils de carottage, tampons et accessoires semblent être dans la même catégorie de produits et destinés au même emploi pour les mêmes types d’application que ceux qui étaient vendus à côté des lames pour scies circulaires et des lames pour scies sauteuses » [Duguay, para 46].

M. Duguay a aussi été prié de consulter le site Web de la Requérante et de fournir des imprimés d’écran de ce site Web.

[32]  La contre-preuve doit se limiter aux matières servant de réponse [voir l’article 54 du Règlement sur les marques de commerce DORS/2018-227 et l’ancien article 43]. La Requérante soutient que l’affidavit en réponse de M. Duguay ne constitue pas une contre-preuve appropriée parce qu’elle comprend une preuve qui aurait été incluse dans la preuve principale de l’Opposante. La Requérante s’oppose aussi à cette preuve parce qu’elle a été produite par un employé de l’entreprise de l’Opposante et qu’elle fournit un témoignage d’opinion sur une question contestée.

[33]  Dans Halford c Seed Hawk Inc (2003), 2003 CFPI 141 (CanLII), 24 CPR (4th) 220 (CF 1re inst) [Seed Hawk] aux para 14 et 15, le juge Pelletier donne les lignes directrices suivantes quant à ce qui constitue une contre-preuve appropriée :

a)  La preuve qui sert uniquement à corroborer une preuve déjà soumise au tribunal n’est pas admissible.

b)  La preuve qui porte sur une question qui a été soulevée pour la première fois en contre-interrogatoire et qui aurait dû faire partie de la preuve principale du demandeur n’est pas admissible. Toute autre nouvelle question qui se rapporte à une des questions en litige et qui ne vise pas uniquement à contredire un des témoins de la défense est admissible.

c)  La preuve qui sert uniquement à réfuter un élément de preuve qui a été présenté en défense et qui aurait pu être présenté dans le cadre de la preuve principale n’est pas admissible.

d)  Le tribunal acceptera d’examiner la preuve qui est exclue parce qu’elle aurait dû être présentée dans le cadre de la preuve principale, pour déterminer s’il doit admettre cette preuve.

[34]  Je suis d’accord avec la Requérante pour dire que le témoignage de M. Duguay est une contre-preuve incorrecte pour deux raisons – elle semble servir uniquement à réfuter un élément de preuve qui a été présenté en défense et qui aurait pu être présenté dans le cadre de la preuve principale de l’Opposante. À cet égard, puisque l’Opposante connaissait les produits et services visés par la demande depuis le début de la présente procédure, il n’est pas clair pourquoi la déposante de l’Opposante, Mme Chung, a pris des photos uniquement de lames de scie et de meules pour affûtage chez six détaillants d’Ottawa, alors que M. Duguay a été prié de se présenter aux mêmes magasins, mais qu’il a pris des photos de couronnes de carottage abrasives au diamant ainsi que d’outils de polissage et de meulage présentés, destinés au découpage du marbre, du granit, de la porcelaine, de la tuile et du béton. L’Opposante a fait remarquer elle‑même que cette preuve a été présentée pour répondre aux lacunes de la preuve principale de l’Opposante qui avaient été soulevées par la Requérante.

[35]  Pour ce qui est des imprimés d’écran du site Web de la Requérante, l’agent de l’Opposante n’a pas expliqué comment la fourniture d’imprimés d’écran de ce site Web avait pour but de répondre à l’un des éléments de preuve produits par la Requérante ou pourquoi cette preuve n’aurait pas pu être présentée dans le cadre de sa preuve principale alors que M. Weston avait déjà fourni des renseignements au sujet du site Web de la Requérante dans son affidavit.

[36]  J’estime donc que la preuve de M. Duguay, pour la majeure partie, est une contre-preuve qui n’est pas admissible. La seule exception concernerait la pièce KK à l’affidavit Duguay parce qu’elle démontre l’emploi du mot PIRANHA seul, ce qui contredit l’allégation précise de M. Cannorozzo figurant au paragraphe 7 de cet affidavit selon laquelle la Requérante vend toujours ses produits en liaison avec les mots PIRANHA ABRASIVES et jamais avec le mot PIRANHA seul.

Objection à l’Affidavit Hewitt

[37]  Mme Hewitt est une technicienne judiciaire pour les agents de la Requérante. Elle a joint à son affidavit à titre de pièces une copie du rapport de l’examinateur daté du 16 septembre 2014 pour la demande no 1,662,383 visant la marque de commerce PIRANHA ABRASIVES et Dessin ainsi qu’une copie de la réponse au rapport de l’examinateur produite auprès du Bureau des marques de commerce le 24 mars 2015. Dans son rapport, l’examinateur estimait que la Marque figurative créait de la confusion avec les enregistrements de la marque de commerce PIRANHA de l’Opposante.

[38]  La Requérante soutient qu’elle a réfuté les objections de l’examinateur à la Marque figurative en faisant d’abord remarquer que les enregistrements de l’Opposante pour les marques LMC428,996 et LMC408,354 avaient été radiés. La Requérante a aussi invoqué la décision du juge Manson dans Black and Decker c Piranha Abrasives où ce dernier a conclu que, même si la Marque figurative usurpait les autres enregistrements actifs de l’Opposante en liaison avec des lames abrasives pour scies circulaires, il a conclu que ce même emploi en liaison avec ses autres produits ne constituait pas de l’usurpation.  

[39]  L’Opposante, de son côté, soutient que l’approbation par l’examinateur de la Marque figurative visée par la demande a peu d’incidence sur la façon dont le registraire doit examiner le bien-fondé de l’opposition de l’Opposante. Je suis d’accord. Il a déjà été décidé que la décision de l’examinateur de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada n’avait aucune valeur de précédent pour la Commission parce que le fardeau et la preuve devant l’examinateur diffèrent de ceux devant la Commission [voir Thomas J Lipton Inc c Boyd Coffee Co (1991), 40 CPR (3d) 272 (COMC) à la page 277 et Procter & Gamble Inc c Morlee Corp (1993), 48 CPR (3d) 377 (COMC) à la page 386]. Par conséquent, je ne crois pas que l’affidavit de Mme Hewitt ait beaucoup de pertinence pour la présente procédure.

Motifs d’opposition rejetés sommairement

Motif d’opposition fondé sur l’article 30i)

[40]  L’Opposante soutient que la Requérante ne pouvait pas être convaincue d’avoir droit d’employer la Marque figurative visée par la demande au Canada en liaison avec les produits et services visés par la demande puisqu’à la date de production de la demande, la Marque figurative créait de la confusion avec les marques de commerce de l’Opposante, ce que la Requérante devait savoir compte tenu des enregistrements antérieurs et de l’emploi de cette marque par l’Opposante.

[41]  Lorsqu’un requérant a fourni la déclaration exigée par l’article 30i) dans sa demande, un motif d’opposition fondé sur cet article ne devrait être retenu que dans des cas exceptionnels, par exemple lorsqu’il y a une preuve de mauvaise foi de la part du requérant [Sapodilla Co Ltd c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC) à la page 155]. La Requérante a fourni la déclaration nécessaire, et l’Opposante n’a pas produit d’élément de preuve pour démontrer qu’il s’agissait d’un cas exceptionnel. En outre, même si l’Opposante a démontré que la Requérante connaissait ses marques de commerce à la date de production de ses demandes, je note qu’on a conclu que le simple fait qu’un requérant ait pu connaître l’existence de la marque de commerce d’un opposant ne suffit pas pour établir qu’un requérant ne pouvait pas être convaincu d’avoir le droit d’employer une marque au moment où il a produit sa demande [Woot, Inc v WootRestaruants Inc Les Restaurants Woot Inc 2012 COMC 197]. Par conséquent, ce motif d’opposition est rejeté.

AUTRES MOTIFS D’OPPOSITION

Motif d’opposition fondé sur l’article 30b)

[42]  L’Opposante soutient que la demande ne se conforme pas à l’article 30b) de la Loi parce que la Requérante n’a pas employé la Marque figurative au Canada en liaison avec les produits et services visés par la demande depuis les dates de premier emploi revendiquées. 

[43]  Le fardeau de preuve initial incombant à un opposant est léger en ce qui concerne la question de la conformité à l’article 30b) de la Loi parce que les faits concernant le premier emploi par le requérant relèvent particulièrement des connaissances du requérant [Tune Masters c Mr P’s Mastertune Ignition Services Ltd (1986), 10 CPR (3d) 84 (COMC)]. Il est possible de s’acquitter de ce fardeau en renvoyant non seulement à la preuve de l’opposant, mais également à celle du requérant [Brasserie Labatt Ltée c Brasseries Molson (1996), 68 CPR (3d) (CF 1re inst) 216]. Toutefois, bien qu’un opposant puisse se servir de la preuve du requérant pour s’acquitter de son fardeau de preuve, le requérant n’a pas l’obligation de prouver ses dates de premier emploi revendiquées si ces dates n’ont pas d’abord été contestées par le respect par l’opposant de son fardeau de preuve [Corporativo de Marcas GJB, SA de CV c Bacardi & Company Ltd 2014 CF 323 aux para 30 à 38].

[44]  L’Opposante soutient que les pièces jointes à l’affidavit Cannarozzo n’appuient pas les déclarations sans justesse de M. Cannarozzo en ce qui concerne les dates de premier emploi revendiquées de la Requérante pour les raisons suivantes :

·  les pièces indiquent simplement les pages où la Marque figurative de la Requérante se trouve, soit la partie supérieure de la page présentant le produit;

·  rien n’indique que le logo se trouvait sur les produits eux-mêmes ou sur l’emballage au moment où les produits ont été vendus;

·  les pages Web sont datées du 4 janvier 2017, soit après la date de premier emploi revendiquée;

·  l’affidavit de M. Cannarozzo est complètement muet sur la question de savoir si la Marque figurative a été employée ou présentée dans la prestation des services visés par la demande.

[45]  En résumé, l’Opposante soutient que la Requérante n’a pas fourni suffisamment de détails au sujet de son emploi. Toutefois, comme je l’ai indiqué, la Requérante n’est pas obligée de le faire sauf si l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial. En l’espèce, rien dans la preuve dont je dispose n’est incompatible avec les dates de premier emploi revendiquées dans la demande ou ne les contredit. Par exemple, l’Opposante a fait valoir que le témoignage de M. Cannorozzo est incompatible avec la date de premier emploi revendiquée de la Requérante puisque les pages Web de cette dernière sont postérieures à la date de premier emploi revendiquée. Toutefois, ce n’est pas une affaire où le déposant de la Requérante atteste d’une date de premier emploi qui est postérieure à celle indiquée dans la demande. Au contraire, M. Cannorozzo ne fournit que quelques éléments de preuve sur la manière dont la Marque figurative est apposée sur ses produits dans son site Web [Viewer’s Choice Canada Inc c Volcano Entertainment II, LLC, 2008 CanLII 88201 (COMC)]. En outre, comme on l’a indiqué dans Canada Safeway Limited c Delca Enterprises Ltd, 2011 COMC 51, il était loisible à l’Opposante de contre-interroger M. Cannarozzo relativement à son affidavit si elle souhaitait en savoir davantage sur l’emploi de la Requérante, mais elle a choisi de ne pas le faire.

[46]  Ce motif d’opposition n’est donc pas accueilli.

Motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d)

[47]  L’Opposante soutient que la Marque figurative n’est pas enregistrable parce qu’elle crée de la confusion avec au moins l’une des marques de commerce déposées PIRANHA de l’Opposante pour des lames pour scies circulaires et des lames pour scies électriques.

[48]  J’ai exercé mon pouvoir discrétionnaire de vérifier le registre pour confirmer que les enregistrements de l’Opposante sont en règle. L’Opposante a donc rempli son fardeau initial en ce qui concerne ce motif d’opposition. Par conséquent, la Requérante a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucune probabilité de confusion entre la Marque figurative et les marques de commerce déposées de l’Opposante.

Sens de la confusion entre les marques de commerce

[49]  Les marques de commerce créent de la confusion lorsqu’il existe une probabilité raisonnable de confusion au sens de l’article 6(2) de la Loi :

« L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués [...] ou que les services liés à ces marques sont [...] exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice ».

[50]  Par conséquent, l’article 6(2) ne concerne pas la confusion d’une marque avec l’autre, mais la confusion des produits ou des services d’une source avec ceux d’une autre source. En l’espèce, la question posée par l’article 6(2) est celle de savoir si les acheteurs des produits ou services de la Requérante, vendus sous la Marque figurative, croiraient que ces produits ou services ont été fabriqués ou autorisés par l’Opposante, ou qu’ils font l’objet d’une licence de cette dernière, laquelle vend ses produits sous les marques de commerce PIRANHA.

Test en matière de confusion

[51]  Le test pour trancher la question de la confusion est établi à l’article 6(2) de la Loi qui indique que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits et services liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus ou loués par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale. Pour faire cette évaluation, je dois tenir compte de toutes les circonstances pertinentes, y compris celles indiquées à l’article 6(5) : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de produits, services ou entreprises; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.

[52]  Ces critères ne sont pas exhaustifs et un poids différent sera accordé à différents facteurs selon le contexte [voir Mattel USA Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 SCC 22, au para 54]. Je renvoie également à l’arrêt Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC) au para 49, où la Cour suprême du Canada indique que l’article 6(5)e), la ressemblance entre les marques, sera susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion.

[53]  Dans Masterpiece, la Cour suprême du Canada a examiné l’importance du facteur de l’article 6(5)e) pour mener une analyse sur la probabilité de confusion entre les marques des parties conformément à l’article 6 de la Loi (voir le para 49) :

« [...] il arrive souvent que le degré de ressemblance soit le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce même s’il est mentionné en dernier lieu au par. 6(5) [...] si les marques ou les noms ne se ressemblent pas, il est peu probable que l’analyse amène à conclure à la probabilité de confusion même si les autres facteurs tendent fortement à indiquer le contraire. En effet, ces autres facteurs ne deviennent importants que si les marques sont jugées identiques ou très similaires [...] En conséquence, certains prétendent que, dans la plupart des cas, l’étude de la ressemblance devrait constituer le point de départ de l’analyse relative à la confusion [...] » [je souligne].

[54]  Dans les circonstances de l’espèce, j’estime qu’il est approprié d’analyser d’abord le degré de ressemblance entre la marque des parties.

Degré de ressemblance

[55]  Comme l’a indiqué la Cour suprême du Canada dans Masterpiece, supra, dans la plupart des cas, le degré de ressemblance entre les marques de commerce en cause est le facteur qui revêt le plus d’importance.

[56]  Il est aussi bien établi que, lorsqu’il s’agit de déterminer le degré de ressemblance entre des marques de commerce, il faut les considérer dans leur ensemble et éviter de placer les marques côte à côte dans le but de les comparer minutieusement et de relever les similitudes ou les différences entre leurs éléments constitutifs. Il ne convient pas non plus de décortiquer les marques.

[57]  Dans Black & Decker c Piranha Abrasives, le juge Manson a dit ce qui suit en ce qui concerne le degré de ressemblance entre les marques des parties aux paragraphes 97 et 98 :

« [97] Dans l’arrêt Masterpiece, au paragraphe 84, la Cour suprême a reconnu que la composante la plus distinctive ou dominante d’une marque a une incidence sur l’impression générale du consommateur moyen, et qu’il y a lieu de prendre ce fait en compte au moment d’évaluer la marque de commerce dans son ensemble :

Toutefois, examiner la marque de commerce dans son ensemble ne veut pas dire qu’il faut faire abstraction d’une composante dominante de celle-ci qui aurait une incidence sur l’impression générale du consommateur moyen : voir les motifs de la juge Arden dans esure Insurance Ltd. c. Direct Line Insurance plc, 2008 EWCA Civ 842, [2008] R.P.C. 34, par. 45. Il en est ainsi parce que même si le consommateur regarde la marque dans son ensemble, il se peut qu’un certain aspect de celle-ci soit particulièrement frappant et qu’il en constitue l’élément le plus distinctif. Il en sera ainsi parce que cet aspect est la partie la plus distinctive de l’ensemble de la marque de commerce.

[98] Si l’on examine l’emploi du mot PIRANHA et du dessin d’un poisson PIRANHA que fait la défenderesse et la même marque nominale PIRANHA et le dessin de poisson très semblable que visent les enregistrements de marque de commerce PIRANHA des demanderesses, j’ai peu de difficulté à relever un degré de ressemblance élevé. »

[58]  Je fais miennes les conclusions du juge Manson en ce qui concerne le degré de ressemblance.

[59]  Par conséquent, après avoir conclu que les marques des parties partagent un degré de ressemblance important, je dois maintenant évaluer la question de savoir si les autres facteurs suffisent pour faire pencher la prépondérance des probabilités en faveur de la Requérante.

Caractère distinctif inhérent des marques de commerce

[60]  Je conclus que les marques de l’Opposante et la Marque figurative de la Requérante ont une force inhérente. Bien que la Marque figurative de la Requérante soit légèrement plus suggestive que les marques de l’Opposante parce que l’élément « abrasives » suggère l’objet des produits de la Requérante (c.-à-d. le meulage et le polissage), le dessin de poisson fantaisiste de la Requérante ajoute un caractère distinctif à la Marque figurative de cette dernière.  

[61]  Les deux parties ont aussi présenté des éléments de preuve en ce qui concerne la mesure dans laquelle leur marque respective était connue, ce qui est souvent appelé le caractère distinctif acquis d’une marque. L’Opposante a présenté la preuve de M. Weston, directeur des produits et de la commercialisation de la marque auprès de Stanley Black & Decker Canada Corporation (SBD Canada). Les parties les plus pertinentes de son témoignage sont résumées ci-dessous :

·  SDB Canada est une filiale de Stanley Black & Decker, Inc. (SBD) et l’Opposante est une filiale de SDB [para 3];

·  SDB est un fournisseur mondial d’outils à main, d’outils électriques, d’accessoires connexes et plus encore [para 3];

·  SDB Canada est autorisée par l’Opposante à employer les marques de commerce PIRANHA au Canada [para 8];

·  en vertu de la licence, l’Opposante contrôle la nature et la qualité des lames pour scies électriques et des lames pour scies circulaires vendues au Canada en liaison avec les marques de commerce PIRANHA [para 8];

·  l’Opposante a employé pour la première fois la marque de commerce PIRANHA (LMC 330,222) au Canada en liaison avec des « lames pour scies électriques » et des « lames pour scies circulaires » en 1987 et cet emploi est continu depuis [para 5];

·  la pratique normale du commerce pour les lames pour scies circulaires et les lames pour scies électriques de marque PIRANHA est la vente à des distributeurs indépendants partout au Canada et en ligne, notamment Home Hardware, Walmart, www.amazon.ca, BMR, Centre de Renovation St-Patrick, Reno-Direct Inc., TIM-BR MART, et Midland Tools [para 31];

·  des copies de factures représentatives attestant la vente par SBD Canada et son prédécesseur Black and Decker Canada Inc. de lames pour scies électriques et de lames pour scies circulaires à des distributeurs indépendants autorisés situés au Canada sont jointes à titre de pièce E [para 19];

·  les ventes combinées de lames pour scies circulaires et de lame pour scies électriques de marque PIRANHA au cours des six dernières années au Canada étaient les suivantes [para 19] :

ANNÉE

VENTES ($CAN)

2011

55 340 $

2012

18 830 $

2013

53 820 $

2014

34 725 $

2015

30 855 $

2016 (janv. à août)

29 520 $

·  toutes les scies standard de marque BLACK & DECKER sont munies d’une lame de marque PIRANHA pour scie d’usage général [para 20];

·  les scies BLACK & DECKER sont vendus par des détaillants de matériaux de construction domiciliaire partout au pays, notamment Home Hardware, Rona, Canadian Tire, Lowes, Walmart, Winners, www.amazon.ca, Revy Home & Garden, Centre de Reno et Patrick Morin Inc. Les scies sont aussi vendues par des détaillants qui vendent exclusivement aux secteurs de la construction professionnelle et du commerce, comme Concord Hardware and William Knell & Co. [para 20];

·  les ventes canadiennes de scies circulaires BLACK & DECKER munies d’une lame de marque PIRANHA pour scie d’usage général entre 2012 et août 2016 varient de 311 080 $ à 1 405 395 $ [para 21].

[62]  La Requérante a présenté l’affidavit de M. Pino Cannarozzo, administrateur de la Requérante. Les parties les plus pertinentes de la preuve de la Requérante figurant dans l’affidavit de M. Cannarozzo peuvent être résumées ainsi :

·  la Requérante vend des couronnes de carottage abrasives au diamant et des outils de polissage et de meulage de grande qualité, destinés au découpage du marbre, du granit, du verre, de la porcelaine, de la tuile et du béton à des entreprises qui vendent ces matériaux à des professionnels de l’industrie [para 3 et 19];

·  la Requérante vend des meules pour affûtage (aussi appelées meules boisseau) qui servent à meuler des matériaux durs, surtout le béton et le granit, à dénuder le béton ainsi qu’à apprêter les planchers de béton au Canada en liaison avec ses deux marques depuis 2010 [para 16, pièce 4];

·  la Requérante vend des tampons de polissage au Canada qui sont destinés à polir le marbre, le granit ou la pierre artificielle en liaison avec ses deux marques depuis 2010 [para 17, pièce 5];

·  la Requérante vend des couronnes de carottage au Canada en liaison avec ses deux marques depuis 2010 [para 18, pièce 6];

·  les ventes des produits de la Requérante, y compris ses lames abrasives, varient entre 127 371 $ et 262 944 $ de 2011 à juin 2014 [para 34];

·  les ventes de 2016 des produits de la Requérante en liaison avec ses deux marques ont augmenté comparativement à 2014, même si les lames abrasives au diamant n’étaient plus vendues en liaison avec les marques de commerce Piranha Abrasive [para 20].

[63]  Je remarque qu’à la date de l’affidavit de M. Weston, l’Opposante n’avait pas démontré un emploi ou une réputation de cette ampleur de l’une de ses marques indépendantes de sa marque maison Black & Decker. Toutefois, comme l’a fait remarquer le juge Manson au para 81 dans Black & Decker c Piranha Abrasives, ce facteur ne réduit pas le caractère distinctif des marques de l’Opposante :

[81] Bien qu’il s’agisse là d’un facteur dont il faut tenir compte, je ne suis pas d’accord pour dire que juste parce qu’une marque ou une marque de commerce « maison », comme BLACK & DECKER, est employée en liaison avec la marque ou la marque de commerce d’un produit, comme PIRANHA ou PIRANHA et dessin, et qu’elle est peut-être, d’une certaine façon, plus en vue, cela donne lieu à une subjugation ou à une érosion du caractère distinctif de la marque de commerce d’un produit. Ce n’est certes pas le cas en l’espèce.

 

Période d’usage

[64]  Même si l’Opposante fournit uniquement les ventes pour ses produits à partir de 2011, elle soutient avoir commencé à employer la marque nominale PIRANHA (LMC 330,222) au Canada en 1987. De son côté, la Requérante n’a commencé à employer sa Marque figurative qu’en 2010. Ce facteur favorise donc l’Opposante, mais dans une mesure limitée étant donné l’absence de preuve d’emploi avant 2011.

Genre de produits et voies de commercialisation

[65]  Au moment d’examiner le genre de produits, je dois comparer l’état déclaratif des produits de la Requérante avec l’état déclaratif des produits figurant dans les enregistrements de l’Opposante [Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); et Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF)].

[66]  Les états déclaratifs pertinents des produits doivent être interprétés dans le but d’établir le type probable d’entreprise ou de commerce visé par les parties, et la preuve du commerce réel des parties est utile, en particulier lorsqu’il existe une ambiguïté quant aux produits ou services visés par la demande ou l’enregistrement en cause [McDonald’s Corp c Coffee Hut Stores Ltd (1996), 68 CPR (3d) 168 (CAF); Procter and Gamble Inc c Hunter Packaging Ltd (1999), 2 CPR (4th) 266 (COMC); American Optical Corp c Alcon Pharmaceuticals Ltd (2000), 5 CPR (4th) 110 (COMC)].

[67]  Les marques de l’Opposante sont enregistrées pour des lames pour scies électriques et des lames pour scies circulaires.

[68]  Je reconnais que les enregistrements de l’Opposante permettent à cette dernière d’employer ses marques en liaison avec des lames pour scies circulaires et les lames pour scies électriques destinées au découpage de n’importe quel matériau, dont le marbre, le granit, le verre, la porcelaine, la tuile ou le béton, mais la preuve de M. Weston démontre que l’Opposante a limité l’objet de ses lames pour scies circulaires et lames pour scies électriques pendant près de trois décennies à la coupe du bois, de contreplaqués, du plastique, du métal, de la tuile, du verre et de la maçonnerie. Par exemple, la preuve démontre que les lames de l’Opposante, en plus d’arborer le logo de Black & Decker accompagné des couleurs noire et orange, arboraient également une image d’une pièce de bois, indiquant le matériau pour lequel elles sont conçues [Weston, pièce B].

[69]  Les produits et services de la Requérante comprennent divers outils abrasifs au diamant conçus pour le marbre, le granit, le verre, la porcelaine, la tuile et le béton ainsi que les machines et services à cet égard.

[70]  Bien que les produits et services des parties puissent être liés puisqu’il s’agit d’outils électriques et d’accessoires d’outils électriques, je conclus qu’ils sont essentiellement différents selon la preuve suivante de M. Cannarozzo :

·  les produits de la Requérante sont très spécialisés et sont destinés au découpage du béton, du granit, de la tuile et de la pierre [para 3];

·  le fonctionnement et l’apparence d’une meule pour l’affûtage du métal ou de la maçonnerie sont différents de ceux d’une meule pour l’affûtage de la pierre et du béton [para 32].

·  la Requérante vend ses produits à des entreprises qui vendent du granit, du marbre, de la porcelaine, de la tuile, du verre et du béton à des professionnels de l’industrie [para 19];

·  les produits de la Requérante ont été créés pour les professionnels de la pose de pierres, du béton et de la tuile pour qu’ils puissent s’y fier, pour que leur travail soit plus facile et que les résultats finaux soient meilleurs [para 3];

·  la Requérante fournit un produit de qualité professionnelle employant des matériaux de qualité élevée attendue des professionnels de l’industrie, et le prix de ses produits est fixé en conséquence [para 21];

·  les produits de la Requérante sont faits de diamants très abrasifs et ils permettent le polissage, le meulage, le carottage de la pierre, du béton et de la tuile [para 21];

·  les produits de la Requérante ne peuvent pas être utilisés pour le découpage du bois, du plastique ou de la maçonnerie [para 21].

[71]  J’accepte le témoignage de M. Cannarozzo sur ce point puisqu’il est conforme à son autre témoignage et qu’il n’a pas été contesté dans le cadre d’un contre-interrogatoire. J’estime donc que ce facteur favorise la Requérante.

[72]  Pour ce qui est des voies de commercialisation des parties, les lames pour scies circulaires et les lames pour scies électriques de l’Opposante sont vendues dans le secteur des outils électriques de détaillants nationaux comme Home Hardware, Walmart, BMR, entre autres, elles peuvent être commandées en ligne [Weston, para 31] et elles sont destinées aux entrepreneurs-bricoleurs et aux professionnels [Weston, para 34]. La preuve démontre que les produits de la Requérante sont principalement vendus dans des magasins spécialisés dans la pierre, le béton et la tuile, mais les distributeurs de la Requérante comprennent quelques magasins de matériaux de construction domiciliaire de nature plus générale [Weston, para 33; pièce E].

[73]  Par conséquent, bien que je reconnaisse que les voies de commercialisation des parties pourraient se chevaucher, je conclus qu’elles sont essentiellement différentes puisqu’elles ciblent des clients différents (des professionnels de l’industrie par rapport à des entrepreneurs bricoleurs) et que l’objectif des produits des parties est essentiellement différent (découpage du bois, de contreplaqués, du plastique, de tuyaux, du métal, de la tuile, du verre, de maçonnerie par rapport au meulage, au polissage ou au carottage de la pierre, du béton ou de la tuile). Je conclus donc que ce facteur favorise également la Requérante.

Autre circonstance – Plans d’expansion de l’Opposante

[74]  M. Weston déclare aussi dans son affidavit que l’Opposante a ciblé la ligne de produits PIRANHA en vue d’une expansion pour profiter de l’achalandage et de la réputation associés aux marques de commerce PIRANHA. À cet égard, il affirme ce qui suit :

·  En 2012, SBD a acheté le fabricant d’abrasifs canadien Abmast, Inc. La ligne de produits d’abrasifs d’Abmast comprend des outils de polissage, de meulage et de carottage au diamant, comme des meules pour affûtage et boisseau, des couronnes de carottage au diamant, des tampons de polissage et des lames de sciage abrasives au diamant [para 24]; 

·  SDB va procéder à la fusion des marques Abmast et Piranha et elle a l’intention de faire la commercialisation conjointe des produits de la ligne Abmast avec les marques de commerce PIRANHA [para 27];

·  l’expansion des marques de commerce PIRANHA au-delà des lames pour scies circulaires et des lames pour scies électriques est conforme à l’emploi de la marque PIRANHA dans d’autres pays comme le Royaume-Uni [para 27];

·  un grand nombre d’accessoires d’outils électriques ont un objet complémentaire et seront employés pour terminer un travail [para 28].

[75]  Encore une fois, je reconnais que les enregistrements de l’Opposante permettent à cette dernière d’employer ses marques en liaison avec des lames pour scies circulaires et des lames pour scies électriques destinées au découpage de n’importe quel matériau, dont le marbre, le granit, le verre, la porcelaine, la tuile ou le béton, comme je l’ai indiqué, mais la preuve démontre que l’Opposante a limité l’objet de ses lames pour scies circulaires et lames pour scies électriques pendant près de trois décennies à la coupe du bois, de contreplaqués, du plastique, de tuyaux, du métal, de la tuile, du verre et de maçonnerie. En outre, rien dans la preuve n’indique qu’un client ordinaire penserait qu’il s’agit d’une expansion naturelle de la marque de l’Opposante. Enfin, en l’absence d’éléments de preuve de promotion et d’emploi de l’une des marques de l’Opposante en liaison avec ces produits supplémentaires, à ce stade‑ci, cet emploi projeté est hypothétique [voir Black & Decker c Piranhna Abrasives, para 9]. Par conséquent, je ne considère pas qu’il s’agisse d’une autre circonstance qui aide l’Opposante.

Autre circonstance – Aucune preuve de confusion réelle

[76]  La Requérante soutient que le fait sa Marque figurative et les marques de l’Opposante ont coexisté dans le marché canadien depuis au moins avril 2011 sans cas de confusion connue appuie la position selon laquelle cette confusion est peu probable. En effet, M. Cannorozzo déclare ce qui suit au paragraphe 4 de son affidavit : [traduction] « Mes clients, amis et collègues ne m’ont jamais informé qu’eux-mêmes ou certains de leurs clients ou employés ont confondu mes produits abrasifs Piranha et les produits de l’Opposante ou de ses entreprises ou licenciés connexes ».

[77]  Bien que l’Opposante n’ait pas l’obligation de produire une preuve de confusion réelle, l’absence d’une telle preuve compte tenu de la période prolongée de coexistence peut entraîner une inférence négative [voir Mattel, supra]. Toutefois, je ne suis pas convaincue que l’omission par l’Opposante de produire une preuve de confusion réelle favorise la Requérante en l’espèce étant donné que les ventes des produits des deux parties sont déjà relativement limitées et qu’il n’y a aucune preuve que les produits ou services des parties ont été à ce jour offerts en vente dans les mêmes voies de commercialisation.

Conclusion

[78]  Comme je l’ai mentionné, dans Masterpiece, la Cour suprême du Canada a mis en lumière l’importance du facteur de l’article 6(5)e) dans le cadre de l’analyse sur la probabilité de confusion. En l’espèce, j’adopte la conclusion du juge Manson selon laquelle les marques partagent un degré de ressemblance élevé. Toutefois, même si l’Opposante soutient avoir employé sa marque pendant une période plus longue, la preuve démontre seulement des ventes limitées et parfois en déclin de ses lames entre 2011 et 2016. Bien que les produits et services des parties soient liés, la preuve démontre que, puisqu’ils ont été conçus pour des buts différents, les voies de commercialisation actuelles et les publics cibles des parties sont essentiellement différents. J’estime que la combinaison de ces facteurs supplémentaires suffit pour faire pencher la prépondérance des probabilités en faveur de la Requérante. Je suis donc convaincue que la Requérante s’est acquittée de son fardeau d’établir qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre les marques des parties. Compte tenu de ce qui précède, le motif de l’Opposante fondé sur l’article 12(1)d) n’est pas accueilli.

Autres motifs d’opposition

[79]  Les autres motifs d’opposition reposent aussi sur la détermination de la question de probabilité de confusion entre la Marque figurative et les marques de l’Opposante. Comme je l’ai indiqué, les dates pertinentes pour évaluer la probabilité de confusion en ce qui concerne l’absence de droit à l’enregistrement et l’absence de caractère distinctif sont, respectivement, la date de production de la demande, les dates de premier emploi de la Requérante et la date de l’opposition. À mon avis, les différences entre les dates pertinentes n’ont pas d’incidence importante sur la détermination de la question de la confusion entre les marques de commerce de l’Opposante et la Marque figurative. Bien que l’Opposante se soit acquittée de son fardeau initial, la Requérante s’est également acquittée de son fardeau ultime parce qu’il n’y a aucune probabilité de confusion pour les raisons indiquées dans l’examen du motif fondé sur l’article 12(1)d).

DEMANDE NO 1,720,124 POUR PIRANHA ABRASIVES 

[80]  La demande no 1,720,124 pour la marque de commerce PIRANHA ABRASIVES (la Marque) a été produite le 19 mars 2015 pour les produits et services suivants, en fonction de l’emploi et de l’emploi projeté aux mêmes dates que celles visant la demande no 1,662,383 :

Produits

(1) Outils abrasifs de polissage, de meulage, de carottage et de fraisage au diamant pour le marbre, le granit, le verre, la porcelaine, la tuile et le béton.

(2) Machines de coupe pour le marbre, le granit, le verre, la porcelaine, la tuile et le béton; machines de polissage électriques pour le polissage du marbre, de la pierre et du granit; fraiseuses à pierre de carrière pour le granit et le marbre; machines à affûter les outils; roues d’affûtage de machine à affûter les outils.

Services

(1) Réparation, fabrication et personnalisation d’outils abrasifs de polissage, de meulage, de carottage et de fraisage au diamant.

(2) Soudage de segments abrasifs au diamant sur des outils de polissage, de meulage, de carottage et de fraisage pour le marbre, le granit, le verre, la porcelaine, la tuile et le béton.

[81]  La seule différence entre les produits visés par la demande de la Requérante en l’espèce et les produits visés par l’enregistrement de l’Opposante est qu’au lieu de « [c]ouronnes de carottage abrasives au diamant », la Requérante a demandé l’enregistrement d’« outils [...] de carottage et de fraisage ». De plus, au lieu d’offrir le service de « « [c]ouronnes de carottage », la Requérante a demandé l’enregistrement du soudage de « segments abrasifs au diamant » pour divers outils, notamment les « outils [...] de carottage et de fraisage ». Aucune des deux parties n’a indiqué que les produits et services de chacune d’elles sont décrits dans chaque demande de façon considérablement différente.

[82]  La Marque a été annoncée aux fins d’opposition le 30 décembre 2015 et une opposition a été produite par l’Opposante le 26 février 2016. 

[83]  En dehors du fait que la date pertinente pour le motif fondé sur l’article 16(3) est le 19 mars 2015, plutôt que le 3 février 2014, les arguments, les questions et les éléments de preuve pour les deux oppositions sont essentiellement les mêmes. La seule différence notable concerne la légère différence dans la description des produits et services visés par la demande et le caractère distinctif inhérent de la marque PIRANHA ABRASIVES de la Requérante. Même si elle a une force inhérente, la marque PIRANHA ABRASIVES de la Requérante est légèrement plus faible que les marques de l’Opposante parce que le mot « abrasives » suggère les produits de la Requérante. Toutefois, je ne crois pas que ce seul facteur soit suffisant pour faire pencher la prépondérance des probabilités en faveur de l’Opposante.

[84]  Par conséquent, en appliquant le même raisonnement que celui appliqué pour ce qui est de l’opposition à la Marque figurative de la Requérante, il s’ensuit qu’aux dates pertinentes, la Requérante s’est acquittée du fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucune probabilité de confusion entre la marque PIRANHA ABRASIVES visée par la demande et l’une des marques de l’Opposante.


 

Décision

[85]  Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette les oppositions en ce qui concerne les demandes nos 1,768,335 et 1,720,124.

 

 

Cindy R. Folz

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Liette Girard


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE Lundi 16 décembre 2019

COMPARUTIONS

Michelle Easton

Pour l’Opposante

Michelle L. Wassenaar

Pour la Requérante

AGENT(S) AU DOSSIER

Gowlings WLG (Canada) LLP

Pour l’Opposante

Method Law

Pour la Requérante

 

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