Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2020 COMC 10

Date de la décision : 2020-01-29

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

 

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45

 

Joia Calcado, S.A.

Partie requérante

et

 

Vella Shoes Canada Ltd.

Propriétaire inscrite

 

LMC388,241 pour WALKING ON A CLOUD

Enregistrement

Introduction

[1]  Le 23 août 2017, à la demande de Joia Calcado S.A. (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi) à Vella Shoes Canada Ltd. (la Propriétaire), la propriétaire inscrite de l’enregistrement no LMC388,241 pour la marque de commerce WALKING ON A CLOUD (la Marque).

[2]  La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec les produits et les services suivants :

[traduction]

PRODUITS

Chaussures de toutes sortes, à savoir bottes, souliers et pantoufles.

SERVICES

Exploitation de magasins de vente au détail vendant des chaussures, des vêtements et les accessoires connexes.

[3]  L’avis enjoignait à la Propriétaire d’indiquer, à l’égard de chacun des produits spécifiés dans l’enregistrement, si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois années précédant la date de l’avis et, dans la négative, qu’elle précise la date à laquelle la Marque a ainsi été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour établir l’emploi s’étend du 23 août 2014 au 23 août 2017.

[4]  Les définitions pertinentes d’« emploi » sont énoncées à l’article 4 de la Loi ainsi :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

4(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

[5]  Il est bien établi que de simples allégations d’emploi d’une marque de commerce ne sont pas suffisantes pour établir l’emploi dans le contexte de la procédure prévue à l’article 45 [Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)]. Bien que le niveau de preuve requis pour établir l’emploi dans le cadre de cette procédure soit peu élevé [Woods Canada Ltd c Lang Michener (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst)] et qu’il ne soit pas nécessaire de produire une surabondance d’éléments de preuve [Union Electric Supply Co Ltd c le Registraire des marques de commerce (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst)], il n’en faut pas moins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des produits et des services spécifiés dans l’enregistrement pendant de la période pertinente [John Labatt Ltd c Rainer Brewing Co (1984), 80 CPR (2d) 228 (CAF)].

[6]  En réponse à l’avis du registraire, la Propriétaire a produit l’affidavit de Lori Vella, souscrit le 22 mars 2018. Les deux parties ont produit des observations écrites. La tenue d’une audience n’a pas été sollicitée.

La preuve de la Propriétaire

[7]  Mme Vella déclare qu’elle est la vice-présidente du marketing de la Propriétaire depuis 2006. Elle déclare qu’avant 1993, la Propriétaire, sous le nom de « Vella Shoes », exploitait 17 boutiques de chaussures partout dans le sud de l’Ontario. En 1993, la Propriétaire a acquis la Marque, et toutes les boutiques Vella Shoes existantes ont été renommées Walking On A Cloud. Elle déclare que depuis de nouvelles boutiques ont été ouvertes et qu’au moins 30 magasins de vente au détail ont été exploités pendant la période pertinente et employaient la Marque en vertu d’une licence octroyée par la Propriétaire. Elle déclare aussi que [traduction] « [p]endant toute la période pertinente, la Propriétaire contrôlait a nature et la qualité des marchandises et des services offerts par les licenciés » qui sont [traduction] « liés à [la Propriétaire] et sous contrôle commun » puisque les licenciés et la Propriétaire [traduction] « font partie d’une entreprise exploitée par ma famille ». Elle déclare que les ventes brutes annuelles générées par les magasins de vente au détail pendant la période pertinente étaient de plus de 30 millions de dollars par année.

[8]  Mme Vella déclare que la Marque a été constamment affichée sur la façade de chacun des magasins de vente au détail depuis 1993, y compris durant la période pertinente. À titre de la Pièce B, elle joint des photographies de quatre façades, affichant chacune la Marque sur un important panneau fixé sur la devanture des magasins. Les panneaux arboraient également les mots « Comfort Footwear », et le mot « footwear » semble être affiché sur les magasins photographiés. Je ne peux déterminer à partir des photographies si les magasins montraient des vêtements autres que des chaussures. Les adresses en Ontario sont indiquées sous chacune des photographies.

[9]  Mme Vella explique que les chaussures ou les accessoires achetés dans les magasins sont placés dans des sacs à emplettes arborant la Marque. À titre de Pièce C, elle joint des photographies de sacs de plastique et de sacs à emplettes réutilisables affichant la Marque, tel qu’ils existaient pendant la période pertinente. Elle déclare qu’environ 1 000 sacs réutilisables ont été vendus et que 520 000 sacs de plastique ont été utilisés par mois durant la période pertinente.

[10]  Mme Vella déclare que pendant de nombreuses années avant la période pertinente, la Propriétaire a vendu des produits arborant la Marque dans ses magasins de vente au détail, mais qu’ils ont cessé d’être vendus avant la période pertinente parce que le fabricant tiers de ces produits a cessé ses activités. Toutefois, en juin 2017, la Propriétaire a entrepris des démarches pour reprendre la vente de chaussures de marque maison. À titre de Pièce D, elle joint une copie de l’invitation inscrite au calendrier datée du 15 août 2017 à une réunion entre un représentant de la Propriétaire et un tiers pour discuter de la fabrication de chaussures arborant la Marque. Elle déclare que cette réunion a entraîné la livraison d’échantillons le 18 décembre 2017 et le placement d’une commande. À titre de Pièce E et F, elle joint un document indiquant une commande pour la fabrication d’échantillons et des photographies de sandales arborant la Marque, respectivement. Elle explique que la Propriétaire a l’intention de reprendre la vente de chaussures arborant la Marque dans ses magasins au printemps 2018.

[11]  À titre de Pièce G, Mme Vella joint les renseignements d’enregistrement pour les noms de domaine www.walkingonacloud.ca et www.walkingonacloud.com, appartenant tous les deux à la Propriétaire. À titre de Pièce H, elle joint quatre instantanés d’écran d’archive Internet de Wayback Machine indiquant le site Web de la Propriétaire tel qu’il existait durant la période pertinente. Chaque instantané d’écran porte la mention « Rockport Shoes, Ecco Shoes, Mephisto Shoes – Walking on a Cloud » dans la partie supérieure de la page, et comprend de nombreux intitulés « Shop Women », « Shop Men », « Women’s Shoes », « Men’s Shoes » et des mentions semblables. Encore une fois, il n’est pas fait mention de vêtements autres que des chaussures. À la Pièce I, elle joint un aperçu sur l’auditoire de Google Analytics indiquant que les Canadiens ont eu accès au site Web www.walkingonacloud.ca pendant la période pertinente.

[12]  Enfin, aux Pièces J à N, elle joint des échantillons de documents publicitaires et de catalogues datés de la période pertinente et elle explique que la Propriétaire a dépensé plus de 1 million de dollars en frais de publicité par année durant la période pertinente. Ces documents comprennent des publicités radiodiffusées et écrites; par exemple, la Pièce N est décrite par Mme Vella comme une annonce qui a été diffusée dans le numéro de décembre 2014 du magazine « ON the GO » qui a été distribué dans les boîtes aux lettres publiques et les stations de transport public dans la région du Grand Toronto. L’annonce montre un éventail de chaussures de tiers et arbore les mots « WALKING ON A CLOUD shoe stores » et donne une série d’adresses de magasins à Toronto.

Analyse

La Propriétaire a-t-elle démontré l’emploi de la Marque en liaison avec les produits visés par l’enregistrement?

[13]  Comme l’a fait remarquer la Partie requérante, Mme Vella reconnaît dans son affidavit que la Propriétaire n’a pas vendu de chaussures arborant la Marque durant la période pertinente. La Propriétaire fait plutôt valoir qu’elle a établi l’emploi de la Marque en liaison avec les produits visés par l’enregistrement en vendant les chaussures d’un tiers et en les plaçant dans des sacs à emplettes arborant la Marque. À l’appui, la Propriétaire invoque Ellesse International SpA c Tengo Sports Inc. (1989), 24 CPR (3d) 23 (COMC) pour la proposition selon laquelle lorsque le produit est placé dans un sac à emplettes arborant une marque de commerce au moment de l’achat, l’emploi de cette marque de commerce en liaison avec ce produit est établi au sens de l’article 4(1).

[14]  Le raisonnement dans Ellesse a été examiné et a fait l’objet d’une distinction dans une décision subséquente. Par exemple, dans Rosenstein c Elegance Rolf Offergelt GmbH (2005), 47 CPR (4th) 196 (COMC) au para 17, le registraire a formulé les observations suivantes au sujet de la jurisprudence contradictoire sur ce point :

Dans Ellesse International SpP.A. v. Tengo Sports Inc. (1989), 24 C.P.R. (3d) 23 [COMC], l’ancien président de la Commission des oppositions a statué que le fait que les marchandises soient livrées aux acheteurs dans des sacs ou emballages portant la marque de commerce de la requérante suffisait à créer une liaison entre la marque de commerce et les marchandises au moment du transfert. En conséquence, l’inscrivant a raison de prétendre que le fait que la Marque figure sur du ruban d’emballage et des sacs équivaut à un emploi de la Marque en liaison avec les marchandises au sens du paragraphe 4(1). D’autre part, dans London Drugs Ltd v. Brooks (1997), 81 C.P.R. (3d) 540 (C.O.M.C.), le fait que la marque de commerce figure sur des sacs a été jugé insuffisant pour établir l’emploi en liaison avec des marchandises. En conséquence, il semble que les faits particuliers d’une affaire doivent être d’abord examinés avant de conclure que le fait qu’une marque de commerce figure sur du ruban d’emballage ou des sacs équivaut à l’emploi d’une marque de commerce en liaison avec des marchandises. [Non souligné dans l’original.]

[15]  Des décisions postérieures ont conclu que le fait de placer des produits arborant les marques d’un tiers dans un sac à emplettes portant une marque de commerce au moment de l’achat ne suffit pas en soi à établir l’emploi de cette marque de commerce en liaison avec les produits du tiers [voir, par exemple, 6438423 Canada Inc c Consumers Nutrition Center Ltd, 2009 CanLII 82134 (COMC), aux para 12 à 14; Moffat & Co c Big Erics Inc, 2015 COMC 52, au para 17; Laverana GmbH & Co KG c Heather Ruth McDowell, 2015 COMC 125, au para 41, infirmée pour d’autres motifs, 2016 CF 1276]. Comme l’a déclaré le registraire dans Gowling, Strathy & Henderson c Karan Holdings Inc (2001), 14 CPR (4th) 124 (COMC), au para 8 :

En ce qui concerne l’argument du titulaire de l’enregistrement selon lequel la marque de commerce figure sur une enseigne placée sur la façade du magasin, sur les sacs et sur les boîtes dans lesquelles les marchandises sont livrées, j’estime que ce type d’emploi ressemble plus à l’emploi de la marque en liaison avec un service, à savoir distinguer le point de vente au détail du titulaire de l’enregistrement des autres points de vente. En conséquence, je ne peux conclure que l’emploi qui a été démontré est celui de la marque de commerce en liaison avec des marchandises, de façon à distinguer un vêtement particulier des vêtements d’autres entreprises. J’aimerais ajouter ici que le titulaire de l’enregistrement a admis, lors de l’audition, que les vêtements portaient les marques de commerce d’autres entreprises.

[16]  À mon avis, le même raisonnement s’applique à la présente affaire. L’affichage de la Marque sur les sacs à emplettes ne suffit pas en soi à établir l’emploi de la Marque en liaison avec les produits de tiers placés à l’intérieur des sacs au moment de l’achat. Il permet plutôt de distinguer les magasins de vente au détail de la Propriétaire de ceux d’autres personnes et donc d’appuyer l’emploi de la Marque en liaison avec les services visés par l’enregistrement, comme il sera indiqué ci-dessous, plutôt qu’avec les produits visés par l’enregistrement.

La Propriétaire a-t-elle présenté des circonstances spéciales qui justifieraient le non-emploi?

[17]  Comme la Propriétaire n’a pas démontré l’emploi en ce qui concerne les produits visés par l’enregistrement, la question en l’espèce est celle de savoir si, en vertu de l’article 45(3) de la Loi, des circonstances spéciales existaient pour justifier le non-emploi de la Marque pendant la période pertinente.

[18]  Pour déterminer si l’existence de circonstances spéciales a été de démontrée, le registraire doit d’abord décider de la raison pour laquelle la marque commerce n’a pas été employée pendant la période pertinente. Ensuite, le registraire doit décider si les raisons du non-emploi constituaient des circonstances spéciales [Canada (Registraire des marques de commerce) c Harris Knitting Mills Ltd (1985), 4 CPR (3d) 488 (CAF) [Harris Knitting]]. Des circonstances spéciales dont des circonstances ou des raisons qui sont de nature inhabituelle, peu courantes ou exceptionnelles [John Labatt Ltd c Cotton Club Bottling Co (1976), 25 CPR (2d) 115 (CF 1re inst) [John Labatt]].

[19]  Si le registraire décide que les raisons du non-emploi constituent des circonstances spéciales, il doit quand même décider si ces circonstances justifient la période de non-emploi. Cette détermination nécessite l’examen de trois critères : (1) la durée pendant laquelle la marque de commerce n’a pas été employée; (2) la question de savoir si le non‑emploi était attribuable à des circonstances indépendantes de la volonté du propriétaire inscrit; et (3) la question de savoir s’il avait l’intention de reprendre l’emploi de la marque à court terme [selon Harris Knitting]. Les trois critères sont pertinents, mais le respect du deuxième est essentiel pour obtenir une conclusion de l’existence de circonstances spéciales justifiant le non-emploi [selon Scott Paper Ltd c Smart & Biggar (2008), 65 CPR (4th) 303 (CAF) [Scott Paper]].

Les raisons du non-emploi constituent-elles des circonstances spéciales?

[20]  Comme je l’ai indiqué, Mme Vella déclare que la Propriétaire a cessé de vendre des chaussures arborant la Marque parce que le fabricant tiers a cessé ses activités. Toutefois, rien dans la preuve n’indique que l’omission de la Propriétaire de trouver d’autres fabricants pendant la période pertinente était autre chose qu’une décision d’affaires. Aucun renseignement n’a été fourni sur les difficultés qu’aurait éprouvées la Propriétaire à trouver un nouveau fabricant. Ainsi, je ne peux conclure que les circonstances décrites dans l’affidavit de Mme Vella étaient « de nature inhabituelle, peu courantes ou exceptionnelles » au point de respecter la norme des circonstances spéciales formulée dans John Labatt, en particulier à la lumière de la longue période de non-emploi.

Les circonstances justifiaient-elles les périodes de non-emploi?

[21]  En tout état de cause, même si je devais accepter que le retard à reprendre l’utilisation pouvait être considéré comme des circonstances « de nature inhabituelle, peu courantes et exceptionnelles », je ne suis pas convaincu qu’il justifie la période de non-emploi en l’espèce. À cet égard, je ne suis pas convaincu que la Propriétaire a respecté les critères indiqués dans Harris Knitting.

[22]  Pour ce qui est du premier critère, Mme Vella déclare qu’avant la période pertinente, des chaussures arborant la Marque n’étaient pas vendues depuis au moins 2006. Les ventes de chaussures arborant la Marque n’ont repris qu’en 2018. Cette longue période d’au moins 12 ans de non-emploi milite fortement à l’encontre des raisons justifiant le non-emploi de la Marque.

[23]  En ce qui concerne le deuxième critère, dans ses observations écrites, la Propriétaire renvoie aux circonstances de la perte de son fabricant, au cycle naturel de l’industrie de la mode et à la longue chaîne d’approvisionnement de chaussures comme circonstances indépendantes de sa volonté. Toutefois, je fais remarquer que l’affidavit même de Mme Vella est silencieux sur la nature cyclique de l’industrie de la mode et la longueur de la chaîne d’approvisionnement de chaussures. En effet, pour ce qui est du dernier facteur, l’affidavit de Mme Vella semblait laisser entendre une chaîne d’approvisionnement relativement courte puisqu’il indique que la Propriétaire a commencé à entreprendre des démarches pour reprendre les ventes de chaussures de marque maison en juin 2017 et que les ventes de ces produits ont commencé au printemps 2018. Selon la preuve de la Propriétaire, je n’arrive pas à comprendre pourquoi cette dernière n’a pas pris ces mesures plus tôt pour trouver un autre fabricant. Ainsi, je ne peux conclure que les raisons du non-emploi étaient indépendantes de la volonté de la Propriétaire.

[24]  Pour ce qui est du troisième critère, même si je devais accepter que la reprise des ventes de chaussures arborant la Marque en 2018 démontre une intention continue sérieuse d’employer la Marque durant la période pertinente, l’intention continue d’employer la Marque ne peut être une circonstance spéciale menant au non-emploi de la Marque en soi [Scott Paper, au para 28].

[25]  Compte tenu de ce qui précède, je ne peux conclure que la Propriétaire a démontré l’existence de circonstances spéciales qui justifieraient l’absence de l’emploi de la Marque en liaison avec les produits visés par l’enregistrement durant la période pertinente.

La Propriétaire a-t-elle démontré l’emploi de la Marque en liaison avec les services enregistrés?

[26]  La partie requérante soutient que la preuve d’emploi de la Propriétaire en liaison avec les services visés par l’enregistrement correspond à de simples allégations et à une preuve ambiguë et que la Propriétaire n’a pas établi que l’emploi de la Marque par les magasins de vente au détail la favorise. Chacun de ces arguments sera examiné à tour de rôle.

[27]  Toutefois, je note que rien dans la preuve de la Propriétaire ne laisse entendre que les boutiques vendaient des vêtements autres que des chaussures et que ni sa preuve ni ses observations écrites ne renvoient précisément aux ventes de vêtements autres que des chaussures. À ce titre, je ne peux conclure que la Propriétaire a démontré l’emploi de la Marque en liaison avec le service de vente au détail de « vêtements ». Puisque la Propriétaire n’a indiqué aucune circonstance spéciale justifiant le non-emploi de la Marque en liaison avec ces services, l’enregistrement sera modifié en conséquence.

Simples allégations et preuve ambiguë

[28]  La Partie requérante soutient qu’un certain nombre des déclarations de Mme Vella en ce qui concerne l’emploi en liaison avec la Marque correspond à de simples allégations, y compris sa déclaration selon laquelle les ventes brutes annuelles des magasins de vente au détail étaient supérieures à 30 millions de dollars, ainsi que son allégation selon laquelle la Marque a été continuellement affichée sur la façade de chacun des magasins de vente au détail depuis 1993. Pour ce qui est des magasins de vente au détail, la Partie requérante fait remarquer que la Propriétaire n’a pas énuméré tous les magasins de vente au détail et leur emplacement et qu’elle n’explique pas quels produits ils vendent, comment la marque de commerce est employée dans ces magasins ou quelle est leur superficie. Pour ce qui est des photographies des magasins de vente au détail jointes à l’affidavit de Mme Vella à titre de Pièce B, la Partie requérante soutient que la Propriétaire n’a pas expliqué quels produits ces magasins vendent ou leurs ventes brutes annuelles et elle fait aussi remarquer qu’aucun renseignement n’est fourni sur la personne qui a pris les photographies, le moment où ces dernières ont été prises ou la durée pendant laquelle les magasins ont été exploités. Enfin, la Partie requérante soutient que la Propriétaire n’a pas expliqué sa pratique normale du commerce, faisant remarquer que le registraire ne peut se livrer à des hypothèses quant à la nature des affaires de la Propriétaire [citant SC Johnson & Son Inc c Registraire des marques de commerce (1981), 55 CPR (2d) 34 (CF 1re inst)].

[29]  À mon avis, la dissection de la preuve de la Propriétaire par la Partie requérante équivaut à une démarche trop technique dans son analyse qui est incompatible avec l’objet de la procédure prévue à l’article 45 [voir Dundee Corporation c GAM Limited, 2014 COMC 152, au para 21; Reckitt Benckiser (Canada) Inc c Tritap Food Broker, 2013 COMC 65, au para 27]. C’est la preuve dans son ensemble qu’il faut examiner et il faut se rappeler que les pièces devraient être interprétées conjointement avec les renseignements fournis dans les affidavits. En outre, en l’absence d’une preuve contraire, il convient d’admettre sans réserve les déclarations faites sous serment par un déposant et d’accorder une crédibilité substantielle aux déclarations contenues dans un affidavit produit dans le cadre de la procédure prévue à l’article 45 [Oyen Wiggs Green & Mutala LLP c Atari Interactive, Inc, 2018 COMC 79, au para 25].

[30]  En l’espèce, je note que chacune des photographies de la Pièce B est accompagnée d’une adresse en Ontario et que Mme Vella a attesté que la Marque avait été affichée continuellement sur la façade de chacun de ses magasins de vente au détail depuis 1993. En outre, il ressort clairement de l’examen des photographies de la Pièce B que les magasins de vente au détail illustrés sont des magasins de chaussures, et cette conclusion est appuyée par l’ensemble de la preuve de la Propriétaire. Enfin, il ressort clairement de l’affidavit de Mme Vella que la nature des affaires de la Propriétaire concerne la vente de chaussures et d’accessoires de tiers dans ses magasins de vente au détail.

[31]  La Partie requérante fait remarquer que la Propriétaire n’a fourni qu’un chiffre de vente général de 30 millions de dollars sans préciser si ces ventes avaient été réalisées dans les magasins en Ontario indiqués à la Pièce B et soutient que cette ambiguïté doit être réglée à l’encontre de la Propriétaire. Toutefois, à mon avis il serait déraisonnable de conclure que la Propriétaire a exploité 17 boutiques de chaussures en Ontario pendant trois ans sans réaliser de vente [pour une conclusion semblable, voir Riches, McKenzie et Herbert srl c Park Pontiac Buick GMC Ltd (2005), 50 CPR (4th) 391, au para 9].

[32]  En tout état de cause, même si je devais conclure qu’aucune vente n’est survenue dans les boutiques en Ontario de la Propriétaire pendant la période pertinente, il est bien établi que la présentation de la marque de commerce dans l’annonce des services est suffisante pour satisfaire aux exigences de l’article 4(2) de la Loi, du moment que le propriétaire de la marque de commerce offre et est prêt à exécuter les services au Canada [Wenward (Canada) Ltd c Dynaturf Co (1976), 28 CPR (2d) 20 (COMC)]. À mon avis, à tout le moins, l’existence de ces magasins de vente au détail en Ontario pendant la période pertinente établit que la Propriétaire offrait et était prête à exécuter les services de ventes au détail. Je note que la Pièce N de l’affidavit de Mme Vella arborait clairement la Marque dans le cadre de la publicité des boutiques de chaussures de la Propriétaire à Toronto; en outre, Mme Vella indique clairement que la publicité a été imprimée dans un magazine à très grand tirage de Toronto pendant la période pertinente.

Emploi par les licenciés

[33]  Enfin, je suis convaincu que la Propriétaire exerçait un contrôle sur la nature et la qualité des services exécutés par ses licenciés des magasins de vente au détail en liaison avec la Marque, de sorte que l’emploi de la Marque par les licenciés avantage la Propriétaire en vertu de l’article 50(1) de la Loi. Comme l’a indiqué la Cour fédérale, le propriétaire d’une marque de commerce dispose essentiellement de trois méthodes pour démontrer qu’il exerce le contrôle prévu par l’article 50(1) de la Loi : premièrement, attester explicitement qu’il exerce effectivement le contrôle prévu; deuxièmement, produire des preuves démontrant qu’il exerce effectivement le contrôle nécessaire; ou troisièmement, produire une copie du contrat de licence qui prévoit l’exercice d’un tel contrôle [Empresa Cubana Del Tobaco Trading c Shapiro Cohen, 2011 CF 102, au para 84]. En l’espèce, bien que Mme Vella n’ait pas fourni de copie du contrat de licence, elle a explicitement attesté que la Propriétaire exerçait le contrôle prévu. Cela est suffisant aux fins d’une procédure prévue à l’article 45.

[34]  Bref, compte tenu de la preuve susmentionnée de l’affichage de la Marque sur les magasins de vente au détail au Canada pendant la période pertinente combinée aux déclarations de Mme Vella ce qui concerne le contrôle et l’attribution de licences, je suis convaincu que cet emploi attesté de la Marque favorise la Propriétaire. Selon les déclarations de Mme Vella, ces magasins de vente au détail vendaient des chaussures et des accessoires. En outre, l’affidavit de Mme Vella démontre que la Marque a été affichée en liaison avec l’annonce des services visés par l’enregistrement au Canada pendant la période pertinente, et il ressort clairement de sa preuve que la Propriétaire offrait et était prête à exécuter les services de vente au détail visés par l’enregistrement relativement aux « chaussures » et aux « accessoires » au Canada pendant la pertinente par l’entremise de ces licenciés, les magasins de vente au détail de chaussures. Ainsi, je suis convaincu que la preuve de la propriétaire établit l’emploi de la Marque en liaison avec les services [traduction] « Exploitation de magasins de vente au détail vendant des chaussures […] et les accessoires connexes » au Canada durant la période pertinente au sens des articles 4 et 45 de la Loi.

Décision

[35]  Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi et conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi, l’enregistrement sera modifié afin de supprimer les produits visés par l’enregistrement dans leur intégralité et de supprimer [traduction] « , des vêtements » des services visés par l’enregistrement.

[36]  L’état déclaratif des services modifié sera libellé comme suit :

Exploitation de magasins de vente au détail vendant des chaussures et les accessoires connexes.

 

G.M. Melchin

Agent d’audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Liette Girard


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

Aucune audience tenue

AGENTS AU DOSSIER

Ridout & Maybee LLP

Pour la Propriétaire inscrite

O’Brien TM Services Inc.

Pour la Partie requérante

 

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