Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2017 COMC 134

Date de la décision : 2017-09-29

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

 

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45

 

Robinson Sheppard Shapiro S.E.N.C.R.L./L.L.P.

Partie requérante

et

 

Fairtrade Canada Inc.

Propriétaire inscrite

 

LMC607,646 pour la marque de commerce
FAIR TRADE CERTIFIED & DESSIN

Enregistrement

[1]  Le 16 juillet 2015, à la demande de Robinson Sheppard Shapiro S.E.N.C.R.L./L.L.P. (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) à Fairtrade Canada Inc. (la Propriétaire), la propriétaire inscrite de l’enregistrement no LMC607,646 de la marque de certification FAIR TRADE CERTIFIED & DESSIN, reproduite ci-dessous (la Marque) :

FAIR TRADE CERTIFIED & DESIGN

[2]  La Marque est constituée des mots FAIR TRADE CERTIFIED inscrits dans une bande supérieure et des mots CERTIFIÉ ÉQUITABLE inscrits dans une autre bande inférieure, les deux bandes étant séparées par un dessin au trait en noir et blanc. Le dessin au trait représente la silhouette d’un humain tenant deux bols, devant un globe terrestre stylisé.

[3]  La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec les produits suivants [Traduction] :

Produits alimentaires, nommément grains de café verts, grains de café torréfiés, café moulu.

[4]  L’article 45 de la Loi exige que le propriétaire inscrit de la marque de certification indique, à l’égard de chacun des produits et des services spécifiés dans l’enregistrement, si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois années précédant immédiatement la date de l’avis et, dans la négative, qu’il précise la date à laquelle la marque de commerce a ainsi été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour établir l’emploi s’étend du 16 juillet 2012 au 16 juillet 2015.

[5]  La définition pertinente d’« emploi » en liaison avec des produits est énoncée à l’article 4(1) de la Loi, lequel est libellé comme suit :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[6]  L’article 2 de la loi définit une « marque de certification » comme suit :

« marque de certification » Marque employée pour distinguer, ou de façon à distinguer, les produits ou services qui sont d’une norme définie par rapport à ceux qui ne le sont pas, en ce qui concerne :

a) soit la nature ou la qualité des produits ou services;

b) soit les conditions de travail dans lesquelles ont eu lieu leur production ou leur exécution;

c) soit la catégorie de personnes qui les a produits ou exécutés;

d) soit la région dans laquelle ont eu lieu leur production ou leur exécution.

 

[7]  En outre, les articles 23(1) et (2) de la Loi prévoient ce qui suit :

(1) Une marque de certification ne peut être adoptée et déposée que par une personne qui ne se livre pas à la fabrication, la vente, la location à bail ou le louage de produits ou à l’exécution de services, tels que ceux pour lesquels la marque de certification est employée.

(2) Le propriétaire d’une marque de certification peut autoriser d’autres personnes à employer la marque en liaison avec des produits ou services qui se conforment à la norme définie, et l’emploi de la marque en conséquence est réputé en être l’emploi par le propriétaire.

[8]  En l’espèce, la norme définie suivante est énoncée dans l’enregistrement [Traduction] :

Les marchandises devront être produites, importées, traitées et/ou distribuées conformément aux normes précisées dans le manuel de certification ci-joint et devront provenir soit d’organisations de petits producteurs ou d’établissements employant des travailleurs salariés. Les organisations de petits producteurs devront : être composées principalement de petits producteurs; être aptes à démontrer leur responsabilisation à l’égard de leurs membres et des ressources utilisées pour leurs activités; utiliser une partie des revenus tirés des marchandises pour investir dans des initiatives communautaires visant l’amélioration des conditions sociales et économiques de leurs membres; assurer le respect des normes nationales sur l’utilisation et l’entreposage de pesticides; encourager leurs membres à utiliser des méthodes de production écologiques; recevoir un prix fixe ou une prime s’ajoutant au prix du marché tels que déterminés dans le manuel de certification ci-joint. Les travailleurs salariés devront : recevoir le salaire minimum et les avantages pour leur travail dans des conditions sécuritaires et stables aux termes de la législation nationale dans le pays de production; avoir le droit et la possibilité de constituer un syndicat; déterminer l’utilisation des fonds provenant de la bonification associée à la vente des marchandises par l’intermédiaire de leurs représentants élus siégeant à un comité conjoint formé des représentants des employés et de l’employeur; utiliser les fonds pour des initiatives sociales et économiques visant à améliorer leurs initiatives socio-économiques destinées à l’amélioration de leurs conditions socio-économiques. Dans les cas où les marchandises contiennent des ingrédients dont on ne peut assurer la provenance selon les critères ci-dessus, les marchandises devront : contenir une proportion du poids à sec d’au moins 20 % en ingrédients certifiés équitables là où les normes existent pour ces ingrédients.

[9]  Il est bien établi que de simples allégations d’emploi ne sont pas suffisantes pour établir l’emploi dans le contexte de la procédure prévue à l’article 45 [Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)]. Bien que le niveau de preuve requis pour établir l’emploi dans le cadre de la procédure prévue à l’article 45 soit peu élevé [Woods Canada Ltd c Lang Michener (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst)] et qu’il ne soit pas nécessaire de produire une surabondance d’éléments de preuve [Union Electric Supply Co Ltd c le Registraire des marques de commerce (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst)], il n’en faut pas moins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des produits spécifiés dans l’enregistrement pendant la période pertinente [John Labatt Ltd c Rainer Brewing Co (1984), 80 CPR (2d) 228 (CAF)].

[10]  En réponse à l’avis du registraire, la Propriétaire a produit l’affidavit de sa directrice des services administratifs, Suzanne Blais, souscrit le 16 octobre 2015.

[11]  Seule la Partie requérante a produit des représentations écrites. La tenue d’une audience n’a pas été sollicitée.

La preuve de la Propriétaire

[12]  Mme Blais affirme que la Propriétaire est un [Traduction] « organisme national à but non lucratif qui se consacre à la certification du commerce équitable » situé à Ottawa. Elle explique que la Propriétaire est le seul membre canadien d’un réseau mondial de 25 [Traduction] « organismes de commerce équitable » dirigés par Fairtrade International.

[13]  Mme Blais atteste que la Propriétaire autorise actuellement 119 entreprises canadiennes à vendre sous licence [Traduction] « des grains de café, des grains de café torréfiés et du café moulu » au Canada en liaison avec différentes [Traduction] « Marques de certification de commerce équitable ». À l’appui, elle joint comme pièce C à son affidavit un extrait de [Traduction] « l’accord de licence type visant les licenciées pendant la Période pertinente ». Dans cet extrait de l’accord, quatre marques figuratives sont reproduites sous la définition d’une [Traduction] « Marque de certification de commerce équitable », comme suit :

[14]  Comme on peut le voir, la Marque est l’une de ces quatre marques figuratives employées sous licence. L’une des autres marques figuratives employées sous licence est également semblable à la Marque. Cependant, dans ce dessin similaire, les mots français sont absents, les mots anglais sont répartis différemment et l’élément en arrière-plan est ombragé. Les deux autres marques figuratives employées sous licence sont considérablement différentes de la Marque : elles présentent le mot FAIRTRADE [commerce équitable] dans un dessin plus simple s’apparentant au symbole du yin et du yang.

[15]  Comme l’a souligné Mme Blais, et tel qu’il est indiqué dans l’extrait produit en pièce, l’accord de licence type confère aux licenciées le droit d’employer l’une ou l’autre de ces quatre marques figuratives employées sous licence en liaison avec des produits et des articles promotionnels approuvés par la Propriétaire et énumérés dans [Traduction] à « l’annexe 1 » de l’accord.

[16]  Mme Blais explique que la Propriétaire est responsable de certifier que les produits canadiens arborant la Marque [Traduction] « ont été produits, importés, traités et/ou distribués conformément aux normes établies dans le manuel sur les procédures d’exploitation uniformisées en matière de certification du commerce, fondées sur les normes internationales de commerce équitable », qu’elle appelle la [Traduction] « Norme définie ». Mme Blais atteste que les licenciées de la Propriétaire [Traduction] « sont tenues, en vertu de la licence qui leur est octroyée, de respecter les caractéristiques et la qualité des produits énoncés dans [cette norme] ». Je souligne que l’extrait de l’accord produit en pièce C indique également que [Traduction] « l’emploi inapproprié de la Marque de certification de commerce équitable peut entraîner la résiliation de cet accord ».

[17]  En ce qui concerne l’emploi de la Marque en liaison avec les produits visés par l’enregistrement, Mme Blais affirme que, comme [Traduction] « l’activité [de la Propriétaire] consiste à certifier et non à vendre des produits », la Propriétaire n’a pas accès aux factures de vente au détail des licenciées et n’a pas le pouvoir de les demander. Elle affirme également qu’il n’y a aucune facture précisant laquelle des marques employées sous licence a été employée en liaison avec un produit donné. Mme Blais affirme qu’elle « produit donc une preuve que Fairtrade Canada a autorisé l’emploi sous licence de [la Marque] sur chacun des produits énumérés dans l’enregistrement pendant la Période pertinente, et également une preuve qui indique raisonnablement que les produits arborant [la Marque] ont été vendus sur le marché pendant la Période pertinente ».

[18]  Les pièces pertinentes jointes à l’affidavit de Mme Blais à cet égard sont les suivantes :

  • En ce qui a trait à l’octroi de licences, la pièce D est un document de deux pages intitulé « Canadian coffee companies currently licensed with Fairtrade Canada (Date: October 15th 2015) » [Entreprises canadiennes de café actuellement titulaires d’une licence octroyée par Fairtrade Canada (Date : 15 octobre 2015)]. Mme Blais explique que ce document est un dossier interne des licenciées de la Propriétaire, caviardé pour préserver la confidentialité [Traduction] « de nos activités commerciales ». Trois noms de licenciées sont visibles : Club Coffee LP, Just Us! Coffee Roasters Co-Op et Merchants of Green Coffee.
  • De plus, un document d’une page intitulé « Licensing Fee clauses from Fairtrade Canada’s standard form licensing agreement » [clauses relatives aux droits de licence tirées de l’accord de licence type de Fairtrade Canada] est joint comme pièce J. Mme Blais explique que les clauses énoncées dans cet extrait décrivent la façon dont les droits de licence pour l’emploi de la Marque sont calculés. Comme l’a souligné Mme Blais, la clause 6(b) prévoit un droit de licence « payable en fonction du volume ou de la valeur des ventes ». Mme Blais atteste qu’il s’agit du [Traduction] « barème » des droits de licence applicable à toutes les factures jointes comme pièces à son affidavit.

  • En ce qui concerne les ventes des produits visés par l’enregistrement, la pièce E est un imprimé de la page d’accueil du site Web de Merchants of Green Coffee datant d’octobre 2015. Mme Blais explique que Merchants of Green Coffee est un café situé à Toronto qui détenait une licence d’emploi de la Marque pour des « grains de café verts » pendant la période pertinente. Comme l’a souligné Mme Blais, le site Web indique que Merchants of Green Coffee [Traduction] « achète et vend les meilleurs grains de café arabica verts certifiés depuis plus de 20 ans ». Je souligne que la page d’accueil contient également la déclaration suivante : « We roast, brew and teach all things coffee » [Nous torréfions et infusons le café et nous enseignons tout sur le café].
  • La pièce F est un autre imprimé tiré du site Web de Merchants of Green Coffee. Comme l’a fait remarquer Mme Blais, cette page Web indique que Merchants of Green Coffee était présente au marché agricole hebdomadaire de Leslieville à Toronto [Traduction] « [t]ous les samedis et dimanches de l’été 2014 (du 26 mai au 27 octobre) ». Je souligne que l’annonce indique précisément ce qui suit : « We will be roasting and brewing single origin coffee every Saturday & Sunday in the summer at the Leslieville Farmer’s Market. Come join us for a truly fresh cup of coffee in the open air! » [Nous torréfions et infusons un café d’origine unique tous les samedis et dimanches de l’été au marché agricole de Leslieville. Joignez-vous à nous pour savourer un véritable café frais au grand air!]. L’annonce n’indique pas si des grains de café non torréfiés seront également offerts en vente à cet endroit.
  • La pièce G est un imprimé tiré du site Web du marché agricole de Leslieville. Comme en a fait mention Mme Blais, le site Web inscrit Merchants of Green Coffee dans la liste de fournisseurs, laquelle est accompagnée de la mention « Click on the vendors below for a drop-down description » [Cliquez sur les fournisseurs ci-dessous pour en lire la description dans le menu déroulant]. En fait, cette description figure sur l’imprimé, accompagnée d’une photographie de produits.
  • La pièce H est un agrandissement de la photographie de produits que contient la pièce G. La photographie illustre des rangées de sacs arborant une étiquette sur laquelle on peut lire « Fresh Coffee NetworkTM...Local Artisan Coffee...specialty grade arabica coffee... organic • fair trade...locally roasted » [Fresh Coffee NetworkMC... Café artisanal local... grains de café arabica de spécialité... biologique • équitable... torréfaction locale]. Un dessin qui concorde avec la Marque est présenté sur chaque sac. Les éléments nominaux sont illisibles, mais de même taille et de même forme que les éléments nominaux que contient la Marque.
  • La pièce I est une facture émise par la Propriétaire à l’intention de Merchants of Green Coffee datant de la période pertinente. Mme Blais atteste que les champs « Amount » [montant] et « Total Amount » [montant total], qui ont été caviardés, contiennent les droits de licence payables à la Propriétaire pour l’emploi de la Marque en liaison avec le produit « Fair Trade Medium Roast » [torréfaction moyenne équitable]. La description sur la facture indique qu’il est question de kilogrammes de « Coffee » [café], bien que le nombre précis de kilogrammes ait été caviardé. Bien que Mme Blais fasse référence à la facture comme étant représentative des ventes réalisées pendant le [Traduction] « T4 de 2015 », la date qui accompagne la description sur la facture elle-même est « Q1 2015 » [T1 de 2015], que j’interprète comme faisant état de café vendu au cours du premier trimestre de 2015.
  • La pièce K est une image d’une étiquette pour le produit « Organics PC Fair Trade Medium Roast whole bean coffee » [café à grains entiers biologique et équitable de torréfaction mi-corsée PC]. Mme Blais décrit l’image comme étant un spécimen d’étiquette pour le café vendu par Club Coffee LP, une entreprise de [Traduction] « torréfaction, de fabrication et de distribution de café emballé » de Toronto. Mme Blais atteste que Club Coffee était une licenciée de la Marque pour des [Traduction] « grains de café torréfiés » pendant la période pertinente. Elle atteste également avoir une [Traduction] « connaissance personnelle » de la présence du café à grains entiers équitable de torréfaction mi-corsée de Club Coffee [Traduction] « sur le marché, à tout le moins, immédiatement avant que l’Inscrivante reçoive [l’avis prévu à l’article 45] ». Un dessin qui concorde avec la Marque est présenté sur l’étiquette illustrée. Encore une fois, les éléments nominaux sont illisibles, mais de même taille et de même forme que les éléments nominaux que contient la Marque.
  • Les pièces L et M contiennent chacune un imprimé datant d’octobre 2015 tiré d’une page Web intitulée « PC Organics Fair Trade Medium Roast Whole Bean Coffee | Loblaws » [café à grains entiers biologique et équitable de torréfaction mi-corsée PC | Loblaws]. Mme Blais atteste que les imprimés respectifs proviennent du [Traduction] « magasin en ligne le Choix du Président » et du [Traduction] « magasin en ligne Atlantic Superstore, le distributeur des produits le Choix du Président au Canada atlantique ». Comme l’a souligné Mme Blais, les pages Web présentent un produit arborant l’étiquette illustrée à la pièce K.
  • La pièce N contient deux factures émises par la Propriétaire à l’intention de Club Coffee datant de la période pertinente. Les montants en dollars ont encore été caviardés, mais Mme Blais indique qu’il s’agit des droits de licence pour l’emploi des marques de certification de la Propriétaire. Les factures font état de kilogrammes de « Coffee » [café] pour le Canada et les États-Unis au cours des trimestres « Q4 2014 » [T4 de 2014] et « Q2 2015 » [T2 de 2015].
  • La pièce O est une image qui illustre une rangée de sacs de café « just us! », que Mme Blais décrit comme représentant l’emballage des produits de café de Just Us! Coffee Roasters Co-Op, un groupe de cafés en Nouvelle-Écosse. Mme Blais atteste que Just Us! Coffee était une autre licenciée de la Marque pour des « grains de café torréfiés » pendant la période pertinente. Je souligne que parmi les sacs illustrés figure un sac de café « Whole Bean » [grains entiers] qui, bien que partiellement caché, semble porter une étiquette sur laquelle on peut lire « French Roast » [torréfaction française]. Un dessin qui concorde avec la Marque est présenté sur le sac, bien que la qualité de l’image soit telle que les éléments nominaux sont à peine visibles.
  • Les pièces P, Q et R contiennent des saisies d’écran qui, atteste Mme Blais, proviennent des pages Facebook de Just Us! Coffee et de son café Grand Pré. Mme Blais atteste que ces pages ont été consultées à partir de liens présentés sur le site Web de Just Us! Coffee, dont des imprimés sont inclus dans les pièces P et Q. Chaque saisie d’écran présente une partie d’une publication de 2014 de Just Us! Coffee, accompagnée d’une image présentant des sacs de café. Mme Blais décrit les sacs de café illustrés comme correspondant au type de café vendu lors d’un événement tenu au café (pièce P) et au café vendu [Traduction] « dans une épicerie » (pièce Q) et [Traduction] « à l’épicerie Sobeys de Cole Harbour, en Nouvelle-Écosse » (pièce R). L’image la plus claire (pièce P) présente un sac portant une étiquette sur laquelle on peut lire Just Us! Coffee, ainsi que les mentions descriptives « Whole Bean » [grains entiers] et « CERTIFIED FAIR TRADE | ORGANIC » [certifié équitable | biologique]. Un dessin qui concorde avec la Marque est présenté sur ce sac, mais la qualité de l’image est telle que les éléments nominaux sont à peine visibles. La publication correspondante semble annoncer des « free samples » [échantillons gratuits] du produit.
  • Les pièces S et T contiennent une image d’une étiquette pour le « President’s Choice Fair Trade Ground Coffee » [café moulu équitable le Choix du Président], présentée seule et dans deux imprimés de page Web de 2015 intitulés « PC Fair Trade Ground Coffee – Latin America Dark Roast | Loblaws » [café moulu équitable PC de torréfaction noire - de l’Amérique latine | Loblaws ]. Mme Blais atteste que l’image produite en pièce provient du [Traduction] « magasin en ligne le Choix du Président ». Elle décrit l’étiquette illustrée comme correspondant à l’emballage d’un produit vendu par Club Coffee qui, affirme-t-elle, est également une licenciée de la Marque pour du [Traduction] « café moulu ». Un dessin qui concorde avec la Marque est présenté sur l’étiquette; encore une fois, les éléments nominaux sont illisibles, mais ils sont de la même taille et de la même forme que ceux que contient la Marque. La page Web produite à la pièce T contient également trois commentaires de clients concernant le produit, dont un commentaire daté du 31 mars 2011. À cet égard, Mme Blais affirme ce qui suit : [Traduction] « Je crois que la présence d’un commentaire antérieur à la Période pertinente, de pair avec la présence des produits peu après la Période pertinente, vient corroborer une conclusion raisonnable portant que [la Marque] a été employée en liaison avec du café moulu pendant la Période pertinente. »

Analyse

[19]  La Partie requérante soutient que la Propriétaire n’a produit qu’une quantité limitée d’éléments de preuve documentaire indirects, ce qui ne vient pas corroborer les [Traduction] « hypothèses et inférences » nécessaires pour permettre de conclure à l’emploi de la Marque en liaison avec les produits visés par l’enregistrement pendant la période pertinente.

[20]  Comme je l’ai souligné ci-dessus, la Propriétaire n’a fait aucune représentation écrite ou verbale. Cependant, dans son affidavit, Mme Blais exprime sa conviction que la preuve [Traduction] « indique raisonnablement que les produits arborant [la Marque] ont été vendus sur le marché pendant la Période pertinente » et que la [Traduction] « position [de la Propriétaire] à titre de concédante de licence d’une Marque de certification devrait faire partie des éléments pertinents à considérer dans l’évaluation de cette preuve ».

[21]  D’entrée de jeu, je souligne que la preuve produite dans le cadre de la procédure prévue à l’article 45 doit être considérée dans son ensemble et les pièces interprétées conjointement avec les déclarations faites dans l’affidavit [voir, à titre d’exemple, Fraser Milner Casgrain LLP c Canadian Distribution Channel Inc (2009), 78 CPR (4th) 278 (COMC)]. En outre, il est permis de tirer des inférences raisonnables de la preuve fournie [voir Eclipse International Fashions Canada Inc c Shapiro Cohen, 2005 CAF 64, 48 CPR (4th) 223 (CAF)]. Toutefois, le propriétaire inscrit doit néanmoins fournir une preuve prima facie d’emploi de la marque de commerce en liaison avec chacun des produits spécifiés dans l’enregistrement [Diamant Elinor Inc c 88766 Canada Inc, 2010 CF 1184, 90 CPR (4th) 428]. Autrement dit, le registraire doit pouvoir [Traduction] « se fonder sur une inférence tirée de faits établis plutôt que sur de la spéculation » pour s’assurer que chaque élément qu’exige la Loi est satisfait [Diamant Elinor, supra, au paragraphe 11; voir également Smart & Biggar c Curb, 2009 CF 47, 72 CPR (4th) 176, au paragraphe 20].

Emploi par les licenciées de la Propriétaire

[22]  En l’espèce, la Propriétaire a produit une preuve relative aux activités des différentes licenciées. La Partie requérante soutient que la [Traduction] « prétention » de Mme Blais portant que ces entités étaient autorisées sous licence à employer la Marque sur les produits visés par l’enregistrement n’est pas corroborée par des copies de leurs accords de licence ni par d’autres éléments de preuve. Cependant, il n’est pas nécessaire de produire un accord de licence écrit pour établir l’emploi sous licence d’une marque de commerce [voir Wells’ Dairy Inc c UL Canada Inc (2000), 7 CPR (4th) 77 (CF 1re inst)]. Dans le cadre de la procédure prévue à l’article 45, une déclaration claire attestant que le propriétaire inscrit exerce le contrôle requis sur les caractéristiques ou la qualité des produits vendus sous licence est suffisante, tel qu’établi dans Empresa Cubana del Tabaco c Shapiro Cohen, 2011 CF 102, 91 CPR (4th) 248. Même si, dans cette affaire, il était question d’un emploi sous licence au titre de l’article 50 de la Loi, j’estime qu’il est également raisonnable d’appliquer le même principe à l’emploi sous licence au titre de l’article 23(2) de la Loi.

[23]  En l’espèce, Mme Blais atteste clairement que la Propriétaire a octroyé des licences à des entreprises qu’elle appelle des [Traduction] « licenciées » les autorisant à employer la Marque sur des produits de café précis pendant la période pertinente. Mme Blais atteste également que la Propriétaire est responsable de certifier que les produits vendus sous licence et arborant la Marque au Canada sont conformes à la [Traduction] « Norme définie » quant à leurs caractéristiques et à leur qualité.

[24]  Je souligne que, bien que Mme Blais fasse référence à la Loi ailleurs dans son affidavit, elle n’affirme pas explicitement qu’elle emploie le terme [Traduction] « Norme définie » au sens de la Loi. Néanmoins, je suis disposée à admettre que l’emploi sous licence décrit par Mme Blais constitue un emploi réputé être un emploi par la Propriétaire au titre de l’article 23(2). À cet égard, je suis consciente que la procédure prévue à l’article 45 a une portée limitée et qu’elle n’a pas pour objet l’instruction de questions de fait contestées [voir Meredith & Finlayson c Canada (Registraire des marques de commerce) (1991), 40 CPR (3d) 409 (CAF)]. En effet, la Partie requérante n’a présenté aucune observation concernant le contenu de la norme mentionnée.

[25]  Quoi qu’il en soit, étant donné que Mme Blais atteste que la Propriétaire exerce un contrôle sur les caractéristiques et la qualité des produits approuvés pour la vente en liaison avec la Marque, je suis également convaincue que l’emploi sous licence décrit par Mme Blais s’applique au profit de la Propriétaire, conformément à l’article 50 de la Loi.

Ventes de café

[26]  La Propriétaire a fourni des copies de factures qu’elle a émises à l’intention de Merchants of Green Coffee et de Club Coffee comme preuve de ventes de kilogrammes de « Coffee » [café] pendant la période pertinente. Mme Blais explique que les factures concernent les droits de licence calculés selon les volumes réels des ventes, tels qu’indiqués sur les factures. Par conséquent, j’admets que les licenciées Merchants of Green Coffee et Club Coffee de la Propriétaire ont vendu du café dans la pratique normale du commerce pendant la période pertinente.

[27]  La Propriétaire a également fourni des images du café offert par sa licenciée Just Us! Coffee. Toutefois, la preuve que des produits ont été annoncés ou offerts en vente n’est pas suffisante en soi; la Propriétaire doit fournir une preuve permettant au registraire de conclure que les produits ont réellement été transférés dans la pratique normale du commerce [voir Michaels & Associates c WL Smith & Associates Ltd (2006), 51 CPR (4th) 303 (COMC); Riches, McKenzie & Herbert LLP c Cleaner’s Supply Inc, 2012 COMC 211, 2012 CarswellNat 5229].

[28]  Quant à la question de savoir quels produits de café visés par l’enregistrement ont été vendus au Canada en liaison avec la Marque, la Partie requérante souligne à juste titre que les factures fournies ne mentionnent ni de la Marque ni les produits visés par l’enregistrement. Cependant, il faut éviter de s’attarder à des éléments de preuve de preuve individuels [voir Kvas Miller Everitt c Compute (Bridgend) Ltd (2005), 47 CPR (4th) 209 (COMC)]. Les factures produites en pièce doivent être considérées conjointement avec les autres pièces fournies ainsi que les déclarations sous serment de Mme Blais. À cet égard, j’aborderai tour à tour chacun des produits visés par l’enregistrement.

Grains de café torréfiés

[29]  Mme Blais atteste que Club Coffee LP était une licenciée de la Marque pour des [Traduction] « grains de café torréfiés » pendant la période pertinente. À l’appui, aux pièces K, L et M jointes à son affidavit, elle fournit une image de l’étiquette du produit vendu sous licence « Organics PC Fair Trade Medium Roast whole bean coffee » [café à grains entiers biologique et équitable de torréfaction mi-corsée PC] ainsi que deux imprimés présentant le produit offert en vente en ligne. Bien que les imprimés portent une date ultérieure à la période pertinente, elle atteste avoir une connaissance personnelle de la disponibilité de ce produit sur le marché immédiatement avant la date de l’avis prévu à l’article 45. Dans les circonstances, j’estime raisonnable d’inférer que les ventes de « Coffee » [café] dont font état les factures émises par la Propriétaire à l’intention de Club Coffee englobaient des [Traduction] « grains de café torréfiés » et que l’étiquette illustrée est représentative de la manière dont ces produits étaient étiquetés pendant la période pertinente.

[30]  Comme l’a souligné la Partie requérante, l’étiquette et les imprimés de site Web produits en pièce ne font pas eux-mêmes mention de Club Coffee. Il est plutôt fait référence à President’s Choice [le Choix du Président], Loblaws et Atlantic Superstore, et Mme Blais n’explique pas la relation entre la licenciée et ces entités. Cependant, j’admets d’emblée la déclaration de Mme Blais portant que le produit illustré provient de Club Coffee. Dans le cadre de la procédure prévue à l’article 45, on doit accorder une grande crédibilité aux déclarations faites par un déposant [voir Ogilvy Renault c Compania Roca-Radiadores SA, 2008 CarswellNat 776 (COMC)]. En outre, j’admets que, étant donné son expérience et le poste qu’elle occupe chez la Propriétaire, Mme Blais serait à même de connaître les licenciées de la Propriétaire et leurs produits. À cet égard, l’accord de licence type exige que les produits vendus sous licence soient approuvés par la Propriétaire et énumérés dans une annexe jointe à chaque accord. Je suis donc convaincue que toute preuve d’emploi de la Marque sur l’étiquette de produit présentée en pièce s’appliquerait au profit de la Propriétaire.

[31]  La Partie requérante fait valoir que la marque de certification est [Traduction] « illisible » sur l’image de l’étiquette produite en pièce. Cependant, la forme des éléments nominaux est perceptible, et je suis convaincue que la marque employée sous licence présentée semble être la Marque telle qu’elle est enregistrée.

[32]  En résumé, bien que la preuve relative aux ventes de grains de café torréfiés faites en liaison avec la Marque pendant la période pertinente ne soit aucunement solide, la Propriétaire doit seulement fournir une preuve prima facie d’emploi. Tout compte fait, je suis convaincue que la Propriétaire a établi l’emploi de la Marque en liaison avec des [Traduction] « grains de café torréfiés » au sens des articles 4 et 45 de la Loi.

Café moulu

[33]  En ce qui concerne le produit [Traduction] « café moulu » visé par l’enregistrement, Mme Blais atteste que Club Coffee détient également une licence l’autorisant à vendre ce produit en liaison avec la Marque. Cependant, contrairement à sa preuve relative aux grains de café torréfiés, Mme Blais n’atteste pas avoir une connaissance personnelle de la présence du café moulu de Club Coffee sur le marché pendant la période pertinente. Elle affirme simplement qu’il serait [Traduction] « raisonnable » d’inférer que la Marque a été employée en liaison avec du café moulu pendant cette période, à la lumière des commentaires sur le produit présentés en pièce et précédant d’un an la période pertinente et de l’imprimé d’un magasin en ligne produit en pièce et précédant de plusieurs mois la fin de la période (pièces S et T).

[34]  Toutefois, ces pièces ne sont pas particulièrement probantes. En particulier, même si la marque de café moulu annoncée a également été vendue au Canada pendant la période pertinente, il n’y a aucune preuve que ces ventes auraient été réalisées en liaison avec la Marque, contrairement à l’une des autres Marques de certification de commerce équitable. Comme Mme Blais n’atteste pas avoir une connaissance personnelle ni détenir de dossiers d’entreprise au sujet de la disponibilité du produit annoncé pendant la période pertinente, je ne suis pas disposée à inférer que l’image de l’étiquette publiée en ligne après la période pertinente est représentative de l’étiquette apposée sur le produit pendant la période pertinente.

[35]  Dans les circonstances, je ne suis pas convaincue que la Propriétaire a établi l’emploi de la Marque en liaison avec du [Traduction] « café moulu » au sens des articles 4 et 45 de la Loi.

Grains de café verts

[36]  De la même façon, bien que Mme Blais atteste que Merchants of Green Coffee était une licenciée de la Marque pour des [Traduction] « grains de café verts » pendant la période pertinente, elle n’atteste pas avoir une connaissance personnelle de la disponibilité d’un produit de grains de café verts précis sur le marché pendant cette période. Elle s’appuie plutôt sur des imprimés provenant du site Web de la licenciée, lesquels présentent une description générale des produits de l’entreprise (pièce E) et annoncent la présence de l’entreprise dans un marché agricole tenu pendant la période pertinente (pièce F). Quant à la présentation de la Marque, elle s’appuie sur une image d’un produit figurant à côté de la description de l’entreprise sur le site Web du marché agricole (pièces G et H).

[37]  Toutefois, ces pages Web produites en pièce n’annoncent pas la vente de [Traduction] « grains de café verts » en liaison avec la Marque pendant la période pertinente. Elles indiquent plutôt que Merchants of Green Coffee [Traduction] « torréfiera et infusera » du café et qu’elle invite les clients à savourer un [Traduction] « véritable café frais ». En effet, l’image du produit tirée du site Web du marché agricole et produite en pièce porte la mention « locally roasted » [torréfaction locale].

[38]  Étant donné que la Propriétaire établit une distinction entre des grains de café [Traduction] « torréfiés » et des grains de café [Traduction] « verts » dans son enregistrement, et en l’absence de représentations de la part de la Propriétaire à ce sujet, je ne suis pas convaincue qu’un café torréfié quelconque vendu au marché agricole correspond au produit [Traduction] « grains de café verts » visés par l’enregistrement. Sans autres détails de la part de Mme Blais ou observations de la part de la Propriétaire, on ne peut pas affirmer clairement que le terme [Traduction] « vert » dans ce contexte a une définition plus large que [Traduction] « non torréfié ». En outre, rien n’indique dans les pièces que le produit vendu au marché agricole était sous forme de grains, plutôt que sous forme de café moulu ou infusé.

[39]  Par conséquent, même si je devais admettre que l’image produite aux pièces G et H illustre des produits de café vendus pendant la période pertinente, je ne suis pas disposée à inférer que l’étiquette illustrée est représentative des étiquettes apposées sur des grains de café verts vendus pendant la période pertinente. Même s’il est raisonnable d’inférer que Merchants of Green Coffee a vendu des grains de café verts sous une Marque de certification de commerce équitable pendant la période pertinente, il n’y a aucune preuve que ces ventes auraient été faites en liaison avec la Marque en particulier.

[40]  Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincue que la Propriétaire a établi l’emploi de la Marque en liaison avec des [Traduction] « grains de café verts » au sens des articles 4 et 45 de la Loi.

Décision

[41]  En résumé, je suis seulement convaincue que la Propriétaire a établi l’emploi de la Marque en liaison avec des [Traduction] « grains de café torréfiés » au sens des articles 4 et 45 de la Loi.

[42]  Étant donné que la Propriétaire n’a fourni aucune preuve de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi de la Marque en liaison avec les autres produits, l’enregistrement sera modifié en conséquence.

[43]  Compte tenu de tout ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera modifié afin de radier les produits [Traduction] « grains de café verts » et « café moulu », selon les dispositions de l’article 45 de la Loi.

[44]  L’état déclaratif des produits modifié sera libellé comme suit [Traduction] : « Produits alimentaires, nommément grains de café torréfiés ».

 

Oksana Osadchuk

Agente d’audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Sophie Ouellet, trad.a.


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE : Aucune audience tenue

AGENT(S) AU DOSSIER

Fasken Martineau Dumoulin LLP

POUR LA PROPRIÉTAIRE INSCRITE

Robinson Sheppard Shapiro S.E.N.C.R.L./L.L.P.

POUR LA PARTIE REQUÉRANTE

 

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