Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

  Référence: 2017 COMC 84

Date de la décision: 2017-07-21

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION

 

Ferrero S.p.A.

Opposante

et

 

A & V 2000 Inc.

Requérante

 

1,635,286 pour NUTERRA & Dessin

Demande

 

Introduction

[1]  Ferrero S.p.A. (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce NUTERRA & Dessin ci-après illustrée (la Marque) :

Nuterra & Dessin

[2]  Cette demande d’enregistrement produite le 11 juillet 2013 porte le no 1,635,286 et est fondée sur un emploi projeté au Canada. Elle couvre les produits suivants : céréales à déjeuner croustillantes soit biologiques, soit équitables, soit granola pouvant contenir des noix de toutes sortes, des fruits secs et du chocolat (les Produits).

[3]   L’Opposante fonde son opposition sur la non-conformité de la demande d’enregistrement (articles 30(e) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi)), la non-enregistrabilité de la Marque (article 12(1)(d) de la Loi), absence du droit à l’enregistrement de la Marque (article 16(3)(a) et (b) de la Loi) et l’absence de caractère distinctif de la Marque (article 2 de la Loi).

[4]  Pour les raisons qui suivent, j’estime qu’il y a lieu de repousser la demande d’enregistrement.

Le dossier

[5]  La déclaration d’opposition fut produite le 18 juillet 2014. La Requérante a produit le 18 août 2014 une contre-déclaration niant les motifs d’opposition plaidés par l’Opposante. Toutefois, elle y admet que la marque de commerce NUTELLA de l’Opposante est fort connue dans le domaine des tartinades à base de chocolat, sans plus.

[6]  Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit, à titre de preuve en chef, l’affidavit de M. Allan B. Cosman assermenté le 19 janvier 2015, ainsi que 11 certificats d’authenticité pour chacune des demandes d’enregistrement et chacun des enregistrements pour les marques de commerce sur lesquelles elle s’appuie et plus amplement identifiées à l’annexe A de ma décision.

[7]  La Requérante a produit l’affidavit de M. Daniel Bellas assermenté le 16 avril 2015.

[8]  En réplique, l’Opposante a produit l’affidavit de M. William Geraghty assermenté le 16 décembre 2015.

[9]  Les parties ont chacune produit un plaidoyer écrit et étaient présentes lors de l’audience.

Remarques préliminaires

[10]  J’ai pris connaissance de toute la preuve versée au dossier. Toutefois, je me limiterai à décrire les portions pertinentes en rapport avec les motifs d’opposition analysés ci-après.

[11]  La Requérante argumente dans son plaidoyer écrit que les demandes d’enregistrement nos 1,675,363 et 1,693,320 ne devraient pas être considérées dans le cadre du motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)(d) de la Loi car il s’agit de demandes d’enregistrement fondées sur un emploi projeté. Je suis d’accord avec la Requérante que ces demandes d’enregistrement ne peuvent être prises en considération sous l’article 12(1)(d) mais pour une toute autre raison. En effet, seules les marques déposées au registre et alléguées au soutien de ce motif d’opposition peuvent être considérées sous ce motif d’opposition.

[12]  Par ailleurs, puisque ces deux demandes d’enregistrement ont été produites après la présente demande d’enregistrement, elles ne peuvent non plus être prises en considération sous le motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)(a) de la Loi.

[13]  Dans son plaidoyer écrit et lors de l’audience, la Requérante a plaidé que les motifs d’opposition fondés sur la confusion entre les marques des parties n’étaient pas suffisamment plaidés et auraient dû être radiés conformément à l’article 38(4) de la Loi. Au soutien de ses prétentions, elle cite le passage suivant tiré de l’arrêt de la Cour d’appel fédérale dans AstraZeneca AB c Novopharm Limited 2001 CAF 112, para 39 :

«Les allégations précèdent la preuve. La preuve présentée ultérieurement dépend des allégations qui sont exposées dans la déclaration d’opposition et dans la contre-déclaration. Selon la Loi, la formulation d’allégations suffisamment détaillées est une condition à la production de la preuve.»

[14]  Toutefois  la Cour d’appel fédérale, quelques mois plus tard, dans AstraZeneca AB c Novopharm Limited 2002 CAF 387, ajouta que le registraire doit tenir compte de la preuve produite au dossier lorsqu’il doit déterminer, au stade de sa décision, si un motif d’opposition est suffisamment plaidé.

[15]  Dans notre cas, la Requérante n’a pas présenté, avant la production de la preuve au dossier, une requête interlocutoire visant à trancher la question de la suffisance des allégations contenues dans la déclaration d’opposition de l’Opposante. Dans les circonstances, la suffisance des allégations contenues dans les motifs d’opposition fondés sur la confusion doit être appréciée en regard de la preuve au dossier. Au vu de celle-ci, j’estime que la Requérante était en mesure de comprendre la portée de chacun des motifs d’opposition ci-après analysés.

[16]  Finalement, je tiens à souligner que je ne tiendrai pas compte des allégations contenues aux paragraphes 14 à 16 et 19 de l’affidavit de M. Bellas car celles-ci consistent en sa propre appréciation  des critères énumérés à l’article 6(5) de la Loi. Il s’agit là d’une question de fait et de droit qu’il revient au registraire de trancher, à partir de la preuve au dossier.

Fardeau de la preuve

[17]  C’est à l’Opposante qu’il appartient au départ d’établir le bien-fondé de son opposition. Le fardeau ultime de démontrer que la Marque est enregistrable repose toutefois sur la Requérante, selon la prépondérance de preuve [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1er inst); et Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al (2002), 20 CPR (4th) 155 (CAF)].

Motif d’opposition fondé sur l’article 30(e) de la Loi

[18]  Ce motif d’opposition doit s’analyser à la date de production de la demande d’enregistrement (11 juillet 2013) [voir Canadian National Railway Co. c Schwauss (1991), 35 CPR (3d) 90 à la page 94 (COMC)].

[19]  Il est reconnu que l’Opposante peut se décharger de son fardeau initial de preuve en se référant à la preuve produite par la Requérante [voir Labatt Brewing Company c Molson Breweries, Partnership (1996), 68 CPR (3d) 216 (CF1re inst)]. Toutefois il faut que cette preuve soulève des doutes sérieux [voir York Barbell Holdings Ltd c ICON Health and Fitness, Inc (2001), 13 CPR (4th) 156 (COMC)]. Dans le présent dossier, l’Opposante se fonde effectivement sur la preuve produite par la Requérante.

[20]  L’Opposante soutient que la preuve produite par la Requérante démontre que la marque employée par celle-ci n’est pas la Marque mais plutôt une autre marque de commerce. Ainsi, lors de la production de sa demande d’enregistrement, la Requérante n’avait pas l’intention d’employer la Marque en liaison avec les Produits, mais plutôt une autre marque de commerce.

[21]  M. Bellas est président-directeur général de la Requérante. Il explique que la Requérante fut constituée en 1996. Il affirme qu’elle importe et vend une grande variété de céréales, plus particulièrement les Produits en liaison avec la marque NUTERRA & DESSIN.

[22]  M. Bellas produit des photos des emballages des Produits portant la Marque comme pièce R-3 à son affidavit. La première vente de Produits en liaison avec la Marque a eu lieu le 17 décembre 2013 à Sobeys et il produit une facture à cet effet.

[23]  Or, c’est sur la base de ces photos (pièce R-3) que l’Opposante fonde son argument que la Requérante n’avait pas l’intention d’employer la Marque au moment de la production de sa demande d’enregistrement.

[24]  Sur les photos des emballages, le mot «granola» apparaît immédiatement en-dessous de la Marque, qui elle-même est située dans le coin supérieur droit de la boîte d’emballage. Ainsi, selon l’Opposante, la marque que désirait employer la Requérante était NUTERRA GRANOLA et Dessin plutôt que la Marque.

[25]  Je ne suis pas d’accord avec l’Opposante. Selon le dictionnaire Robert illustré 2018 «granola» serait un nouveau mot de la langue française définit ainsi : «muesli rendu croustillant par un passage au four». Bien que ce mot n’était apparemment pas défini dans les dictionnaires de la langue française à la date pertinente, j’estime que je peux prendre connaissance judiciaire que ce mot était couramment employé au Québec, à tout le moins, pour désigner cette forme de muesli, d’autant plus que le libellé des produits réfère expressément à ce mot. Le Oxford Dictionary of English définit également le mot «granola» en ces termes : a kind of breakfast cereal resembling muesli.

[26]  L’ajout du terme descriptif «granola» à la Marque, n’entraîne pas la perte d’identité de cette dernière. En effet, un acheteur non averti conclurait, selon toute probabilité, que la Marque et NUTERRA GRANOLA et Dessin identifient toutes deux des produits ayant la même origine [voir Canada (Registrar of Trade-marks) c Cie Internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull, SA (1985), CPR (3d) 523 (FCA)].

[27]  De plus, je remarque que les éléments de preuve, sur lesquels l’Opposante fonde son argumentation, sont postérieurs à la date pertinente.

[28]  Dans les circonstances, je rejette ce motif d’opposition.

Motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)(d) de la Loi

[29]  La date pertinente pour analyser ce motif d’opposition est la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413, à la page 424 (CAF)].

[30]  Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit les certificats des enregistrements énumérés à l’annexe A de la présente décision. Je tiens à souligner que, pour les fins du présent motif d’opposition, je ne tiendrai compte que des marques de commerce déposées. Lors de l’audience, l’agent de l’Opposante a souligné que les marques faisant l’objet des demandes d’enregistrement  nos 1,649,224 et 1,693,320 étaient maintenant des marques déposées. Toutefois, j’ai indiqué à l’Opposante qu’elle n’avait pas amendé sa déclaration d’opposition pour y ajouter ces marques déposées sous le présent motif d’opposition. En conséquence, celles-ci ne seront pas prises en considération sous le présent motif d’opposition.

[31]  J’ai vérifié le registre et je peux confirmer que les enregistrements pertinents identifiés à l’annexe A de ma décision sont toujours valides. Ainsi, l’Opposante s’est déchargée de son fardeau initial de preuve.

[32]  Pour les fins de cette opposition, je suis d’opinion que l’Opposante a de meilleures chances de succès en se référant à sa marque verbale NUTELLA qui fait l’objet de l’enregistrement LMC157,098. Cet enregistrement couvre les produits suivants : «[TRADUCTION] tartinade contenant du cacao et autres ingrédients» (ci-après désigné «tartinade aux noisettes et chocolat»). Autrement dit, si je conclus, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de confusion entre la Marque et cette marque enregistrée de l’Opposante, je conclurais dans le même sens en comparant la Marque aux autres marques déposées de l’Opposante identifiées à l’annexe A de ma décision.

[33]  Il incombe donc à la Requérante de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que l’emploi de la Marque en liaison avec les Produits ne cause pas de la confusion avec la marque NUTELLA de l’Opposante, enregistrée en liaison avec des tartinades aux noisettes et chocolat. Le test à appliquer pour trancher cette question est énoncé à l’article 6(2) de la Loi. Ce test ne concerne pas la confusion entre les marques elles-mêmes, mais plutôt la confusion quant à l’origine des Produits. Ainsi, je dois déterminer si un consommateur ayant un souvenir imparfait de la marque NUTELLA de l’Opposante et qui voit la Marque employée en liaison avec les Produits, croirait que ceux-ci proviennent de l’Opposante ou sont autorisés par cette dernière.

[34]  Je dois tenir compte de toutes les circonstances pertinentes, y compris celles énumérées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de produits, services ou entreprises; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive et il n’est pas nécessaire d’accorder le même poids à chacun de ces facteurs [voir Mattel Inc c 3894207 Canada Inc 2006 CSC 22, 49 CPR (4th) 321 (CSC); Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée [2006] 1 RCS 824, 2006 CSC 23 et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc et al 2011 CSC 27, 92 CPR (4th) 361 (CSC) pour une analyse plus approfondie des principes généraux qui régissent le test en matière de confusion].

[35]  Tel que mentionné par la Cour suprême du Canada dans Masterpiece, dans la plupart des cas, le critère le plus important est celui du degré de ressemblance entre les marques en présence. Je commencerai donc mon analyse des critères énumérés à l’article 6(5) par ce dernier.

Degré de ressemblance

[36]  Je rappelle que mon analyse porte sur la comparaison entre la Marque et la marque verbale NUTELLA. Or, la Requérante prétend que les marques graphiques de l’Opposante et la Marque se distinguent étant donné les images représentées. À ce sujet la Requérante se réfère au contenu de l’affidavit de M. Bellas. Compte tenu des marques que je dois comparer, je n’ai pas à déterminer de la ressemblance ou pas de la Marque avec les autres marques déposées de l’Opposante. Toutefois, en raison de certains arguments soulevés par la Requérante j’estime qu’il est pertinent de résumer la preuve d’emploi de la Marque au dossier.

[37]  M. Bellas affirme que les céréales de la Requérante sont vendus dans des emballages qui n’ont aucune ressemblance avec les contenants des tartinades aux noisettes et chocolat NUTELLA et il produit des photos des emballages des produits des parties comme pièce R-3 à son affidavit. Or, il ne faut pas comparer les emballages sur lesquels apparaissent les marques en présence, mais plutôt considérer le degré de ressemblance entre les marques en tant que telles, à savoir la Marque telle que représentée dans la présente demande d’enregistrement avec la marque verbale NUTELLA de l’Opposante [voir Corby Distilleries Ltd/Distilleries Corby Ltée c Wellington County Brewery Ltd 1993 CarswellNat 2560, (1994) 52 CPR (3d) 429].

[38]  Selon la Requérante, étant donné la preuve produite par l’Opposante, c’est la marque NUTELLA et Dessin, enregistrement LMC312,429, qui serait la plus connue. La Requérante met donc l’emphase sur les différences visuelles entre ces marques, soit: d’une part la représentation d’une tranche de pain tartinée pour ce qui est de la marque de l’Opposante alors que la Marque comporte l’illustration d’une silhouette d’une personne transportant un immense vase sur sa tête .

[39]  Or, tel que mentionné précédemment, j’estime que c’est la marque verbale NUTELLA de l’Opposante qui se rapproche le plus de la Marque.

[40]  Au sujet des marques verbales de l’Opposante, la Requérante cite l’arrêt de la Cour d’appel fédérale dans Pizzaiolo Restaurants Inc c Restaurants La Pizzaiolle Inc, 2016 CAF 265 et plus particulièrement le paragraphe 33 :

Avant de conclure, je note que je souscris à l’opinion de l’appelante selon laquelle il faut faire attention de ne pas accorder une portée trop large au principe formulé au paragraphe 55 de l’arrêt Masterpiece, puisqu’il ne serait ainsi plus nécessaire d’enregistrer une marque figurative lorsque l’on possède une marque verbale.

[41]  Toutefois, un mois plus tard, la Cour d’appel fédérale apporta l’éclairage suivant dans l’arrêt Domaines Pinnacle Inc c Constellation Brands Inc, 2016 CAF 302 :

In our opinion, even if the respondents chose in the future to use the same font as the appellant, the Board’s finding on the likelihood of confusion would remain a reasonable outcome, because the combination of word and design in the appellant’s mark are sufficiently distinctive. In this way, the case at bar is distinguishable from this Court’s recent decision in Pizzaiolo.

[42]  Bien que la portion graphique de la Marque constitue un élément distinctif, il faut tout de même prendre en considération la portion verbale de la Marque. Phonétiquement, les marques se ressemblent par la présence du préfixe «nut», soit un mot anglais qui signifie en français «noix». Ainsi, pour un anglophone, la Marque prise dans son ensemble suggère que les céréales vendues en liaison avec cette marque contiennent des noix. D’ailleurs c’est ce qui mentionné dans la description des Produits.

[43]  Quant à la marque verbale NUTELLA de l’Opposante, elle est composées des termes «nut» et «ella». Pour un anglophone, celle-ci comporte également une référence à des «noix». Elle peut donc également être considérée suggestive d’une des composantes de la tartinade aux noisettes et chocolat.

[44]  Visuellement, les marques sont différentes. La Marque comporte un dessin et le mot «NUTERRA» est écrit avec une police distincte.

[45]  Globalement, malgré des différences visuelles en raison de la présence d’un dessin comme une des composantes de la Marque, il n’en demeure pas moins que, phonétiquement, les marques se ressemblent. Ils se distinguent seulement par le son des deux lettres «L» de la marque NUTELLA de l’Opposante, remplacées par deux lettres «R» dans la partie verbale NUTERRA. De plus, chacune de ces marques suggèrent que les produits associés à chacune d’elles contiennent des noix.

[46]  Je suis d’avis que, globalement, ce facteur favorise légèrement l’Opposante car un consommateur moyen aurait tendance à identifier la Marque par sa portion verbale plutôt que par sa portion visuelle. J’estime, dans le cas présent, qu’il est plus facile pour un consommateur d’identifier la Marque par sa partie verbale que par une description verbale de sa composante figurative.

Le caractère distinctif inhérent des marques et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[47]  Il n’y a aucune discussion dans le plaidoyer écrit de la Requérante sur ce critère. Lors de l’audience l’agent de la Requérante n’a pas vraiment abordé ce sujet, se bornant à dire que «l’immense notoriété» de la marque NUTELLA en liaison avec sa tartinade aux noisettes et chocolat fait en sorte que le consommateur, face à la Marque, «avec la représentation d’un bol de céréales» [voir la pièce R-3 à l’affidavit de M. Bellas], ne sera pas confus. J’ai déjà mentionné que je dois comparer la Marque telle qu’illustrée ci-haut, et non pas telle qu’elle est employée présentement par la Requérante, avec la marque verbale NUTELLA de l’Opposante.

[48]  Quant à l’Opposante, elle prétend, dans son plaidoyer écrit, que les deux marques possèdent un caractère distinctif inhérent. Elle ajoute toutefois que globalement ce facteur la favorise puisque la marque de l’Opposante est beaucoup plus connue que ne l’est la Marque.

[49]  Pour ce qui est du caractère distinctif inhérent  des marques, je suis d’opinion que les marques possèdent toutes deux un caractère distinctif inhérent puisque la partie verbale des deux marques est constituée d’un mot inventé, quoique la première partie de ces marques suggère la présence de noix dans les produits des parties [voir à ce sujet la décision du registraire dans Ferrero SpA c Cantarella Bros Pty Ltd, 2012 COMC 45]. Cependant, la Marque possède un élément graphique qui ajoute au caractère distinctif de la Marque. Dans les circonstances, cette première partie de ce critère favorise la Requérante.

[50]  Le caractère distinctif d’une marque peut être rehaussé par son emploi et promotion au Canada. C’est la deuxième partie de ce critère. J’analyserai donc la preuve d’emploi des marques en présence, produite par chacune des parties.

Preuve d’emploi de la marque NUTELLA par l’Opposante

[51]  M. Cosman est le président-directeur général de Ferrero Canada Limited (Ferrero Canada). Cette dernière a été incorporée en 1974 et est un importateur, fabricant et distributeur de confiseries et autres produits alimentaires. L’actionnaire principal de Ferrero Canada est l’Opposante. M. Cosman explique que Ferrero Canada et l’Opposante sont contrôlées par Ferrero International S.A. La famille de compagnies Ferrero (Groupe Ferrero) regroupe 73 compagnies Ferrero.

[52]  J’ouvre une parenthèse pour mentionner que M. Cosman n’indique pas clairement quelle entité emploie la marque verbale NUTELLA au Canada. Je remarque que les factures produites par M. Cosman (pièce N à son affidavit) ont toutes été émises par Ferrero Canada. Je note également que la Requérante n’a pas soulevé l’argument que l’Opposante n’aurait pas fait la preuve de l’existence d’une licence pour qu’elle puisse bénéficier des dispositions de l’article 50 de la Loi. Au contraire, la Requérante admet la notoriété de la marque NUTELLA au Canada en liaison avec des tartinades aux noisettes et chocolat. J’estime que, dans les circonstances, je n’ai pas à me pencher sur la question de savoir si je peux inférer la présence d’un contrôle de la qualité et des caractéristiques des tartinades vendues par Ferrero Canada par la simple allégation que l’Opposante est l’actionnaire principal de Ferrero Canada. Cependant, pour les fins de ma décision, il me paraît utile de décrire la preuve d’emploi au Canada de la marque verbale NUTELLA en liaison avec des tartinades aux noisettes et chocolat

[53]  M. Cosman affirme que le Groupe Ferrero est l’une des cinq plus grandes compagnies de confiseries avec des ventes mondiales de plus de 8,1 milliards d’euros pour l’année fiscale se terminant le 31 août 2013.

[54]  M. Cosman explique que l’année 2014 a constitué le 50e anniversaire de la tartinade vendue en liaison avec la marque de commerce NUTELLA, qui fut créé en Italie en 1964. La demande d’enregistrement pour cette marque fut produite au Canada en 1966 et elle apparaît au registre comme marque déposée depuis 1968. Il allègue que cette marque est devenue l’une des plus importantes dans le monde avec des ventes totales de plus de 365,000 tonnes dans plus de 100 pays incluant le Canada. Elle compte plus de 630,000 adeptes sur Facebook au Canada. Les journaux la décrivent comme une marque «légendaire», «iconique» et «la tartinade aux noisettes préférée dans le monde» (voir la pièce F à son affidavit).

[55]  M. Cosman ajoute que le 50e anniversaire de la marque de commerce NUTELLA fut célébré au Canada à Toronto, Montréal, Vancouver et Québec, de même que dans les pays suivants : États-Unis, Italie, Allemagne, France, Russie, Pologne et le Royaume-Uni. Il affirme que cette marque est enregistrée (ou en instance d’enregistrement) au nom de l’Opposante dans près de 100 pays.

[56]  M. Cosman énumère les marques détenues par l’Opposante au Canada (voir les marques identifiées à l’annexe A) couvrant ce qu’il nomme «les produits NUTELLA». Comme M. Cosman ne fait pas de ventilation entre les différents produits énumérés à l’annexe A, et que les chiffres de ventes au paragraphe 16 de son affidavit sont exprimés non seulement en dollars canadiens mais également en kilogrammes, je présumerai pour les fins de ma décision, qu’il s’agit des chiffres de ventes de tartinade aux noisettes et chocolat.

[57]  M. Cosman allègue que l’Opposante, directement ou par l’entremise de Ferrero Canada, a vendu au Canada les produits NUTELLA depuis au moins aussi tôt que 1968. Il prétend que les produits NUTELLA sont versatiles et tombent sous la catégorie des casse-croûtes ou nourriture pour petits déjeuners. Dans cette dernière catégorie, les produits NUTELLA sont des alternatives aux barres tendres, céréales, muffins, etc. Sa versatilité en tant que nourriture pour le petit déjeuner est mise de l’avant dans la publicité. Il produit des exemples de cette publicité comme pièces H à K à son affidavit.

[58]  M. Cosman produit également des échantillons d’emballages [voir la pièce L à son affidavit] des produits NUTELLA vendus au Canada entre 1979 et 2014 qui portent tous l’une ou l’autre des marques NUTELLA identifiées à l’annexe A. Il affirme que des présentoirs sont utilisés pour faire la promotion des produits NUTELLA à l’intérieur des magasins. Il produit comme pièce M des exemples de ces présentoirs employés entre 1997 et 2014.

[59]  M. Cosman fournit les chiffres de ventes annuelles des produits NUTELLA au Canada en termes de volume et des montants perçus pour les années 1994/95 à 2013/14; ceux-ci variant entre 12 et 79 millions de dollars. Il fournit également les chiffres des ventes par région au Canada pour les années 2006/07 et 2007/08 (du 1er septembre au 31 août).

[60]  À partir de chiffres obtenus de A.C. Homescan, une firme qui comptabilise les parts de marché au Canada, M. Cosman fournit, par région du Canada, la part du marché pour les produits NUTELLA entre 2008 et 2014.

[61]  M. Cosman produit aussi des échantillons de factures émises par Ferrero Canada à différents types de clients situés au Canada pour la vente de produits NUTELLA de 2006 à 2014 [voir la pièce N à son affidavit].

[62]  Pour ce qui est de la publicité, M. Cosman explique que le Groupe Ferrero a investi des sommes considérables pour promouvoir les produits NUTELLA. Ainsi, depuis 1999 le Groupe Ferrero a dépensé au moins 3 millions de dollars par année au Canada. Il affirme que ce montant a augmenté au fil des années pour dépasser 8,6 millions de dollars pour l’année fiscale se terminant le 31 août 2014.

[63]  M. Cosman produit les scénarios de différents commerciaux diffusés à la télévision au Canada entre 2006 et 2012 (pièces O, P et Q à son affidavit). Il explique comment est mesuré l’auditoire qui a vu ces commerciaux  (Gross Rating Points (GRP)) et il fournit ces chiffres pour la période de 2004/05 à 2013/14. À partir de ces chiffres, M. Cosman affirme que, depuis 2008, près d’un foyer canadien sur quatre achète un produit NUTELLA par année.

[64]  M. Cosman fournit d’autres exemples de promotion des produits NUTELLA au Canada: que ce soit via son site Internet, des campagnes promotionnelles dans le cadre de petits déjeuners, la distribution d’échantillons ainsi que de la publicité dans des publications [voir les pièces H, I, J, R et S à son affidavit].

[65]  M. Cosman explique que l’Opposante, par l’entremise de la firme Millward Brown, fait des études de marché afin de déterminer à quel point la marque NUTELLA est connue des Canadiens. Ainsi en octobre 2008, l’étude effectuée par cette firme a démontré que 98% des répondants à travers le Canada connaissaient la marque NUTELLA. Pour les années 2009-2013, ce pourcentage n’a jamais été inférieur à 96%.

[66]  Quant à savoir quelle marque de tartinade pour petit déjeuner vient en premier lieu dans l’esprit des consommateurs, M. Cosman affirme, selon des données compilées par la firme A.C. Nielson Homescan, que depuis 2008, NUTELLA est la marque qui vient au premier rang.

[67]  J’estime, à la lumière de cette preuve, que je peux conclure que la marque NUTELLA employée en liaison avec de la tartinade aux noisettes et chocolat est fort connue, sinon notoire au Canada. D’ailleurs, tel que mentionné précédemment, la Requérante l’admet [voir le paragraphe 2.3.1 de son plaidoyer écrit].

Preuve d’emploi de la Marque

[68]  Tel que mentionné précédemment, M. Bellas affirme que la première vente de céréales en liaison avec la Marque a eu lieu le 17 décembre 2013 à Sobeys [voir la pièce R-1 à son affidavit].

[69]  M. Bellas fournit les chiffres des ventes de céréales en liaison avec la Marque jusqu’au 31 mars 2015, qui totalisent plus de 135,000$.

[70]  M. Bellas affirme que la Requérante fait la promotion de céréales en liaison avec la Marque par l’entremise d’Amazon.com et Amazon.ca et il produit un exemple d’une telle promotion (pièce R-4 à son affidavit). De la publicité est également apparue dans la revue Fair Trade distribuée gratuitement à travers le Canada à plus de 425,000 exemplaires.

[71]  M. Bellas ajoute que la Requérante a également fait la promotion de céréales en liaison avec la Marque par une affiche sur panneau souterrain à l’intérieur de dix stations du métro de Montréal entre le début du mois d’octobre et la mi-novembre 2014. Il produit une copie d’une photographie d’un tel panneau comme pièce R-6 à son affidavit.

[72]  M. Bellas affirme que les céréales vendues en liaison avec la Marque ont gagné un prix au Canada le 4 juin 2014 dans la catégorie «Shelf-Stable Prepared Food & Entries » dans le cadre d’un concours organisé par le Retail Council of Canada.

[73]  À la lumière de cette preuve d’emploi de la Marque par la Requérante, j’estime raisonnable de conclure que la Marque employée en liaison avec des céréales est devenue connue au Canada dans une certaine mesure, bien qu’à un degré beaucoup moindre que la marque NUTELLA de l’Opposante.

[74]  Ainsi, de l’ensemble de la preuve au dossier, je conclus que, globalement, le premier facteur énuméré à l’article 6(5) de la Loi favorise l’Opposante. En effet, bien que la Marque possède un caractère distinctif inhérent plus élevé que la marque NUTELLA de l’Opposante, cette dernière marque est beaucoup plus connue au Canada que la Marque.

[75]  J’estime que la notoriété de la marque NUTELLA fait nettement pencher la balance en faveur de l’Opposante pour ce qui est du premier critère décrit à l’article 6(5) de la Loi.

La période pendant laquelle les marques ont été en usage

[76]  De la preuve d’emploi des marques des parties ci-haut décrite, ce facteur favorise nettement l’Opposante.

Le genre de produits et la nature du commerce

[77]  En considérant le genre de produits, et la nature du commerce des parties, je dois comparer les produits identifiés dans la demande sous opposition à l’état déclaratif des produits couverts par le(s) enregistrement(s) allégué(s) dans la déclaration d’opposition [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); et Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF)].

[78]  Toutefois, l’état déclaratif des produits décrits au certificat d’enregistrement LMC157,098 pour la marque NUTELLA de l’Opposante et les produits identifiés à la demande d’enregistrement de la Requérante doivent être lus de manière à déterminer le type de commerce des parties. La preuve du type d’activités commerciales exercées par les parties est utile en ce sens [voir McDonald's Corp c Coffee Hut Stores Ltd 1996 CanLII 3963 (CAF), (1996), 68 CPR (3d) 168 (CAF) et American Optical Corp c Alcon Pharmaceuticals Ltd 2000 CarswellNat 3328, 5 CPR (4th) 110 (COMC)].

[79]  La Requérante argumente que les produits des parties sont différents. D’une part, les Produits sont des céréales «soit biologiques, soit équitables, soit granola» alors que la notoriété de la marque NUTELLA se limite à de la tartinade aux noisettes et au chocolat.

[80]  L’Opposante, quant à elle, plaide que les marques déposées énumérées à l’annexe A couvrent d’autres produits que des tartinades, dont entre autres des biscuits secs (NUTELLA & GO et Dessin), céréales de déjeuner (NUTELLA PROFESSIONAL LINE et Dessin). Or, pour cette dernière marque, il s’agit d’une demande d’enregistrement et non d’une marque déposée. Elle ne peut donc être prise en considération dans le cadre du motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)(d) de la Loi, sauf pour une observation que je me permettrai de faire plus loin.

[81]  L’Opposante ajoute que je dois tenir compte du fait que la publicité pour promouvoir les ventes de sa tartinade aux noisettes et chocolat en liaison avec la marque NUTELLA fait grand état qu’il s’agit d’un produit consommé lors du petit déjeuner tout comme les céréales de la Requérante. À ce sujet l’Opposante se réfère aux pièces suivantes, jointes à l’affidavit de M. Cosman :

  • pièce H : extraits du site web de l’Opposante où apparaît la citation suivante : «adds a touch of joy to breakfast to help parents overcome some of their key breakfast challenges such as picky eaters and a lack of breakfast ideas for kids»;
  • pièce I: publicité et activités promotionnelles sous les slogans: «Breakfast made fun», «The Great Breakfast Giveaway», «Team Breakfast» et «The Unforgettable Breakfast Adventure»;
  • pièce J: slogans d’activités de commandites: «Better Breakfast Challenge»;
  • pièce K : titre sur la page Facebook : «Nutella Breakfast table».

[82]  J’ajouterais que certains emballages produits comme pièce L à l’affidavit de M. Cosman font également référence au déjeuner. À titre d’exemple, nous retrouvons les mentions suivantes : «Composez un meilleur déjeuner», «Bon déjeuner. Bonne journée.»; «40 ans de déjeuner au Canada».

[83]  La preuve démontre que les tartinades NUTELLA de l’Opposante sont des produits qui se consomment au déjeuner, tout comme les Produits de la Requérante en liaison avec la Marque. D’ailleurs la description des Produits débute par les mots suivants : «Céréales à déjeuner…».

[84]  Bien qu’il existe une différence entre des tartinades et des céréales, dans les deux cas c’est de la nourriture consommée principalement au petit déjeuner. Je tiens à souligner que l’Opposante a produit une demande d’enregistrement pour la marque NUTELLA PROFESSIONAL LINE et Dessin no 1,619,527 qui comprend non seulement différentes tartinades mais également des céréales. Ceci démontre, compte tenu de la nature de ces produits, que l’ajout des céréales aux tartinades constitue une extension naturelle de la gamme de produits vendus en liaison avec la marque NUTELLA, considérant la nature du commerce de l’Opposante [voir Kendall Co c W. Ralston & Co (Canada) Ltd (1959) 31 CPR 92 (COMC)].

[85]  Concernant les créneaux de distribution des produits respectifs des parties, M. Bellas allègue que les Produits sont vendus dans différents magasins d’alimentation majeurs dans l’est du Canada, principalement dans la province de Québec, tels que : IGA, Metro et Metro Plus. Il ajoute que dans tous ces magasins, les céréales portant la Marque sont offertes dans la section des céréales santé organiques et biologiques et que cette section n’expose aucun des produits Nutella. Il produit au soutien de cette allégation, comme pièce R-2 à son affidavit, une photographie illustrant une telle section.

[86]  M. Bellas affirme également avoir remarqué que «les produits NUTELLA sont exposés de leurs sections réservées aux confitures et aux produits à tartinades.»

[87]  En réponse à cette preuve, l’Opposante a produit l’affidavit de M. Geraghty, un enquêteur privé de la firme Xpera Risk Mitigation & Investigation (Xpera). Il explique que la firme d’agents de l’Opposante a retenu les services d’Xpera afin de faire une enquête de marché dans différents commerces situés en Ontario. Il a ainsi visité sept commerces et il fournit les détails de ces visites. À chacun des magasins visités, il a trouvé l’endroit où sont offerts «[TRADUCTION] les tartinades de marque NUTELLA»; il a observé et noté si des produits organiques étaient positionnés dans la même allée; il a également observé et noté si des produits granolas étaient offerts dans la même allée.

[88]  Je retiens de cette preuve les éléments suivants :

  • dans une pharmacie Shoppers Drug Mart, il a constaté la présence à la fois de la tartinade aux noisettes et chocolat NUTELLA et de produits organiques, incluant du beurre d’arachides organique, des tomates en conserve organiques, des craquelins organiques; et il a vu dans la même allée des céréales d’avoine (pièce A à son affidavit);
  • dans l’épicerie Real Canadian Superstore, il a constaté dans la même allée la présence de la tartinade aux noisettes et chocolat NUTELLA ainsi que des confitures organiques, du sirop d’érable organique et de la compote de pomme organique; et dans la même allée il a noté la présence de céréales telles que Honey Bunches of Oats, Harvest Crunch et Special K Granola (pièce B à son affidavit);
  • chez Costco, il a noté la présence, dans la même allée où se trouve la tartinade aux noisettes et chocolat NUTELLA, de miel organique, beurre organique, sirop d’érable organique, des collations de fruits organiques ainsi que de céréales d’avoine et de grains telles que Nature’s Path Sunrise et Crunchy Maple (pièce C à son affidavit);
  • au dépanneur Mac’s, dans la même allée où se trouvait la tartinade aux noisettes et chocolat NUTELLA, il a noté la présence des céréales Raisin Brand et de céréales d’avoine (pièce D à son affidavit);
  • à l’épicerie No Frills, il a noté la présence, dans la même allée où se trouvait la tartinade aux noisettes et chocolat NUTELLA, de produits organiques tels que les breuvages organiques à base de soya; et dans la même allée il a aussi noté la présence d’une variété de céréales et de produits de grain, incluant les céréales Harvest Crunch et Mini Wheat (pièce E à son affidavit);
  • au dépanneur Jarvis Convenience & Dry Cleaning, il a noté que la tartinade aux noisettes et chocolat NUTELLA était située près de la fin d’une courte allée à la fin de laquelle, à près de deux pieds, se trouvaient des céréales Honey Bunches et des céréales d’avoine (pièce F à son affidavit).

[89]  Cette preuve démontre qu’il existe des commerces où des céréales et la tartinade aux noisettes et chocolat NUTELLA peuvent être offerts pour la vente dans la même allée. Ceci peut facilement s’expliquer par le fait que ces produits se consomment principalement au petit déjeuner.

[90]  De l’ensemble de cette preuve, je conclus que, bien que les produits des parties ne soient pas les mêmes, ils sont des produits alimentaires consommés lors du petit déjeuner. De plus, ils sont offerts dans le même type de magasins et souvent dans la même allée. Ainsi, les facteurs décrits aux articles 6(5)(c) et (d) de la Loi favorisent l’Opposante [voir à ce sujet la conclusion du registraire dans Cantarella, op.cit].

[91]  Je tiens à souligner que la Requérante, lors de l’audience, a argumenté que ce n’est pas la décision du registraire dans Cantarella qui s’applique à notre cas mais plutôt le jugement de la Cour d’appel fédérale dans Alticor inc et Quixtar Canada Corporation c Nutravite Pharmaceuticals Inc, 2005 CAF 269, aux paragraphes 2-3 et 34. Je suis d’accord avec la position de l’Opposante au sujet de l’arrêt Alticor. Elle se distingue du présent cas dû au fait qu’il s’agissait d’une action en contrefaçon d’une marque de commerce. De plus, il y avait une distinction importante quant aux créneaux de distribution des produits des parties (magasins de détail versus le courtage).

Autres circonstances additionnelles

[92]  M. Bellas affirme que «depuis la première utilisation de la [Marque] le 17 décembre 2014 (sic), (…) [il] n’est pas au courant d’aucun fait ou situation laissant entrevoir une possibilité ou vraisemblance de confusion entre [les marques des parties].»

[93]  Il est vrai que dans Mattel, supra  la Cour suprême du Canada a indiqué que l’absence de preuve de cas de confusion pouvait être une circonstance pertinente tendant à prouver l’absence de probabilité de confusion. Toutefois, l’absence de preuve de cas de confusion sera retenue pour supporter une conclusion d’absence de probabilité de confusion dans les cas où l’analyse des facteurs pertinents énumérés à l’article 6(5) tend à soutenir une telle conclusion, surtout lorsque la preuve démontre que les marques ont coexisté pendant une longue période de temps et que les ventes des produits sous étude sont substantielles [voir Philip Morris Products SA c Malboro Canada Ltd 2012 CAF 201 et Responsive Brands Inc c 22480003 Ontario Inc, 2016 CF 355].

[94]  L’Opposante n’avait pas à prouver des cas de confusion. J’estime que l’absence de preuve de cas de confusion, dans les circonstances en l’espèce, n’est pas un facteur déterminant qui aurait eu pour effet de faire contrepoids aux facteurs favorisant l’Opposante.

Conclusion

[95]  Tel que mentionné auparavant, c’est la Requérante qui a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande d’enregistrement pour la Marque en liaison avec les Produits rencontre les exigences de la Loi. La présence de ce fardeau de preuve sur la Requérante signifie que si aucune conclusion déterminante ne peut être atteinte une fois toute la preuve considérée, alors le tout doit être décidé en sa défaveur.

[96]  Suite à cette analyse de tous les critères pertinents en fonction de la preuve versée au dossier, j’arrive à la conclusion que la Requérante ne s’est pas déchargée de son fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque ne cause pas de confusion avec la marque NUTELLA de l’Opposante. J’arrive à cette conclusion car : les marques se ressemblent phonétiquement, bien qu’elles se distinguent visuellement. Toutes deux suggèrent la présence de noix dans un produit alimentaire consommé principalement au petit déjeuner. La Marque NUTELLA est fort connue au Canada, sinon notoire. Finalement, les produits des parties sont distribués à travers les mêmes créneaux de distribution. Ainsi, tout au plus pour la Requérante, la balance des probabilités serait égal.

[97]  Compte tenu de ma conclusion en défaveur de la Requérante, en comparant la Marque à la marque NUTELLA, certificat d’enregistrement LMC157,098, je n’ai pas à me prononcer sur la probabilité de confusion entre la Marque et chacune des autres marques de commerce déposées de l’Opposante identifiées à l’annexe A de ma décision.

[98]  J’accueille donc le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)(d) de la Loi.

Motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)(a) de la Loi

[99]  Ce motif d’opposition doit s’analyser à la date de production de la demande d’enregistrement (11 juillet 2013) [voir l’article 16(3) de la Loi].

[100]  En vertu de ce motif d’opposition, l’Opposante devait démontrer qu’elle employait, avant la date pertinente, ses marques énumérées à l’Annexe A de cette décision. La preuve d’emploi de la marque NUTELLA en liaison avec des tartinades, décrite sous le motif d’opposition précédent, est suffisante pour conclure que l’Opposante s’est déchargée de son fardeau initial de preuve. Comme les chances de succès sont meilleures pour l’Opposante avec sa marque de commerce verbale NUTELLA, employée en liaison avec de la tartinade aux noisettes et chocolat, j’estime qu’il n’est pas nécessaire de déterminer si l’Opposante a démontré l’emploi antérieur de ses autres marques de commerce en liaison avec chacun des produits identifiés à l’annexe A de ma décision.

[101]  Il revenait donc à la Requérante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque ne portait pas à confusion, à la date pertinente, avec la marque de commerce NUTELLA employée en liaison avec de la tartinade aux noisettes et chocolat.

[102]  L’analyse des différents critères pertinents, à une date antérieure à celle associée au précédent motif d’opposition ne modifie en rien mes conclusions sur chacun d’eux. Je tiens à souligner que si j’ai commis une erreur en concluant que la coexistence des produits des parties sans la preuve de cas de confusion n’était pas un facteur déterminant pouvant faire pencher la balance en faveur de la Requérante sous le précédent motif d’opposition, il en est tout autrement sous le présent motif d’opposition. En effet, compte tenu de la date pertinente, la preuve de coexistence des marques n’a pas à être considérée, étant postérieure à la date de production de la présente demande d’enregistrement.

[103]  Ultimement, j’arrive donc au même constat soit que la Requérante ne s’est pas déchargée de son fardeau ultime de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’au 11 juillet 2013 la Marque ne portait pas à confusion avec la marque NUTELLA de l’Opposante lorsque celle-ci était employée en liaison avec des tartinades.

[104]  J’accueille donc également le motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)(a) de la Loi, eu égard à la marque de commerce NUTELLA employée antérieurement à la Marque en liaison avec de la tartinade aux noisettes et chocolat.

Autres motifs d’opposition

[105]  L’Opposante ayant eu gain de cause sous deux motifs d’opposition distincts, j’estime qu’il n’est pas nécessaire d’analyser les autres motifs d’opposition.

Remarques supplémentaires

[106]  Bien que je n’aie pas à analyser le motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)(b) de la Loi, à savoir que la Marque portait à confusion avec des demandes d’enregistrement pendantes au moment de la production de la présente demande d’enregistrement, je désire apporter les commentaires suivants. La Requérante, dans son plaidoyer écrit souligne que la demande d’enregistrement no 1,619,527 pour la marque de commerce NUTELLA PROFESSIONAL LINE et dessin couvrant, entre autres produits, des céréales avait été abandonnée le 13 avril 2016. Or, l’article 16(4), stipule que seules les demandes d’enregistrement qui ne seraient plus pendantes au moment de l’annonce de la présente demande d’enregistrement (21 mai 2014) ne peuvent faire obstacle à l’enregistrement d’une marque de commerce faisant l’objet d’une demande d’enregistrement. Malgré son abandon, elle demeurait donc pertinente sous ce motif d’opposition [voir ConAgra Inc c McCain Foods Ltd (2001), 14 CPR (4th) 288 (CF 1er inst)].

Décision

[107]  En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu de l’article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement en application de l’article 38(8) de la Loi.

______________________________

Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada


 

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE: 2017-05-31

COMPARUTIONS

Lailah Y. Chan

POUR L’OPPOSANTE

 

Georges N. Parent

POUR LA REQUÉRANTE

 

AGENT(S) AU DOSSIER

Bennett Jones LLP

POUR L’OPPOSANTE

Georges N. Parent

POUR LA REQUÉRANTE

 


 

 

ANNEXE A

 

 Marque commerce

Numéro d’application/

Numéro d’enregistrement

Produits et services

NUTELLA

LMC157,098

[TRADUCTION] tartinade contenant cacao et autres ingrédients

NUTELLA

No de demande d’enregistrement 1,693,320

Delivery of food and beverages by restaurants, namely providing of food and beverages for consumption on and off the premises.

NUTELLA

No de demande d’enregistrement 1,675,363

Confitures, compotes de fruits; lait et produits laitiers.

Farine et préparations à base de céréales, nommément céréales transformées, céréales de déjeuner, céréales non transformées; pain, pâtisseries; glaces alimentaires, nommément confiseries glacées, desserts glacés; miel; pâtisseries, desserts, nommément préparations à desserts, mousses-desserts, crèmes-desserts, desserts glacés, desserts de boulangerie-pâtisserie; pâtes sucrées à tartiner, nommément sauces au caramel à tartiner, pâtes au chocolat, sauces sucrées, nommément sauces au chocolat, sauces au caramel, coulis de fruits.

Boissons non alcoolisées contenant du lait, du cacao, du café ou du thé comme ingrédient principal; boissons aux fruits et jus de fruits; boissons aromatisées aux fruits; boissons aromatisées aux légumes; boissons aux fruits glacées, boissons aux fruits congelées.

Tartinade aux noisettes, tartinade contenant des noisettes et d'autres ingrédients, tartinade au cacao; tartinade contenant du cacao et d'autres ingrédients.

Confiseries, nommément confiseries au chocolat et confiseries à base de cacao.

NUTELLA LABEL DESIGN

LMC312,429

[TRADUCTION] Crème à tartiner aux noisettes et chocolat.

nutella &GO! and  DESIGN

LMC792,519

1 Confiseries, nommément friandises au chocolat et friandises à base de cacao, tartinade au chocolat, tartinade au cacao; pain et biscuits secs, nommément gressins.

2 Confiseries, nommément friandises au chocolat et friandises à base de cacao, tartinade au chocolat, tartinade au cacao; pain et biscuits secs, nommément gressins.

NUTELLA FUEL THE DAY

LMC809,612

1 Confiseries, nommément friandises au chocolat et friandises à base de cacao; tartinade aux noisettes, tartinade de chocolat aux noisettes, tartinade au chocolat, cacao, tartinade au cacao, tartinade contenant du cacao et d'autres ingrédients; pain et biscuits secs, nommément gressins; boissons non alcoolisées à base de thé.

NUTELLA FAITES LE PLEIN D’ÉNERGIE

LMC809,613

1 Confiseries, nommément friandises au chocolat et friandises à base de cacao; tartinade aux noisettes, tartinade de chocolat aux noisettes, tartinade au chocolat, cacao, tartinade au cacao, tartinade contenant du cacao et d'autres ingrédients; pain et biscuits secs, nommément gressins; boissons non alcoolisées à base de thé.

BREAKFAST LOVES NUTELLA

LMC880,170

1 Confiseries, nommément friandises au chocolat et friandises à base de cacao; tartinade aux noisettes, tartinade de chocolat aux noisettes, tartinade au chocolat, cacao, tartinade au cacao, tartinade contenant du cacao et d'autres ingrédients; biscuits, gâteaux, pâtisseries, pain, nommément gressins; boissons non alcoolisées à base de thé.

 

 

 

LE DÉJEUNER ADORE LE NUTELLA

LMC882,287

1 confiseries, nommément friandises au chocolat et friandises à base de cacao; tartinade aux noisettes, tartinade de chocolat aux noisettes, tartinade au chocolat, cacao, tartinade au cacao, tartinade contenant du cacao et d'autres ingrédients; biscuits, gâteaux, pâtisseries, pain, nommément gressins; boissons non alcoolisées à base de thé.

NUTELLA PROFESSIONAL LINE DEVICE

No de demande d’enregistrement 1,619,527

Confitures, compotes de fruits; lait et produits laitiers; farine et préparations à base de céréales, nommément céréales transformées, céréales de déjeuner, céréales non transformées; pain, pâtisseries, confiseries, nommément confiseries au chocolat et confiseries à base de cacao; tartinade aux noisettes, tartinade contenant des noisettes et d'autres ingrédients, tartinade au cacao; tartinade contenant du cacao et d'autres ingrédients; glaces alimentaires et poudre pour fabriquer des glaces alimentaires, nommément confiseries glacées, desserts glacés; miel; préparations pour pâtisseries, préparations à desserts; pâtes sucrées à tartiner, nommément pâtes au caramel à tartiner, sauces sucrées, nommément sauces au chocolat, sauces au caramel, coulis de fruits; boissons non alcoolisées contenant du lait, du cacao, du café ou du thé comme ingrédient principal; préparations pour boissons non alcoolisées, nommément poudres ou sirops pour la préparation de boissons gazeuses aromatisées au chocolat ou au cacao, de boissons gazeuses aromatisées au café, de boissons gazeuses aromatisées au thé, de boissons fouettées, de préparations pour cocktails non alcoolisés; boissons aux fruits et jus de fruits; boissons aromatisées aux fruits; boissons aromatisées aux légumes; sirops pour la préparation de boissons et poudres pour la préparation de boissons, nommément de boissons aromatisées aux fruits, de boissons aromatisées aux légumes; boissons aux fruits glacées, boissons aux fruits congelées.

Livraison d'aliments et de boissons par des restaurants, nommément offre d'aliments et de boissons pour la consommation sur place et à l'extérieur; offre d'hébergement temporaire, nommément chambres d'hôtel.

50 NUTELLA FERRERO AND DEVICE

No de demande d’enregistrement 1,649,224

Chocolate and chocolate products, namely cocoa based spread cream and hazelnuts based spread cream.

 

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