Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2019 COMC 100

Date de la décision : 2019-09-30

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

Yves Levis

Opposant

et

 

Mikhail Golubev

Requérant

 

1,679,937 pour la marque de commerce MoldXperts

Demande

Introduction

[1]  Mikhail Golubev (le Requérant) a produit une demande pour faire enregistrer la marque de commerce MoldXperts (la Marque) en liaison avec les produits et services suivants sur la base de l’emploi de la Marque au Canada depuis au moins aussi tôt que le 31 mars 2009 [Traduction] :

Imprimés, nommément directives pour l’élimination de la moisissure; outils, équipement et produits chimiques pour l’élimination de la moisissure dans des bâtiments résidentiels et commerciaux, nommément vêtements de protection et couvre-chaussures; fongicides et désinfectants; ruban adhésif en toile, feuilles de plastique, lunettes de protection, gants en nitrile, masques respiratoires, aspirateurs HEPA et sacs d’aspirateur, trousses de nettoyage et d’élimination de la moisissure et des champignons (les Produits).

Services d’élimination de la moisissure dans des bâtiments résidentiels et commerciaux et services de consultation connexes, nommément services d’inspection, d’enquête et d’échantillonnage, services de vérification de la qualité de l’air, services d’inspection par caméra thermique, services de cartographie de l’écoulement de l’eau, détection et élimination de la moisissure, élimination de la moisissure et des champignons; vente d’équipement pour l’élimination de la moisissure et des champignons (les Services).

[2]  Yves Levis (l’Opposant) a produit des demandes d’enregistrement, actuellement en instance, à l’égard des marques de commerce MOLDXPERTS et MOLDXPERTS (Dessin) pour emploi en liaison avec des services identiques. Les demandes de l’Opposant ont toutes deux été produites après la présente demande et revendiquent une date de premier emploi au Canada plus tardive. L’Opposant s’est opposé à la demande du Requérant pour un certain nombre de motifs techniques et a également contesté le caractère distinctif de la Marque.

[3]  Pour les raisons exposées ci-dessous, j’estime qu’il y a lieu de rejeter la demande.

Le dossier

[4]  La demande pour la Marque a été produite le 4 juin 2014 et a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 15 juillet 2015.

[5]   Le 15 décembre 2015, l’Opposant a produit une déclaration d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi). Les motifs d’opposition invoqués par l’Opposant sont fondés sur les articles 30a), 30b), 30i) et 2 de la Loi. La Loi ayant été modifiée le 17 juin 2019, toutes les dispositions de la Loi mentionnées dans la présente décision renvoient à la Loi dans sa version modifiée, à l’exception de celles concernant les motifs d’opposition (voir l’article 70 de la Loi, qui prévoit que l’article 38(2) de la Loi dans sa version antérieure au 17 juin 2019 s’applique aux demandes annoncées avant cette date).

[6]  Le Requérant a produit une contre-déclaration le 28 janvier 2016.

[7]  À l’appui de son opposition, l’Opposant a produit son propre affidavit (souscrit le 19 juin 2016) (le premier affidavit Levis). À l’appui de sa demande, le Requérant a produit son propre affidavit (souscrit le 12 octobre 2016) (l’affidavit Golubev). En réponse, l’Opposant a produit un affidavit supplémentaire dont il est également l’auteur (souscrit le 21 décembre 2016) (le second affidavit Levis). Ni le Requérant ni l’Opposant n’a été contre-interrogé.

[8]  Seul l’Opposant a produit un plaidoyer écrit. Toutefois, les parties étaient toutes deux présentes à l’audience qui a été tenue.

Remarques préliminaires

Procédure entre l’Opposant, la société de l’Opposant et la société du Requérant à la Cour supérieure de justice de l’Ontario (Cour des petites créances)

[9]  Ainsi qu’il apparaîtra à la lecture de la présente décision, l’Opposant et le Requérant en l’espèce ne sont pas des étrangers l’un pour l’autre et, pendant un certain temps, l’Opposant et la société du Requérant Bust Mold Inc. (« Bust Mold », faisant aussi affaire sous le nom « Mold Busters ») ont entretenu une relation d’affaires. La nature de cette relation figurait parmi les questions clés soulevées dans le cadre d’une procédure qui a opposé les parties devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario (Cour des petites créances) [voir Bust Mold Inc c Yves Levis, 7656041 Canada Inc et Eastern Canada MoldXperts Inc, dossier de la Cour supérieure no SC‑14-00132011-0000, décision rendue le 25 septembre 2017].

[10]  L’Opposant a soumis une copie certifiée de cette décision, indiquant qu’il entendait l’invoquer à l’audience à titre de jurisprudence. Puis, à l’audience même, il a cité certaines des conclusions de la Cour dans cette affaire, y compris son opinion quant à la crédibilité du témoignage de Bust Mold. Or, cette décision de la Cour des petites créances n’est pas admissible pour établir la véracité de son contenu; elle établit simplement qu’une décision a été rendue et que les conclusions qui sous-tendent cette décision sont fondées sur la preuve dont le juge disposait dans cette affaire précise [Scott & Aylen c Nintendo of America Inc. (1992), 47 CPR (3d) 102, à la p 105 (COMC)].

[11]  Je souligne que, bien que j’aie tenu compte de toute la preuve et de toutes les observations au dossier, je ne traite dans ma décision que des éléments de preuve et des observations qui se rapportent directement à mes conclusions finales quant à chacun des motifs d’opposition invoqués. Ainsi, je ne traite pas des éléments de preuve qui se rapportent plus directement aux questions soulevées dans la procédure devant la Cour des petites créances, par exemple, la question de savoir si M. Levis était auparavant un employé de Bust Mold ou un entrepreneur indépendant.

Admissibilité de certaines parties de la preuve du Requérant se rapportant aux faits présentés comme « avérés » dans la procédure devant la Cour des petites créances

[12]  Dans son plaidoyer écrit, l’Opposant soutient que certaines parties de l’affidavit Golubev contiennent des allégations qui sont formulées comme s’il s’agissait de faits avérés, alors qu’en réalité, ce n’est pas le cas. Plus particulièrement, aux paragraphes 11 et 15 de l’affidavit Golubev, les actes allégués de l’Opposant, notamment le vol de clients du Requérant et l’emploi des marques de commerce Mold Busters du Requérant dans le but d’en tirer un avantage financier, sont présentés comme ayant été tenus pour [Traduction] « avérés » par la Cour des petites créances, alors qu’aucune décision n’avait, en réalité, été rendue par la Cour.

[13]  J’estime que ces allégations ne sont pas pertinentes du point de vue des questions soulevées dans la présente procédure d’opposition; je n’en ai donc pas tenu compte dans mon analyse. Mais, quoi qu’il en soit, je souscris aux observations de l’Opposant sur ce point.

Tentatives du Requérant de produire une preuve supplémentaire à l’audience

[14]   À l’audience, le Requérant a tenté de produire de nouveaux éléments de preuve. Le Requérant a été informé que s’il souhaitait présenter des éléments de preuve supplémentaires, la façon adéquate de procéder consistait à demander la permission de produire une preuve supplémentaire au titre de l’article 44 du Règlement sur les marques de commerce. Le Requérant n’ayant pas fait cette démarche, l’unique preuve au dossier en ce qui concerne le Requérant est l’affidavit Golubev.

Fardeau de preuve et dates pertinentes

[15]  C’est au Requérant qu’incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L’Opposant a toutefois le fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition [John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), à la p 298].

[16]  Les dates pertinentes qui s’appliquent aux motifs d’opposition invoqués sont les suivantes :

·  Articles 38(2)a)/30 – la date de production de la demande [Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC), à la p 475]; et

·  Articles 38(2)d)/2 – la date de production de la déclaration d’opposition [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc (2004), 2004 CF 1185 (CanLII), 34 CPR (4th) 317 (CF)].

Analyse des motifs d’opposition

Motif fondé sur l’article 30)a)

[17]  L’Opposant allègue que, en contravention de l’article 30a) de la Loi, [Traduction] « le Requérant n’employait pas, et n’emploie pas présentement, la Marque au Canada à l’égard des Produits et Services spécifiques énumérés dans la demande au moment où elle a été produite ». Or, j’estime que cette allégation, qui se rapporte davantage aux revendications d’emploi contenues dans la demande qu’à la question de savoir si l’état des Produits et Services est dressé dans les termes ordinaires du commerce, aurait dû être soulevée au titre de l’article 30b) de la Loi. En conséquence, le motif d’opposition fondé sur la non-conformité à l’article 30a) de la Loi est rejeté parce qu’il n’a pas été plaidé correctement.

Motif fondé sur l’article 30b)

[18]  L’Opposant allègue que, en contravention de l’article 30b), le Requérant n’a pas employé la Marque au Canada à l’égard des Produits et Services spécifiques à partir de la date de premier emploi indiquée, à savoir le 31 mars 2009.

[19]  Le fardeau initial qui incombe à un opposant à l’égard de la question de la non-conformité à l’article 30b) de la Loi est léger, car les faits concernant le premier emploi par le requérant relèvent essentiellement de la connaissance du requérant [Tune Masters c Mr P’s Mastertune Ignition Services Ltd (1986) 10 CPR (3d) 84 (COMC)]. L’opposant peut s’acquitter de ce fardeau de preuve en s’appuyant aussi bien sur sa propre preuve que sur la preuve du requérant [Labatt Brewing Company Limited c Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 CPR (3d) (CF 1re inst) 216]. Cependant, l’opposant ne peut s’appuyer avec succès sur la preuve du requérant pour s’acquitter de son fardeau initial que s’il démontre que la preuve du requérant met en doute les revendications formulées dans la demande du requérant [Corporativo de Marcas GJB, SA de CV c Bacardi & Company Ltd 2014 CF 323, aux para 30 à 38]. À cet égard, les parties pertinentes du dossier sont examinées ci-dessous.

Preuve principale de l’Opposant – le premier affidavit Levis

[20]  M. Levis est le président et l’unique employé de 7656041 Canada Inc. et d’Eastern Canada MoldXperts Inc. (para 1). Comme l’indique le résumé présenté ci-dessous, le premier affidavit Levis expose la relation d’affaires que M. Levis entretenait auparavant avec la société du Requérant et les démarches qu’il a plus tard entreprises dans le but de mettre sur pied sa propre entreprise d’élimination des moisissures et de consultation connexe en liaison avec la marque de commerce et/ou le nom commercial MoldXperts. M. Levis affirme ce qui suit :

·  À un certain moment en 2010, M. Golubev est entré en contact avec M. Levis pour lui proposer de fournir des services professionnels pour le compte de Mold Busters dans la province de Québec. À condition de remettre 30 % de ses ventes brutes à Mold Busters en guise de contrepartie, M. Levis obtiendrait de la publicité, de la formation et du soutien professionnel (para 4). En vertu de cette entente, tous les appels de service en provenance de la province de Québec reçus sur le site Web Mold Buster du Requérant devaient être redirigés vers M. Levis qui en assurerait le traitement (para 5).

·  De 2011 à 2013 environ, M. Golubev et M. Levis ont fait équipe pour fournir les services Mold Busters d’élimination des moisissures et de consultation connexe du Requérant dans l’est de l’Ontario et l’ouest du Québec sous le nom commercial Mold Busters et la marque de commerce MOLD BUSTERS (para 6).

·  À la suggestion de M. Golubev, M. Levis a constitué sa propre société sous le numéro 7656041 Canada Inc. et l’a fait enregistrer dans le but de l’exploiter au Québec sous le nom commercial « Mold Busters » (para 7). Je souligne que la pièce E (dont un extrait est reproduit ci-dessous) montre que M. Levis a fait enregistrer les noms « LES EXPERTS DE LA MOISISSURE » et « MOLD BUSTERS (VERSION ANGLAISE) ».

·  Vers la fin de 2012 et le début de 2013, un certain nombre de difficultés sont venues entacher la relation des parties et ont eu raison de cette dernière (para 8).

·  Le 16 décembre 2013, M. Levis a acheté le nom de domaine moldxperts.ca dans le but de continuer à offrir des services dans le domaine de la détection et de l’élimination des moisissures (para 9, pièce D).

·  Le 14 janvier 2014, M. Levis a changé le nom de sa société à numéro 7656041 Canada Inc. pour Eastern Canada MoldXperts Inc (para 10). Comme je l’explique plus loin dans ma décision, ce changement de nom n’a finalement été inscrit que le 21 juin 2014.

·   Un extrait du Certificat de modification (Registraire des entreprises du Québec) (pièce E) est reproduit ci-dessous. Je souligne que les noms commerciaux correspondants, c’est-à-dire « LES EXPERTS DE LA MOISISSURE » et « MOLD BUSTERS » ont été remplacés par « Les Experts en moisissures de l’est du Canada » et « Eastern Canada MoldXperts » :

·  En janvier 2014, M. Levis a commencé à faire affaire avec un concepteur de logos dans le but de créer des logos pour son entreprise Eastern Canada MoldXperts Inc. (para 11, pièce F), et le 21 janvier 2014, M. Levis a commencé à offrir des services sous les marques de commerce MOLDXPERTS et MOLDXPERTS (Dessin) dans le domaine général de la détection et de l’élimination des moisissures (para 12).

·  Le 4 février 2014, le site Web www.moldxperts.ca a été mis en ligne (para 14). Un imprimé de ce site Web daté du 29 juillet 2014 et tiré du site d’archives www.wayback.com, est joint comme pièce G (para 15). Je confirme que l’imprimé présente « MoldXperts » et semble annoncer les services de détection et d’élimination des moisissures de la société de M. Levis.

·  Les ventes/recettes mensuelles brutes réalisées en lien avec les services fournis par Eastern Canada MoldXperts Inc. sous les marques de commerce MOLDXPERTS et MOLDXPERTS (Dessin) pendant la période allant de janvier 2014 à décembre 2014 sont fournies. Les ventes mensuelles totales ont oscillé entre 1 000 $ (en février 2014) à 47 000 $ (en septembre 2014) (para 13).

·  À un certain moment entre juin et octobre 2014, M. Levis a appris que, le 4 juin 2014, M. Golubev avait produit la présente demande d’enregistrement à l’égard de la marque de commerce MOLDXPERTS (para 16). M. Levis a par la suite produit des demandes d’enregistrement à l’égard des marques de commerce MOLDXPERTS et MOLDXPERTS (Dessin), demandes qui se sont vues attribuer les nos 1,697,812 et 1,697,817, respectivement (para 17).

·  M. Levis affirme que les questions d’ordre juridique entourant la fin de sa relation d’affaires avec M. Golubev font l’objet d’un litige qui est présentement devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario (para 18). Au paragraphe 19 (reproduit ci-dessous), il affirme ce qui suit [Traduction] :

19. Dans sa réclamation à titre de demandeur dans cette procédure, laquelle est jointe comme pièce H, M. Golubev a affirmé ce qui suit : « Le 10 janvier 2014, nous avons tenté d’aborder cette question avec M. Levis, mais il a adopté une attitude défensive et est parti. Peu après qu’il ait quitté notre société, nous avons découvert que M. Levis avait démarré sa propre entreprise (« MoldXperts » – www.moldxperts.ca) offrant les mêmes services que Mold Busters dans les régions d’Ottawa-Gatineau et de Montréal [italique ajouté] ». Cela indique clairement que M. Golubev n’a pas employé la marque de commerce MOLDXPERTS à partir de la date revendiquée et qu’en fait, comme il l’indique lui-même, il a d’abord eu connaissance de l’emploi que je faisais moi-même de cette marque de commerce.

  • M. Levis donne également son opinion quant à la conviction du Requérant d’avoir droit d’employer la Marque au moment où il a produit la présente demande et se penche sur le caractère distinctif de la Marque (para 23 et 24). Je n’ai pas tenu compte de ces déclarations, car elles représentent l’opinion de M. Levis sur des questions de fait et de droit qu’il appartient au registraire de trancher.

 

La preuve du Requérant – l’affidavit Golubev

[21]  Mikhail Golubev est le président de Bust Mold (para 1). Les parties pertinentes de l’affidavit de M. Golubev sont résumées ci-dessous :

·  Bust Mold fournit des services d’élimination des moisissures et de consultation connexe à des clients résidentiels, commerciaux et gouvernementaux depuis le 1er juin 2005 (para 2). Bust Mold détient des enregistrements à l’égard, entre autres, des marques de commerce Mold Busters et Bust Mold au Canada, lesquelles sont enregistrées sous les nos LMC727,489 et LMC870,069, respectivement (para 3).

·  Le 2 mars 2012, Bust Mold a produit une demande d’enregistrement à l’égard de la marque de commerce « The Mold Removal Experts », demande qui s’est vue attribuer le no 1,566,982. Cette demande, dans laquelle il revendiquait l’emploi au Canada depuis le 1er juin 2015, a par la suite été abandonnée.

·  M. Golubev affirme que, le 31 mars 2009, Bust Mold [Traduction] « a commencé à employer MoldXperts dans le marketing de ses services sur des sites Web ainsi que sur des produits tels que des [Traduction] “trousses d’élimination des moisissures” (pièce A) ». M. Golubev cite la pièce A à l’appui de sa prétention selon laquelle Bust Mold emploie aussi bien « MoldXperts » que « The Mold Removal Experts » (para 13). Je souligne que la pièce A est constituée d’une seule page arborant la date « 10/12/2016 » et la mention « remediation_kit.jpg (184x 170) ». La page contient également une image photographique ou une copie de ce qui correspondrait à la trousse d’élimination alléguée. Or, l’ensemble de l’image est complètement flou et il est impossible de l’examiner à un niveau de détail raisonnable. Tous les mots qui pourraient être présents dans cette image ou l’accompagner, y compris MoldXperts, sont illisibles.

·  En 2010, M. Levis s’est joint à Bust Mold et a fourni des services d’inspection et d’élimination aux clients de cette dernière au Québec (para 6). M. Golubev allègue que M. Levis a été congédié en décembre 2013 (para 7).

[22]  Les paragraphes 8 à 10 de l’affidavit Golubev sont reproduits ci-dessous [Traduction] :

8. Le 14 janvier 2014, M. Levis a démarré une société concurrente, Eastern Canada MoldXperts Inc., offrant exactement les mêmes services que Bust Mold (ce qui constitue une violation de l’entente).

9. La pièce B montre que le nom « Les Experts en moisissures de l’est du Canada » et la version anglaise « Eastern Canada MoldXperts » ont été ajoutés à la société d’Yves le 21 juillet 2014.

Mais, on peut voir également que le nom français « Les Experts de la Moisissure » et « Mold Busters » ont été utilisés par Yves du 26 octobre 2010 au 21 juillet 2014.

Les noms n’ont été actualisés qu’après que Bust Mold Inc. eut engagé une poursuite contre M. Levis à la Cour des petites créances.

Cela prouve que Bust Mold Inc. employait le nom « Les Experts de la Moisissure », qui signifie Mold Experts ou MoldXperts en anglais, depuis au moins 2010, c’est-à-dire avant que M. Levis ne se joigne à Bust Mold Inc. ou qu’il ne démarre sa propre entreprise concurrente offrant exactement les mêmes services.

10. Le 6 juin 2014, nous avons produit une demande d’enregistrement à l’égard de la marque de commerce MoldXperts (demande no 1679937) que nous avons employée au Canada depuis le 31 mars 2009 dans le cadre des activités de Bust Mold Inc.

[23]   Je comprends que l’entente citée au paragraphe 8 de l’affidavit Golubev se rapporte à un engagement de non-concurrence allégué entre les parties, lequel n’a pas été présenté en preuve dans la présente affaire. Je souligne en outre que la pièce B de l’affidavit Golubev semble être constituée du même extrait du Certificat de modification de l’Opposant qui est reproduit ci-dessus au paragraphe 20 de la présente décision.

Preuve en réponse – le second affidavit Levis

[24]  Dans son affidavit en réponse, M. Levis affirme que, pas une seule fois, pendant toute la période où il a travaillé avec le Requérant, il n’a vu le type de [Traduction] « trousse d’élimination des moisissures » qui est mentionnée à la pièce A de l’affidavit Golubev et que M. Golubev prétend avoir utilisée depuis le 31 mars 2009 (para 2). Je souligne toutefois que cette déclaration est d’une utilité limitée étant donné qu’il est impossible de déterminer ce que l’image en pièce A représente.

[25]  M. Levis réfute les prétentions du Requérant selon lesquelles il a été congédié par Bust Mold et il a volé des clients et des fonds de Bust Mold (para 4). M. Levis confirme également que sa demande en vue de changer la dénomination de sa société à numéro pour « Les Experts en moisissures de l’est du Canada » a été produite au Registraire des entreprises du Québec le 14 janvier 2014, lorsqu’il a commencé à faire affaire sous ce nom. Sa demande lui a toutefois été renvoyée pour correction, si bien que le changement de nom n’est devenu officiel que le 21 juillet 2014 (para 5).

Analyse

[26]  Le Requérant n’était aucunement tenu de produire une preuve positive de l’emploi de la Marque depuis la date de premier emploi revendiquée, à savoir le 31 mars 2009, mais il a choisi de le faire. En outre, le fait que M. Golubev n’ait pas été contre-interrogé ne m’empêche pas d’évaluer la valeur de sa preuve [voir Ontario Dental Assistants Association c Association dentaire canadienne, 2013 CF 266 (CanLII), au para 31]. Il ressort de mon examen de l’affidavit Golubev que ce dernier soulève plus de questions qu’il ne fournit d’éléments de preuve quant à l’emploi de la Marque à la date revendiquée et j’estime qu’il met clairement en doute les revendications formulées dans la demande.

[27]  Premièrement, la preuve du Requérant en pièce A de l’affidavit Golubev ne corrobore pas son allégation d’emploi, car l’image figurant sur la page est complètement floue et aucune partie du texte n’est lisible. De plus, comme l’a souligné l’Opposant dans son plaidoyer écrit, la date indiquée sur la page est le 10/12/2016, ce qui ne témoigne pas nécessairement d’un emploi en date du 31 mars 2009.

[28]  Deuxièmement, d’après mon analyse de la preuve, le Requérant semble invoquer le nom français « Les experts de la Moisissure » à l’appui de sa revendication d’emploi de la marque de commerce MoldXperts. À cet égard, je reproduis ci-dessous le paragraphe 9 de l’affidavit Golubev, dont certains passages sont mis en évidence [Traduction] :

9. La pièce B montre que le nom « Les Experts en moisissures de l’est du Canada » et la version anglaise « Eastern Canada MoldXperts » ont été ajoutés à la société d’Yves le 21 juillet 2014.

Mais, on peut voir également que le nom français « Les Experts de la Moisissure » et « Mold Busters » ont été utilisés par Yves du 26 octobre 2010 au 21 juillet 2014.

Les noms n’ont été actualisés qu’après que Bust Mold Inc. eut engagé une poursuite contre M. Levis à la Cour des petites créances.

Cela prouve que Bust Mold Inc. employait le nom « Les Experts de la Moisissure », qui signifie Mold Experts ou MoldXperts en anglais, depuis au moins 2010, c’est-à-dire avant que M. Levis ne se joigne à Bust Mold Inc. ou qu’il ne démarre sa propre entreprise concurrente offrant exactement les mêmes services.

[29]  J’estime que le fait que « Les Experts de la Moisissure » puisse suggérer une signification semblable ou identique à celle de la marque de commerce MoldXperts n’est pas suffisant pour établir un quelconque emploi de la marque de commerce MoldXperts visée par la demande [voir, par analogie, la décision Riches, McKenzie & Herbert c J.M.J. Holdings Ltd (1992), 47 CPR (3d) 285 (COMC) dans laquelle il a été déterminé que l’emploi de LA COLLECTION FRANCAISE n’équivalait pas à l’emploi de THE FRENCH COLLECTION LA COLLECTION FRANCAISE].

[30]  Dans l’ensemble, j’estime que la preuve en l’espèce est suffisante pour mettre en doute les revendications d’emploi du Requérant. Dans ce contexte, c’est au Requérant que revient le fardeau de démontrer que la Marque a été employée au Canada en liaison avec les Produits et Services spécifiés dans la demande, de la date revendiquée jusqu’à la date de la production de la demande. Comme ce dernier n’en a rien fait, ce motif d’opposition est accueilli.

Motif fondé sur l’article 30i)

[31]   L’Opposant allègue que, en contravention de l’article 30i) de la Loi, le Requérant aurait dû avoir connaissance de l’existence des marques de commerce MOLDXPERTS et MOLDXPERTS (Dessin) de l’Opposant, qui font l’objet des demandes d’enregistrement nos 1,697,812 et 1,697,817, ainsi que de l’emploi de ces marques de commerce par l’Opposant, et qu’il ne pouvait pas être convaincu d’avoir droit d’employer la Marque au Canada.

[32]   L’article 30i) exige que le requérant indique dans sa demande qu’il est convaincu d’avoir droit d’employer la marque de commerce au Canada en liaison avec les produits et les services visés par la demande. La déclaration prévue à l’article 30i) est censée être la preuve que le requérant a produit sa demande de bonne foi [Cerverceria Modelo SA de CV c Marcon (2008), 70 CPR (4th) 355 (COMC), à la p 366]. Lorsqu’un requérant a fourni la déclaration exigée par l’article 30i), ce motif d’opposition ne devrait être accueilli que dans des cas exceptionnels.

[33]  Compte tenu de ce qui suit, j’estime que la présente affaire est un cas exceptionnel et que l’Opposant s’est acquitté de son fardeau de preuve en démontrant que la preuve du Requérant met en doute la déclaration formulée par ce dernier dans sa demande pour la Marque, ce qui soulève un doute quant à la bonne foi du Requérant lors de la production de la demande [Corporativo de Marcas GJB, SA de CV, supra] :

  • (a) Les allégations d’emploi de la Marque par le Requérant formulées dans l’affidavit Golubev (para 5 et 13) ne sont aucunement corroborées. La pièce A est censée démontrer comment la Marque est employée en liaison avec les Produits et Services, mais elle est indéchiffrable.

 

  • (b) En revanche, la preuve de l’Opposant expose clairement les démarches entreprises par M. Levis, après qu’il eut quitté Bust Mold, pour mettre sur pied sa propre entreprise en liaison avec les marques de commerce MOLDXPERTS et MOLDXPERTS (Dessin).

 

  • (c) Une relation d’affaires préexistante unissait les parties, et la preuve donne à penser que le Requérant avait pu avoir connaissance que la Marque ou une marque de commerce similaire avait été adoptée par l’Opposant. À cet égard, je me reporte à la réclamation du demandeur (Bust Mold’s) dans la poursuite qu’il a intentée à la Cour des petites créances (pièce H du premier affidavit Levis), qui indique que [Traduction] : « Le 10 janvier 2014… il (M. Levis) a adopté une attitude défensive et est parti. Peu après qu’il ait quitté notre société, nous avons découvert que M. Levis avait démarré sa propre entreprise (« MoldXperts » – www.moldxperts.ca) offrant les mêmes services que Mold Busters dans les régions d’Ottawa-Gatineau et de Montréal. Bien qu’il s’agisse de ouï-dire, je suis convaincue que cette preuve est admissible telle quelle, parce qu’il était nécessaire pour l’Opposant de produire ce document pour démontrer le point de vue du Requérant à l’égard de l’emploi fait par l’Opposant et parce qu’il s’agit d’une preuve fiable (sachant que l’allégation était contenue dans un document légal et que le Requérant avait la possibilité d’y répondre dans la présente procédure).

 

  • (d) Le Requérant semble avoir considéré à tort que le fait que son nom français « Les Experts de la Moisissure » puisse avoir une signification identique ou semblable à celle de la marque de commerce MoldXperts visée par la demande est suffisant pour constituer un emploi de la Marque (para 9 de l’affidavit Golubev).

[34]  D’après ce que je comprends de la preuve, le Requérant semble avoir considéré à tort que le fait que le nom français de sa société « Les Experts de la Moisissure » puisse avoir une signification identique ou semblable à celle de la marque de commerce MoldXperts visée par la demande est suffisant pour constituer un emploi de la Marque et qu’il avait par conséquent droit d’employer cette dernière au Canada.

[35]  Bien qu’il soit possible que le Requérant n’ait pas compris qu’il était inapproprié de produire la demande d’enregistrement, cela n’empêche pas l’Opposant d’obtenir gain de cause à l’égard du motif fondé sur l’article 30i), car le Requérant ne peut pas s’acquitter de son fardeau de démontrer qu’il était fondé à faire la déclaration portant qu’il avait droit d’employer la Marque au Canada [Lifestyles Improvement Centers, LLP c Chorney (2007), 63 CPR (4th) 261 (COMC), aux p 274 et 275] compte tenu de la relation préexistante entre les parties et du fait qu’il savait que l’Opposant avait déjà commencé à employer la marque de commerce dans la même région géographique. En conséquence, ce motif d’opposition est accueilli.

Motif fondé sur l’article 2

[36]  Comme j’ai déjà tranché en faveur de l’Opposant relativement à deux motifs d’opposition, j’estime qu’il n’est pas nécessaire que j’examine les autres motifs d’opposition.

Décision

[37]  Conformément aux pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la demande d’enregistrement conformément aux dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

 

Jennifer Galeano

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Judith Lemire, trad.


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE : 2019-05-14

COMPARUTIONS

David M. Wray

POUR L’OPPOSANT

Mikhail Golubev

POUR LE REQUÉRANT

AGENT(S) AU DOSSIER

R. William Wray & Associates

POUR L’OPPOSANT

Aucun agent nommé

POUR LE REQUÉRANT

 

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