Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2017 COMC 67

Date de la décision : 2017-06-12

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DES OPPOSITIONS

 

Alliance Mercantile Inc.

Opposante

et

 

Vetex, une société par actions à responsabilité limitée

Requérante

 

1,523,653 pour la marque de commerce VETEX

1,523,700 pour la marque de commerce VETEX (& Dessin)

Demandes

Introduction

[1]  Alliance Mercantile Inc. (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement des marques de commerce VETEX et VETEX (& Dessin) (reproduite ci-dessous) (parfois appelées collectivement ci-après les Marques), qui font l’objet des demandes d’enregistrement nos 1,523,653 et 1,523,700 respectivement :

VETEX (& Design) .

[2]  Chaque demande est fondée sur l’emploi projeté au Canada en liaison avec les produits et services suivants, dans leur version révisée par la Requérante [Traduction] :

Produits : Tissu et produits textiles à usage médical et chirurgical, nommément chemises, blouses de laboratoire, chemises, bonnets et pantalons de chirurgie, tee-shirts, peignoirs, serviettes, draps et housses pour tables d’examen médical; fibres à usage médical, nommément fibres imprégnées, stratifiées et enrobées, toutes utilisées pour la confection de blouses de chirurgien et de champs opératoires; rubans et tresses, nommément pour thermocoller les coutures de matières textiles (ruban d’étanchéité pour coutures); éléments d’étanchéité pour tissu et vêtements, nommément boutons, crochets et œillets, fermetures à glissière, attaches et crochets ainsi que bandes de fermeture à boucles.

Services : Traitement de matières textiles à usage médical et chirurgical, nommément finition, revêtement et stratification de matières textiles à usage médical et chirurgical.

[3]  La demande pour la marque de commerce VETEX (& Dessin) est également fondée sur l’enregistrement de la marque auprès de l’Office Benelux de la PI pour emploi de la marque en Belgique, au Luxembourg et aux Pays-Bas. La demande renferme également la revendication de couleur suivante [Traduction] :

La couleur est revendiquée comme caractéristique de la marque de commerce. Le contour extérieur du cercle est blanc, avec du noir sur le côté gauche, le côté droit et la partie inférieure. Le contour intérieur du cercle est blanc. Le fond du cercle intérieur est vert. Les trois traits ondulés, le crochet et le point dans le cercle intérieur sont blancs. L’ombre sous le cercle est verte. Le mot VETEX est noir.

[4]  L’Opposante a engagé les oppositions en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) et elle invoque des motifs d’opposition fondés sur les articles 2 (absence de caractère distinctif); 12 (non-enregistrabilité); 16 (absence de droit à l’enregistrement); et 30 (non-conformité) de la Loi. Les principales questions à trancher sont, d’une part, celle de savoir si la demande est conforme à l’article 30a) de la Loi, au motif que certains des produits énoncés dans la demande, nommément les [Traduction] « fibres à usage médical, nommément fibres imprégnées, stratifiées et enrobées, toutes utilisées pour la confection de blouses de chirurgien et de champs opératoires », ne sont pas décrits dans les termes ordinaires du commerce, et, d’autre part, celle de savoir s’il existe une probabilité de confusion entre chacune des Marques et la marque de commerce V-TECH de l’Opposante faisant l’objet des enregistrements nos LMC679,711 et LMC927,586 en liaison avec les produits suivants, respectivement :

Enregistrement no LMC679,711 [Traduction] : Tissus perméables à l’air, polyester ou d’autres tissus, recouverts de polyuréthane imper-respirant et d’autres revêtements ayant des propriétés analogues.

 

Enregistrement no LMC927,586 [Traduction] : Vêtements, nommément vestes, capuchons pour vestes et pantalons; vêtements imperméables; vêtements d’extérieur à usage industriel et récréatif, nommément vestes, capuchons pour vestes, pantalons et salopettes.

et qui a été employée par l’Opposante au Canada en liaison avec de tels produits.

[5]  Pour les raisons qui suivent, les oppositions sont accueillies, en partie.

Le dossier

[6]  Les demandes d’enregistrement ont toutes deux été produites le 14 avril 2011. La demande pour VETEX (& Dessin) et la demande pour VETEX ont été annoncées aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 28 janvier 2015 et du 13 mai 2015, respectivement.

[7]  L’Opposante s’est opposée à chaque demande en produisant une déclaration d’opposition auprès du registraire le 26 juin 2015. Chacune des déclarations d’opposition a subséquemment été modifiée à quelques reprises par l’Opposante, avec l’autorisation du registraire, la dernière modification ayant été apportée le 18 février 2016 (voir, dans chaque cas, la lettre du Bureau datée du 7 avril 2016).

[8]  Dans chaque cas, la Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle conteste chacun des motifs d’opposition formulés dans la déclaration d’opposition.

[9]  Au soutien de chacune de ses oppositions, l’Opposante a produit un affidavit de son président, qui est également l’un de ses directeurs, Douglas Bell, souscrit le 13 janvier 2016 (l’affidavit Bell). J’emploierai le singulier pour faire référence à ces deux affidavits, car ils sont essentiellement identiques. L’Opposante a également produit un Certificat d’authenticité pour l’enregistrement no LMC679,711 ainsi qu’une copie du certificat d’enregistrement no LMC927,586.

[10]  La Requérante a choisi de ne produire aucune preuve.

[11]  Seule l’Opposante a produit un plaidoyer écrit dans chaque cas, mais les parties ont toutes deux présenté des observations à l’audience qui a été tenue. J’emploierai le singulier pour faire référence aux deux plaidoyers écrits de l’Opposante, lesquels sont presque identiques.

Analyse

Le fardeau de preuve incombant à chacune des parties

[12]  C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que chacune de ses demandes est conforme aux exigences de la Loi. L’Opposante a toutefois le fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); et Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al (2002), 2002 CAF 29, 20 CPR (4th) 155 (CAF)].

Motifs d’opposition se rapportant à la question de la non-conformité des demandes à l’article 30 de la Loi

Non-conformité à l’article 30a) de la Loi

[13]  L’Opposante allègue que les demandes ne sont pas conformes aux exigences de l’article 30a) de la Loi, parce qu’elles ne renferment pas un état, dressé dans les termes ordinaires du commerce, des produits précis en liaison avec lesquels l’emploi de chacune des Marques est projeté au Canada. Plus précisément, l’Opposante fait valoir que chacune des demandes doit être repoussée à l’égard des produits suivants [Traduction] :

... fibres à usage médical, nommément fibres imprégnées, stratifiées et enrobées, toutes utilisées pour la confection de blouses de chirurgien et de champs opératoires...

[14]  En général, la date pertinente pour l’examen d’un motif d’opposition fondé sur l’article 30a) de la Loi est la date à laquelle la demande a été produite. Toutefois, lorsqu’une demande d’enregistrement a été modifiée aux fins de conformité avec les termes ordinaires du commerce en réponse à un rapport préliminaire de l’examinateur, la date de la demande d’enregistrement modifiée est réputée être la date pertinente pour l’examen des motifs d’opposition fondés sur l’article 30a) de la Loi [voir Eaton Williams (Millbank) Ltd c Nortec Air Conditioning Industries Ltd (1982), 73 CPR (2d) 70 (COMC)]. Si l’on applique un raisonnement semblable en l’espèce, les dates pertinentes sont le 28 novembre 2014 et le 26 juin 2014, c’est-à-dire la date de la dernière modification de chaque demande pour la marque nominale et la marque figurative VETEX respectivement.

[15]  Tant dans son plaidoyer écrit qu’à l’audience, l’Opposante a fait valoir que le genre précis des produits ne peut pas être déterminé à partir de la description susmentionnée.

[16]  L’Opposante fait valoir que l’on peut faire référence aux définitions du dictionnaire du mot « fibre » (ou « fibre ») [fibre]. Elle fait valoir qu’il existe deux significations différentes au mot « fiber » [fibre] dans le domaine des textiles (le domaine des produits de la Requérante) : premièrement, des fils ou des filaments qui peuvent être utilisés pour fabriquer du fil textile, des étoffes ou du tissu; et deuxièmement, le matériau fait à partir de fibres. Dans le contexte des produits de la Requérante, on ne peut pas déterminer si les produits décrits sont des fibres au sens de filaments bruts ou de matières fibreuses qui serviront à créer des produits textiles, ou s’il s’agit de matériaux faits de fibres, comme du fil textile, des étoffes, du tissu ou d’autres matériaux.

[17]  L’Opposante fait valoir que l’absence de précision apparaît encore plus nettement lorsque l’on considère la classification de Nice qui s’applique aux produits :

  • (a) Les matières textiles fibreuses brutes s’inscrivent dans la classe 22 de la classification de Nice. Des exemples de ces produits qui s’inscrivent dans la classe 22 de la classification de Nice, selon le Manuel des produits et des services de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) sont présentés ci-dessous :

  • fibres de carbone à usage textile;

  • fibres de coton;

  • fibres de verre à usage textile;

  • fibres de chanvre;

  • fibres métalliques à usage textile;

  • fibres de polyester;

  • fibres de lin brut;

  • fibres textiles à l’état brut;

  • filaments pour utilisation dans les tissus;

  • fibres synthétiques à usage textile.

  • (b) Les fibres qui sont transformées en fils à usage textile figurent dans la classe 23 de la classification de Nice. Le Manuel des produits et des services de l’OPIC fournit les exemples suivants de fibres s’inscrivant dans la classe 23 :

  • fils de fibres chimiques à usage textile;

  • fils de fibre de verre à usage textile;

  • fils de verre à usage textile;

  • fil de fibres régénérées;

  • fils en fibres semi-synthétiques;

  • (c) Les fibres qui sont des tissus et des produits textiles, qui ne figurent dans aucune autre classe, s’inscrivent dans la classe 24 de la classification de Nice. Des exemples de fibres s’inscrivant dans la classe 24 de la classification de Nice énoncés dans le Manuel des produits et des services de l’OPIC sont présentés ci-dessous :

  • tissus de fibres chimiques;

  • tissus en fibres de verre à usage textile;

  • tissus de fibres mixtes;

  • tissus en fil de fibres régénérées;

  • tissus de fibres semi-synthétiques;

  • tissus de fibres synthétiques;

  • tissus de fibres chimiques;

  • tissus à usage textile;

  • tissus mélangés à base de fibres inorganiques;

  • tissus pour utilisation dans les textiles;

  • tissus imperméables aux gaz;

  • tissus de coton.

[18]  L’Opposante fait valoir que la définition du mot anglais « fiber » [fibre] dans le contexte du textile fait référence aux produits qui s’inscrivent dans ces trois classes de la classification de Nice, qui sont tous des types de produits distincts. Elle fait valoir que la description des services dans chacune des demandes, laquelle fait référence au traitement de matières textiles à usage médical et chirurgical, laisse entendre que les produits, qui sont décrits comme des matières traitées, peuvent être des tissus. Cependant, l’Opposante fait valoir que, comme on peut le voir ci-dessus, le mot « fibers » [fibres] n’est pas un terme ordinaire du commerce pour désigner les tissus de la classe 24 de manière à les distinguer des produits de fibre des classes 22 et 23.

[19]  L’Opposante fait aussi valoir que la copie certifiée de l’enregistrement du Benelux no 0899404, produite au soutien de l’emploi et de l’enregistrement à l’étranger par la Requérante invoqués dans la demande pour VETEX (& Dessin), étaye la thèse selon laquelle les produits décrits comme étant des « fibers » [fibres] devaient désigner des tissus de la classe 24. L’Opposante souligne que cette copie certifiée montre l’enregistrement de la marque de commerce VETEX (& Dessin) au Benelux dans la classe 24, et non dans la classe 22 ou 23. L’Opposante fait valoir que la traduction anglaise fournie par la Requérante emploie le mot « fibres » [fibres]; cependant, il est évident que cette traduction anglaise en particulier n’emploie pas les termes ordinaires du commerce pour désigner les produits de la classe 24 en cause. L’Opposante fait valoir que le type de fibres qui s’inscrirait dans la classe 24 serait les tissus et que le mot « fibers » [fibres] ne constitue pas un terme ordinaire du commerce pour décrire ces produits de la classe 24 de manière à les distinguer des fibres du type s’inscrivant dans les classes 22 ou 23. À cet égard, l’Opposante souligne dans son plaidoyer écrit que les outils de traduction en ligne traduisent le terme néerlandais « weefsels » par les termes anglais « tissue, gauze, fabric, cloth, material » [tissu, gaze, étoffe, matériau] mais pas par le terme « fibers » [fibres].

[20]  Enfin, l’Opposante fait valoir que, même si les demandes relatives à la description des produits ont été approuvées pendant l’examen, cette Commission a le droit de déterminer si les produits ou services sont énoncés dans les termes ordinaires du commerce, peu importe que l’examinateur ait déjà approuvé les demandes [voir Novopharm Ltd c Burroughs Wellcome Inc (1994), 58 CPR (3d) 513 (CF 1re inst), à la p 520].

[21]  En réponse, la Requérante fait valoir que chaque affaire doit être tranchée en fonction des faits qui lui sont propres. En l’espèce, l’état déclaratif des produits décrit à la fois les caractéristiques des fibres (en ce sens qu’elles sont des fibres imprégnées, stratifiées et enrobées) et leur usage projeté (en ce sens qu’elles sont toutes utilisées pour la confection de blouses de chirurgien et de champs opératoires dans le domaine médical). La Requérante fait valoir que, considéré dans son contexte, le monopole qu’elle recherche est suffisamment précis en termes de portée. Par conséquent, la Requérante fait valoir que, aussi intéressant que puisse être l’argument de l’Opposante fondé sur la classification de Nice, il n’y a aucune raison de conclure que l’état déclaratif des produits n’est pas conforme aux exigences de l’article 30a) de la Loi. La Requérante soulève également la question de savoir si l’argument de l’Opposante fondé sur les dictionnaires de traduction du néerlandais à l’anglais aurait dû être corroboré par une preuve à l’appui produite à l’étape de la preuve.

[22]  Néanmoins, bien que certaines des observations de la Requérante ne soient pas dénuées de tout fondement, je ne suis pas d’accord.

[23]  Comme l’a énoncé l’Opposante, le mot « fiber » [fibre] peut avoir deux significations différentes dans le domaine des textiles. Malgré le fait que les caractéristiques des fibres de la Requérante ainsi que leur utilisation projetée soient fournies, il n’en demeure pas moins que, dans le contexte des produits de la Requérante, on ne peut pas déterminer si les produits décrits sont des fibres au sens de filaments bruts ou de matières fibreuses qui serviront à créer des produits textiles, ou s’il s’agit de matériaux faits de fibres, comme du fil textile, des étoffes, du tissu ou d’autres matériaux.

[24]  Comme l’a fait remarquer l’Opposante, la description des services dans chacune des demandes de la Requérante, laquelle fait référence au traitement de matières textiles à usage médical et chirurgical, laisse entendre que les produits, qui sont décrits comme des matières traitées, sont des tissus.

[25]  Cependant, le Manuel des produits et des services de l’OPIC prévoit ce qui suit :

Dans certains cas, le contexte d’un état déclaratif des produits ou des services peut servir à préciser un état déclaratif des produits ou des services qui autrement serait inacceptable. En effet, les produits ou les services peuvent être acceptables lorsque le contexte de l’énoncé est suffisamment précis.

Par exemple, le mot « étuis » seul n’est pas acceptable, car il peut s’appliquer à n’importe quel type d’étuis, des étuis d’appareils photo aux étuis à lunettes. Cependant, si la demande porte sur les « appareils photos, trépieds et étuis », le terme « étuis » est acceptable, car il est évident d’après le contexte qu’il s’agit d’étuis d’appareils photo. De même, le service « livraison » seul ne serait pas acceptable, car il pourrait s’agir de n’importe quel type de services de livraison, de la livraison de fleurs à la livraison de meubles. Cependant, une demande portant sur des « services de restaurant » qui inclurait le terme « livraison » serait acceptable, car il est évident d’après le contexte qu’il s’agit de livraison de nourriture.

Remarque : Les produits ou les services qui sont séparés par un point-virgule (;) sont généralement considérés comme des services distincts les uns des autres et doivent satisfaire aux exigences de l’alinéa 30a) de la Loi sur les marques de commerce sans égard aux autres produits et services listés. [Je souligne.]

[26]  En l’espèce, les mots « fibers » [fibres] en question sont séparés par des points-virgules des autres catégories de produits et de services visés par les demandes de la Requérante. En outre, les trois autres catégories de produits décrits dans chaque demande, à savoir [Traduction] (1) tissu et produits textiles à usage médical et chirurgical (comme des chemises, blouses de laboratoire, chemises, serviettes, draps et housses pour tables d’examen médical); (2) rubans et tresses, nommément pour thermocoller les coutures de matières textiles (ruban d’étanchéité pour coutures); et (3) éléments d’étanchéité pour tissu et vêtements (comme les boutons et les fermetures à glissière), ne laissent pas nécessairement entendre que les « fibers » [fibres] sont des « fabrics » [tissus] à l’exclusion de toute autre chose, comme les filaments bruts ou les matières fibreuses, ou les fils à usage textile. Autrement dit, il n’est pas possible de déterminer d’emblée le genre précis des produits décrits comme étant des [Traduction] « ... fibres à usage médical, nommément fibres imprégnées, stratifiées et enrobées, toutes utilisées pour la confection de blouses de chirurgien et de champs opératoires... »

[27]  À cet égard, il convient de souligner que, à l’audience, l’agent de la Requérante a toujours fait référence aux fibres de la Requérante en question à l’aide du terme français « fibres ». Cela découle probablement de la traduction française officieuse de l’état déclaratif des produits et des services de chacune des demandes de la Requérante, telle qu’elle a été publiée dans le Journal des marques de commerce. Cependant, je souligne que la signification donnée au mot français « fibres » dans le domaine des textiles est celle d’un « élément d’aspect filamenteux qui constitue certains tissus ». Bien que je reconnaisse qu’il ne revenait pas à l’agent de la Requérante de reformuler l’état déclaratif des produits, cela ne vient aucunement nous éclairer quant au genre précis des fibres de la Requérante.

[28]  Il convient également de souligner qu’aucune des demandes en cause ne regroupe ni ne classe les produits et les services conformément à la classification de Nice. Par conséquent, le fait que la copie certifiée de l’enregistrement du Benelux no 0899404, produite au soutien de l’emploi et de l’enregistrement à l’étranger par la Requérante invoqués dans la demande pour la marque VETEX (& Dessin), fasse référence à la classe 24 ne vient pas résoudre l’ambiguïté observée dans l’état déclaratif des produits décrits sur le fondement de l’emploi projeté revendiqué dans chacune des demandes de la Requérante.

[29]  Compte tenu de ce qui précède, je conviens avec l’Opposante qu’elle s’est acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait et que la Requérante n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que dans chacune de ses demandes, les produits décrits comme étant des [Traduction] « ...fibres à usage médical, nommément fibres imprégnées, stratifiées et enrobées, toutes utilisées pour la confection de blouses de chirurgien et de champs opératoires... » ont été décrits dans les termes ordinaires du commerce aux dates pertinentes applicables.

[30]  Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 30a) est accueilli dans chaque cas en ce qui concerne ces produits.

Non-conformité à l’article 30d) de la Loi

[31]  L’Opposante allègue que la demande pour VETEX (& Dessin) n’est pas conforme à l’article 30d) de la Loi parce que, à la date de production de la demande, la Requérante n’avait pas employé la marque VETEX (& Dessin) en Belgique, au Luxembourg ou aux Pays-Bas en liaison avec les produits et les services décrits dans la demande.

[32]  Ce motif d’opposition peut être rejeté sommairement, parce que l’Opposante ne s’est pas acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait. Il n’y a aucune preuve qui étaye ce motif d’opposition. J’ajouterai à cet égard que, contrairement à la position de l’Opposante énoncée dans son plaidoyer écrit, la difficulté à confirmer le genre précis des produits décrits comme des [Traduction] « ... fibres à usage médical, nommément fibres imprégnées, stratifiées et enrobées, toutes utilisées pour la confection de blouses de chirurgien et de champs opératoires... » ne suffit pas en soi pour permettre à l’Opposante de s’acquitter du fardeau de preuve initial qui lui incombait à l’égard de ce motif d’opposition. Le fait que ces produits ne soient pas décrits dans les termes ordinaires du commerce ne mène pas à la conclusion qu’il n’y a eu aucun emploi de la marque VETEX (& Dessin) au Benelux.

[33]  Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 30d) est rejeté en l’espèce.

Non-conformité aux articles 30b) et e) de la Loi

[34]  L’Opposante allègue qu’aucune des demandes n’est conforme aux exigences des articles 30b) et e) de la Loi parce que, à la date de production de chacune des demandes, la Requérante ou ses prédécesseurs en titre avaient employé les Marques au Canada. Pour cette raison, aucune des Marques n’est une marque de commerce projetée au titre de l’article 30e) de la Loi. En outre, aucune des demandes ne contient la date à compter de laquelle la Requérante ou ses prédécesseurs en titres avaient employé les Marques en liaison avec les produits et services visés par les demandes, et donc aucune des demandes n’est conforme aux exigences de l’article 30b) de la Loi.

[35]  L’Opposante a également allégué subsidiairement qu’aucune des demandes n’est conforme aux exigences de l’article 30e) de la Loi parce que, à la date de production des demandes, la Requérante, elle-même ou par l’entremise d’un licencié, n’avait pas l’intention d’employer les Marques en liaison avec chacun des produits et services visés par les demandes; plus précisément, la Requérante n’avait pas l’intention d’employer les Marques en liaison avec les produits décrits comme des [Traduction] « ...fibres à usage médical, nommément fibres imprégnées, stratifiées et enrobées, toutes utilisées pour la confection de blouses de chirurgien et de champs opératoires... ».

[36]  Le motif d’opposition fondé sur l’article 30e) peut être rejeté sommairement dans chaque cas, car l’Opposante ne s’est pas acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait. Il n’y a aucune preuve qui étaye ce motif d’opposition. Encore une fois, la difficulté à confirmer le genre précis des produits décrits comme des [Traduction] « ... fibres à usage médical, nommément fibres imprégnées, stratifiées et enrobées, toutes utilisées pour la confection de blouses de chirurgien et de champs opératoires... » ne suffit pas en soi pour permettre à l’Opposante de s’acquitter du fardeau de preuve initial qui lui incombait à l’égard de ce motif d’opposition. Le fait que ces produits ne soient pas décrits dans les termes ordinaires du commerce ne signifie pas nécessairement que l’Opposante n’avait pas l’intention d’employer chacune des Marques au Canada au moment où elle a produit ses demandes.

[37]  En conséquence, le motif d’opposition fondé sur l’article 30e) est rejeté dans chaque cas.

[38]  Le motif d’opposition fondé sur l’article 30b) peut aussi être rejeté sommairement dans chaque cas, car l’Opposante ne s’est pas acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait. Il n’y a aucune preuve qui étaye ce motif d’opposition. Je me contenterai de dire que les extraits du site Web de la Requérante produits comme pièce P de l’affidavit Bell ont semble-t-il été imprimés le 11 janvier 2016, soit plus de cinq ans après la date pertinente pour l’appréciation de ce motif d’opposition, et que ces extraits ne présentent pas de coordonnées au Canada, quelles qu’elles soient.

[39]  En conséquence, le motif d’opposition fondé sur l’article 30b) est rejeté dans chaque cas.

Motifs d’opposition se rapportant à la probabilité de confusion

Non-enregistrabilité des Marques suivant l’article 12(1)d) de la Loi

[40]  L’Opposante allègue que les Marques ne sont pas enregistrables eu égard aux dispositions de l’article 12(1)d) de la Loi, en ce qu’elles créent de la confusion avec la marque de commerce déposée V-TECH susmentionnée de l’Opposante.

[41]  J’ai exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire et je confirme que les deux enregistrements de la marque de commerce V-TECH de l’Opposante invoqués sont en règle à la date d’aujourd’hui, laquelle est la date pertinente pour l’appréciation d’un motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) [voir Park Avenue Furniture Corp c Wickers/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

[42]  L’Opposante s’étant acquittée de son fardeau de preuve initial, il incombe donc à la Requérante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre les Marques et la marque de commerce déposée V-TECH de l’Opposante.

Le test en matière de confusion

[43]  L’article 6(2) de la Loi prévoit ce qui suit :

L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[44]  Ainsi, cet article ne porte pas sur la confusion entre les marques de commerce elles-mêmes, mais sur la confusion portant à croire que des produits ou des services provenant d’une source proviennent d’une autre source.

[45]  Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Comme l’a indiqué le juge Denault dans Pernod Ricard c Molson Breweries (1992), 44 CPR (3d) 359 (CF 1re inst), à la p 369 [Traduction] :

Les marques de commerce devraient être examinées du point de vue du consommateur moyen qui a un souvenir non pas précis mais général de la marque précédente. Il s’ensuit que les marques ne devraient pas être disséquées ni soumises à une analyse microscopique en vue d’apprécier leurs ressemblances et leurs différences. Elles devraient plutôt être envisagées globalement et évaluées en fonction de leur effet sur le consommateur moyen en général.

[46]  Lorsqu’il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles expressément énoncées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive et il importe de prendre en considération tous les facteurs pertinents. En outre, le poids qu’il convient d’accorder à chacun de ces facteurs n’est pas nécessairement le même et varie en fonction des circonstances [voir Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc (2006), 2006 CSC 22, 49 CPR (4th) 321 (CSC); Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée (2006), 2006 CSC 23, 49 CPR (4th) 401 (CSC); et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 2011 CSC 27, 92 CPR (4th) 361 (CSC) pour une analyse approfondie des principes généraux qui régissent le test en matière de confusion].

Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[47]  L’Opposante admet que, en tant que mot forgé, sa marque de commerce V-TECH est une marque de commerce possédant un caractère distinctif inhérent qui mérite une protection étendue.

[48]  À l’inverse, la Requérante admet que la marque de commerce V-TECH de l’Opposante possède un caractère distinctif inhérent extrêmement faible, car la marque est constituée d’une lettre de l’alphabet unique combinée au suffixe descriptif ou suggestif « TECH » qui signifie [Traduction] « technologie », comme le démontrent largement les catalogues de produits de l’Opposante même produits comme pièces C à H de l’affidavit Bell, lesquels font largement référence à la [Traduction] « technologie de tissus imper-respirants V-TECH » de l’Opposante.

[49]  De façon générale, je suis d’accord avec la Requérante. Bien que la lettre « V » n’ait aucun lien avec les produits, les marques constituées de lettres de l’alphabet et de rares autres indices distinctifs sont généralement considérées comme étant intrinsèquement faibles [voir GSW Ltd c Great West Steel Industries Ltd. et al (1975), 22 CPR (2d) 154 (CF 1re inst)]. En l’espèce, le suffixe « TECH », qui est défini dans l’Oxford Canadian Dictionary comme signifiant « technology » [technologie], augmente peu, voire pas du tout, le caractère distinctif inhérent de la marque de l’Opposante. La marque de commerce V-TECH est donc une marque relativement faible.

[50]  À titre comparatif, chacune des Marques possède un caractère distinctif inhérent plus élevé, puisqu’elles sont constituées du mot forgé VETEX, lequel n’a aucun lien avec les produits et les services visés par la demande. La marque VETEX (& Dessin) comprend également un élément graphique constitué d’un cercle et d’un crochet, lequel est décrit plus en détail dans la revendication de couleur reproduite précédemment dans les paragraphes d’introduction de ma décision.

[51]  Une marque de commerce peut acquérir une force accrue en devenant connue par la promotion ou l’emploi. Il n’y a aucune preuve que l’une quelconque des Marques est devenue connue dans une quelconque mesure au Canada. À titre comparatif, la preuve de l’Opposante produite au moyen de l’affidavit Bell établit, entre autres choses, ce qui suit :

  1. L’Opposante fabrique et distribue (entre autres choses) des vêtements, des bottes et des gants de protection et d’extérieur imperméables pour les loisirs et l’industrie, et vend ses produits à tous les échelons de la distribution, y compris les distributeurs, les détaillants et les consommateurs [affidavit Bell, para 2].
  2. Les clients des produits utilisés au travail de l’Opposante se retrouvent dans un large éventail d’industries, dont les travailleurs de la santé, les intervenants médicaux et d’urgence comme les pompiers et le personnel ambulancier, ainsi que dans d’autres industries [affidavit Bell, para 4 et 5].
  3. L’Opposante fabrique des tissus par revêtement et stratification de textiles conçus pour permettre à la transpiration de les traverser physiquement, tout en empêchant les molécules d’eau ou d’autres liquides de pénétrer le tissu depuis l’extérieur. Depuis 2006, l’Opposante continue de mettre au point des tissus imper-respirants, ainsi que des produits fabriqués à partir de ces tissus imper-respirants. L’expansion naturelle des ventes de l’Opposante de ses tissus imper-respirants tient à la mise au point continue des technologies de l’Opposante en matière de textiles et de nouveaux vêtements fabriqués à partir de ces tissus pour les marchés des vêtements de loisir et de travail [affidavit Bell, para 9 à 11].
  4. L’Opposante vend ses produits dans l’industrie des vêtements spécialisés, et en particulier des vêtements de protection. Les hôpitaux, l’industrie médicale et les intervenants d’urgence sont des clients actuels et ce sont eux que ciblent ses produits [affidavit Bell, para 12].
  5. Afin de commercialiser et de vendre ses tissus imper-respirants (ci-après appelés les « Tissus V-TECH » ou un « Tissu V-TECH’ ») et les vêtements fabriqués à partir de ces tissus, l’Opposante a inventé et employé la marque de commerce V-TECH pour désigner et distinguer ces tissus et ces vêtements de ceux de tiers [affidavit Bell, para 13].
  6. Dans le cadre de la stratégie marketing de l’Opposante, cette dernière sensibilise les clients à ce que sont les Tissus V-TECH et à leur valeur dans un vêtement. Pour ce faire, l’Opposante présente la marque de commerce V-TECH et sa technologie textile sur son site Web, dans son catalogue de produits (qui est distribué sur papier et par voie électronique), dans ses présentations de ventes, lors de salons professionnels, et elle appose à ses articles vestimentaires fabriqués à partir de ce tissu des étiquettes volantes arborant la marque V-TECH et décrivant les caractéristiques du tissu [affidavit Bell, para 13 à 22, pièces A et B - imprimés du site Web de la Requérante tel qu’il existait en 2012 et en date d’aujourd’hui; pièces C à H - copies de pages tirées des catalogues de produits de l’Opposante pour les années 2010 à 2015-2016; pièces I à K - copies de photographies de véritables étiquettes volantes, dont certaines sont utilisées depuis au moins 2009-2010; et pièce J - copie d’une photographie d’un véritable échantillon de tissu fixé à certaines étiquettes volantes de l’Opposante].
  7. À la date de production des demandes en cause de la Requérante, l’Opposante avait environ 400 clients au Canada pour ses gammes de vêtements fabriqués à partir de ses Tissus V-TECH. Aujourd’hui, l’Opposante compte plus de 500 de ces clients. Du fait que les clients de l’Opposante même pour ces produits sont principalement des distributeurs ou des revendeurs, le nombre réel d’acheteurs et de clients des produits de l’Opposante est bien sûr beaucoup plus élevé [affidavit Bell, para 23].

viii.  Pendant la période allant de 2006 à 2015, l’Opposante avait des ventes de vêtements fabriqués à partir de ses Tissus V-TECH et liées à la marque V-TECH au Canada de plus de 2 890 000 $ [affidavit Bell, para 24 à 29, pièces L à O - copie de factures démontrant des ventes de vêtements fabriqués à partir du Tissu V-TECH au cours des années 2009 à 2015].

[52]  Compte tenu de ce qui précède, je conviens avec l’Opposante que sa marque de commerce V-TECH est devenue connue dans une certaine mesure au Canada.

[53]  En dernière analyse, j’estime que l’examen global du facteur énoncé à l’article 6(5)a), lequel concerne à la fois le caractère distinctif inhérent et le caractère distinctif acquis des marques des parties, ne favorise pas particulièrement une partie plus que l’autre. D’une part, les Marques possèdent un caractère distinctif inhérent supérieur à la marque de l’Opposante, laquelle possède un caractère distinctif inhérent relativement faible. D’autre part, le caractère distinctif de la marque de l’Opposante a acquis une force accrue du fait de sa révélation dans une certaine mesure par la promotion et l’emploi, alors qu’il n’y a aucune preuve que l’une quelconque des Marques est devenue connue au Canada.

La période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[54]  Comme il a été indiqué précédemment, la marque de commerce V-TECH de l’Opposante est employée au Canada depuis 2006, alors qu’il n’y a aucune preuve d’emploi de l’une quelconque des Marques au pays.

[55]  En conséquence, ce facteur favorise l’Opposante.

Le genre de produits, services ou entreprises, et la nature du commerce

[56]  Pour évaluer le genre des produits, services ou entreprises et la nature du commerce, je dois comparer l’état déclaratif des produits de la Requérante avec l’état déclaratif des produits qui figure dans les enregistrements invoqués par l’Opposante [voir Henkel Kommanditgesellschaft Auf Aktien c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); et Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF)]. L’examen de ces états déclaratifs doit cependant être effectué dans l’optique de déterminer le genre probable d’entreprise ou la nature probable du commerce envisagé par les parties, et non l’ensemble des commerces que le libellé est susceptible d’englober. Une preuve de la nature véritable des commerces exercés par les parties est utile à cet égard [voir McDonald’s Corp c Coffee Hut Stores Ltd (1996), 1996 CanLII 3963 (CAF), 68 CPR (3d) 168 (CAF); Procter & Gamble Inc c Hunter Packaging Ltd (1999), 2 CPR (4th) 266 (COMC); et American Optional Corp c Alcon Pharmaceuticals Ltd (2000), 5 CPR (4th) 110 (COMC)].

[57]  Tel qu’indiqué ci-dessus, l’Opposante a enregistré la marque de commerce V-TECH en liaison avec des tissus imper-respirants ainsi que des vêtements à usage industriel et récréatif. Par ailleurs, la Requérante a produit une demande pour ses Marques en liaison avec des tissus et des produits textiles à usage médical et chirurgical, des fibres imprégnées, stratifiées et enrobées pour des applications médicales, du ruban d’étanchéité pour coutures et des éléments d’étanchéité pour vêtements. La Requérante a également produit une demande pour ses Marques en liaison avec des services, nommément le traitement de matières textiles à usage médical et chirurgical.

[58]  Comme l’a fait remarquer l’Opposante, les produits de la Requérante et de l’Opposante relèvent du domaine des textiles. Ils comprennent tous des vêtements pour le marché industriel et le marché du travail. Les produits visés par l’enregistrement de l’Opposante comprennent des tissus, et les produits de la Requérante comprennent des textiles et des fibres. Les produits de la Requérante et de l’Opposante comprennent tous des tissus techniques utilisant une technologie de revêtement.

[59]  Mis à part les éléments d’étanchéité et les attaches, les produits et les services de la Requérante se limitent aux applications médicales. Bien qu’il s’agisse d’un domaine limité, je conviens avec l’Opposante qu’il s’agit néanmoins d’une utilisation industrielle. Les articles vestimentaires de l’Opposante comprennent des vêtements d’usage généralement industriel, et les produits de tissu dont ils sont fabriqués ne se limitent pas à leur domaine d’utilisation. Comme le souligne l’affidavit Bell, les tissus imper-respirants peuvent servir autrement que comme vêtement de pluie, en ce sens que ces tissus sont respirants et à l’épreuve des liquides, et peuvent donc être utilisés dans un large éventail de contextes nécessitant du tissu respirant, à l’épreuve des liquides et des éclaboussures [affidavit Bell, para 9 à 12].

[60]  En ce qui concerne les produits de la Requérante qui ne se limitent pas aux applications médicales, à savoir les rubans d’étanchéité pour coutures et autres éléments d’étanchéité et attaches, je conviens avec l’Opposante qu’il s’agit d’éléments communs de nombreux vêtements, y compris les vêtements visés par les enregistrements de l’Opposante pour la marque de commerce V-TECH [affidavit Bell, para 31].

[61]  Comme l’a souligné l’Opposante, la Requérante n’a pas fourni de preuve concernant la nature du commerce, bien que le domaine d’utilisation de certains des produits de la Requérante soit restreint par la spécification de l’usage médical ou chirurgical. Par ailleurs, l’affidavit Bell démontre que l’Opposante vend ses produits sur les marchés des loisirs et du travail/industriel à tous les échelons de distribution, y compris les distributeurs, les détaillants et les consommateurs. M. Bell atteste que ces activités amènent l’Opposante dans un large éventail d’industries et plus particulièrement l’industrie des vêtements spécialisés et des vêtements de protection. Plus particulièrement il atteste ce qui suit au paragraphe 12 de son affidavit [Traduction] :

Les hôpitaux, l’industrie médicale et les intervenants d’urgence sont des clients actuels et ce sont eux que ciblent les produits [de l’Opposante] et, à ce titre, ces industries et milieux de travail constituent un secteur naturel d’expansion pour les vêtements de travail [de l’Opposante] fabriqués à partir de tissus imper-respirants.

[62]  Encore une fois, comme l’a souligné l’Opposante, les enregistrements de l’Opposante ne se limitent pas à une industrie. L’Opposante ne se limite pas au domaine médical et, en fait, d’après la preuve, les secteurs commerciaux de l’Opposante pour ses vêtements de travail l’amènent déjà dans les hôpitaux et les autres milieux médicaux. Il n’y a aucune raison de conclure que les produits des parties n’emprunteraient pas les mêmes voies de commercialisation et qu’ils ne s’adresseraient pas, à un moment ou à un autre, aux mêmes clients.

[63]  Loin de contredire ce point, les extraits du site Web produits comme pièce P de l’affidavit Bell décrivent les activités de la Requérante comme étant [Traduction] « l’enduction et la stratification de textile dans différentes industries tels que le secteur médical, industriel et alimentaire ». Les produits de la Requérante sont décrits comme étant [Traduction] « à l’épreuve du vent », « imperméables » et « respirants ». Le site décrit des produits de sécurité et des vêtements de protection ainsi que des articles chaussants pour le travail et les sports.

[64]  Enfin, il convient de rappeler qu’il n’est pas nécessaire que les parties exercent leurs activités dans le même domaine général ou dans la même industrie ou que leurs produits et services respectifs soient du même type ou de la même qualité pour qu’il existe une probabilité de confusion. Comme l’indique l’article 6(2) de la Loi, il peut y avoir confusion « que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale ».

[65]  Compte tenu de ce qui précède, j’estime que l’examen global de ces troisième et quatrième facteurs favorise l’Opposante.

Le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[66]  Comme l’a souligné la Cour suprême dans Masterpiece, supra, au paragraphe 49, [Traduction] « il arrive souvent que le degré de ressemblance soit le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce même s’il est mentionné en dernier lieu [à l’article] 6(5) [de la Loi] [...] si les marques ou les noms ne se ressemblent pas, il est peu probable que l’analyse amène à conclure à la probabilité de confusion même si les autres facteurs tendent fortement à indiquer le contraire ».

[67]  En outre, comme je l’ai mentionné précédemment, il est bien établi dans la jurisprudence que la probabilité de confusion est une question de première impression et de souvenir imparfait. À cet égard, [Traduction] « [m]ême s’il faut examiner la marque comme un tout (et non la disséquer pour en faire un examen détaillé), il est tout de même possible d’en faire ressortir des caractéristiques particulières susceptibles de jouer un rôle déterminant dans la perception du public » [voir Pink Panther Beauty Corp c United Artists Corp (1998), 1998, CanLII 9052 (CAF), 80 CPR (3d) 247 (CAF), au para 34]. Même si le premier mot ou la première partie d’une marque de commerce sont généralement les plus importants aux fins de la distinction, l’approche à privilégier consiste à se demander d’abord si la marque de commerce présente un aspect particulièrement frappant ou unique [voir Masterpiece, supra, au para 64].

[68]  En l’espèce, la marque de commerce V-TECH de l’Opposante est constituée de deux termes, soit « V » et « TECH », séparés d’un tiret. Bien qu’en soi, elle ne possède pas un caractère distinctif inhérent particulièrement fort, la lettre « V » apparaît dans la première partie et la partie la plus dominante de la marque. Ainsi, étant donné la nature descriptive ou suggestive du suffixe « TECH » dans le contexte des tissus techniques de l’Opposante, ainsi que l’a reconnu l’Opposante elle-même tant dans son plaidoyer écrit qu’à l’audience, je suis portée à convenir avec l’Opposante que la lettre « V » est sans doute l’élément le plus frappant de la marque.

[69]  À titre comparatif, j’estime qu’aucune des parties de la marque nominale VETEX de la Requérante n’apparaît plus frappante ou unique qu’une autre. La marque de commerce VETEX est constituée d’un seul mot forgé qui n’a pas de signification claire en lien avec les produits et services visés par la demande de la Requérante. Contrairement à la position de l’Opposante, j’estime que la deuxième syllabe « TEX » ne sera probablement pas perçue comme faisant référence au mot descriptif « textile ». La marque de commerce ne se décompose pas ainsi. Elle doit être examinée dans sa totalité et ne doit pas être disséquée. Quoi qu’il en soit, l’idée possiblement suggérée par le soi-disant suffixe « TEX », qui signifie « textile » ne partage aucune similitude avec l’idée suggérée par le suffixe « TECH ».

[70]  Comme je l’ai mentionné précédemment, la marque VETEX (& Dessin) de la Requérante inclut également un élément graphique formé d’un cercle et d’un crochet. Contrairement à la position de l’Opposante, j’estime que l’élément graphique est tout aussi dominant que l’élément nominal VETEX. L’élément graphique est de même taille et de même importance que le mot VETEX. Il est constitué d’éléments graphiques et de couleurs, dont la combinaison est suffisamment distinctive et se distingue de l’arrêt de la Cour d’appel fédérale dans Pizzaiolo Restaurants Inc c Les Restaurants La Pizzaiolle Inc, 2016 CAF 265 [voir par analogie Domaines Pinnacle Inc c Constellation Brands Inc., 2016 CAF 302].

[71]  Compte tenu de ce qui précède, j’estime qu’aucune des marques des parties ne présente de similitudes sur les plans visuel et conceptuel. Même si « V-TECH » et « VETEX » commencent par un « V », les Marques ne se dissèquent pas ainsi.

[72]  La seule similitude entre les marques des parties est phonétique. Elles sont constituées de deux syllabes, dont la première se prononce de la même façon en anglais, soit « VEE ». Toutefois, la deuxième syllabe de chacune des marques des parties diffère sur le plan de la prononciation dans le dernier son, soit « TEX » par rapport à « TECH ».

[73]  Dans l’ensemble, j’estime que, lorsqu’on considère globalement les trois aspects de la ressemblance, les marques des parties sont très différentes.

Conclusion quant à la probabilité de confusion

[74]  Comme l’a indiqué la Cour d’appel fédérale dans Dion Neckwear, supra, à la page 163, [Traduction] « il n’est pas nécessaire que [le registraire] soit convaincu hors de tout doute qu’il n’y a aucun risque de confusion. Si la norme de preuve “hors de tout doute” s’appliquait, les requérants seraient, dans la plupart des cas, confrontés à un fardeau insurmontable parce qu’en matière de risque de confusion, la certitude est une denrée rare. »

[75]  J’estime que la Requérante a démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu’un consommateur ayant un souvenir imparfait de la marque de commerce V-TECH de l’Opposante ne serait pas porté à conclure que les produits et services de la Requérante proviennent de la même source ou sont autrement apparentés ou liés aux produits visés par l’enregistrement de l’Opposante.

[76]  Comme je l’ai mentionné précédemment, chacune des Marques de la Requérante possède un caractère distinctif inhérent plus élevé que la marque de l’Opposante, surtout la marque VETEX (& Dessin). Bien que le caractère distinctif de la marque de commerce V-TECH de l’Opposante puisse avoir été renforcé par l’emploi et la promotion, et bien que l’examen global du genre des produits/services et des voies de commercialisation des parties favorise l’Opposante, j’estime que les différences qui existent entre les marques des parties suffisent pour éviter toute probabilité raisonnable de confusion dans chacun des cas en l’espèce.

[77]  Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) est rejeté dans chaque cas.

Absence de caractère distinctif des Marques au sens de l’article 2 de la Loi

[78]  L’Opposante allègue qu’aucune des Marques ne distingue les produits et services visés par la demande de la Requérante des produits de l’Opposante, ni n’est adaptée à les distinguer étant donné l’emploi et l’enregistrement antérieurs par l’Opposante au Canada de sa marque de commerce V-TECH.

[79]  Pour s’acquitter du fardeau de preuve qui lui incombe à l’égard d’un motif fondé sur l’absence de caractère distinctif, un opposant doit démontrer que, à la date de production de sa déclaration d’opposition, sa marque de commerce était devenue connue dans une mesure suffisante pour faire perdre à la marque visée par la demande son caractère distinctif [voir Motel 6, Inc c No. 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst)]. Ainsi qu’il appert de mon examen de l’affidavit Bell ci-dessus, l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve.

[80]  La différence entre les dates pertinentes n’a pas d’incidence substantielle sur mon analyse ci-dessus du motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d).

[81]  Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif est rejeté dans chaque cas.

Absence de droit à l’enregistrement de la Requérante au titre des articles 16(2)a) et 16(3)a) de la Loi

[82]  L’Opposante allègue que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de chacune des Marques eu égard aux dispositions de l’article 16(2)a) et 16(3)a) de la Loi, puisqu’à la date de production des demandes de la Requérante, chacune des Marques créait de la confusion avec la marque de commerce V-TECH de l’Opposante, qui est employée ou révélée au Canada par l’Opposante depuis 2006.

[83]  Pour s’acquitter de son fardeau de preuve initial à l’égard d’un tel motif, un opposant doit démontrer que sa marque de commerce avait déjà été employée au Canada à la date de production de la demande du requérant et qu’il ne l’avait pas été abandonnée à la date de l’annonce de la demande du requérant [article 16(5) de la Loi]. Ainsi qu’il appert de mon examen de l’affidavit Bell ci-dessus, l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve.

[84]  La différence entre les dates pertinentes n’a pas d’incidence substantielle sur mon analyse ci-dessus du motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d).

[85]  Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement est rejeté dans chaque cas.

Décision

[86]  Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je repousse chacune des demandes en ce qui a trait aux produits [Traduction] « ... fibres à usage médical, nommément fibres imprégnées, stratifiées et enrobées, toutes utilisées pour la confection de blouses de chirurgien et de champs opératoires... », et je rejette les oppositions en ce qui a trait aux autres produits et services, selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi [voir Produits Menagers Coronet Inc c Coronet-Werke Heinrich Schlerf Gmbh (1986), 10 CPR (3d) 482 (CF 1re inst) en tant qu’autorité jurisprudentielle permettant de rendre une décision partagée].

 

Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Sophie Ouellet, trad.a.


 

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE : 2017-05-11

COMPARUTIONS

Eve Munro

POUR L’OPPOSANTE

 

Barry Gamache

POUR LA REQUÉRANTE

 

AGENT(S) AU DOSSIER

Miller Thomson LLP

POUR L’OPPOSANTE

Robic

POUR LA REQUÉRANTE

 

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