Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence: 2020 COMC 3

Date de la décision: 2020-01-17

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION

 

1161396 Ontario Inc.

Opposante

et

 

Les Marques Metro / Metro Brands S.E.N.C.

Requérante

 

1,737,612 pour INVITATIONS & Dessin

Demande

 

Introduction

[1]  1161396 Ontario Inc. (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce INVITATIONS & Dessin (la Marque) ci-après reproduite :

http://www.ic.gc.ca/app/api/ic/ctr/trademarks/media/image/1737612/10

[2]  La demande d’enregistrement porte le numéro 1,737,612 et est au nom de Les marques Metro/Metro Brands S.E.N.C. (la Requérante). Elle vise les produits suivants:

Produits alimentaires, nommément, arachides, barres de friandises, biscuits et petits gâteaux, boîtes de chocolats assortis, bonbons, bonbons en dérivé de guimauve, chocolat et tablettes de chocolat, confiseries aux amandes, confiseries aux arachides, confiseries de chocolat, confiseries gélifiées, confiseries sucrées, croustilles, fudge et sucre à la crème, menthes au chocolat, nougatines dures aux arachides (les Produits).

[3]  La demande d’enregistrement fut produite le 16 juillet 2015 et est fondée sur un emploi projeté au Canada.

[4]  L’Opposante fonde son opposition sur la non-conformité de la demande d’enregistrement (articles 30 a), b), e), h), et i) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi)), l’article 16(3)a) de la Loi et l’absence de caractère distinctif de la Marque (article 2 de la Loi).

[5]  La demande ayant été annoncée le 18 mai 2016, soit avant le 17 juin 2019, conformément à l’article 70 de la Loi, les motifs d’opposition seront évalués sur le fondement de la Loi dans sa version du 16 juin 2019, à l’exception de la question de la confusion qui, elle, sera évaluée au regard des articles 6(2) à (4) de la Loi dans sa version actuelle.

[6]  J’estime qu’il y a lieu de rejeter l’opposition.

Le dossier

[7]  La déclaration d’opposition fut produite le 18 octobre 2016. La Requérante a produit, le 4 novembre 2016, une contre-déclaration niant les motifs d’opposition plaidés par l’Opposante. Le 17 avril 2017, l’Opposante produisait une requête pour amender sa déclaration d’opposition. Par décision du registraire datée du 25 avril 2017 celui-ci refusait de considérer cette requête puisqu’elle n’était pas complète. L’Opposante n’a jamais donné suite à cette décision.

[8]  Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit à titre de preuve en chef l’affidavit de M. Michael Stephan souscrit le 23 février 2017 et une copie certifiée de l’affidavit de Sarbjit Singh souscrit le 27 juillet 2010 produit dans le cadre d’une opposition à la demande d’enregistrement numéro 1,329,344 pour la marque de commerce IRRESISTIBLE produite par la Requérante.

[9]  La Requérante n’a pas soumis de preuve.

[10]  Seule la Requérante a produit un plaidoyer écrit et aucune audience n’a été tenue.

Remarques préliminaires

[11]  J’ai pris connaissance de toute la preuve au dossier. Cependant, je me limiterai à décrire et à me référer qu’aux extraits de la preuve de l’Opposante qui m’apparaissent les plus pertinents pour trancher les motifs d’opposition à être abordés dans cette décision.

[12]  Je tiens à souligner que la demande d’enregistrement numéro 1,329,344 pour la marque de commerce IRRESISTIBLE produite par la Requérante fut déclarée abandonnée le 23 octobre 2012 et n’est aucunement visée par la présente procédure d’opposition.

[13]   Je remarque que, dans sa déclaration d’opposition, l’Opposante fait référence à sa demande d’enregistrement numéro 1,452,360 pour la marque de commerce IRRESISTIBLES & Dessin. Toutefois le motif d’opposition plaidé par l’Opposante se fondant sur l’article 16(3)a) de la Loi ne fait aucunement référence à cette marque de commerce. De plus, l’Opposante n’a aucunement plaidé un motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)b) de la Loi, soit le droit de la Requérante à l’enregistrement de la Marque en raison de la confusion avec une marque de commerce qui a fait l’objet d’une demande d’enregistrement antérieurement produite.

La preuve de l’opposante

[14]  M. Stephan est un enquêteur. Il affirme que le 8 février 2016, il s’est rendu à une épicerie Metro située sur le Boulevard William Kitchen à Toronto et y a acheté un produit portant le nom «Invitations Milk Chocolate Covered Maple Flavoured Caramel» et a annexé, comme pièce A, des photographies de ce produit et, comme pièce B, le reçu de caisse correspondant à l’achat de ce produit.

[15]  M. Singh se décrit comme le président de l’Opposante, qui fait affaires sous la raison sociale S & M Entreprises depuis 1995 et il est également le président de One Better Inc. depuis 1995. Je rappelle que cet affidavit a été souscrit le 27 juillet 2010.

[16]  M. Singh affirme que depuis 2000, l’Opposante a employé la marque de commerce IRRESISTIBLES au Canada en liaison avec des bonbons et collations.

[17]  M. Singh affirme que l’Opposante a accordé une licence à One Better Inc. pour l’emploi de la marque IRRESISTIBLES au Canada.

[18]  M. Singh affirme que les chiffres de vente en gros de l’Opposante pour la vente de bonbons et collations en liaison avec la marque IRRESISTIBLES au Canada depuis 2000 ont dépassé les 25 millions de dollars. Ces produits ont été vendus, entre autres, à Wal-Mart, Giant Tiger, Sobeys, Loblaws, Shoppers Drug Mart et Toys R Us. Il a produit comme pièce 1 des exemples d’étiquettes et d’emballages de ces produits, tous portant la marque IRRESISTIBLES et comme pièce 2 des échantillons de factures et bons de commande concernant la vente de ces produits au Canada en liaison avec la marque IRRESISTIBLES.

[19]  Je tiens à souligner que je ne vois pas la pertinence du contenu de cet affidavit puisque la marque qui fait l’objet de la présente procédure d’opposition est INVITATIONS & Dessin. Je reviendrai plus loin sur ce sujet.

Analyse

[20]  C’est à l’Opposante qu’il appartient au départ d’établir le bien-fondé de son opposition. Le fardeau ultime de démontrer que la Marque est enregistrable repose toutefois sur la Requérante, selon la prépondérance de preuve [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); et Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al (2002), 20 CPR (4th) 155 (CAF)].

Motifs d’opposition fondés sur l’article 30 de la Loi (conformité)

[21]  Rien dans la preuve produite par l’Opposante ne touche, de près ou de loin, les motifs d’opposition concernant la conformité de la présente demande d’enregistrement.

[22]  Ainsi rien au dossier ne laisse croire que l’état des Produits n’est pas dressé dans les termes ordinaires du commerce (article 30a de la Loi). De plus, la présente demande est fondée sur un emploi projeté au Canada. Il ne saurait donc être question d’une date erronée de premier emploi au Canada (article 30b) de la Loi). D’ailleurs, les faits décrits par M. Stephan dans son affidavit sont postérieurs à la date de production de la présente demande d’enregistrement qui est la date pertinente pour tout motif d’opposition s’attaquant à la conformité de la présente demande d’enregistrement [voir Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd, 3 CPR (1984), (3d) 469 (COMC)].

[23]  Quant aux motifs d’opposition fondés sur l’article 30e) de la Loi, encore une fois il n’existe aucune allégation au dossier qui remettrait en question le fait que la Requérante, au moment de la production de sa demande d’enregistrement, avait l’intention d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Produits. Au contraire, les faits décrits dans l’affidavit de M. Stephan semblent confirmer l’intention de la Requérante d’employer la Marque au Canada.

[24]  Pour ce qui est du motif d’opposition fondé sur l’article 30h) de la Loi, rien dans la preuve soulève une quelconque non-conformité à l’exigence de produire un dessin de la Marque.

[25]  Finalement pour ce qui est du motif d’opposition fondé sur l’article 30i) de la Loi, cet article exige seulement que la Requérante se déclare convaincue d’avoir le droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Produits. Cette déclaration se retrouve dans la présente demande d’enregistrement.

[26]  Cet article de la Loi peut toutefois être soulevé au soutien d’un motif d’opposition dans des cas bien particuliers; par exemple, lorsque cette déclaration de la Requérante aurait été faite de mauvaise foi [voir Sapodilla Co Ltd c Bristol Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC)]. Or, il n’y a aucune preuve de cette nature au dossier.

[27]  Par conséquent tous les motifs d’opposition fondés sur l’article 30 de la Loi sont rejetés car l’Opposante ne s’est pas déchargée de son fardeau initial de preuve.

Motif d’opposition fondé sur l’article 16(3) de la Loi

[28]  Ce motif d’opposition doit s’analyser à la date de production de la demande d’enregistrement (16 juillet 2015) [voir l’article 16(3) de la Loi].

[29]  En vertu de ce motif d’opposition, l’Opposante devait démontrer qu’elle employait, avant la date pertinente, sa marque de commerce IRRESISTBLES tel qu’allégué dans sa déclaration d’opposition et qu’elle n’avait pas abandonnée cet emploi à la date de l’annonce de la présente demande d’enregistrement (18 mai 2016) [voir l’article 16(5) de la Loi].

[30]  La Requérante soulève deux arguments principaux concernant ce motif d’opposition :

  • L’Opposante a abandonné l’emploi de sa marque IRRESISTIBLES à la date de l’annonce de la présente demande d’enregistrement (18 mai 2016) [voir l’article 16(5) de la Loi];

  • Même si l’Opposante avait démontré son intention de ne pas abandonner sa marque de commerce au 18 mai 2016, il n’existe aucune probabilité de confusion entre les marques des parties.

[31]  Il est difficile d’analyser la position d’une partie lorsque cette dernière ne produit pas de plaidoyer écrit et ne présente pas d’arguments à une audience. Je vais donc m’en remettre uniquement à la preuve au dossier.

[32]  Il n’est pas nécessaire, pour disposer de ce motif d’opposition, de passer en revue avec minutie le contenu de l’affidavit de M. Singh produit dans le cadre d’une autre opposition entre les mêmes parties. Tel que mentionné précédemment, cet affidavit est daté du 27 juillet 2010. Il s’est écoulé près de six ans entre la date de cet affidavit et la date de l’annonce de la présente demande d’enregistrement et près de sept ans si nous remontons à la date de production de la preuve de l’Opposante.

[33]  Il n’y a aucun autre affidavit de M. Singh ou d’un autre représentant de l’Opposante se référant à cet affidavit et/ou apportant une mise à jour quant à la preuve d’emploi de la marque de commerce IRRESISTIBLES par l’Opposante.

[34]  En présumant, pour les fins de mon analyse, que l’Opposante a démontré l’emploi de la marque IRRESISTIBLES antérieurement au 16 juillet 2015 (date pertinente pour ce motif d’opposition), il n’y a aucune preuve d’emploi de celle-ci  postérieure au 31 mars 2010 (facture la plus récente annexée à l’affidavit de M. Singh).

[35]  La Requérante soutient que l’absence de preuve d’emploi de la marque IRRESISTIBLES par l’Opposante sur une période de plus de six ans (période entre la facture la plus récente et la date de l’annonce de la présente demande d’enregistrement) doit nous amener à la conclusion que l’Opposante a abandonné l’emploi de sa marque de commerce au sens de l’article 16(5) de la Loi. Ainsi, l’Opposante ne se serait pas déchargée de son fardeau initial de preuve sous ce motif d’opposition.

[36]  Dans la décision Bristol-Myers Squibb Company c Mentholatum Company of Canada, Limited, 1991 CanLII 6790 (CA COMC), le registraire a énoncé le principe, qu’en général en l’absence de tout autre preuve, un délai de cinq ans d’absence de preuve d’emploi d’une marque de commerce est suffisant pour conclure à l’abandon de cette marque de commerce.

[37]  J’ajouterai que dans Iwasaki Electric Co Ltd c Hortilux Schreder B V, 2012 CAF 321, la Cour d’appel fédérale a confirmé le principe que le registraire peut, en l'absence de toute autre preuve, se fonder sur le fait qu'une partie n’a pas employé depuis longtemps sa marque de commerce pour conclure à l’abandon de celle-ci.

[38]  Dans les circonstances, je conclus que l’Opposante ne s’est pas déchargée de son fardeau initial de preuve car elle n’a pas démontré qu’elle n’avait pas abandonné l’emploi de sa marque de commerce IRRESISTIBLES au 18 mai 2016.

[39]  Pour ces raisons, ce motif d’opposition est rejeté.

[40]  Je me permets d’ajouter que, dans l’éventualité où je serais dans l’erreur en concluant que l’emploi de la marque IRRESISTIBLES avait été abandonné au 18 mai 2016, je rejetterais tout de même le motif d’opposition car il n’y a aucun risque de confusion entre la Marque et la marque de commerce IRRESISTIBLES de l’Opposante.

[41]  Il n’y a pas lieu de faire une analyse exhaustive des critères énumérés à l’article 6(5) de la Loi. En effet, tel que mentionné par la Cour suprême du Canada dans Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc et al 2011 CSC 27, 92 CPR (4th) 361 (CSC), dans la plupart des cas, le critère le plus important est celui du degré de ressemblance entre les marques en présence.

[42]  Or, dans le présent cas, il n’y a aucune ressemblance, que ce soit au niveau phonétique, visuel ou dans les idées suggérées par les marques INVITATIONS et IRRESISTIBLES. Il n’est donc pas nécessaire de passer en revue les autres critères énumérés à l’article 6(5) de la Loi pour disposer de cette question.

[43]  Il est permis de croire que l’Opposante voulait se référer à sa marque commerce IRRESISTIBLES & Dessin (ci-après reproduite), faisant l’objet de sa demande d’enregistrement 1,452,360:

http://www.ic.gc.ca/app/api/ic/ctr/trademarks/media/image/1452360/10

[44]  En effet, le graphisme et la police qui se retrouvent dans la Marque a certaines similitudes avec ceux illustrés ci-haut. Toutefois, je n’ai pas à me prononcer sur cette question puisque l’Opposante, tel que mentionné précédemment, n’a pas plaidé un motif d’opposition fondé sur l’emploi antérieur de cette marque de commerce (article 16(3)a) de la Loi) ou la production antérieure de cette demande d’enregistrement (article 16(3)b) de la Loi).

Motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif de la Marque

[45]  Il y a lieu tout d’abord de souligner que ce motif d’opposition est fondé non pas sur l’emploi de la marque de commerce IRRESISTIBLES mais plutôt sur la marque de commerce IRRESISTIBLES & Dessin ci-haut reproduite.

[46]  Or, aucun des emballages ni aucune des étiquettes annexés à l’affidavit de M. Singh ne fait référence à ce graphisme tant au niveau de la police utilisée que du graphisme rectangulaire.

[47]  Pour satisfaire son fardeau de preuve initial sous le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif de la Marque, l’Opposante devait démontrer que sa marque IRRESISTIBLES & Dessin était connue au Canada ou bien connue dans une région précise du Canada à la date de production de sa déclaration d’opposition (18 octobre 2016), de telle sorte que la Marque ne pouvait être distinctive des Produits de la Requérante à cette date [voir Bojangles’ International, LLC c Bojangles Café Ltd, 2006 CF 657, 48 CPR (4th) 427 (CF)].

[48]  J’estime que l’Opposante ne s’est pas déchargée de son fardeau de preuve initial. En effet, il n’y a aucune preuve au dossier que l’Opposante ait employé cette marque de commerce au Canada de telle sorte qu’elle était connue au Canada ou bien connue dans une région précise du Canada au 18 octobre 2016.

[49]  Même si je concluais que l’emploi de la marque IRRESISTIBLES sous une signature stylisée différente que celle apparaissant dans le graphisme ci-haut reproduit, telle que nous la retrouvons aux pièces annexées à l’affidavit de M. Singh, équivaut à l’emploi de la marque de commerce IRRESISTIBLES & Dessin, soit la marque sur laquelle l’Opposante fonde ce motif d’opposition, il n’y a aucune preuve d’emploi de l’une ou l’autre de ces marques au Canada depuis septembre 2010 tel qu’expliqué précédemment. Ainsi, il m’est impossible de conclure que l’une ou l’autre de ces marques étaient connues au Canada ou bien connues dans une région précise du Canada au 18 octobre 2016.

[50]  Je rejette donc ce motif d’opposition car l’Opposante ne s’est pas déchargée de son fardeau initial de preuve.

Disposition

[51]  En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition de l’Opposante en application de l’article 38(12) de la Loi.

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Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada


 

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

AUCUNE AUDIENCE

AGENT(S) AU DOSSIER

Aucun

POUR L’OPPOSANTE

Norton Rose Fulbright Canada LLP/S.E.N.C.R.L.

POUR LA REQUÉRANTE

 

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