Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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OPIC

CIPO

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2017 COMC 149

Date de la décision : 2017-10-31

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45

 

Ridout & Maybee LLP

Partie requérante

et

 

Sfera 39-E Corp.

Propriétaire inscrite

 

LMC820,427 pour la marque de commerce BLUE DIAMOND

Enregistrement

[1]  Le 24 mars 2015, à la demande de Ridout & Maybee LLP (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) à Sfera 39-E Corp. (la Propriétaire), la propriétaire inscrite de l’enregistrement no LMC820,427 de la marque de commerce BLUE DIAMOND (la Marque).

[2]  La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec des [Traduction] « services d’hôtel et de restaurant ».

[3]  L’avis enjoignait à la Propriétaire de fournir une preuve établissant que la Marque a été employée au Canada en liaison avec les services spécifiés dans l’enregistrement à un moment quelconque entre le 24 mars 2012 et le 24 mars 2015. Dans le cas où la Marque n’avait pas été ainsi employée, la Propriétaire devait fournir une preuve établissant la date à laquelle la Marque a été employée en dernier lieu et les raisons de son défaut d’emploi depuis cette date.

[4]  La définition pertinente d’« emploi » en liaison avec des services est énoncée à l’article 4(2) de la Loi, lequel est libellé comme suit :

4(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

[5]  Il est bien établi que de simples allégations d’emploi ne sont pas suffisantes pour établir l’emploi dans le contexte de la procédure prévue à l’article 45 [Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)]. Bien que le niveau de preuve requis pour établir l’emploi dans le cadre de la procédure prévue à l’article 45 soit peu élevé [Woods Canada Ltd c Lang Michener (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst)] et qu’il ne soit pas nécessaire de produire une surabondance d’éléments de preuve [Union Electric Supply Co Ltd c le Registraire des marques de commerce (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst)], il faut néanmoins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des services spécifiés dans l’enregistrement au cours de la période pertinente.

[6]  En ce qui concerne les services, l’affichage d’une marque de commerce dans l’annonce est suffisant pour satisfaire aux exigences de l’article 4(2), du moment que le propriétaire de la marque de commerce offre et est prêt à exécuter ces services au Canada [Wenward (Canada) Ltd c Dynaturf Co (1976), 28 CPR (2d) 20 (COMC)]. Autrement dit, l’annonce au Canada n’est pas suffisante à elle seule pour établir l’emploi; à tout le moins, les services doivent être rendus disponibles pour pouvoir être exécutés au Canada. À titre d’exemple, l’emploi d’une marque de commerce dans l’annonce au Canada de services offerts uniquement aux États-Unis ne satisfait pas aux dispositions de l’article 4(2) de la Loi [Porter c Don the Beachcomber (1966), 48 CPR 280 (C de l’É)].

[7]  En réponse à l’avis du registraire, la Propriétaire a produit l’affidavit de Rodrigo Ortiz Totoricaguena, souscrit le 14 octobre 2015 à Playa Del Carmen, dans l’État de Quintana Roo, au Mexique. Les parties ont toutes deux produit des représentations écrites et étaient toutes deux représentées à l’audience qui a été tenue.

La preuve de la Propriétaire

[8]  Dans son affidavit, M. Totoricaguena atteste qu’il est le directeur résident de l’hôtel Blue Diamond Riviera Maya. Il affirme qu’il occupe ce poste depuis 2011 et qu’il travaille pour la Propriétaire.

[9]  M. Totoricaguena affirme que la Propriétaire est une société internationale de gestion d’hôtels qui possède et exploite [Traduction] « une gamme de différentes marques hôtelières dans plusieurs pays du monde ». Il explique que chaque hôtel est constitué en société distincte, mais que tous ces hôtels sont connus ensemble sous le nom de [Traduction] « Groupe BlueBay ». Il affirme que le Groupe BlueBay est constitué de 52 hôtels dans 27 destinations en Europe, dans les Caraïbes, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Il confirme que les marques hôtelières du Groupe BlueBay comprennent BLUE DIAMOND.

[10]  M. Totoricaguena précise qu’il existe deux hôtels BLUE DIAMOND en exploitation : le Blue Diamond Sahara Palace Marrakech de Marrakech, au Maroc, et le Blue Diamond Riviera Maya de Riviera Maya, au Mexique. Il confirme que les deux hôtels étaient en exploitation pendant toute la période pertinente.

[11]  En ce qui concerne l’hôtel Blue Diamond Riviera Maya, M. Totoricaguena explique qu’il est constitué en société sous le nom de Corporativo Almería S.A. de C.V. (Almería) et que la Propriétaire autorise à la fois le Groupe BlueBay et Almería à employer la Marque sous licence. M. Totoricaguena confirme que, selon le contrat de licence conclu avec les deux licenciées, la Propriétaire [Traduction] « exerce un contrôle sur les caractéristiques et la qualité des services d’hôtel » fournis. M. Totoricaguena atteste également que, à titre de [Traduction] « membre du personnel » de la Propriétaire, et à titre de directeur résident du Blue Diamond Riviera Maya, il agit au nom de la Propriétaire en [Traduction] « exerçant un contrôle direct sur la qualité des services d’hôtel » fournis par Almería.

[12]  En ce qui concerne l’emploi de la Marque au Canada, M. Totoricaguena atteste que les Canadiens ont été mis au courant de la marque BLUE DIAMOND par des annonces diffusées au Canada et dans l’ensemble des services d’hôtel fournis par le Blue Diamond Riviera Maya au cours de la période pertinente.

[13]  Plus précisément, M. Totoricaguena affirme que le Blue Diamond Riviera Maya est annoncé auprès des Canadiens par les licenciées de la Propriétaire, en particulier sur le site Web même de l’hôtel et sur le site Web du Groupe BlueBay. Il affirme que l’annonce provient également des agences de voyages au Canada — telles que Vacances WestJet et Transat Holidays/Vacances Transat — qui agissent comme mandataires du Groupe BlueBay. De plus, il affirme que l’hôtel est annoncé sur les sites de voyage de tiers, tels que www.slh.com, www.expedia.ca, www.hotels.com et www.jetsetter.com.

[14]  Des images d’annonces de WestJet et de Transat que M. Totoricaguena atteste être des exemples représentatifs d’annonces diffusées au Canada au cours de la période pertinente sont jointes comme pièce B à l’affidavit de M. Totoricaguena. L’exemple de WestJet semble être un modèle d’annonce; la Marque figure dans le nom « BLUE DIAMOND RIVIERA MAYA » et dans un logo comprenant les lettres BD dans un dessin de diamant stylisé au-dessus des mots BLUE DIAMOND [diamant bleu] (le logo Blue Diamond). Dans chacun des deux exemples de Transat, le logo Blue Diamond figure au-dessus des mots « By BlueBay » [par BlueBay] en caractères beaucoup plus petits.

[15]  De plus, en pièce H, M. Totoricaguena fournit des captures d’écran tirées du site www.tripadvisor.es, pour illustrer comment les Canadiens peuvent également se renseigner sur l’hôtel Blue Diamond Riviera Maya sur les sites de voyage de divers tiers. La pièce comprend des extraits d’évaluations d’hôtel, rédigées en anglais et en français par des personnes affirmant provenir du Canada. Neuf des quinze évaluations semblent dater de la période pertinente. M. Totoricaguena atteste que ces évaluations peuvent également être vues sur le site tripadvisor.ca et il confirme qu’elles fournissent des renseignements exacts sur le Blue Diamond Riviera Maya.

[16]  M. Totoricaguena atteste également que [Traduction] « divers services d’hôtel » sont fournis au Canada en liaison avec la Marque, [Traduction] « y compris des services de réservation auprès d’hôtels, des services de planification de réunions et d’événements et des services de renseignements touristiques ». Il souligne également que les Canadiens reçoivent [Traduction] « des services d’hôtel supplémentaires » lorsqu’ils séjournent dans les faits à l’hôtel BLUE DIAMOND.

[17]  À cet égard, M. Totoricaguena atteste que les Canadiens peuvent visiter le site Web du Blue Diamond Riviera Maya, exploité par Almería, au www.bluediamond-rivieramaya.com et les pages Web du Groupe BlueBay qui se rapportent à l’hôtel, au www.bluebayresorts.com. Des captures d’écran tirées de ces sites Web que M. Totoricaguena atteste être représentatives de [Traduction] « la présentation [des sites] au cours de la Période pertinente » sont jointes comme pièces C et D à son affidavit. M. Totoricaguena affirme que les captures d’écran produites en pièce démontrent comment des services de réservation auprès d’hôtels, des services de planification de réunions et d’événements, des renseignements sur les commodités, les services et les activités de l’hôtel, et des renseignements touristiques, y compris des renseignements sur Riviera Maya, sont fournis aux Canadiens.

[18]  Je souligne que deux séries de captures d’écran sont comprises dans la pièce C. La première série présente des renseignements de base sur l’emplacement, les commodités, les services et les activités de l’hôtel. Le logo Blue Diamond figure au haut de la page Web et un formulaire de réservation en ligne est présenté à la droite. La seconde série de captures d’écran présente un article qui décrit ce qu’il y a à faire à Riviera Maya; là encore, le logo Blue Diamond figure au haut de la page.

[19]  Les captures d’écran produites en pièce D présentent des renseignements semblables, de même que des liens pour faire des réservations par courriel ou par Skype, ainsi que d’autres renseignements relatifs aux réservations. Je souligne que des numéros de téléphone sont fournis pour faire des réservations à partir de divers pays; le Canada ne figure pas au nombre de ces pays. La Marque figure à plusieurs endroits, par exemple, dans le titre BLUE DIAMOND RIVIERA MAYA et dans la liste de marques hôtelières figurant en bas de page. Comme l’a souligné M. Totoricaguena, une des captures d’écran présente des évaluations de clients de l’hôtel. Deux des évaluateurs indiquent provenir du Canada, mais leurs évaluations portent une date ultérieure à la période pertinente.

Services de réservation auprès d’hôtels

[20]  En ce qui concerne les services de réservation auprès d’hôtels en particulier, M. Totoricaguena atteste que les Canadiens [Traduction] « peuvent avoir accès et accèdent » à ces services à partir du Canada dans le but de [Traduction] « consulter les prix et les disponibilités, voir les types de chambres, faire des réservations et effectuer des paiements pour des séjours au BLUE DIAMOND Riviera Maya ». Il précise que ces services sont fournis aux Canadiens directement par l’hôtel, y compris par téléphone et sur le site Web de l’hôtel, et sont également fournis sur le site Web du Groupe BlueBay.

[21]  M. Totoricaguena affirme que des services de réservation sont également fournis aux Canadiens sur les sites de voyage de tiers qui agissent comme mandataires du Groupe BlueBay. Pour illustrer son propos, il joint comme pièce G à son affidavit des captures d’écran tirées des sites Web www.slh.com, www.expedia.ca, www.hotels.com et www.jetsetter.com. M. Totoricaguena atteste que, à sa connaissance, ces sites Web étaient [Traduction] « accessibles aux Canadiens pour faire des réservations » au cours de la période pertinente. Comme on peut le voir sur les captures d’écran, les sites Web fournissent des renseignements sur l’hôtel « BLUE DIAMOND RIVIERA MAYA » et son emplacement, des liens vers des évaluations de clients et des fonctions pour [Traduction] « vérifier les disponibilités » ou faire une réservation.

[22]  M. Totoricaguena confirme que plusieurs Canadiens ont séjourné au Blue Diamond Riviera Maya au cours de la période pertinente, comme l’indique l’adresse ou la pièce d’identité que fournit chaque client à son arrivée à l’hôtel. À l’appui, M. Totoricaguena joint comme pièce E à son affidavit un graphique créé à partir des dossiers d’entreprise de la Propriétaire qui présente [Traduction] « divers renseignements portant sur 18 exemples représentatifs de réservations faites par des Canadiens au cours de la Période pertinente ». De plus, des copies partiellement caviardées de documents relatifs à deux des réservations faites par des Canadiens qui sont présentés en pièce E sont jointes comme pièces F.1 et F.2. Ces documents comprennent des factures émises par Almería, des confirmations de réservation envoyées par courriel et un formulaire d’inscription datant tous de la période pertinente et arborant tous la Marque.

Services de planification de réunions et d’événements

[23]   M. Totoricaguena affirme également que la Marque est employée en liaison avec des services de planification de réunions et d’événements, y compris des services de planification de mariages. Il affirme qu’il [Traduction] « arrive fréquemment que des couples canadiens planifient un “mariage de destination” au Mexique et, par conséquent, ces services de planification de mariages sont fournis aux Canadiens alors qu’ils sont au Canada, préalablement à leur mariage ». À cet égard, il précise que les couples se voient attitrés [Traduction] « un coordonnateur de mariage qui agira à titre de personne-ressource à l’hôtel pour tous leurs besoins liés à leur mariage ». Il atteste également que, en raison [Traduction] « des nombreux détails généralement liés à la planification d’un mariage, il est de la pratique normale du commerce que les couples correspondent régulièrement par courriel ou par téléphone avec le coordonnateur de mariage en prévision de leur mariage ». Je souligne que M. Totoricaguena ne donne aucun détail sur la nature de ces services de planification et de coordination; par exemple, il ne précise pas si ces services vont au-delà d’une aide dans le choix des produits et des services liés au mariage qui sont offerts par l’hôtel.

[24]  M. Totoricaguena affirme que le Blue Diamond Riviera Maya annonce ses services de mariage sur le site Web du Groupe BlueBay. Des captures d’écran et des imprimés tirés du site Web qui font la promotion de trois forfaits de mariage sont joints comme pièces I et J à son affidavit. Les captures d’écran présentent une barre latérale intitulée « WEDDINGS AT BLUE DIAMOND RIVIERA MAYA » [Mariages au BLUE DIAMOND RIVIERA MAYA], qui énumère les services offerts dans chaque forfait, y compris « Wedding organization by a Wedding coordinator » [Organisation de mariages par un coordonnateur de mariage], de même que d’autres services, tels que « In-room champagne check-in » [Inscription à la chambre avec service de champagne], « Personal dressing assistant » [Aide personnelle à l’habillement], « Preparation and ironing of the wedding dress and groom’s tuxedo » [Préparation et repassage de la robe de mariée et du smoking du marié] et « Wedding menu tasting for the bride and groom » [Dégustation du menu pour la mariée et le marié]. Les imprimés comprennent des renseignements semblables et arborent le logo Blue Diamond sur la première page de chaque forfait.

[25]  M. Totoricaguena confirme que des Canadiens se sont mariés au Blue Diamond Riviera Maya et ont eu recours à ses services de planification de mariages alors qu’ils étaient au Canada, y compris au cours de la période pertinente.

Services de renseignements touristiques

[26]  M. Totoricaguena affirme également que la Marque est employée en liaison avec la fourniture de services de renseignements touristiques. Il affirme que ces services sont offerts sur le site Web de l’hôtel Blue Diamond Riviera Maya et sur le site Web du Groupe BlueBay.

[27]  À cet égard, il mentionne de nouveau les pages Web produites en pièces C et D, qui donnent l’itinéraire pour se rendre à l’hôtel et décrivent les endroits à visiter et les activités offertes à Riviera Maya. Je souligne que les pages Web produites en pièce D fournissent également d’autres renseignements sur la région, comme son climat et sa cuisine. M. Totoricaguena atteste que les Canadiens [Traduction] « peuvent avoir accès et accèdent aux services de renseignements touristiques de [ces deux sites Web] à partir du Canada, et communiquent directement avec le BLUE DIAMOND Riviera Maya par téléphone ou par courriel pour obtenir des renseignements touristiques ».

Analyse

[28]  D’emblée, je souligne que la Propriétaire a reconnu, dans ses représentations écrites et à l’audience, qu’elle ne cherche pas à maintenir les [Traduction] « services de restaurant » spécifiés dans son enregistrement. En effet, je ne dispose d’aucune preuve de la disponibilité des services de restaurant au Canada ou de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi de la Marque en liaison avec ces services.

[29]  En revanche, la Propriétaire soutient que la preuve établit l’emploi de la Marque au Canada au cours de la période pertinente dans l’annonce et l’exécution de [Traduction] « services d’hôtel ». Plus précisément, la Propriétaire allègue l’emploi de la Marque en liaison avec des services de réservation de chambres d’hôtel; des services de planification de réunions et d’événements, comme des services de planification de mariages; et des services de renseignements touristiques, comme donner l’itinéraire pour se rendre à l’hôtel et des renseignements sur la région et les attractions locales.

[30]  La Propriétaire soutient que, bien que les [Traduction] « services d’hôtel » offerts sous la Marque au Canada diffèrent de ceux fournis au Mexique, les résidents canadiens ont tout de même reçu des publicités ciblées et les avantages des [Traduction] « services d’hôtel » en liaison avec la Marque au Canada au cours de la période pertinente.

[31]  La Partie requérante conteste la preuve et les observations de la Propriétaire à cet égard, principalement pour quatre motifs :

  1. M. Totoricaguena ne précise pas son titre et ses responsabilités auprès de la Propriétaire, de sorte que sa preuve constitue du ouï-dire et doit par conséquent être écartée.
  2. Tout emploi du nom BLUE DIAMOND RIVIERA MAYA ou du logo Blue Diamond ne constitue pas un emploi de la Marque telle qu’elle est enregistrée.
  3. Il n’y a aucune preuve que l’emploi de la Marque a été fait par la Propriétaire ou s’applique au profit de la Propriétaire.
  4. Les activités de la Propriétaire au Canada ne constituent pas des [Traduction] « services d’hôtel ».

[32]  J’examinerai tour à tour chacun de ces arguments.

Admissibilité de la preuve

[33]  La Partie requérante fait valoir que M. Totoricaguena ne précise pas son titre ou ses responsabilités auprès de la Propriétaire, de sorte que sa preuve constitue du ouï-dire et doit être [Traduction] « ignorée » dans son ensemble ou [Traduction] « ne pas se voir accorder de poids ». À l’audience, la Partie requérante a souligné que la preuve dans le cadre de la procédure prévue à l’article 45 doit être produite par le propriétaire inscrit ou en son nom. À ce titre, la Partie requérante a soutenu qu’il est important de connaître le poste qu’occupe le déposant auprès du propriétaire inscrit, sachant que son rôle au sein d’une filiale n’est pas suffisant.

[34]  Cependant, j’admets que le poste qu’occupe M. Totoricaguena — à titre de directeur résident d’un hôtel que possède et exploite la Propriétaire — suffit à établir sa connaissance personnelle des faits énoncés dans son affidavit. Indépendamment de la constitution en société de l’hôtel, M. Totoricaguena atteste qu’il est [Traduction] « un employé » de la Propriétaire et [Traduction] « qu’il travaille pour » la Propriétaire, agissant en son nom. Rien n’indique que la constitution en société de l’hôtel en l’espèce aurait une incidence sur la capacité de M. Totoricaguena d’agir au nom de la Propriétaire ou aurait autrement une incidence sur le poids de sa preuve.

Emploi de la Marque telle qu’elle est enregistrée

[35]  À l’audience, la Partie requérante a brièvement soutenu que l’emploi de BLUE DIAMOND RIVIERA MAYA ou du logo Blue Diamond ne constitue pas un emploi de la Marque telle qu’elle est enregistrée.

[36]  La Propriétaire, pour sa part, a soutenu que le consommateur moyen voyant BLUE DIAMOND RIVIERA MAYA ou le logo Blue Diamond percevrait la Marque en soi. À cet égard, la Propriétaire a laissé entendre que le consommateur moyen des services d’hôtel comprendrait que RIVIERA MAYA fait simplement référence à l’emplacement de l’hôtel.

[37]  Généralement, l’emploi d’une marque verbale en conjugaison avec des mots ou des éléments graphiques supplémentaires constitue un emploi de la marque verbale si, sous le coup de la première impression, le public y verrait un emploi de la marque de commerce en soi. [Nightingale Interloc Ltd c Prodesign Ltd (1984), 2 CPR (3d) 535 (COMC)]. En l’espèce, je conviens avec la Propriétaire que RIVIERA MAYA serait perçu comme du texte descriptif suivant la Marque en soi. De plus, du fait de sa taille et de sa position, la Marque se démarque des éléments nominaux et graphiques qui l’entourent dans le logo Blue Diamond.

[38]  Par conséquent, si j’applique les principes établis par la Cour d’appel fédérale dans Canada (Registraire des marques de commerce) c Cie International pour l’informatique CII Honeywell Bull SA (1985), 4 CPR (3d) 523 (CAF) et Promafil Canada Ltée c Munsingwear Inc (1992), 44 CPR (3d) 59 (CAF), j’estime que la caractéristique dominante de la Marque telle qu’elle est enregistrée — les mots BLUE DIAMOND [diamant bleu] — est préservée dans BLUE DIAMOND RIVIERA MAYA et dans le logo Blue Diamond. La Marque conserve son identité et demeure reconnaissable.

Emploi par la Propriétaire

[39]  La Partie requérante soutient également que tout emploi de la Marque dans la preuve n’est pas celui de la Propriétaire et ne s’applique pas au profit de la Propriétaire.

[40]  À cet égard, au titre de l’article 50(1) de la Loi, pour que l’emploi de la Marque par Almería ou par le Groupe BlueBay s’applique au profit de la Propriétaire, la Propriétaire doit « contrôler, directement ou indirectement, les caractéristiques ou la qualité » des services exécutés en liaison avec la Marque sous licence.

[41]  Comme l’a indiqué la Cour fédérale, le propriétaire d’une marque de commerce dispose essentiellement de trois méthodes pour démontrer qu’il exerce le contrôle exigé : premièrement, attester clairement qu’il exerce le contrôle exigé; deuxièmement, produire une preuve démontrant qu’il exerce le contrôle exigé; ou troisièmement, produire une copie d’un contrat de licence qui prévoit le contrôle exigé [selon Empresa Cubana del Tabaco c Shapiro Cohen, 2011 CF 102, 91 CPR (4th) 248]. La preuve du contrôle exercé par le propriétaire d’une marque de commerce déposée peut ensuite étayer la conclusion qu’il existe un contrat de licence [Wells’ Dairy Inc c UL Canada Inc (2000), 7 CPR (4th) 77 (CF 1re inst)].

[42]  La Partie requérante soutient que la Propriétaire n’a pas démontré qu’elle exerçait le contrôle exigé par l’une des trois méthodes énoncées dans Empresa.

[43]  Premièrement, dans ses représentations écrites, la Partie requérante soutient que la preuve de la Propriétaire est [Traduction] « vague quant à la nature d’une licence alléguée que [la Propriétaire] aurait octroyée aux 52 entreprises qui forment le “Groupe BlueBay”, dont [Almería] ». À cet égard, la Partie requérante soutient qu’une licence ne peut être octroyée à [Traduction] « une dénomination commerciale englobant de nombreuses entités juridiques ».

[44]  Deuxièmement, la Partie requérante décrit les affirmations de M. Totoricaguena comme étant de [Traduction] « simples allégations de l’existence d’une licence » et de simples déclarations indiquant l’exercice d’un contrôle, sans preuve à l’appui ou détails quant à la façon dont le degré de contrôle exigé est exercé. À l’audience, la Partie requérante a précisé que, bien qu’une allégation de contrôle puisse satisfaire aux exigences de l’article 50, il demeure nécessaire de donner une certaine indication quant aux normes et aux méthodes de contrôle de la Propriétaire afin d’établir que le contrôle exercé était le contrôle exigé, c’est-à-dire un contrôle satisfaisant aux exigences du contrat de licence et de l’article 50 en général.

[45]  En ce qui concerne la licence du [Traduction] « Groupe BlueBay », bien que je convienne que les déclarations de M. Totoricaguena à cet égard sont un peu vagues, je suis disposée à les admettre comme preuve portant que la Propriétaire a octroyé une licence à une ou aux entités juridiques précises au sein du Groupe BlueBay qui exploitent les pages Web du Blue Diamond Riviera Maya au www.bluebayresorts.com et qui fournissent autrement des services de réservation, de planification d’événements et de renseignements touristiques pour l’hôtel Blue Diamond Riviera Maya.

[46]   En ce qui concerne le contrôle exigé, l’article 50 exige que le propriétaire inscrit « ...aux termes de la licence, contrôle, directement ou indirectement, les caractéristiques ou la qualité des produits et services ». La Partie requérante n’étaye pas la proposition selon laquelle le contrôle [Traduction] « exigé » analysé dans Empresa fait référence à des exigences supplémentaires quelconques ou qu’un certain [Traduction] « degré » de contrôle doit être établi. Par conséquent, j’admets la déclaration de M. Totoricaguena portant que la Propriétaire, aux termes de son contrat de licence avec Almería et le Groupe BlueBay, [Traduction] « exerce un contrôle sur les caractéristiques et la qualité des services d’hôtel » comme une attestation du contrôle « exigé ».

[47]  J’admets également que la surveillance déclarée qu’exerce M. Totoricaguena de la qualité des services d’hôtel d’Almería comme preuve portant que la Propriétaire exerce le contrôle exigé, du moins en ce qui concerne la licenciée d’Almería. À cet égard, j’admets que M. Totoricaguena est employé par la Propriétaire pour gérer l’hôtel Blue Diamond Riviera Maya au nom de la Propriétaire.

[48]  Par conséquent, j’admets que la Propriétaire a établi sa conformité à l’article 50 de la Loi, de sorte que l’emploi de la Marque par Almería et le Groupe BlueBay s’applique au profit de la Propriétaire.

Emploi au Canada

[49]  La question principale en l’espèce concerne l’emploi de la Marque au Canada. À cet égard, la Propriétaire reconnaît qu’aucun de ses deux hôtels BLUE DIAMOND ne se trouvait physiquement au Canada au cours de la période pertinente.

[50]  Néanmoins, la Propriétaire soutient qu’elle a employé la Marque au Canada dans l’annonce et l’exécution de [Traduction] « services d’hôtel », à savoir des services de réservation auprès d’hôtels, des services de planification de réunions et d’événements, et des services de renseignements touristiques. Par conséquent, la question est celle de savoir si les activités de la Propriétaire à cet égard constituent l’exécution au Canada des [Traduction] « services d’hôtel » visés par l’enregistrement.

[51]  À cet égard, les parties ne s’entendent pas sur la manière d’évaluer la question de savoir si une activité donnée constitue un « service d’hôtel » en l’absence d’un hôtel physique au Canada.

[52]  Je souligne d’emblée que, en plus de leurs observations énoncées ci-dessous, les parties ont toutes deux abordé la question d’un point de vue politique. À titre d’exemple, des observations ont été présentées sur la manière dont les services doivent être interprétés et où doivent se situer les seuils qui permettent d’établir l’emploi afin de protéger les propriétaires inscrits de marques de commerce, particulièrement dans le contexte de l’adhésion du Canada au Protocole de Madrid et des modifications législatives connexes. Cependant, la délibération de ces questions de politique dépasse la portée de la procédure prévue à l’article 45.

Point de vue de la Partie requérante

[53]  La Partie requérante soutient que l’exécution de [Traduction] « services d’hôtel » au Canada exige un hôtel physique au Canada.

[54]  À l’audience, la Partie requérante a défini le fondement d’un hôtel comme étant un endroit qui offre de l’hébergement. Par conséquent, selon l’observation de la Partie requérante, si le [Traduction] « principal avantage » de l’hébergement n’est pas offert au Canada, alors des [Traduction] « services d’hôtel » ne sont pas offerts au Canada, peu importe la possibilité de réserver des chambres à partir du Canada ou de tout autre avantage offert.

[55]  À cet égard, la Partie requérante adopte le raisonnement du registraire dans la décision Stikeman Elliott LLP c Millennium & Copthorne International Ltd, 2015 COMC 231, 2015 CarswellNat 10512 (Millennium2015), dans laquelle le registraire a pris en considération les services en lien avec un hôtel de Singapour [Traduction] :

Maintenir l’enregistrement en l’espèce à l’égard des « services d’hôtel » équivaudrait à accorder à la Propriétaire une protection exagérément étendue à l’égard de services qu’elle n’exécute pas véritablement au Canada. Lorsqu’un propriétaire de marque de commerce qui exécute des services dans un autre pays souhaite obtenir et maintenir un enregistrement au Canada en liaison avec la même Marque et les mêmes services, il doit généralement exécuter les services en question de la même manière au Canada; le simple fait d’offrir ces services n’est pas suffisant. [au para 45]

[56]  De plus, la Partie requérante fait valoir que la seule preuve de la présentation de la Marque en liaison avec des services de planification de réunions et d’événements correspond à des annonces énumérant les caractéristiques et les prix des forfaits de mariage. À cet égard, la Partie requérante soutient que la Propriétaire a confondu la promotion d’un service avec son exécution réelle et que, de toute façon, des services de planification ne constituent pas des [Traduction] « services d’hôtel ».

[57]  Dans un même ordre d’idées, la Partie requérante soutient que le fait de donner l’itinéraire pour se rendre à un hôtel au Mexique et d’énumérer les destinations touristiques à proximité équivaut à faire la promotion d’un hôtel et ne constitue pas un [Traduction] « service d’hôtel distinct ». À cet égard, à l’audience, la Partie requérante a fait observer qu’il arrive couramment que des organisations possèdent des sites Web et que ces sites Web fournissent évidemment des renseignements portant sur les services de l’organisation. La Partie requérante soutient, cependant, que le fait d’offrir un tel site Web ne constitue pas, en soi, l’exécution des services de l’organisation.

[58]  À l’appui de son point de vue, la Partie requérante invoque principalement deux décisions récentes rendues en vertu de l’article 45 de la Loi : Maillis c Mirage Resorts Inc, 2012 COMC 220, 107 CPR (4th) 298 (Bellagio) et Fetherstonhaugh & Co c Supershuttle International, Inc, 2014 COMC 155, 128 CPR (4th) 469, conf par 2015 CF 1259, 2015 CarswellNat 8336.

[59]  Dans Bellagio, l’hôtel de Las Vegas du propriétaire inscrit était annoncé sur le site Web du propriétaire, sur des sites Web exploités par des fournisseurs de services de voyage tiers et dans des catalogues de voyage distribués au Canada. Des Canadiens ont été en mesure de faire des réservations auprès de l’hôtel sur son site Web et à ses numéros de téléphone sans frais, et ont séjourné à l’hôtel au cours de la période pertinente. Cependant, le registraire a statué que [Traduction] « il est contraire au sens commun d’assimiler la possibilité de faire une réservation dans un hôtel à l’exploitation d’un hôtel » [au para 17]. Le registraire a cité avec approbation la décision rendue dans l’affaire Motel 6 Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst), dans laquelle la Cour fédérale a statué que [Traduction] « le fait de recevoir et de confirmer des réservations de chambres de motel aux États-Unis ne constitue pas un emploi de la Marque au Canada en liaison avec des services de motel » [Motel 6 au para 42]. Par conséquent, le registraire a supprimé [Traduction] « hôtels » de l’enregistrement en question, même s’il a maintenu les [Traduction] « services d’annonce et de relation avec la clientèle, nommément services de réservation auprès d’hôtels et de casinos ».

[60]  L’affaire Supershuttle concernait un enregistrement visant des [Traduction] « services de transport terrestre de passagers d’aéroport ». Les services de navettes du propriétaire inscrit n’étaient pas offerts au Canada, même s’ils étaient annoncés au Canada et s’ils pouvaient être réservés à partir du Canada. En statuant que le service visé par l’enregistrement n’était pas offert au Canada, le registraire a mentionné la décision de la Cour fédérale rendue dans Marineland Inc c Marine Wonderland & Animal Park Ltd (1974), 16 CPR (2d) 97 (CF 1re inst), portant que [Traduction] « dans un cas où des services offerts au Canada par le propriétaire d’une marque de commerce ne peuvent être reçus par le client que si ce dernier se déplace à l’étranger, la vente au Canada de coupons d’admission donnant accès à ces services ne peut pas être considérée comme l’exécution de ces services au Canada » [Supershuttle au para 14]. La décision du registraire dans Supershuttle a été confirmée par la Cour fédérale.

[61]  Dans Bellagio et Supershuttle, le registraire a fait une distinction avec la décision de la Cour fédérale dans Heenan Blaikie LLP c Sports Authority Michigan Inc, 2011 CF 273, 91 CPR (4th) 324 (TSA), qui conclut essentiellement que [Traduction] « les services de magasin de détail » et « l’exploitation de magasins de détail » pouvaient être exécutés par l’intermédiaire d’un site Web, sans une présence physique au Canada. À cet égard, dans Bellagio et Supershuttle, le registraire a conclu que les services hôteliers et les services de transport terrestre ne sont pas assimilables à des services de magasin de détail. Plus précisément, la technologie permet à une personne de faire des achats dans des magasins de détail à partir de la maison, alors que les services d’hôtels et les navettes aéroportuaires [Traduction] « ne peuvent pas être exploités par Internet ou par téléphone » [Bellagio au para 17; Supershuttle au para 28].

[62]  À l’audience, la Partie requérante a également invoqué les décisions du registraire rendues récemment dans Millennium2015 et Stikeman Elliott LLP c Millennium & Copthorne International Ltd, 2017 COMC 34, 148 CPR (4th) 283 (Millennium2017). Dans ces affaires, les enregistrements en cause ont été maintenus pour les [Traduction] « services de réservation » en rapport avec des hôtels, mais pas pour les [Traduction] « services hôteliers ». Le registraire a adopté une approche semblable à celle adoptée dans Bellagio et a également conclu que les services de planification de réunions et d’événements ne sont pas des [Traduction] « services hôteliers ». À cet égard, le registraire a souligné l’observation formulée par la Cour fédérale dans Plough portant que [Traduction] « il n’est pas permis à un propriétaire inscrit de garder sa marque s’il ne l’emploie pas, c’est-à-dire s’il ne l’emploie pas du tout ou s’il ne l’emploie pas à l’égard de certaines des marchandises pour lesquelles cette marque a été enregistrée » [Plough au para 10].

[63]  À l’audience, la Partie requérante a également cité la décision récente du registraire rendue dans l’affaire Miller Thomson LLP c Hilton Worldwide Holding LLP, 2017 COMC 19, 2017 CarswellNat 386 de radier un enregistrement visant des [Traduction] « services hôteliers », malgré l’offre de services de réservation et de [Traduction] « paiement » et de services liés à un programme de fidélisation au Canada. À cet égard, le registraire n’était pas convaincu qu’il existait une distinction entre les [Traduction] « services hôteliers » et les services décrits comme des [Traduction] « hôtels » ou [Traduction] « l’exploitation d’un hôtel ». Tout en reconnaissant que [Traduction] « sur le plan scientifique et linguistique, les [Traduction] “services hôteliers” pourraient recevoir une interprétation plus large », le registraire a affirmé que les produits et services devraient être interprétés dans les [Traduction] « termes ordinaires du commerce » [au para 53]. Le registraire a mentionné qu’il s’agissait [Traduction] « d’une interprétation téléologique, et non d’une interprétation scientifique ». En appliquant ce principe, le registraire a statué que [Traduction] « [s]i quelqu’un dit qu’il offre des [Traduction] “services hôteliers” au Canada, le consommateur moyen s’attend à trouver un hôtel » [au para 55].

[64]   En somme, la Partie requérante fait valoir qu’il n’existe pas de distinction significative entre le service [Traduction] « hôtels » et les « services d’hôtel ». La Partie requérante rejette le fait que M. Totoricaguena décrit différents services de réservation, de planification et de renseignements comme des [Traduction] « services d’hôtel » et fait valoir qu’il ne s’agit pas du sens généralement reconnu de [Traduction] « services d’hôtel » dans le commerce. Selon l’observation de la Partie requérante, la Propriétaire exploite un hôtel sous la Marque, et les services de la Propriétaire sont uniquement décrits comme des [Traduction] « services d’hôtel » puisque la Propriétaire exploite un hôtel. Sans hôtel pour offrir de l’hébergement — comme en l’espèce au Canada —, les services ne sont pas des services [Traduction] « hôteliers »; il s’agit simplement [Traduction] « d’autres services ».

Point de vue de la Propriétaire

[65]  Dans ses représentations écrites, la Propriétaire soutient qu’il peut s’avérer difficile de concilier complètement les conclusions tirées dans la jurisprudence à savoir [Traduction] « de quelle manière et à quel moment des services sont fournis au Canada alors que l’activité principale se situe à l’extérieur du Canada », mais que, néanmoins, le [Traduction] « critère clair » suivant se dégage [Traduction] :

Si l’on applique une interprétation large et conforme au bon sens du service tel qu’il est décrit dans l’enregistrement, existe-t-il une preuve que la marque a été annoncée/présentée au Canada et que le service tel qu’il est décrit était offert/exécuté au Canada, en gardant à l’esprit la règle portant qu’un même service ne peut pas servir à étayer plusieurs descriptions dans un enregistrement [représentations de la Propriétaire au para 26, soulignement dans l’original]?

[66]  La Propriétaire soutient que cette approche proposée est conforme à la Loi, à la nature sommaire de la procédure prévue à l’article 45 — soit un simple outil permettant d’éliminer le « bois mort » du registre — et au [Traduction] « principe établi que les enregistrements doivent être maintenus en cas de doute ».

[67]  Plus précisément, la Propriétaire soutient que les services doivent être interprétés de façon aussi large que possible et que [Traduction] « le bon sens doit être appliqué pour promouvoir la certitude et éviter des résultats absurdes ».

[68]  À cet égard, la Propriétaire mentionne le Manuel des produits et des services, publié par l’Office de la propriété intellectuelle du Canada comme une liste représentative des termes acceptables pour décrire des produits et des services (le Manuel). La Propriétaire souligne que, lorsqu’elle a produit sa demande d’enregistrement de la Marque en avril 2011, la seule inscription pertinente du Manuel était [Traduction] « services d’hôtel ». Des inscriptions distinctes pour des [Traduction] « services de réservation d’hébergement en hôtels », des « services de réservation de chambres d’hôtels », des « services de réservation d’hôtel » et d’autres services du genre ont ultérieurement été ajoutées. La Propriétaire conclut de cette chronologie que les [Traduction] « services d’hôtel » originaux correspondent à une description large qui comprenait, et comprend toujours, les descriptions ultérieures plus étroites. La Propriétaire soutient que ces descriptions plus étroites ne visent à pas remplacer la description large des [Traduction] « services d’hôtel », mais à aborder des services fournis dans des contextes différents, par exemple, par des agents de voyages.

[69]  De plus, la Propriétaire mentionne la pratique du registraire relative à l’examen des demandes de marque de commerce. Selon l’observation de la Propriétaire, les services de réservation, de planification d’événements et de renseignements touristiques peuvent être considérés comme relevant de la portée des [Traduction] « services d’hôtel » à l’étape de l’examen; par conséquent, le fait d’exclure ces services de la définition des [Traduction] « services d’hôtels » dans le cadre de la procédure prévue à l’article 45 [Traduction] « prendrait les propriétaires par surprise ». La Propriétaire soutient que son enregistrement doit être traité de la même façon qu’un enregistrement de, disons, [Traduction] « services d’hôtel, nommément services de réservation auprès d’hôtels » ou « services d’hôtel, y compris des services de réservation auprès d’hôtels ».

[70]  Finalement, la Propriétaire soutient qu’une interprétation étroite des [Traduction] « services d’hôtel » uniquement au sens de [Traduction] « services d’hébergement d’hôtel », « mettrait en doute des centaines d’enregistrements obtenus pour des “services d’hôtel” fondés sur le Manuel et la compréhension qu’il n’est pas nécessaire de fournir des précisions supplémentaires relativement à la gamme de services ». La Propriétaire soutient également qu’elle [Traduction] « a droit au bénéfice de la description qu’elle a choisie, telle qu’elle est établie dans le Manuel, approuvée par le Bureau des marques de commerce et comprise par les consommateurs ».

[71]  La Propriétaire soutient également que cette interprétation étroite des [Traduction] « services d’hôtel » ne serait pas appropriée étant donné la [Traduction] « règle portant qu’un même service ne peut servir à étayer plusieurs descriptions dans un enregistrement ». À cet égard, la Propriétaire cite la décision de la Cour fédérale dans l’affaire Sharp Kabushiki Kaisha c 88766 Canada Inc (1997), 72 CPR (3d) 195 (CF 1re inst), qui était saisie d’un enregistrement visant des [Traduction] « montres et horloges » et des « horloges parlantes ». L’emploi de la marque de commerce en cause avait été établi en liaison avec des horloges parlantes, et il semblait y avoir une question quant à savoir si ces appareils étaient des [Traduction] « montres » ou des « horloges ». Cependant, la Cour a conclu que cette question n’était pas pertinente, puisque les appareils avaient été désignés séparément comme des [Traduction] « horloges parlantes » dans l’enregistrement. Pour cette raison, la Cour a maintenu l’enregistrement à l’égard des [Traduction] « horloges parlantes », mais a supprimé les [Traduction] « montres » et les « horloges ».

[72]  La Propriétaire affirme que [Traduction] « c’est à cause de Sharp que les requérants préfèrent (et que les avocats recommandent) les “services d’hôtel” dans une description plutôt que les descriptions plus précises “services d’hébergement d’hôtel”, “services de réservation d’hôtel”, “services de réunions d’hôtel”, etc. séparément ». Selon l’observation de la Propriétaire, si l’une ou l’autre de ces descriptions précises était ajoutée aux [Traduction] « services d’hôtel » dans un enregistrement, cela aurait pour effet de [Traduction] « restreindre effectivement la portée des “services d’hôtel” suivant le principe établi dans Sharp ».

[73]  Comme je l’ai souligné ci-dessus, la Propriétaire invoque également le principe portant que, s’il existe des doutes quant à la preuve, ces doutes doivent être résolus en faveur de l’inscrivant [selon Bereskin & Parr c Fairweather Ltd, 2006 CF 1248, 58 CPR (4th) 50]. À cet égard, la Propriétaire établit une distinction entre le fait de résoudre un doute et celui de résoudre des ambiguïtés ou des incohérences dans les affidavits. La Propriétaire ne conteste pas la pratique établie qui consiste à résoudre les déclarations délibérément vagues et incohérentes formulées dans un affidavit à l’encontre des intérêts de la partie qui a présenté le document [selon Aerosol Fillers Inc c Plough (Canada) Ltd (1979), 45 CPR (2d) 194 (CF 1re inst)]. La Propriétaire souligne plutôt la nature sommaire de la procédure prévue à l’article 45 et les conséquences graves de la radiation des droits relatifs aux marques de commerce et, dans ce contexte, elle soutient qu’elle doit seulement s’acquitter du fardeau relativement peu exigeant de fournir une preuve prima facie d’emploi [citant BCF SENCRL c Spirits International BV, 2012 CAF 131, 101 CPR (4th) 413].

[74]  En ce qui concerne la jurisprudence invoquée par la Partie requérante à l’appui de la proposition portant qu’un hôtel physique au Canada est requis pour le maintien d’un enregistrement visant des [Traduction] « services d’hôtel », la Propriétaire soutient que ces affaires se distinguent de l’espèce.

[75]  La Propriétaire établit une distinction avec Bellagio sur deux points. En premier lieu, la Propriétaire prétend que, même si le [Traduction] « bon sens » exige l’exploitation d’un hôtel au Canada à l’égard du service [Traduction] « d’hôtels », la même conclusion [Traduction] « ne peut s’appliquer aveuglément » aux [Traduction] « services d’hôtel ». En second lieu, la Propriétaire applique l’approche proposée dans Sharp et soutient que, comme les [Traduction] « hôtels » et les « services de réservation auprès d’hôtels » étaient inscrits séparément dans l’enregistrement en cause dans Bellagio, la description [Traduction] « hôtels » n’aurait pas pu englober des [Traduction] « services de réservation auprès d’hôtels » de cet enregistrement. Pour cette raison, la Propriétaire considère la conclusion du registraire quant à la portée du service [Traduction] « d’hôtels » dans Bellagio comme étant incidente et, du fait, comme n’ayant aucune valeur persuasive.

[76]  La Propriétaire établit une distinction avec Supershuttle relativement aux services en cause dans cette affaire, à savoir des [Traduction] « services de transport terrestre de passagers d’aéroport ». La Propriétaire soutient que les consommateurs s’attendraient à ce que ces services comprennent le transport terrestre, compte tenu de la portée restreinte des services offerts par les transporteurs terrestres. En revanche, la Propriétaire fait valoir qu’une plus grande gamme de services sont attendus des hôtels, y compris des services qui ne comportent pas nécessairement un séjour à l’hôtel, comme des services de conférence et autres.

[77]  À l’audience, la Propriétaire a également établi une distinction avec les affaires Millennium, plus particulièrement pour ce qui est de la preuve présentée. La Propriétaire soutient que, dans les affaires Millennium, le registraire manquait de preuve portant que des agents agissaient pour le compte du propriétaire inscrit au Canada ou de la façon dont les clients pouvaient autrement jouir d’un avantage au Canada. En revanche, la Propriétaire souligne sa propre preuve de publicité ciblée et de services offerts au Canada, particulièrement par l’entremise d’agents de voyages canadiens.

[78]  En ce qui concerne l’affaire Hilton, même si la décision du registraire s’appuyait sur le même raisonnement que dans Bellagio et Millenium, la Propriétaire demande au registraire d’appliquer une approche différence en l’espèce. La Propriétaire souligne que le registraire n’est pas lié par ses décisions antérieures, malgré les conseils pratiques qu’elles comportent et le principe de l’adhésion déférente. De plus, à titre d’indication que les [Traduction] « services d’hôtel » sont interprétés de façon large dans d’autres pays, la Propriétaire souligne qu’il est question dans l’affaire Hilton d’une décision rendue en Australie en 2013, devant des faits semblables, et que, apparemment, un enregistrement visant des [Traduction] « services d’hôtel » aurait été maintenu.

[79]  Finalement, la Propriétaire demande au registraire de tenir compte favorablement de deux autres [Traduction] « affaires faisant autorité » : Société Nationale des Chemins de Fer Français SNCF c Venice Simplon-Orient-Express (1995), 64 CPR (3d) 87 (COMC), conf par (2000), 9 CPR (4th) 443 (CF 1re inst) [Orient Express]; et Heenan Blaikie LLP c Sports Authority Michigan Inc, 2011 CF 273, 91 CPR (4th) 324 [TSA].

[80]  La Propriétaire cite Orient Express et TSA, ainsi que Kraft Ltd c le Registraire des marques de commerce, [1984] 2 CF 874, 1 CPR (3d) 457, à l’appui de son point de vue portant que les services doivent être interprétés sans tenir compte du fait qu’ils puissent être [Traduction] « accessoires ou secondaires à l’activité principale ». Bien qu’elle reconnaisse qu’une activité comme l’acceptation de réservations d’hôtel puisse ne pas appuyer un enregistrement visant des services simplement connexes, comme des [Traduction] « services d’hébergement d’hôtel », la Propriétaire soutient que l’acceptation de réservations peut suffire à appuyer un enregistrement visant une catégorie plus large de services qui comprennent la réservation. Plus précisément, la Propriétaire soutient que les [Traduction] « services d’hôtel » comprennent des services de réservations, d’hébergement et d’autres services connexes, et que ce sens plus large donné aux [Traduction] « services d’hôtel » est un sens reconnu dans l’industrie. La Propriétaire souligne que M. Totoricaguena — un gérant d’hôtel — considère les services de réservation, de planification d’événements et de renseignements touristiques comme des [Traduction] « services d’hôtel »; la Propriétaire présente ces déclarations comme preuve du fait que ces services en particulier sont compris dans l’industrie comme des [Traduction] « services d’hôtel ».

[81]  Dans Orient Express, le fait fournir des services de réservation et de vente de billets de train au Canada par l’intermédiaire d’agences de voyages canadiennes a été considéré comme suffisant pour maintenir un enregistrement visant des [Traduction] « services de voyage, nommément un service de transport de passagers par train », même si le propriétaire n’exploitait pas de chemin de fer au Canada. La Propriétaire cite le passage suivant de la décision du registraire [Traduction] :

... l’expression « service de transport de passagers par train », même au singulier, est pleinement significative et comprend plus que l’exploitation d’un train. À mes yeux, l’expression suggère un certain nombre d’idées et je ne vois pas pourquoi il faudrait en donner une interprétation restrictive [COMC au para 10].

[82]  La Propriétaire souligne que la Cour fédérale — qui a confirmé la décision du registraire en appel — a rapproché les circonstances de l’affaire de celles énoncées dans Saks & Co c Registraire des marques de commerce (1989), 24 CPR (3d) 49 (CF 1re inst), dans laquelle un enregistrement visant des [Traduction] « services de grand magasin de détail » a été maintenu, parce que les clients pouvaient recevoir des services de vente par courrier ou par téléphone sans quitter le Canada. Dans Orient Express, la Cour était d’avis que [Traduction] « les mots “services de voyage, nommément des services de transport de passagers par train” ne devraient pas recevoir une portée plus étroite » [CF 1re inst au para 10].

[83]  De plus, la Propriétaire souligne que l’intervention des agences de voyages canadiennes est un important facteur qui favorise le maintien de l’enregistrement dans Orient Express.

[84]  Finalement, dans TSA, la Cour fédérale a conclu que le fait de fournir des renseignements sur Internet concernant les marchandises d’une personne peut appuyer un enregistrement visant des [Traduction] « services de magasin de détail » en l’absence de magasin physique au Canada. La Propriétaire soutient que la décision rendue dans TSA a une importance particulière, puisqu’elle a été tranchée de nouveau. Par conséquent, la Cour a formulé sa propre opinion et des indications claires sur la façon, dans le cadre de la procédure prévue à l’article 45, dont l’exécution des services visés par l’enregistrement doit être interprétée de façon large, y compris lorsque l’activité principale ne se déroule pas physiquement au Canada. La Propriétaire distingue TSA d’autres affaires, comme Supershuttle, dans laquelle la Cour a simplement examiné la décision du registraire selon la norme de la décision raisonnable, sans formuler de commentaires sur son [Traduction] « exactitude ».

Conclusion

[85]  Bien que ni l’une ni l’autre des parties n’ait soulevé les commentaires formulés par la Cour fédérale dans UNICAST SA c South Asian Broadcasting Corp, 2014 CF 295, 122 CPR (4th) 409, j’estime qu’ils permettent de démontrer qu’il existe [Traduction] « une importante distinction entre des services exécutés au Canada et des services exécutés à l’extérieur du Canada, peut-être pour des Canadiens » [au para 46].

[86]  Dans UNICAST, un radiodiffuseur suisse a présenté une demande de radiation d’un enregistrement de la marque de commerce RED FM au titre de l’article 57 de la Loi. La demanderesse suisse prétendait offrir des services de radiodiffusion au Canada, par l’intermédiaire de son site Web, en liaison avec une marque de commerce antérieure dont la similitude était susceptible de créer de la confusion. La Cour a formulé les commentaires suivants [Traduction] :

[47] ... si nous adoptons le point de vue de la demanderesse, n’importe quel titulaire de marque de commerce étranger pourrait demander et obtenir la radiation d’une marque de commerce canadienne authentique compte tenu d’un emploi antérieur sur le Web, même si ce propriétaire de marque de commerce n’avait, pour l’essentiel, rien à voir avec le Canada et n’était pas réellement présent au pays... Faudrait‑il s’attendre à ce que les entreprises canadiennes se protègent contre toutes les entreprises du monde entier qui ont un site Web accessible au Canada? Cela serait‑il même possible? Il serait illogique et impossible d’adopter ce point de vue.

[48] Qui plus est, la défenderesse allègue à juste titre qu’une telle situation serait impensable si les rôles étaient inversés dans la présente affaire. Un propriétaire canadien d’une marque de commerce aurait‑il le droit de demander qu’un propriétaire étranger d’une marque de commerce cesse d’utiliser sa marque de commerce si la présence au Canada de ce propriétaire étranger se limitait à Internet? Plus particulièrement, si la Cour confirme la validité de la marque de commerce RED FM, la défenderesse pourrait‑elle alors demander à la demanderesse de cesser de diffuser en continu ses émissions en ligne, parce qu’il se pourrait que l’un des auditeurs soit Canadien? Encore une fois, cela est tout à fait absurde. La notion de l’exécution des services est essentielle.

[87]  Pour déterminer si les [Traduction] « entreprises de radiodiffusion » de l’entreprise suisse étaient [Traduction] « exploitées – même en partie – au Canada », la Cour a tenu compte d’un certain nombre de critères, dont celui de savoir si l’entreprise ciblait activement des publics canadiens dans sa programmation en prenant, par exemple, des mesures pour attirer des auditeurs canadiens, outre le simple fait de diffuser sa programmation en continu en ligne. La Cour a également établi une distinction entre la [Traduction] « radiodiffusion » et la « transmission de son et de messages par terminaux d’ordinateurs aux Canadiens »; même si les services de l’entreprise suisse au Canada ne constituaient pas de la [Traduction] « radiodiffusion », ils pouvaient constituer une [Traduction] « transmission de son et de messages ».

[88]  Même si UNICAST portait sur des services d’un genre différent, j’estime que la distinction établie par la Cour entre des services exécutés au Canada et des services exécutés à l’extérieur du Canada, peut-être pour des Canadiens, est pertinente en l’espèce. En effet, les mêmes considérations ont été appliquées récemment par le registraire dans 2900319 Canada Inc c Dollar General Corp, 2017 COMC 46, une procédure prévue à l’article 45 portant sur un enregistrement visant des [Traduction] « services de magasin de détail d’articles populaires » en l’absence de magasin physique au Canada. La décision rendue dans UNICAST a également été citée par la Cour fédérale dans Supershuttle, à l’appui de la proposition voulant que, même si [Traduction] « le fait que des personnes voient une marque de commerce sur un écran d’ordinateur au Canada est susceptible d’établir l’emploi de cette marque, il n’en demeure pas moins que les services visés par l’enregistrement doivent être exécutés au Canada » [Supershuttle au para 40; voir également Millennium2015 au para 27 et Millenium2017 au para 33].

[89]  En appliquant ces considérations en l’espèce, je suis consciente que [Traduction] « l’emploi d’une marque de commerce en liaison avec un service doit être apprécié au cas par cas » [Express File Inc cv HRB Royalty Inc, 2005 CF 542, 39 CPR (4th) 59 au para 23]. Par conséquent, j’estime que les principes généraux formulés dans des décisions antérieures concernant des activités à l’extérieur du Canada sont plus utiles que la manière spécifique par laquelle ces principes ont été appliqués aux faits de chaque affaire, particulièrement dans les affaires qui ne concernaient pas les hôtels.

[90]  De plus, j’estime que le Manuel des produits et des services n’est pas d’une grande utilité. En effet, je conviens avec la Partie requérante que toute conclusion tirée de la présence ou de la date d’entrée des différentes inscriptions dans le Manuel n’est que spéculative. En l’absence de notes explicatives, le Manuel donne des exemples de la façon dont les produits et les services peuvent être définis de façon acceptable dans les termes ordinaires du commerce, mais ne donne aucune directive quant aux termes appropriés à choisir dans une situation précise.

[91]  De plus, comme la Marque n’est enregistrée qu’en liaison avec un seul service pertinent — des [Traduction] « services d’hôtel » —, j’estime qu’il n’est pas nécessaire de considérer s’il serait approprié d’appliquer l’approche adoptée dans Sharp au type de services en cause en l’espèce, en tenant compte du fait que, dans certains cas, les états déclaratifs des services peuvent contenir [Traduction] « des termes redondants ou des mots qui se chevauchent en ce sens que l’exécution d’un service entraîne nécessairement l’exécution d’un autre » [tel que formulé dans Gowling Lafleur Henderson LLP c Key Publishers Co, 2010 COMC 7, 2010 CarswellNat 579 au para 15]. Je soulignerai simplement que, dans la mesure où des décisions antérieures concernant des hôtels à l’extérieur du Canada peuvent offrir une certaine orientation en la matière, l’approche adoptée dans Sharp n’a été citée dans aucune des décisions concernant des hôtels invoquées par les parties.

[92]  Dans le même esprit, comme les services visés par l’enregistrement ne sont pas des [Traduction] « services d’hôtel, nommément services de réservation auprès d’hôtels » ou « services d’hôtel, y compris des services de réservation auprès d’hôtels », il n’est pas nécessaire de déterminer s’il serait approprié de maintenir cet état déclaratif des services eu égard aux faits de l’espèce. À cet égard, des mots qui fournissent un contexte supplémentaire peuvent avoir une incidence sur la compréhension du service. Quoi qu’il en soit, en interprétant un état déclaratif des produits et des services dans le cadre de la procédure prévue à l’article 45, [Traduction] « il faut se garder d’examiner avec un soin méticuleux le langage utilisé » [voir Aird & Berlis LLP c Levi Strauss & Co, 2006 CF 654, 51 CPR (4th) 434 au para 17].

[93]  Tout compte fait, après avoir considéré les représentations des parties, selon une interprétation conforme au bon sens et en gardant à l’esprit les commentaires formulés par la Cour fédérale dans UNICAST, j’estime qu’il m’est difficile de conclure que la Propriétaire en l’espèce a exécuté des [Traduction] « services d’hôtel » au Canada.

[94]  Plus précisément, je ne suis pas convaincue que le fait d’avoir accès aux renseignements et aux fonctionnalités du site Web d’un hôtel pour se renseigner sur un hôtel au Mexique et réserver un séjour au Mexique se traduit par l’exécution de [Traduction] « services d’hôtel » au Canada. Dans le même ordre d’idées, je ne suis pas convaincue que le fait de communiquer avec le personnel d’un hôtel situé au Mexique pour réserver un séjour ou planifier un événement au Mexique équivaut à l’exécution de [Traduction] « services d’hôtel » au Canada.

[95]  En ce qui concerne la présence d’agents de voyages au Canada, même si j’admets qu’ils agissent au nom de la Propriétaire, ciblant activement des clients canadiens et prenant des mesures pour attirer des clients canadiens, les services qu’ils fournissent au Canada ne sont pas des [Traduction] « services d’hôtel », mais plutôt des services de réservation et de renseignements.

[96]  À cet égard, même si je conviens avec la Propriétaire que les services doivent être [Traduction] « interprétés de façon large et conforme au bon sens », la jurisprudence reconnaît qu’une interprétation large des services présente des limites. Notamment, dans Boutique Limité Inc c Limco Investments, Inc (1998), 84 CPR (3d) 164, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’il ne suffit pas d’offrir simplement un remboursement ou d’accorder un crédit à des Canadiens pour des achats faits aux États-Unis pour justifier un enregistrement à l’égard de [Traduction] « services de vente au détail de vêtements pour dames » au Canada. Cette conclusion indique qu’une distinction doit être faite entre l’exécution réelle d’un service et les transactions financières liées au paiement de ce service.

[97]  Par conséquent, à mes yeux, le fait d’offrir aux Canadiens la possibilité de choisir et de payer des services d’hôtel, que ce soit en ligne, par téléphone, par courriel ou par l’entremise d’agents de voyages, ne constitue pas l’exécution des services d’hôtel eux-mêmes. Soutenir le contraire confondrait la demande et le paiement d’un service avec l’exécution ou le fait de tirer avantage de ce service. En l’espèce, on ne peut tirer avantage du service réservé que lorsque le client éventuel arrive réellement à l’hôtel et y réclame le service. Comme l’acheteur doit quitter le Canada afin de tirer avantage du service, on ne peut pas considérer que le service réservé a été exécuté au Canada.

[98]  Même si la possibilité de réserver des services d’hôtel à l’avance ou de les réserver provisoirement — pour s’assurer de leur disponibilité à un certain moment — peut offrir un avantage en tant que tel, cet avantage consiste en la possibilité de réserver des services d’hôtel, et non pas de recevoir des services d’hôtel concrets en tant que tels. Je suis donc d’avis que cet avantage correspond, au mieux, à un service de [Traduction] « réservation », et non pas à un [Traduction] « service d’hôtel ».

[99]  De plus, la majorité des renseignements fournis aux Canadiens en ligne ou lors de discussions avec des agents de voyages ou le personnel d’un hôtel sembleraient être du contenu promotionnel, comme des renseignements sur les services de l’hôtel, sur son emplacement et les caractéristiques de la région qui peuvent en faire une destination intéressante pour le tourisme et les réceptions de mariage. Je conviens avec la Partie requérante que le fait de décrire la fourniture de ces renseignements comme des [Traduction] « services d’hôtel » confond l’annonce et la promotion des services avec leur exécution réelle.

[100]  De plus, dans la mesure où le [Traduction] « coordonnateur de mariage » du Blue Diamond Riviera Maya fournit certains services de planification au-delà de la présentation et de la sélection de forfaits de mariage et des options qui leur sont liées, j’estime que la planification d’un mariage ne serait pas un service normalement décrit par les mots [Traduction] « services d’hôtel ». Dans le même ordre d’idées, dans la mesure où la Propriétaire fournit des renseignements touristiques qui ne sont pas de nature promotionnelle, je suis d’avis que le fait d’offrir des renseignements touristiques sur Internet en tant que tel ne serait pas normalement décrit comme l’offre de [Traduction] « services d’hôtel ».

[101]  En tirant cette conclusion, j’estime qu’il ne m’est pas nécessaire de déterminer si les services de renseignements constituent des [Traduction] « services d’hôtel » lorsqu’ils sont fournis aux clients de l’hôtel au bureau du concierge ou autrement au cours de leur séjour. Dans le même ordre d’idées, il est possible que le fait d’inscrire le nom d’un client dans son système de réservation et de réserver physiquement une chambre pour un client constitue un [Traduction] « service d’hôtel ». On peut dire la même chose du fait de prendre des dispositions en lien avec la planification d’un mariage de destination, d’une conférence d’affaires ou d’un autre événement ayant lieu dans un hôtel. Cependant, dans le cas du Blue Diamond Riviera Maya, ces services sont exécutés au Mexique. Les services exécutés au Canada ne sont pas fournis dans un hôtel, mais plutôt, au mieux, sur un ordinateur, au téléphone ou par l’intermédiaire d’agences de voyage.

[102]  À cet égard, je conviens avec la Partie requérante que les services en cause ne constitueraient pas normalement des [Traduction] « services d’hôtel », à moins qu’ils soient offerts dans un hôtel. En effet, le bon sens laisserait entendre que les entreprises qui choisissent de décrire leurs services comme des [Traduction] « services d’hôtel » — plutôt que, à titre d’exemple, des services de [Traduction] « planification de mariage » et « d’organisation de voyage » — le font parce que les services sont liés à un hôtel. Par conséquent, lorsque cet hôtel est situé au Mexique, il est raisonnable de croire que les [Traduction] « services d’hôtel » sont exécutés au Mexique. Même si certaines des activités de l’hôtel peuvent « atteindre » le Canada, les avantages tirés au Canada ne sont pas des [Traduction] « services d’hôtel ». Les avantages tirés au Canada sont plutôt, au mieux, des services de réservation, de renseignements ou de planification.

[103]  En résumé, considérant que les services de la Propriétaire ne sont pas exécutés dans un environnement hôtelier au Canada, j’estime qu’ils ne suffisent pas à appuyer l’enregistrement visant des [Traduction] « services d’hôtel ».

[104]  Compte tenu de tout ce qui précède, je ne suis pas convaincue que la Propriétaire a établi l’emploi de la Marque en liaison avec les services visés par l’enregistrement au sens des articles 4(2) et 45 de la Loi. De plus, la Propriétaire n’a produit aucune preuve de circonstances spéciales justifiant ce défaut d’emploi.

Décision

[105]  Compte tenu de tout ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera radié selon les dispositions de l’article 45 de la Loi.

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Oksana Osadchuk

Agente d’audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Nathalie Tremblay, trad.


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE : 2017-06-09

COMPARUTIONS

Daniel Anthony

POUR LA PROPRIÉTAIRE INSCRITE

 

Paul Tackaberry

POUR LA PARTIE REQUÉRANTE

 

AGENT(S) AU DOSSIER

Fetherstonhaugh & Co.

POUR LA PROPRIÉTAIRE INSCRITE

Ridout & Maybee LLP

POUR LA PARTIE REQUÉRANTE

 

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