Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

  Référence: 2017 COMC 63

Date de la décision: 2017-06-06

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION

 

J. Benny Inc. et 88766 Canada Inc.

Opposante

et

 

Les Placements 1360 Inc.

Requérante

 

1,515,581 pour www.rotisseriesbenny.com

Demande

 

Introduction

[1]  J. Benny Inc. (J. Benny) et 88766 Canada Inc. (ci-après collectivement désignés «l’Opposante») s’opposent à l’enregistrement de la marque de commerce www.rotisseriesbenny.com (la Marque) faisant l’objet de la demande no 1,515,581 au nom de Les Placements 1360 Inc. (la Requérante), pour les produits et services décrits comme suit:

poulets, salades, pâtisseries, frites, poutines, sandwichs, pains, sauces, spaghettis, pizzas, hamburgers, steaks, œufs, crème glacée, bar laitier, café, thé, chocolat, liqueurs douces, eaux minérales, bière, vin, vin apéritif (ci-après collectivement référés les «Produits»); et

services d'opération de restaurant et livraison de plats préparés (ci-après collectivement référés les «Services»).

 

[2]  La demande d’enregistrement, produite le 16 février 2011, est fondée sur un emploi projeté au Canada pour ce qui est des Produits et sur un emploi depuis au moins aussi tôt que le 31 octobre 2005 pour ce qui est des Services.

[3]  L’Opposante fonde son opposition sur la non-conformité de la demande d’enregistrement (articles 30(a), (b) et (e) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi)) et l’absence de caractère distinctif de la Marque (article 2 de la Loi).

[4]  J’estime qu’il y a lieu de repousser en partie la demande d’enregistrement.

Le dossier

[5]  La déclaration d’opposition fut produite le 2 mars 2015. La Requérante a produit le 12 mai 2015 une contre-déclaration niant les motifs d’opposition plaidés par l’Opposante.

[6]  Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit à titre de preuve en chef :

  • une déclaration solennelle de Nicolas Filiatrault datée du 4 septembre 2015 à laquelle sont annexées les pièces NF-1 à NF-202;

  • une deuxième déclaration solennelle de M. Filiatrault datée du 14 septembre 2015 à laquelle sont annexées les pièces NF-A à NF-G;

  • copie authentique de la décision du registraire en date du 23 décembre 2013 relativement à la procédure sous l’article 45 concernant l’enregistrement LMC444,852;

  • une copie authentique de l’enregistrement LMC444,852 radié le 10 avril 2014;

  • des certificats de conformité relatifs à 9061-9966 Québec Inc., 9153-3661 Québec Inc., 9241-3178 Québec Inc., et 9278-3638 Québec Inc.

[7]  La Requérante a produit la déclaration statutaire de M. Frédérick Benny datée du 13 janvier 2016 à laquelle étaient jointes les pièces P-1 à P-11.

[8]  Les parties ont produit un plaidoyer écrit et seule l’Opposante a participé à l’audience tenue dans ce dossier.

Remarques préliminaires

[9]  J’ai pris connaissance de toute la preuve au dossier. Cependant, compte tenu du volume de la preuve produite par les parties et plus particulièrement celle de l’Opposante, je me limiterai à décrire les extraits qui m’apparaissent les plus pertinents pour trancher les motifs d’oppositions plaidés.

[10]  M. Filiatrault déclare qu’il a été à l’emploi de l’opposante J. Benny entre mai 2010 et le 31 décembre 2010. Depuis le 1er janvier 2011, il est à l’emploi de Benny et Frères Inc. (Benny et Frères). Il affirme que Benny et Frères ainsi que J. Benny ont toutes deux leur place d’affaires au même endroit et qu’il est au fait des affaires de J. Benny. Enfin, il déclare qu’il a accès à tous les documents et informations concernant J. Benny et qu’il a toute l’autorité à représenter Benny & Frères de même que J. Benny dans cette opposition.

[11]  La déclaration statutaire de M. Frédérick Benny porte principalement sur l’emploi de la marque de commerce LES RÔTISSERIES BENNY ET Dessin, telle que ci-après illustrée :

LES RÔTISSERIES BENNY EXPRESS DESSIN

qui n’est pas la Marque et donc ayant peu de pertinence dans la présente affaire. Cependant, la mention www.rotisseriesbenny.com apparaît sur une des pièces produites, soit un menu (pièce P-9). Reste à savoir s’il s’agit d’un emploi à titre de marque de commerce au sens de l’article 4 de la Loi.

Analyse du motif d’opposition fondé sur l’article 30(b) de la Loi

[12]  L’Opposante plaide, entre autres, six différents volets fondés sur l’article 30(b) de la Loi, à savoir que:

  • la Requérante n’a pas employé, comme il est dit dans la demande sous opposition, la Marque en liaison avec chacun des Services;

  • la marque dont l’emploi est allégué n’est pas la Marque mais une autre que celle mentionnée à la demande sous opposition;

  • la date de premier emploi revendiquée est erronée;

  • la Marque n’a pas été employée à titre de marque de commerce pour distinguer la source des Services;

  • l’emploi allégué de la Marque en liaison avec chacun des Services est discontinu ou même absent, pour tout ou partie des Services;

  • tout emploi allégué de la Marque n’a pas été effectué par la Requérante ou encore n’a pas profité ou bénéficié à la Requérante conformément aux dispositions pertinentes de la Loi à cet égard.

 

Le fardeau qui repose sur les parties

[13]  C’est à l’Opposante qu’il appartient au départ d’établir le bien-fondé de son opposition. Le fardeau ultime de démontrer que la Marque est enregistrable repose toutefois sur la Requérante, selon la prépondérance de preuve [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); et Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al (2002), 20 CPR (4th) 155 (CAF)].

[14]  Dans le contexte d’un motif d’opposition fondé sur l’article 30(b) de la Loi, une opposante a un fardeau initial de preuve qualifié de léger [voir Loblaws Inc c NoFrills Auto Truck Rental Ltd, 2006 FC 537]. L’Opposante soutient que, sous ce motif d’opposition, elle n’a qu’à présenter une preuve qui remet en question («put into issue») le bien-fondé de la date de premier emploi de la Marque alléguée dans la présente demande d’enregistrement  [voir Friedman and Soliman Entreprises, LLC c Hunky Haulers Inc, 2017 COMC 11].

[15]  Il faut également se rappeler que l’article 30(b) exige que l’emploi de la marque de commerce soit continu dans le cours normal des affaires depuis la date de premier emploi revendiquée jusqu’à la date de production de la demande d’enregistrement [voir Benson & Hedges Canada Ltd c Labatt Brewing Co (1996), 67 CPR (3d) 258 (CF 1re inst)].

Date pertinente

[16]  La date pertinente pour analyser ce motif d’opposition est la date de production de la demande d’enregistrement (le 16 février 2011) [voir Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd, 3 CPR (1984), (3d) 469 (COMC)]. Une des prétentions de l’Opposante est que, selon la preuve au dossier, il y aurait eu absence d’emploi de la Marque par la Requérante entre le 31 octobre 2005 et le 20 octobre 2010.


 

Arguments de l’Opposante

 

Identité de la Requérante

[17]  La présente demande d’enregistrement a été produite par Les Placements 1360 Inc. Il s’agit d’une société de portefeuille tel qu’indiqué au relevé obtenu du Registraire des entreprises concernant cette entreprise, produit comme pièce NF-202 au soutien de la déclaration solennelle du 4 septembre 2015 de M. Filiatrault. Il n’est aucunement mention dans ce relevé que la Requérante serait ou aurait été impliquée dans le domaine de la restauration. Ainsi, dans un premier temps, il existerait un sérieux doute quant à la véracité de la déclaration de la Requérante dans sa demande d’enregistrement à l’effet qu’elle aurait elle-même employé la Marque depuis le 31 octobre 2005, étant une société de portefeuille.

[18]  D’ailleurs, ce fait est corroboré par la preuve de la Requérante. En effet, M. Frédérick Benny, qui se décrit comme le responsable du développement des affaires et relation avec les franchisés licenciés de la Requérante, a produit comme pièce P-1 au soutien de sa déclaration statutaire un état de renseignements d’une personne morale au registre des entreprises concernant la Requérante. On y indique également dans ce document que la Requérante est une société de portefeuille.

[19]  Lors de l’audience, l’Opposante a concédé qu’il aurait été possible pour la Requérante de produire une demande d’enregistrement fondée sur un emploi de la Marque par un prédécesseur en titre et/ou un ou des licenciés. Toutefois sur ce point, l’Opposante a fait valoir les éléments de preuve ci-après décrits.

Les licenciés et/ou franchisés de la Requérante

[20]  M. Benny, dans sa déclaration statutaire, aux paragraphes 4 à 9 inclusivement, identifie les compagnies suivantes à titre de franchisés :

  • LES RÔTISSERIES 3066 INC. (3066);

  • BENNY BBQ LONGUEUIL INC. (LONGUEUIL);

  • BENNY BBQ ST-HUBERT INC. (ST-HUBERT);

  • BENNY BBQ BELOEIL INC. (BELOEIL);

  • BENNY BBQ BOUCHERVILLE INC. (BOUCHERVILLE);

  • BENNY BBQ LAPRAIRIE INC. (LAPRAIRIE).

[21]  Pour chacune de ces entreprises, M. Benny a produit une copie du Registre des entreprises du Québec, qui fournit, entre autres renseignements, la date de constitution de chacune d’elles ainsi que leur activité principale (pièce P-6). Il a également produit une copie des contrats de franchise conclus avec chacune d’elles (pièces P-3 et P-5).

[22]  Dans un premier temps, l’Opposante plaide que la demande d’enregistrement ne fait aucunement référence à l’emploi de la Marque par un ou des prédécesseurs en titre ou par des licenciés. De plus, BOUCHERVILLE a été incorporée en 2006, alors que 3066, LONGUEUIL et ST-HUBERT l’ont été en 2008, et finalement BELOEIL et LAPRAIRIE ont quant à elles été incorporées en 2012. Donc, aucun de ces franchisés n’existait à la date de premier emploi alléguée dans la demande d’enregistrement. Par conséquent, ils n’ont pas pu employer la Marque en liaison avec les Services depuis le 31 octobre 2005, tel qu’allégué dans la demande d’enregistrement.

[23]  Au surplus, les conventions de licence pour 3066, LONGUEUIL et ST-HUBERT, produites par M. Benny comme pièce P-3, sont tous en date du 1er novembre 2008, alors que celle avec BELOEIL a été conclue en janvier 2013, celle avec BOUCHERVILLE en octobre 2012 et celle avec LAPRAIRIE en novembre 2012 (pièce P-5). Ainsi, chacune de ces licences a été conclue postérieurement à la date de premier emploi de la Marque alléguée dans la demande d’enregistrement.

[24]  Je tiens à souligner que M. Benny allègue, au paragraphe 20 de sa déclaration statutaire, que la Requérante est titulaire du nom de domaine www.rotisseriesbenny.com depuis le 31 octobre 2005, soit la date de premier emploi alléguée dans la présente demande d’enregistrement. Il a produit, comme pièce P-10, une copie du registre en ligne tenu par la compagnie Whois. Or, toute comme la date d’incorporation d’une société ne fait pas preuve de l’emploi de la dénomination sociale de cette société à titre de marque de commerce à compter de cette date, l’enregistrement d’un nom de domaine ne fait pas preuve de l’emploi de ce nom de domaine à titre de marque de commerce à compter de la date de son enregistrement.

[25]  Tel qu’indiqué auparavant, M. Benny a produit une certaine preuve (paragraphes 10 à 16 de la déclaration statutaire de M. Benny) tendant à prouver l’emploi de la Marque. Toutefois, la marque à laquelle il réfère dans ces paragraphes est plutôt la marque LES RÔTISSERIES BENNY ET Dessin reproduite ci-haut.

[26]  L’emploi de cette marque de commerce ne peut pas constituer un usage de la Marque [voir Canada (Registrar of Trade-marks) c Cie Internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull, SA (1985), CPR (3d) 523 (FCA)].

[27]  Lors de l’audience, l’Opposante a souligné que la seule pièce où nous retrouvons la Marque est un menu produit par M. Benny comme pièce P-9. Je suis d’accord avec l’Opposante lorsque celle-ci prétend que cette pièce ne peut constituer une preuve d’emploi de la Marque puisque la mention www.rotisseriesbenny.com apparaît en dessous des mentions suivantes :

Menu livraison

450-907-4644

www.bennybbq.com

[28]  Il s’agit d’une information supplémentaire fournie aux consommateurs qui veulent commander par Internet des mets à être livrés à domicile [voir Colba.Net inc c ColbaNet Inc 2012 COMC 204]. Il s’agit d’une seconde adresse Internet tout comme l’est www.bennybbq.com. Je suis conscient qu’une adresse Internet, tout comme un numéro de téléphone, pourrait être employée à titre de marque de commerce, pourvu que la Requérante s’en serve à ce titre et non à titre informatif [voir Runaway Beauty Inc c Hernandez 2013 COMC 79].

[29]  Toutes ces raisons sont suffisantes pour accueillir le motif d’opposition fondé sur l’article 30(b) de la Loi, pour ce qui est des Services. Je n’aborderai donc pas la question de savoir si l’emploi de la Marque s’est fait de façon continue depuis la date de premier emploi revendiquée dans la demande d’enregistrement.

Analyse du motif d’opposition fondé sur l’article 30(e) de la Loi

[30]  La date pertinente pour analyser ce motif d’opposition est la date de production de la demande d’enregistrement (16 février 2011) [voir Canadian National Railway Co c Schwauss (1991), 35 CPR (3d) 90 (COMC)].

[31]  La demande d’enregistrement est fondé sur un emploi projeté par la Requérante elle-même ou par l’entremise d’un licencié pour ce qui est des Produits, alors que pour les Services la Requérante revendiquait un emploi de la Marque au Canada. Ainsi, l’argument soulevé par l’Opposante concernant l’impossibilité pour la Requérante d’avoir employé la Marque en liaison avec les Services en raison du type d’activité qu’elle exerce ne tient plus la route sous ce motif d’opposition.

[32]  Dans son plaidoyer écrit et lors de l’audience, l’Opposante a plaidé que la preuve d’emploi de la Marque en liaison avec les Services démontrent que la Requérante n’a pas l’intention d’employer la Marque à titre de marque de commerce en liaison avec les Produits, mais plutôt comme un simple renseignement au même titre qu’une adresse ou un numéro de téléphone, le tout tel qu’il appert du menu produit par M. Benny comme pièce P-9. Elle a référé à l’extrait suivant de l’arrêt Pizza Pizza Ltd c Registrar of Trade-marks (1989), 26 CPR (3d) 355 (CAF), reproduit à la page 17 du plaidoyer écrit de la Requérante :

Domain names, despite their functional purpose, and like trade names and telephone numbers can function as trade-marks if they are in fact used as trade-marks (mes soulignements).

[33]  L’Opposante voudrait bien que j’infère, de l’emploi de la Marque sur le menu (pièce P-9 à l’affidavit de M. Benny) à titre de nom de domaine et non comme marque de commerce, que la Requérante n’avait pas l’intention d’employer la Marque à titre de marque de commerce en liaison avec les Produits au moment de la production de la demande d’enregistrement. Je ne suis pas d’accord.

[34]  Il existe une distinction entre l’emploi d’une marque de commerce en liaison avec des services et l’emploi de la même marque de commerce en liaison avec des produits. Cette distinction apparaît clairement du libellé de la définition d’emploi d’une marque de commerce que nous retrouvons à l’article 4 de la Loi. Ainsi, à titre d’exemple, l’offre d’un service au Canada peut suffire pour conclure à l’emploi d’une marque de commerce en liaison avec ce service pour autant qu’il soit disponible au Canada, alors que l’offre pour la vente de produits ne serait pas suffisante pour conclure à l’emploi de la même marque de commerce en liaison avec ces Produits. Il faudrait, dans ce dernier cas, la preuve d’un transfert de propriété ou de possession du produit portant la marque de commerce.

[35]  Bien que j’aie décidé auparavant que la Requérante n’a pas employé la Marque en liaison avec les Services, je ne peux pas conclure que la Requérante n’avait pas l’intention de l’employer en liaison avec les Produits et ce pour les raisons qui suivent. Tout d’abord, la demande d’enregistrement fait état d’un emploi projeté par la Requérante elle-même ou un (des) licencié(s), alors que pour les Services, la demande d’enregistrement était fondé sur un emploi par la Requérante uniquement.

[36]  De plus, il n’y a aucune preuve au dossier de l’emploi de la Marque en liaison avec les Produits. Je ne peux pas inférer que la Requérante compte l’employer en liaison avec les Produits de la même façon qu’elle l’emploie présentement en liaison avec les Services. Il se peut fort bien que nous retrouvions la Marque sur l’emballage des Produits  et qu’il s’agisse clairement d’un emploi à titre de marque de commerce et non d’une référence à titre informatif tel que discuté auparavant.

[37]  Le motif d’opposition fondé sur l’article 30(e) de la Loi, pour ce qui est des Produits, est donc rejeté car l’Opposante ne s’est pas déchargée de son fardeau initial de preuve.

Analyse du motif d’opposition fondé sur l’article 30(a) de la Loi

[38]  L’Opposante soulève comme motif d’opposition que le terme «bar laitier» ne décrit pas un produit mais plutôt un service et donc, pour ce produit, la demande d’enregistrement ne renferme pas une description dans les termes ordinaires du commerce.

[39]  À titre de preuve, M. Filiatrault a produit des extraits de certains dictionnaires où nous retrouvons des définitions du mot «bar». De plus, M. Filiatrault a produit un extrait de Multi Dictionnaire de la langue française, Marie-Éva de Villiers, Montréal, Éditions Québec Amérique, 2003 où nous retrouvons la définition suivante : «Bar laitier. Établissement où l’on sert principalement des produits laitiers (glace, sorbet, yaourt, lait fouetté, etc.)».

[40]  À ce sujet, la Requérante, dans son plaidoyer écrit, plaide que l’expression «bar laitier» est «d’usage courant au Québec pour couvrir les produits laitiers fréquemment offerts dans ce type d’établissement, à savoir lait, lait au chocolat, crèmes glacées diverses; c’est ainsi un raccourci terminologique permettant de décrire la catégorie générale de produits reliée à des produits laitiers.» (mes soulignements)

[41]  De l’aveu même de la Requérante, l’expression «bar laitier» désigne un établissement où est offert certains produits laitiers. Il s’agit d’un établissement où des services sont offerts, dont la vente de certains produits laitiers. Ce terme ne désigne pas un ou des produits tout comme le mot «bar» ne pourrait pas désigner de la bière, par exemple, bien que ce produit soit vendu à l’intérieur de ce type d’établissement.

[42]  Dans les circonstances, j’accueille le motif d’opposition fondé sur l’article 30(a) de la Loi pour ce qui est du produit «bar laitier» uniquement. Ce terme sera donc radié de la liste des Produits.

Analyse du motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif de la Marque

[43]  Ce motif d’opposition comporte trois volets:

  • la Marque ne serait pas distinctive puisque plusieurs entités, qui ne seraient pas liées à la Requérante, opèrent ou ont opéré, de manière complètement indépendante de la Requérante, des restaurants, ou encore offrent ou ont offert et, de fait, ont vendu des produits semblables dans le domaine de la restauration, au Canada, sous le nom BENNY ou sous une enseigne composée de ou comprenant ce mot. Ainsi le terme BENNY seul n’est donc plus distinctif en soi en association avec des produits et services en lien avec la restauration;
  • la Marque n’est pas destinée et n’a pas été destinée à distinguer les Produits et Services de ceux des autres mais est purement fonctionnelle puisqu’il s’agit ici que d’un nom de domaine;
  • la Requérante a permis à des tiers, notamment Resto Servibec Inc (Servibec) d’employer la Marque au Canada ou une variante de celle-ci incluant le terme BENNY- et de fait, ces tiers l’ont employée- hors les cadres des dispositions législatives régissant l’emploi sous licence d’une marque et ce contrairement aux dispositions de l’article 50 de la Loi.

[44]  Il est généralement reconnu que ce motif d’opposition doit s’apprécier à la date de production de la déclaration d’opposition (2 mars 2015) [voir Andres Wines Ltd c E&J Gallo Winery (1975), 25 CPR (2d) 126 (CAF) et Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc 2004 CF 1185, 34 CPR (4th) 317].

Ententes avec Servibec

[45]  Je vais disposer immédiatement du dernier volet de ce motif d’opposition. L’Opposante fait référence à Servibec dans sa déclaration d’opposition. Selon les allégations de l’Opposante, cette dernière aurait employé plusieurs marques de commerce comportant le terme BENNY ou l’expression LES RÔTISSERIES BENNY et ce en vertu d’ententes qui ne respecteraient pas les dispositions de l’article 50 de la Loi. Or, il n’y a aucune preuve au dossier à ce sujet . Ce volet du motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif de la Marque est donc rejeté.

La Marque ne peut être distinctive puisqu’il s’agit d’un nom de domaine

[46]  Le deuxième volet de ce motif d’opposition s’apparente à l’un des volets du motif d’opposition fondé sur l’article 30(b) de la Loi à l’effet qu’il n’y aurait pas eu d’emploi de la Marque à titre de marque de commerce puisque la Marque aurait été employée plutôt à titre informatif (nom de domaine).

[47]  Tel que plus amplement discuté auparavant, la preuve au dossier se rapportant à l’emploi de la Marque concerne uniquement les Services. Cette preuve démontre qu’effectivement la Marque a été employée en liaison avec les Services à titre informatif (nom de domaine) pour le consommateur et non pas pour distinguer les Services des services de tiers. J’accueille donc ce volet de ce motif d’opposition pour ce qui est des Services.

[48]  Quant aux Produits, je n’ai aucune preuve d’emploi de la Marque en liaison avec ces derniers à la date de production de la déclaration d’opposition. J’ai déjà discuté plus haut de la possibilité d’employer un nom de domaine à titre de marque de commerce en liaison avec des Produits. Puisqu’il est spéculatif de prétendre que la Marque ne sera pas employée à titre de marque de commerce en liaison avec les Produits, compte tenu que la demande d’enregistrement est fondée sur un emploi projeté pour ce qui est des Produits et qu’il n’y a aucune preuve d’emploi de la Marque au dossier à ce sujet, je rejette ce volet de ce motif d’opposition en ce qui concerne les Produits.

Absence de caractère distinctif de la Marque en raison de l’emploi par des tiers du mot BENNY

[49]  La Cour fédérale dans Bojangles’ International, LLC c Bojangles Café Ltd, 2006 CF 657, 48 CPR (4th) 427 a statué que :

  • une marque doit être connue au Canada au moins jusqu'à un certain point pour annuler le caractère distinctif d'une autre marque; ou

  • une marque pourrait annuler le caractère distinctif d'une autre marque si elle est bien connue dans une région précise du Canada.

[50]  L’Opposante avait donc le fardeau initial de prouver qu’au moins une des dénominations sociales ci-après mentionnées comportant le mot BENNY était connue au Canada jusqu’à un certain point ou était bien connue dans une région précise du Canada au 2 mars 2015. Pour les raisons qui suivent, je conclus que l’Opposante ne s’est pas déchargée de son fardeau de preuve initial.

[51]  Malgré la volumineuse preuve concernant ce volet du motif d’opposition s’attaquant au caractère distinctif de la Marque, outre un résumé détaillé de cette preuve, très peu a été dit dans le plaidoyer écrit de l’Opposante eu égard à cette preuve. De plus, lors de l’audience, l’Opposante n’a fait aucune représentation concernant l’absence de caractère distinctif de la Marque vu l’emploi par des tiers du mot BENNY. Je compte donc résumer cette preuve très succinctement.

[52]  Cette preuve d’emploi du mot BENNY par des tiers concerne les entités suivantes :

  • Bennys, à Waterloo, Ontario;

  • Benny’s Bistro, à Ottawa, Ontario;

  • Benny’s, à Burlington, Ontario;

  • Chez Benny, à Montréal, Québec;

  • Chez Benny Express, à ville Saint-Laurent, Québec;

  • Pizza Benny, à ville Saint-Laurent, Québec;

  • Casse-Croûte chez Benny, à Saint-Anselme, Québec;

  • Benny’s Bistro, à Nipawin, Saskatchewan

 

  • [53] Cette preuve comprend, pour la majorité de ces établissements :

  • une visite des lieux (sauf pour les établissements situés à Nipawin et Saint-Anselme) par M. Filiatrault pour y prendre des photos et consommer de la nourriture;

  • production d’extraits de quotidiens locaux et nationaux et de guides faisant référence à ces établissements;

  • production d’extraits de sites Internet contenant des textes sur chacun de ces établissements.

[54]  L’Opposante a prouvé, par les visites de M. Filiatrault de ces établissements, qu’ils existent et opèrent sous les dénominations sociales ci-haut décrites. Par la date de publication de certains des extraits de quotidiens et de guides, l’Opposante a prouvé que ces établissements étaient en opération à la date pertinente. Quant à la renommée de chacune d’elles, la production de ces mêmes extraits, prouve qu’ils ont été publiés aux dates y mentionnées, mais ces extraits ne prouvent pas l’exactitude de leur contenu. De plus, je n’ai aucune information quant au nombre de canadiens qui auraient visités ces sites Internet ou le nombre de canadiens qui auraient lu les extraits de quotidiens ou de magazines produits par M. Filiatrault. Même si je peux prendre connaissance judiciaire que certains des quotidiens, dont sont tirés certains des extraits produits, (par exemple The Globe and Mail, Le Droit, The Ottawa Citizen et The Gazette) sont distribués au Canada, je n’ai aucune information sur le nombre de personnes qui auraient pu lire les extraits produits de ces journaux.

[55]  Pour ces motifs, je conclus que l’Opposante ne s’est pas déchargée de son fardeau initial de prouver que l’un de ces établissements était connu jusqu’à un certain point au Canada ou était bien connue dans une région précise du Canada de sorte que la Marque serait dépourvue de caractère distinctif.

[56]  Le premier volet du motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif de la Marque est également rejeté.

Réponses à certains commentaires formulés par la Requérante dans sa contre‑déclaration et son plaidoyer écrit

[57]  Tout d’abord, pour la majorité des motifs d’opposition plaidés par l’Opposante, la Requérante souligne, dans son plaidoyer écrit, qu’elle ignore sur quelle base l’Opposante soulève chacun des motifs d’opposition plaidés. Or, la Requérante n’a jamais déposé une demande pour obtenir la radiation de ces motifs d’opposition sous prétexte qu’ils étaient insuffisamment plaidés. De plus, la Cour d’appel fédérale dans Novopharm v AstraZeneca AB, 2002 CAF 387, 21 CPR (4th) 289 a clairement indiqué qu’une fois la preuve produite, un motif d’opposition doit se lire en conjonction avec cette preuve. Il ne fait aucun doute dans mon esprit, une fois la preuve de l’Opposante produite au dossier, que la Requérante savait ou devait savoir ce qu’elle avait à faire face dans cette opposition.

[58]  La Requérante a mentionné dans sa contre-déclaration que l’opposition devrait être rejeté au motif qu’elle a été formulée par «deux opposantes agissant conjointement, ce qui est contraire aux dispositions prévues à l’article 38(1) de la Loi». Aucune jurisprudence n’a été cité par la Requérante dans son plaidoyer écrit pour soutenir cette position. De plus l’article 38(1) stipule «Toute personne..». Cette expression ne limite pas la production d’une déclaration d’opposition à une seule entité. Également, dans l’Énoncé de pratique concernant la procédure d’opposition en matière de marque de commerce, en vigueur à compter du 31 mars 2009, il est clairement prévu à la section III qu’une déclaration d’opposition peut citer conjointement n’importe quel nombre de personnes à titre d’opposants.


 

Décision

[59]  En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu de l’article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement en application de l’article 38(8) de la Loi pour ce qui des Services et pour ce qui est du produit«bar laitier» et je rejette l’opposition pour ce qui est des Produits sauf pour ce qui est du produit «bar laitier» [voir Produits Ménagers Coronet Inc c Coronet-Werke Heinrich Schlerf Gmbh (1986), 10 CPR (3d) 482 (CF 1re inst) en tant qu’autorité en matière de décision partagée].

______________________________

Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada


 

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE: 2017-04-25

COMPARUTIONS

Barry Gamache

POUR LES OPPOSANTES

 

Aucune comparution

POUR LE OU LA REQUÉRANT(E)

 

AGENT(S) AU DOSSIER

Robic

POUR LES OPPOSANTES

De Granpré Chait

POUR LA REQUÉRANTE

 

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