Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2017 COMC 105

Date de la décision : 2017-08-23

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45

 

Andrews Robichaud

Partie requérante

et

 

Entechnevision Inc.

Propriétaire inscrite

 

LMC831,211 pour la marque de commerce

BEAUTY AND THE BEAST

Enregistrement

 

[1]  Le 2 octobre 2015, à la demande d’Andrews Robichaud (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) à Entechnevision Inc. (la Propriétaire), la propriétaire inscrite de l’enregistrement no LMC831,211 de la marque de commerce BEAUTY AND THE BEAST (la Marque).

[2]  La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec les produits et les services suivants [Traduction] :

PRODUITS :

(1) Bijoux, nommément bagues, bracelets, colliers, pendentifs, boucles d’oreilles, épinglettes, montres-bracelets, horloges, chaînes porte-clés, épingles à cheveux, barrettes, pinces pour cheveux, boutons de manchettes, broches et pinces à billets.
(2) Articles en papier et imprimés, nommément cartes à échanger, cartes à jouer, autocollants, articles de papeterie, nommément enveloppes, faire-part, carnets, blocs, papier à notes, cartes de correspondance, étiquettes, affiches et cartes de souhaits; livres et dépliants.
(3) Jouets et jeux, nommément figurines d’action jouets et accessoires connexes; poupées, vêtements de poupée et accessoires de poupée, jouets multiactivités pour enfants, jouets en peluche, jouets rembourrés, personnages jouets en plastique et en vinyle, figurines jouets, jouets musicaux, jouets gonflables, casse-tête, matériel de jeu vendu comme un tout pour jouer à des jeux de plateau, de société, d’adresse et d’action, de cartes et de rôles ainsi que consoles électroniques de poche pour jouer à des jeux.
(4) Vêtements, articles chaussants, couvre-chefs, nommément chemises, tee-shirts, pulls d’entraînement, chandails, chemisiers, débardeurs, gilets de corps, vestes, manteaux, robes, jupes, shorts, pantalons, jeans, salopettes, pantalons d’entraînement, sous-vêtements, boxeurs, caleçons, culottes, vêtements de bain, maillots de bain, chemises de nuit, peignoirs, robes de nuit, pyjamas, collants, caleçons longs, jambières, cravates, nœuds papillon, ascots, pochettes, foulards, gants, mitaines, serre-poignets, ceintures, écharpes, chaussettes, chaussures, bottes, chaussures d’entraînement, pantoufles, chapeaux, casquettes, bandeaux, visières, capuchons, costumes d’Halloween, costumes de déguisement, vêtements pour bébés, nommément bottillons, bavoirs et tenues de loisir.

SERVICES

(1) Services de divertissement, nommément offre de divertissement dans le domaine des jeux interactifs au moyen d’un réseau informatique mondial; offre d’un site web contenant des jeux, des contes, des activités et de l’information;
(2) Octroi de licences d’utilisation de logiciels, nommément logiciels dans le domaine des jeux interactifs;
(3) Services d’octroi de licences d’utilisation de personnages et de scénarios, nommément octroi de licences d’utilisation de certains personnages et scénarios contenus dans des programmes de jeux informatiques interactifs;
(4) Services informatiques, nommément offre d’un site web sur le réseau informatique mondial offrant des jeux interactifs aux enfants; programmes de jeux informatiques interactifs d’action et d’aventure et programmes de jeux vidéo interactifs d’action et d’aventure.

[3]  L’avis enjoignait à la Propriétaire de fournir une preuve établissant que la Marque a été employée au Canada, en liaison avec chacun des produits et services spécifiés dans l’enregistrement, à un moment quelconque entre le 2 octobre 2012 et le 2 octobre 2015. Dans le cas où la Marque n’avait pas été ainsi employée, la Propriétaire devait fournir une preuve établissant la date à laquelle la Marque a été employée en dernier lieu et les raisons de son défaut d’emploi depuis cette date.

[4]  Les définitions pertinentes d’« emploi » sont énoncées aux articles 4(1) et 4(2) de la Loi, lesquels sont libellés comme suit :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

4(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

[5]  Il est bien établi que de simples allégations d’emploi ne sont pas suffisantes pour établir l’emploi dans le contexte de la procédure prévue à l’article 45 [Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)]. Bien que le niveau de preuve requis pour établir l’emploi dans le cadre de cette procédure soit peu élevé [Woods Canada Ltd c Lang Michener (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst)] et qu’il ne soit pas nécessaire de produire une surabondance d’éléments de preuve [Union Electric Supply Co Ltd c le Registraire des marques de commerce (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst)], il n’en faut pas moins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des produits et services spécifiés dans l’enregistrement au cours de la période pertinente [John Labatt Ltd c Rainer Brewing Co (1984), 80 CPR (2d) 228 (CAF)].

[6]  En réponse à l’avis du registraire, la Propriétaire a produit l’affidavit de Jeff Lord, président de la Propriétaire, souscrit le 2 mai 2016 à Montréal, au Québec. Seule la Partie requérante a produit des représentations écrites; cependant, les deux parties étaient représentées à l’audience qui a été tenue le 15 mai 2017.

Preuve de la Propriétaire

[7]  Dans son affidavit, M. Lord atteste que la Propriétaire [Traduction] « offre des services innovants en art et en technologie de l’information (TI) … [qui comprennent] la conception de sites Web, de systèmes de gestion de contenu et de plateformes pour afficher des contes, des vidéos, du contenu et des jeux en ligne ».

[8]  M. Lord allègue que, depuis octobre 2007, la Marque est employée sous licence par Kidoons, Inc., une compagnie affiliée de la Propriétaire, qui [Traduction] « est une société canadienne spécialisée dans le divertissement et la mise en récit ». M. Lord confirme qu’il est également président de Kidoons et chef de production de ses productions théâtrales.

[9]  M. Lord affirme que des Canadiens ont accédé aux jeux, aux contes et au matériel éducatif en ligne de la Propriétaire au cours de la période pertinente. Plus précisément, au paragraphe 11 de son affidavit, M. Lord atteste que des Canadiens ont profité des services suivants :

Services de divertissement, nommément offre de divertissement dans le domaine des jeux interactifs au moyen d’un réseau informatique mondial; offre d’un site web contenant des jeux, des activités et de l’information; services informatiques, nommément offre d’un site web sur le réseau informatique mondial offrant des jeux interactifs aux enfants; programmes de jeux informatiques interactifs d’action et d’aventure et programmes de jeux vidéo interactifs d’action et d’aventure.

[10]  Ces services correspondent aux services (1) et (4) de l’enregistrement.

[11]  À l’appui, M. Lord joint, comme pièce A à son affidavit, une capture d’écran tirée du site Web www.beautyandthebeast.ca, qui, atteste M. Lord, est exploité par la Propriétaire, [Traduction] « avec emploi sous licence par Kidoons Inc. » Le logo de Kidoons figure dans le coin supérieur gauche de la page, et la note suivante figure au bas de la page [Traduction] : « Beauty and the Beast™ TM/MC EnTechneVision Inc. lic. use/usager lic. KIDOONS Inc. » Un logo de « Beauty and the Beast » [La Belle et la Bête] figure dans le coin supérieur droit.

[12]  La Marque est également mentionnée dans le texte qui figure sur la page Web, lequel indique ce qui suit :

Beauty and the Beast are in love, and now they are getting married – uniting their planet kingdoms. How should a galactic Princess dress? Do you think Beauty should be “out of this world” or “down-to-earth”? Help the Wedding Planner 5000 robot dress Beauty for her Beast.
[La Belle et la Bête sont amoureux; ils vont se marier – et unir leurs royaumes planétaires. Comment une princesse galactique devrait-elle se vêtir? Croyez-vous que Belle devrait être « surréaliste » ou « terre-à-terre »? Aidez le robot organisateur de mariage 5000 à vêtir Belle pour sa Bête.]

[13]  Dans le coin inférieur droit de la page, figure le lien « Play! » [Jouer] qui invite les utilisateurs à jouer.

[14]  M. Lord joint également, comme pièce D à son affidavit, des captures d’écran tirées des sites Web www.beautyandthebeast.ca, www.dressup.ca et www.kidsfuncanada.com. Il confirme que [Traduction] « les utilisateurs canadiens peuvent ouvrir une session en ligne et jouer à un jeu informatique interactif qui comprend des contes, des activités et des renseignements amusants s’adressant aux enfants ». Par exemple, une page tirée de www.beautyandthebeast.ca présente la première page d’un livre de contes interactif.

[15]  Il joint, comme pièce E à son affidavit, cinq pages de [Traduction] « statistiques sur les visiteurs » des sites Web. M. Lord atteste que [Traduction] « [a]u cours de la période pertinente, 181 760 visiteurs uniques ont accédé aux sites Web ». À première vue toutefois, il n’apparaît pas clairement si ces pages Web précises, jointes comme pièces A ou D, correspondent à l’une quelconque des pages pour lesquelles des statistiques ont été présentées.

[16]  En ce qui concerne les produits visés par l’enregistrement, M. Lord allègue l’emploi en liaison avec certains des produits énumérés, y compris des bijoux, des jouets en peluche et certains vêtements. Il joint, comme pièce B à son affidavit, 22 pages de [Traduction] « captures d’écran tirées des sites Web » concernant les produits qui, atteste M. Lord, sont [Traduction] « actuellement en vente au Canada ». Bien que la Marque figure sur les produits représentés, aucune preuve de transfert de ces produits n’est fournie. M. Lord explique que la Propriétaire a accordé à Kidoons le droit de fabriquer ces produits, mais que [Traduction] « la conception et la vente des produits ont été interrompues en raison de circonstances imprévues ».

[17]  Plus précisément, M. Lord atteste que tout défaut d’emploi de la Marque au cours de la période pertinente était attribuable à son [Traduction]« état de santé qui se détériorait depuis 2012-2013, situation qui s’est soldée par une intervention chirurgicale à cœur ouvert le 18 juin 2014, un arrêt de travail pour cause de maladie et des soins continus en physiothérapie ». Il poursuit en affirmant qu’il a ensuite été [Traduction] « de nouveau hospitalisé à la suite d’une rupture de l’appendice et d’une infection subséquente le 17 juillet 2015, après quoi il a été en période de convalescence prolongée ». Par conséquent, il explique que, en tant que président et [Traduction] « unique stratège financier » de la Propriétaire et de Kidoons, il a dû [Traduction] « ralentir radicalement bon nombre des activités de la société » au cours de sa convalescence. À l’appui, il joint, comme pièce C à son affidavit, une sélection de rapports médicaux.

[18]  M. Lord atteste que, malgré ces circonstances, la Propriétaire [Traduction] « a continué à mandater Kidoons, la licenciée, pour le développement des marques ». À cet égard, il affirme que [Traduction] « Kidoons a jeté les bases de marchandises de marque par l’élaboration continue d’activités commerciales et promotionnelles, la création de personnages, la diffusion, des productions théâtrales et des propriétés – afin de poursuivre la conception de contenu et de propriétés pour appuyer la marchandise interrompue ».

[19]  M. Lord allègue un intérêt continu pour la Marque et des efforts continus pour promouvoir et soutenir la visibilité des Marques. Il allègue que les [Traduction] « propriétés, contes et productions pour la scène et en ligne sont toutes interreliées et font partie d’un réseau qui gagne en notoriété partout au Canada ». Par exemple, il allègue que [Traduction] « le commerce sous [la Marque] et sous nos autres marques a toujours jusqu’à cette année, fait l’objet d’une promotion dans le cadre de la représentation théâtrale à London en Ontario de Twenty Thousand Leagues Under the Sea [Vingt mille lieues sous les mers] ».

Analyse – Emploi en liaison avec les Produits

[20]   En ce qui concerne les produits visés par l’enregistrement, comme je l’ai souligné précédemment, M. Lord affirme que certains des produits visés par l’enregistrement peuvent être achetés par des clients canadiens. Cependant, le simple fait d’offrir des produits en vente n’est pas suffisant pour satisfaire aux exigences de l’article 4(1) de la Loi [voir, à titre d’exemple, The Molson Companies Ltd c Halter (1976), 28 CPR (2d) 158 (CF 1re inst); et Gowling, Strathy & Henderson c Banque Royale du Canada (1995), 63 CPR (3d) 322 (CF 1re inst)]. Une certaine preuve de transfert dans la pratique normale du commerce au Canada est nécessaire.

[21]  En l’espèce, la Propriétaire n’a présenté aucune preuve de transfert de l’un quelconque des produits visés par l’enregistrement au cours de la période pertinente ou autrement.

[22]  Par conséquent, je ne suis pas convaincu que la Propriétaire a établi l’emploi de la Marque en liaison avec l’un quelconque des produits visés par l’enregistrement au sens des articles 4 et 45 de la Loi.

[23]  La question de savoir s’il existait des circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi de la Marque sera examinée ci-dessous.

Analyse – Emploi en liaison avec les Services (1) et (4)

[24]  Dans ses représentations, la Partie requérante remet en question plusieurs aspects de la preuve de la Propriétaire. De façon générale, elle allègue diverses contradictions et lacunes dans la preuve, faisant valoir que l’affidavit de M. Lord est, au mieux, vague et ambigu.

[25]  Plus précisément, en ce qui concerne les services (1) et (4), la Partie requérante soutient que la preuve [Traduction] « laisse au registraire le loisir de présumer qu’il existe un lien suffisant entre les captures d’écran tirées des sites Web et les statistiques non reliées et inexpliquées sur les visiteurs pour conclure que ces services étaient accessibles aux Canadiens au cours de la période pertinente ».

[26]  La Partie requérante reproche également à l’affidavit de M. Lord, entre autres, de présenter une [Traduction] « copie mot à mot » des services (1) et (4) dans son allégation d’emploi au paragraphe 11 de son affidavit. Cependant, au paragraphe 12 de l’affidavit, lorsqu’il est fait mention des captures d’écran tirées des sites Web jointes comme pièce D, M. Lord allègue que les services étaient accessibles au cours de la période pertinente, alors que [Traduction] « 181 760 visiteurs uniques » ont accédé à ces sites Web au cours de cette période.

[27]  Selon moi, il n’y a rien de problématique en soi dans le fait que le déposant présente une [Traduction] « copie mot à mot » des services visés par l’enregistrement. Conformément à l’article 30 de la Loi, un état déclaratif des services devrait être dressé dans « les termes ordinaires du commerce ». En l’espèce, il n’y a rien d’exceptionnel ou de difficile à comprendre dans le libellé des services (1) et (4). Quoi qu’il en soit, M. Lord paraphrase en effet une partie de ces services au paragraphe 12 de son affidavit, affirmant que [Traduction] « les utilisateurs canadiens peuvent ouvrir une session en ligne et jouer à un jeu informatique interactif qui comprend des contes, des activités et des renseignements amusants s’adressant aux enfants ». Comme je l’ai déjà souligné, il confirme que ces services étaient accessibles au cours de la période pertinente et que des milliers de visiteurs ont accédé aux sites Web.

[28]  Sur ce dernier point, la Partie requérante émet des doutes quant à savoir si ces « visiteurs uniques » étaient, dans les faits, des Canadiens, plutôt que des bots automatisés ou des visiteurs de l’extérieur du Canada. À cet égard, elle souligne que les [Traduction] « statistiques sur les visiteurs » du site Web produites en pièce E sont inexpliquées et ne semblent pas correspondre aux adresses des pages Web précises des captures d’écran produites en pièce.

[29]  Cependant, dans le cadre de la procédure prévue à l’article 45, la preuve n’a pas à être parfaite; en effet, un propriétaire inscrit doit seulement présenter une preuve prima facie d’emploi au sens des articles 4 et 45 de la Loi [voir Diamant Elinor Inc c 88766 Canada Inc, 2010 CF 1184, au paragraphe 2]. Ce fardeau de preuve est léger; la preuve doit seulement exposer des faits à partir desquels une conclusion d’emploi peut s’inférer logiquement [selon Diamant, au paragraphe 9].

[30]  Je souligne également que la preuve produite dans le cadre de la procédure prévue à l’article 45 doit être considérée dans son ensemble et que le fait de se concentrer sur des éléments de preuve individuels et de considérer ces derniers isolément n’est pas la bonne approche [voir Kvas Miller Everitt c Computer (Bridgend) Limited (2005), 47 CPR (4th) 209 (COMC) et Fraser Milner Casgrain LLP c Canadian Distribution Channel Inc (2009), 78 CPR (4th) 278 (COMC)]. De plus, il est permis de tirer des inférences raisonnables de la preuve produite [voir Eclipse International Fashions Canada Inc c Shapiro Cohen (2005), 48 CPR (4th) 223 (CAF)].

[31]  En l’espèce, bien que la preuve ne soit pas forte, elle est suffisante.

[32]  À cet égard, la Propriétaire a fourni des captures d’écran tirées des sites Web arborant la Marque et établissant que des activités correspondant aux services (1) et (4) étaient accessibles par l’intermédiaire de ces sites Web. M. Lord confirme que ces services étaient accessibles au cours de la période pertinente et, compte tenu des allégations de M. Lord quant aux visiteurs et à la nature de ces sites « .ca », j’estime qu’il est raisonnable d’inférer qu’au moins certains Canadiens auraient accédé à ces sites Web au cours de cette période.

[33]  Finalement, la Partie requérante fait également valoir qu’aucun emploi n’est établi dans un contexte commercial. À cet égard, la Partie requérante suggère que l’emploi doit être [Traduction] « de nature commerciale normale », dont on peut dire qu’il a eu lieu [Traduction] « dans la pratique normale du commerce » [citant Cornerstone Securities Canada Inc c Canada (Registraire des marques de commerce) (1994), 58 CPR (3d) 417 (CF 1re inst)].

[34]  Dans Cornerstone, la Cour fédérale a déclaré ce qui suit au paragraphe 7 [Traduction] :

Dans ce type d’affaire, l’emploi peut être établi par une preuve de publicité de la marque à condition qu’il y ait également exécution de ces services au Canada. Cet emploi doit être de nature commerciale normale, dont on peut dire qu’il a eu lieu [Traduction] « dans la pratique normale du commerce » : Coscelebre c Registraire des marques de commerce (1991), 35 C.P.R., (3d) 74 (CF 1re inst).

[35]  Premièrement, je souligne que le principe cité par la Partie requérante, à savoir que [Traduction] « l’emploi doit être de nature commerciale normale », semble être qualifié par la Cour fédérale même, compte tenu du début de la phrase précédente « Dans ce type d’affaire… », laissant entendre que cela ne s’applique peut-être pas à toutes les procédures de radiation relatives à des services. De plus, la décision Cornerstone ne semble pas porter sur cette question, mais plutôt sur la question de savoir si la preuve établissait que les publicités en question avaient été distribuées et que les services visés par l’enregistrement avaient déjà été exécutés.

[36]  En effet, la décision Coscelebre citée portait uniquement sur des produits et le commentaire de la Cour fédérale dans cette affaire devrait être considéré dans le contexte de l’article 4(1) de la Loi, lequel requiert le transfert des produits en question [Traduction] « dans la pratique normale du commerce ». En revanche, l’article 4(2) de la Loi, reproduit ci-dessus, n’exige pas que l’emploi en ce qui concerne les services soit fait [Traduction] « dans la pratique normale du commerce ». Ce qui constitue un « service » au sens de la Loi doit recevoir une interprétation large, l’élément déterminant étant qu’il procure un certain avantage pour le public. Cette notion d’avantage ne requiert pas nécessairement un contexte commercial, comme le démontre la grande quantité d’enregistrements de marques de commerce en lien avec des [Traduction] « services de bienfaisance... » et des services semblables dans divers domaines.

[37]  Quoi qu’il en soit, il semble que les services sont et étaient offerts dans un contexte commercial. M. Lord fait plusieurs fois référence à la société de la Propriétaire et à ses plans d’affaires, et je souligne que des publicités figurent sur les captures d’écran tirées des sites Web. De plus, l’objectif du site Web de la Propriétaire et de l’exécution de services gratuits semble, du moins en partie, lié aux efforts de la Propriétaire en ce qui concerne l’octroi de licence et l’offre (à défaut de ventes réelles) de produits de marque liés.

[38]  Compte tenu de tout ce qui précède, je suis convaincu que la Propriétaire a établi l’emploi de la Marque en liaison avec les services (1) et (4) au sens des articles 4 et 45 de la Loi.

Analyse – Emploi en liaison avec les Services (2) et (3)

[39]  Quoique j’admette l’existence d’une licence entre la Propriétaire et Kidoons au cours de la période pertinente et que la Marque ait été employée en liaison avec les services (1) et (4), il ne s’ensuit pas que la preuve établit l’emploi de la Marque en liaison avec les services d’octroi de licence visés par l’enregistrement, à savoir les services (2) [Traduction] « Octroi de licences d’utilisation de logiciels... » et (3) [Traduction] « Services d’octroi de licences d’utilisation de personnages et de scénarios… ».

[40]  Selon moi, la présentation de la Marque dans l’annonce et l’exécution des services (1) et (4) à l’intention du public ne constitue pas non plus une présentation de la Marque dans l’annonce ou l’exécution des services d’octroi de licence visés par l’enregistrement.

[41]  À cet égard, M. Lord ne mentionne pas directement les services (2) et (3) dans son affidavit et ne présente pas de copie d’accord de licence, de papier à en-tête, de correspondance ni de tout autre document démontrant que la Marque est présentée dans l’annonce et/ou l’exécution des services d’octroi de licence de la Propriétaire.

[42]  Par conséquent, je ne suis pas convaincu que la Propriétaire a établi l’emploi de la Marque en liaison avec les services (2) et (3) au sens des articles 4 et 45 de la Loi.

Circonstances spéciales

[43]  En l’absence de preuve d’emploi de la Marque en ce qui concerne les produits et services (2) et (3) visés par l’enregistrement, la question qui se pose est celle de savoir si, aux termes de l’article 45(3) de la Loi, il existait des circonstances spéciales justifiant ce défaut d’emploi.

[44]  En règle générale, le défaut d’emploi doit être sanctionné par la radiation, mais il peut être fait exception à cette règle lorsque le défaut d’emploi est attribuable à des circonstances spéciales [Scott Paper Ltd c Smart & Biggar, 2008 CAF 129, 65 CPR (4th) 303].

[45]  Pour déterminer si l’existence de circonstances spéciales a été établie, le registraire doit en premier lieu déterminer la raison pour laquelle la marque de commerce n’a pas été employée au cours de la période pertinente. En second lieu, le registraire doit déterminer si les raisons du défaut d’emploi constituent des circonstances spéciales [Registraire des marques de commerce c Harris Knitting Mills Ltd (1985), 4 CPR (3d) 488 (CAF)]. Les circonstances spéciales sont des circonstances ou des raisons qui sont inhabituelles, peu communes ou exceptionnelles [John Labatt Ltd c The Cotton Club Bottling Co (1976), 25 CPR (2d) 115 (CF 1re inst)].

[46]  Si le registraire détermine que les raisons du défaut d’emploi constituent des circonstances spéciales, le registraire doit cependant déterminer si ces circonstances justifient la période de défaut d’emploi. Cette détermination repose sur l’examen de trois critères : (i) la durée de la période au cours de laquelle la marque n’a pas été employée; (ii) si les raisons du défaut d’emploi étaient indépendantes de la volonté du propriétaire inscrit; et (iii) s’il existe une intention sérieuse de reprendre l’emploi de la marque à court terme [selon Harris Knitting Mills, supra].

[47]  L’intention de reprendre l’emploi à court terme doit être corroborée par un [Traduction] « fondement factuel suffisant » [NTD Apparel Inc c Ryan, 2003 CFPI 780, 27 CPR (4th) 73 (CF 1re inst), au paragraphe 26; voir aussi Arrowhead Spring Water Ltd c Arrowhead Water Corp (1993), 47 CPR (3d) 217 (CF 1re inst)].

[48]  Ces critères sont tous trois pertinents, mais la satisfaction du deuxième critère est essentielle pour conclure à l’existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi [selon Scott Paper, supra].

[49]  En l’espèce, la Propriétaire soutient que le défaut d’emploi de la Marque au cours de la période pertinente était lié à la maladie de M. Lord, dont il a été question précédemment.

[50]  Cependant, soulignant que la période pertinente a débuté en octobre 2012, la Partie requérante soutient que M. Lord [Traduction] « tente d’invoquer injustement des interventions chirurgicales ayant eu lieu en juin 2014 et en juillet 2015 à titre de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi, alors que ces circonstances ne sont pas les circonstances justifiant le défaut d’emploi ».

[51]  À cet égard, la Partie requérante suggère que le défaut d’emploi de la Marque peut se rapporter à la décision de la Propriétaire de produire [Traduction] « prématurément » sa déclaration d’emploi en 2012 ou à sa décision d’interrompre l’emploi peu après l’enregistrement de la Marque.

[52]  En effet, je conviens avec la Partie requérante que la chronologie des événements présentée par M. Lord est un peu vague, considérant qu’en aucun moment il ne présente de preuve de vente des produits visés par l’enregistrement. On peut donc inférer que la Propriétaire n’a enregistré aucune vente de ses produits de marque BEAUTY AND THE BEAST, même avant que M. Lord ne commence à éprouver des problèmes de santé en 2014.

[53]  Il a été confirmé que des conditions de marché défavorables et des décisions d’affaires volontaires ne constituent pas le type de circonstances qui constituent des circonstances spéciales [voir Harris Knitting, supra; Lander Co Canada Ltd c Alex E Macrae & Co (1993), 46 CPR (3d) 417 (CF 1re inst)]. Dans des cas où le propriétaire inscrit n’avait pas l’intention d’abandonner sa marque de commerce au Canada, mais n’avait reçu aucune commande pour ses produits au cours de la période pertinente, il a été déterminé qu’une telle situation n’était pas, en soi, suffisante pour maintenir l’enregistrement en question [voir Garrett c Langguth Cosmetic GMBH (1991), 39 CPR (3d) 572 (COMC) et Bereskin & Parr c Magnum Marine Corp, 2011 COMC 68, 93 CPR (4th) 327].

[54]  Par conséquent, selon la preuve, il semble que les raisons du défaut d’emploi étaient au moins en partie liées aux décisions d’affaires et aux efforts de commercialisation de la Propriétaire. En l’espèce, M. Lord mentionne plusieurs autres marques de commerce « interreliées » de la Propriétaire, ainsi que des productions théâtrales.

[55]  Par conséquent, il n’apparaît pas clairement que le défaut d’emploi était dû à la maladie de M. Lord plutôt qu’aux décisions d’affaires volontaires de la Propriétaire, comme le choix de la Propriétaire de se concentrer sur ses autres marques de commerce au cours de la période pertinente. Comme l’a souligné la Partie requérante, le fait que M. Lord mentionne une production théâtrale de Twenty Thousand Leagues Under the Sea [Vingt mille lieues sous les mers] suggère que l’accent a été mis sur d’autres marques de la Propriétaire de même que sur des services qui ne sont pas visés par l’enregistrement.

[56]  Comme la raison du défaut d’emploi semble relever de décisions d’affaires volontaires de la Propriétaire, j’estime que la Propriétaire n’a pas établi que les raisons du défaut d’emploi constituaient des circonstances spéciales. Par conséquent, il n’est pas nécessaire que je détermine si ces circonstances justifient la période de défaut d’emploi. Il suffit de dire que les décisions d’affaires volontaires de la Propriétaire ayant contribué au défaut d’emploi de la Marque n’étaient pas indépendantes de la volonté de la Propriétaire.

Décision

[57]  Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions du paragraphe 63(3) de la Loi, et conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi, l’enregistrement sera modifié afin de supprimer l’état déclaratif des produits dans son ensemble, ainsi que les services (2) et (3).

[58]  L’état déclaratif des services modifié sera libellé comme suit [Traduction] :

(1) Services de divertissement, nommément offre de divertissement dans le domaine des jeux interactifs au moyen d’un réseau informatique mondial; offre d’un site web contenant des jeux, des contes, des activités et de l’information;

(2) Services informatiques, nommément offre d’un site web sur le réseau informatique mondial offrant des jeux interactifs aux enfants; programmes de jeux informatiques interactifs d’action et d’aventure et programmes de jeux vidéo interactifs d’action et d’aventure.

 

Andrew Bene

Agent d’audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Nathalie Tremblay, trad.


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE : 2017-05-15

COMPARUTIONS

Steven Leach

POUR LA PROPRIÉTAIRE INSCRITE

Michael Andrews
Steven Andrews

POUR LA PARTIE REQUÉRANTE

AGENT(S) AU DOSSIER

Ridout & Maybee LLP

POUR LA PROPRIÉTAIRE INSCRITE

Andrews Robichaud

POUR LA PARTIE REQUÉRANTE

 

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