Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2017 COMC 14

Date de la décision : 2017-02-15
[TRADUCTION CERTIFIÉE,
NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

 

673367 Ontario Ltd.

 

Opposante

et

 

Swatch AG (Swatch SA) (Swatch Ltd.)

Requérante

 

 

 



 

1,633,651 pour la marque de commerce iSWATCH (Dessin)

 

 

Demande

Introduction

[1]  673367 Ontario Ltd. (l’Opposante) s’oppose à l'enregistrement de la marque de commerce iSWATCH sous forme figurative (la Marque), reproduite ci-dessous, faisant l’objet de la demande d’enregistrement no 1,633,651 au nom de Swatch AG (Swatch SA) (Swatch Ltd.) (la Requérante).

[2]  La Marque fait l'objet d'une demande d'enregistrement en liaison avec des instruments d'horlogerie et des instruments chronométriques, des pièces connexes, des métaux précieux et leurs alliages, des produits faits ou plaqués de ces matériaux, ainsi qu'en liaison avec des services dans les domaines des instruments d'horlogerie et des bijoux, lesquels sont plus amplement décrits ci-dessous.

[3]  La question déterminante en l'espèce est celle de savoir si la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce i watch de l'Opposante enregistrée en liaison avec des montres-bracelets pour hommes et femmes.

[4]  Pour les raisons qui suivent, j'estime qu'il y a lieu de repousser en partie la demande d'enregistrement.

Le dossier

[5]  L'état déclaratif des produits et des services qui figure dans la demande d'enregistrement, produite le 3 juillet 2013, est libellé comme suit [Traduction] :

Produits : (1) Instruments d'horlogerie et instruments chronométriques, nommément montres, chronographes et réveils. (2) Métaux précieux et leurs alliages ainsi que produits faits ou plaqués de ces matériaux, nommément figurines, trophées, bijoux, nommément bagues, boucles d'oreilles, boutons de manchette, bracelets, breloques, broches, chaînes, colliers, pinces à cravate, attache, coffrets et écrins à bijoux, pierres précieuses, pierres semi-précieuses (gemmes); pièces et accessoires pour montres, chronographes et réveils.

Services : Services de magasin de vente au détail dans les domaines des instruments d'horlogerie et des bijoux, services de magasin de vente au détail en ligne dans les domaines des instruments d'horlogerie et des bijoux. Réparation et entretien d'instruments d'horlogerie et de bijoux.

[6]  La demande est fondée sur l'emploi de la Marque au Canada depuis au moins aussi tôt que le 24 octobre 2012 en liaison avec les produits (1) et sur l'emploi projeté en liaison avec les produits (2) et en liaison avec les services.

[7]  La demande a été annoncée dans le Journal des marques de commerce du 28 mai 2014.

[8]  La déclaration d'opposition a été produite le 26 septembre 2014. La Requérante a demandé une décision interlocutoire quant au caractère suffisant de certains paragraphes de la déclaration d'opposition. En conséquence, l'Opposante a produit une déclaration d'opposition modifiée le 17 novembre 2014.

[9]  Le 18 décembre 2014, le registraire a donné l'autorisation de produire la déclaration d'opposition modifiée et a statué sur le caractère suffisant des allégations contesté par la Requérante. L'allégation selon laquelle la demande n'était pas conforme aux exigences de l'article 30i) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) a été radiée par le registraire de sorte qu'il reste six motifs d'opposition.

[10]  De façon générale, les deux premiers motifs d'opposition portent que la demande n'est pas conforme aux exigences des articles 30b) et 30e) de la Loi, respectivement. Les autres motifs d'opposition sont les suivants : i) la Marque n'est pas enregistrable suivant l'article 12(1)d) de la Loi; ii) la Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement suivant les articles 16(1)a) et 16(3)a) de la Loi; et iii) la Marque n'est pas distinctive au sens de l'article 2 de la Loi. Ces autres motifs d'opposition reposent sur des allégations de confusion entre la Marque et la marque de commerce déposée i watch de l'Opposante (no LMC731,727), prétendument employée au Canada en liaison avec des montres-bracelets pour hommes, femmes et enfants, des horloges et des montres à attacher.

[11]  La Requérante a produit une contre-déclaration dans laquelle elle nie chacune des allégations formulées dans la déclaration d'opposition.

[12]  La preuve de l'Opposante est constituée d'une copie certifiée de l'enregistrement no LMC731,727. Cette copie certifiée délivrée le 23 février 2015 indique que la marque de commerce i watch de l'Opposante a été enregistrée en liaison avec des [Traduction] « montres-bracelets pour hommes, femmes et enfants, horloges et montres à attacher ».

[13]  Au soutien de sa demande, la Requérante a produit des copies certifiées de ses enregistrements no LMC333,168 relatif à la marque de commerce SWATCH Dessin, no LMC493,277 relatif à la marque SWATCH ACCESS Dessin et no LMC622,953 relatif à la marque SWATCH. Les détails de ces enregistrements sont fournis à l'annexe « A » de la présente décision.

[14]  Le 11 juillet 2016, la Requérante a reçu l'autorisation de produire une copie certifiée de l'enregistrement no LMC731,727 de l'Opposante comme preuve supplémentaire dans la présente procédure. Cette copie certifiée délivrée le 6 mai 2016 établit que l'enregistrement a été modifié le 8 avril 2016 afin de restreindre l'état déclaratif des produits à des [Traduction] « montres-bracelets pour hommes et femmes ».

[15]  Seule l'Opposante a produit un plaidoyer écrit.

[16]  Chaque partie était représentée à l'audience qui a été tenue.

Fardeau ultime et fardeau initial

[17]  C'est à la Requérante qu'incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la demande ne contrevient pas aux dispositions de la Loi ainsi qu'il est allégué dans la déclaration d'opposition. Cela signifie que, s'il est impossible d'arriver à une conclusion déterminante une fois que toute la preuve a été présentée, la question doit être tranchée à l’encontre de la Requérante. L'Opposante doit, pour sa part, s'acquitter du fardeau initial de prouver les faits sur lesquels elle appuie ses allégations. Le fait qu'un fardeau de preuve initial soit imposé à l'Opposante signifie qu'un motif d'opposition ne sera pris en considération que s'il existe une preuve suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l'existence des faits allégués à l'appui de ce motif d'opposition [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al, 2002 CAF 29, 20 CPR (4th) 155; et Wrangler Apparel Corp c The Timberland Company, 2005 CF 722, 41 CPR (4th) 223].

Motifs d’opposition rejetés sommairement

[18]  Dans son plaidoyer écrit, l'Opposante a indiqué qu'elle n'invoquerait aucun des autres motifs d'opposition que le motif d’opposition fondé sur l'enregistrabilité. À l'audience, l'Opposante a admis qu'aucune preuve n'avait été produite à l'appui de ces motifs d'opposition, mais qu'elle souhaitait les maintenir dans le cas où l'affaire serait portée en appel.

[19]  Par conséquent, les motifs d'opposition fondés sur la non-conformité de la demande aux articles 30b) et 30e) de la Loi, sur l'absence de droit de la Requérante à l'enregistrement de la Marque suivant les articles 16(1)a) et 16(3)a) de la Loi, et sur l'absence de caractère distinctif de la Marque sont rejetés, parce que l'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait.

Motif d’opposition fondé sur l'enregistrabilité

[20]  Le motif d'opposition porte que la Marque n'est pas enregistrable suivant l'article 12(1)d) de la Loi parce qu'elle crée de la confusion avec la marque de commerce i watch de l'Opposante (la Marque citée), qui fait l'objet de l'enregistrement no LMC731,727.

[21]  La date pertinente pour l'examen du motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d) est la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

[22]  J'ai exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire et je confirme que l'enregistrement de l'Opposante visant des [Traduction] « montres-bracelets pour hommes et femmes » existe. Étant donné que l'Opposante s'est acquittée de son fardeau de preuve initial, il reste à déterminer si la Requérante s'est acquittée de son fardeau ultime d'établir, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque ne risque pas de créer de la confusion avec la Marque citée.

[23]  Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. L’article 6(2) de la Loi prévoit que l'emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[24]  Lorsqu'il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles expressément énoncées à l'article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Le poids qu'il convient d'accorder à chacun de ces facteurs n'est pas nécessairement le même. [Voir Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22, 49 CPR (4th) 321; Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée et al, 2006 CSC 23, 49 CPR (4th) 401; et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27, 92 CPR (4th) 361 pour une analyse approfondie des principes généraux qui régissent le test en matière de confusion.]

[25]  Dans Masterpiece, supra, la Cour suprême du Canada a indiqué que le degré de ressemblance entre les marques est le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce, même s’il est mentionné en dernier lieu à l'article 6(5) de la Loi; la Cour a donc décidé de commencer son analyse par l'examen de ce facteur. J'en ferai autant.

Article 6(5)e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent

[26]  Il est bien établi en droit que, lorsqu’il s’agit de déterminer le degré de ressemblance entre des marques, il faut considérer les marques dans leur ensemble, et éviter de placer les marques côte à côte dans le but de les comparer et de relever des similitudes ou des différences entre leurs éléments constitutifs.

[27]  La première partie d'une marque de commerce est généralement considérée comme la plus importante pour l'appréciation de la probabilité de confusion [voir Conde Nast Publications Inc c Union Des Editions Modernes (1979), 46 CPR (2d) 183, à la p 188 (CF 1re inst)]. Au paragraphe 64 de la décision Masterpiece, la Cour affirme que, pour mesurer le degré de ressemblance, il est préférable de se demander d'abord si les marques présentent un aspect particulièrement frappant ou unique.

[28]  En l'espèce, le préfixe des marques des parties, c'est-à-dire la lettre « i », n'est pas particulièrement frappant ou unique. Le mot « watch » [montre] qui forme la Marque citée n'est pas non plus particulièrement frappant ou unique dans le contexte des produits visés par l'enregistrement de l'Opposante. Enfin, comme je l'expliquerai ci-dessous, bien que la Requérante fasse valoir que le mot SWATCH [échantillon] sera perçu comme un mot inventé, la Requérante reconnaît en fin de compte que SWATCH est un mot anglais d'usage courant. Ce dernier commentaire m'amène à examiner les représentations des parties en ce qui concerne le facteur énoncé à l'article 6(5)e).

[29]  L'Opposante prétend qu'elle est clairement favorisée par le facteur énoncé à l'article 6(5)e). Les extraits suivants de son plaidoyer écrit rendent compte des observations écrites de l'Opposante à cet égard [Traduction] :

35.  Les marques en cause sont pratiquement identiques dans la présentation et le son, étant donné qu'elles commencent toutes deux par la lettre « i » et se terminent toutes deux par le mot « watch » [montre]. La seule différence entre les deux marques dans le son est la présence d'une lettre unique, S, au milieu de la [Marque]. Même si la demande relative à la [Marque] visait une marque figurative, le seul aspect graphique de la marque en soi est une police de caractères stylisée avec la lettre « i » en gras et en italique.

36  Les deux marques ont un style visuel identique. La [Marque], dont la demande visait une marque figurative, contient uniquement des lettres minuscules, et la marque de commerce i watch, telle qu'elle figure dans la demande connexe et telle qu'elle figure dans l'Enregistrement relatif à la marque i watch, contient aussi uniquement des lettres minuscules.

37.  Les marques sont également identiques dans les idées qu'elles suggèrent. Bien que les marques soient toutes deux des mots inventés, le seul élément de chacune des marques ayant une définition du dictionnaire courante en anglais est le mot commun « watch » [montre], ce qui, dans le contexte des produits et des services respectifs des parties, suggère les idées de bijoux et d'horloges.

[30]  À l'audience, l'Opposante a ajouté que, étant donné que la Marque citée est une marque nominale, l'Opposante est libre, dans le champ d'application de son enregistrement, d'employer n'importe quelle police et style de caractères pour la lettre « i » et le mot « watch » [montre] (citant Masterpiece Inc, supra, au paragraphe 58). Par conséquent, l'Opposante a soutenu que les lettres stylisées formant la Marque ne sont pas utiles à la cause de la Requérante, parce que l'Opposante a droit d'employer les mêmes lettres stylisées dans la Marque citée.

[31]  Selon ce que je comprends de ses représentations orales, la Requérante conteste la prétention de l'Opposante selon laquelle la Marque se termine par le mot WATCH [montre]. La Requérante soutient que la Marque se termine par le mot SWATCH [échantillon]. Par conséquent, la Requérante soutient que les différences phonétiques et visuelles entre les mots SWATCH [échantillon] et WATCH [montre] sont suffisamment significatives pour distinguer les marques de commerce lorsque celles-ci sont considérées dans leur ensemble. De plus, la Requérante soutient que le mot SWATCH [échantillon] dans la Marque serait perçu comme un mot inventé de sorte que le consommateur ne réagirait pas à la Marque en pensant à des montres. À titre subsidiaire, la Requérante soutient que, tout au plus, le consommateur pourrait réagir au mot SWATCH [échantillon] en pensant à morceau de tissu, qui est la signification ordinaire du mot SWATCH.

[32]  J'ai exercé mon pouvoir discrétionnaire de consulter les dictionnaires et je confirme que SWATCH est un mot courant en langue anglaise, dont la signification première est un [Traduction] « échantillon, en particulier d'étoffe, de tissu ou de couleurs de peinture » [voir la version en ligne du Canadian Oxford Dictionary (2 éd.)].

[33]  De plus, si je considère la Marque dans le contexte des produits et des services visés par la demande, j'estime raisonnable de conclure que, sous le coup de la première impression, le consommateur réagirait à la Marque en pensant à des montres. Autrement dit, j'estime qu'il n'est pas raisonnable d'occulter le fait que le mot WATCH [montre] est visible dans la Marque.

[34]  Enfin, j'estime qu'il existe un degré de ressemblance significatif entre les marques de commerce dans la présentation et dans le son. En effet, j'estime que les lettres stylisées employées pour la lettre « i » et le mot SWATCH [échantillon] formant la Marque ne sont pas particulièrement frappantes ou uniques. En réalité, les lettres stylisées font en sorte que la Marque est perçue comme deux mots, ce qui, pourrait-on soutenir, augmente le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation. En outre, bien qu'ils ne soient pas identiques, j'estime que les mots WATCH [montre] et SWATCH [échantillon] se ressemblent dans la présentation et dans le son.

[35]  Par conséquent, l'examen global du facteur énoncé à l'article 6(5)e) favorise l'Opposante.

Article 6(5)a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[36]  L'examen global du facteur énoncé à l'article 6(5)a) exige de tenir compte aussi bien du caractère distinctif inhérent que du caractère distinctif acquis des marques de commerce des parties.

[37]  L'Opposante soutient que les marques de commerce possèdent toutes deux un caractère distinctif inhérent équivalent. Plus particulièrement, l'Opposante soutient que les marques de commerce possèdent un certain caractère distinctif inhérent, car elles constituent toutes deux des mots inventés n'ayant pas de signification claire en anglais ou en français. Cependant, étant donné sa prétention selon laquelle les marques de commerce sont toutes deux formées du mot du dictionnaire d'usage courant « watch » [montre], l'Opposante soutient qu'elles [Traduction] « possèdent un caractère distinctif inhérent plus faible que les marques inventées entièrement constituées de mots inventés ou uniques ».

[38]  La Requérante soutient que la Marque possède un caractère distinctif inhérent plus marqué que la Marque citée, qui possède seulement un faible caractère distinctif inhérent. Plus particulièrement, la Requérante soutient que la Marque citée possède un faible caractère distinctif inhérent parce qu'elle est formée de la lettre « i » suivie du nom des produits. Étant donné sa prétention selon laquelle le mot SWATCH [échantillon] dans la Marque serait perçu comme un mot inventé, la Requérante soutient que la Marque possède un caractère distinctif inhérent marqué. Enfin, la Requérante soutient que les caractéristiques graphiques de la Marque augmentent aussi son caractère distinctif inhérent.

[39]  Je souscris aux observations de la Requérante concernant le faible caractère distinctif inhérent de la Marque citée. Cependant, bien qu'il puisse ne pas être dénué de fondement que la Requérante fasse valoir que la Marque possède un caractère distinctif inhérent plus marqué que la Marque citée, j'estime que le caractère distinctif inhérent de la Marque n'est pas aussi significatif que le prétend la Requérante. D'une part, comme je l'ai indiqué ci-dessus, la Marque n'est pas dépourvue de connotation suggestive lorsqu'on considère les produits et services visés par la demande. De plus, j'estime qu'il ne s'agit pas en l'espèce d'une affaire dans laquelle les caractéristiques graphiques de la Marque augmentent significativement son caractère distinctif inhérent, étant donné que les lettres stylisées sont intrinsèques à la lettre « i » et au mot SWATCH [échantillon] [voir Canadian Jewish Review Ltd c le Registraire des marques de commerce (1961), 37 CPR 89 (C de l'É)].

[40]  Une marque de commerce peut acquérir une force accrue en devenant connue au Canada par la promotion ou l'emploi. Cependant, la Requérante n'a pas produit la moindre preuve pour établir que la Marque a acquis un caractère distinctif par la promotion ou l'emploi au Canada.

[41]  Quant à la Marque citée, la simple existence de l'enregistrement n’établit qu’un emploi minimal et ne permet pas de conclure à un emploi significatif et continu en liaison avec les produits visés par l'enregistrement de l'Opposante [voir Entre Computer Centers, Inc c Global Upholstery Co (1991), 40 CPR (3d) 427 (COMC)].

[42]  En l'espèce, l'Opposante soutient que je peux m'appuyer sur la décision rendue dans l'affaire Ridout & Maybee LLP c 673367 Ontario Ltd, 2016 COMC 1 concernant une procédure prévue à l'article 45 pour conclure qu'il y a eu davantage qu'un emploi minimal de la Marque citée en liaison avec les produits visés par l'enregistrement de l'Opposante. Selon ce que je comprends de ses représentations, l'Opposante fait valoir que je peux prendre en considération la preuve examinée par le registraire dans la décision susmentionnée. Je ne suis pas de cet avis. Étant donné que l'Opposante n'a pas fourni de jurisprudence à l'appui de ses observations, je me contenterai de dire que l'affidavit produit dans le cadre de la procédure prévue à l'article 45 ne fait pas partie de la preuve de l'Opposante en l'espèce. Le fait d'adopter l'approche que fait valoir l'Opposante s'avérerait très préjudiciable à la Requérante, qui n'a pas eu la possibilité de répondre à une telle preuve, pas plus que d'en vérifier la véracité.

[43]  En dernière analyse, contrairement aux représentations des parties, j'estime que l'examen global du facteur énoncé à l'article 6(5)a) ne favorise de manière significative ni l'une ni l'autre des parties. En tout état de cause, même si je concluais que la Marque possède un caractère distinctif inhérent légèrement plus marqué que la Marque citée, ce facteur n'a pas d'effet déterminant sur l'issue de l'opposition en l'espèce.

Article 6(5)b) – la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[44]  La Requérante n'a pas produit de preuve à l'appui de son allégation d’emploi de la Marque au Canada depuis au moins aussi tôt que le 24 octobre 2012 en liaison avec des [Traduction] « instruments d'horlogerie et instruments chronométriques, nommément montres, chronographes et réveils ». Tous les autres produits et les services énumérés dans la demande relative à la Marque sont fondés sur l'emploi projeté.

[45]  À titre comparatif, l'enregistrement de l'Opposante revendique l’emploi de la Marque citée au Canada depuis le 4 septembre 2007. Cependant, comme je l'ai indiqué ci-dessus, la simple existence de l'enregistrement ne permet pas de conclure à un emploi continu de la Marque citée au Canada.

[46]  En l'absence de preuve de l'emploi réel des marques de commerce au Canada, le facteur énoncé à l'article 6(5)b) ne favorise ni l'une ni l'autre des parties.

Articles 6(5)c) et d) – le genre de produits et services et la nature du commerce

[47]  C'est l'état déclaratif des produits et des services qui figure dans la demande relative à la Marque et l'état déclaratif des produits qui figure dans l'enregistrement de la Marque citée, à savoir [Traduction] « montres-bracelets pour hommes et femmes », qui doivent être considérés pour l'examen des facteurs énoncés aux articles 6(5)c) et d) au titre du motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d) [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF); et Miss Universe, Inc c Bohna (1994), 58 CPR (3d) 381 (CAF)].

[48]  En premier lieu, je souligne que, à l'audience, la Requérante a principalement fait valoir que, en raison du faible caractère distinctif inhérent de la Marque citée, les différences entre les marques de commerce des parties sont suffisantes pour les distinguer même si je concluais que les facteurs énoncés aux articles 6(5)c) et d) favorisent l'Opposante. En réalité, il ressort de l'audience que la Requérante :

·  reconnaît que les produits [Traduction] « instruments d'horlogerie et instruments chronométriques, nommément montres, chronographes et réveils » visés par la demande recoupent directement les produits de l'Opposante;

·  ne conteste pas les observations de l'Opposante selon lesquelles il existe un lien entre les produits [Traduction] « pièces et accessoires pour montres, chronographes et réveils » visés par la demande et les produits de l'Opposante;

·  ne prend pas position en ce qui concerne le bien-fondé des observations de l'Opposante selon lesquelles les autres produits visés par la demande, [Traduction] « métaux précieux et leurs alliages ainsi que produits faits ou plaqués de ces matériaux, nommément figurines, trophées, bijoux, nommément bagues, boucles d'oreilles, boutons de manchette, bracelets, breloques, broches, chaînes, colliers, pinces à cravate, attache, coffrets et écrins à bijoux, pierres précieuses, pierres semi-précieuses (gemmes) » (les Autres produits), se rapportent clairement aux bijoux, qui recoupent au moins indirectement les produits de l'Opposante; et

·  ne prend pas position en ce qui concerne le bien-fondé des observations de l'Opposante quant au lien qui existe entre les produits de l'Opposante et chacun des services visés par la demande, [Traduction] « services de magasin de vente au détail dans les domaines des instruments d'horlogerie et des bijoux, services de magasin de vente au détail en ligne dans les domaines des instruments d'horlogerie et des bijoux; réparation et entretien d'instruments d'horlogerie et de bijoux », étant donné qu'ils visent expressément des instruments d'horlogerie.

[49]  En dernière analyse, après examen des représentations des parties, j'estime que les produits [Traduction] « instruments d'horlogerie et instruments chronométriques, nommément montres, chronographes et réveils » de la Requérante recoupent les produits visés par l'enregistrement de l'Opposante. De plus, j'estime raisonnable de conclure à l'existence d'un lien entre les produits [Traduction] « pièces et accessoires pour montres, chronographes et réveils » de la Requérante et les produits visés par l'enregistrement de l'Opposante.

[50]  En ce qui concerne les Autres produits, en l'absence de représentations à l'effet contraire de la Requérante, j'estime raisonnable de conclure à un recoupement, qu'il soit direct ou indirect, entre des montres et des bijoux, y compris des produits reliés aux bijoux. Je suis d'avis que cette conclusion est étayée par le fait que les services visés par la demande et liés à la Marque sont décrits dans la demande comme étant des services dans les domaines des instruments d'horlogerie et des bijoux. Cependant, selon une interprétation raisonnable des Autres produits énumérés dans la demande, je ne souscris pas aux observations de l'Opposante selon lesquelles tous ces produits constituent [Traduction] « clairement des bijoux ». En effet, je suis d'avis que les [Traduction] « figurines », « trophées » et « attache » ne constituent pas des bijoux, pas plus qu'ils ne sont généralement considérés comme des bijoux ou des produits reliés aux bijoux.

[51]  Enfin, en l'absence de représentations à l'effet contraire de la Requérante, j'estime raisonnable de conclure à l'existence d'un lien entre les services visés par la demande et les produits visés par l'enregistrement de l'Opposante.

[52]  Quant à la nature du commerce, je suis consciente du fait que la Marque est liée à des services de magasin de vente au détail et à des services de magasin de vente au détail en ligne. Cependant, en l'absence de restriction dans l'état déclaratif des produits figurant dans la demande de la Requérante quant aux voies de commercialisation liées aux produits, dans l'examen de la question de la confusion, je ne peux tenir compte de la possibilité que la Requérante puisse uniquement vendre les produits visés par la demande par l'intermédiaire de voies de commercialisation en particulier comme ses propres magasins de vente au détail [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien, supra].

[53]  En l'espèce, ni l'une ni l'autre des parties n'a produit de preuve concernant la nature du commerce lié à sa marque de commerce. De plus, ni la demande de la Requérante ni l'enregistrement de l'Opposante ne limite les voies de commercialisation liées aux produits respectifs des parties.

[54]  Par conséquent, dans la mesure où j'ai conclu à l'existence d'un recoupement ou d'un lien entre les produits de l'Opposante et les produits de la Requérante autres que les [Traduction] « figurines », « trophées » et « attache », aux fins de l'appréciation de la confusion, je conclus aussi à l'existence d'une possibilité de recoupement des voies de commercialisation des parties.

[55]  Compte tenu de ce qui précède, à l'exception des produits [Traduction] « figurines », « trophées » et « attache » visés par la demande, l'examen des facteurs énoncés aux articles 6(5)c) et d) favorise l’Opposante.

Autre circonstance de l'espèce

[56]  Dans son plaidoyer écrit, l'Opposante prétend que les trois enregistrements appartenant à la Requérante [Traduction] « sont manifestement non pertinents » comme autre circonstance de l'espèce dans l'appréciation de la probabilité de confusion [annexe A de ma décision]. Cependant, il n'est pas nécessaire que j'examine davantage les observations de l'Opposante à cet égard.

[57]  En effet, à l'audience, la Requérante a confirmé qu'elle ne s'appuyait pas sur les enregistrements pour établir qu'elle est propriétaire d'une famille de marques de commerce formées du terme SWATCH [échantillon]. De plus, la Requérante a admis que sa propriété de ces enregistrements ne confère pas à la Requérante le droit d'obtenir automatiquement l'enregistrement de la Marque. La Requérante a plutôt soutenu que sa position voulant qu'il n'existe pas de probabilité de confusion entre la Marque et la Marque citée est étayée par le fait que la Marque citée a été enregistrée malgré les enregistrements antérieurs de la Requérante relatifs aux marques de commerce SWATCH Dessin, SWATCH ACCESS Dessin et SWATCH.

[58]  J'estime que les marques de commerce enregistrées antérieurement de la Requérante n'aident pas la Requérante à démontrer qu'il n'existe pas de probabilité de confusion entre la Marque et la Marque citée. D'une part, la Marque n'est identique à aucune des marques de commerce déposées de la Requérante. De plus, ce qui est tout aussi important, le fardeau de preuve qui incombe à un requérant est différent selon que la demande en est à l'étape de l'examen ou à l'étape de l'opposition. Plus particulièrement, à l'étape de l'examen, le registraire est tenu d'annoncer une demande, sauf s'il est convaincu que la marque de commerce n'est pas enregistrable [article 37 de la Loi]. À l'étape de l'opposition, il incombe au requérant de convaincre le registraire que la marque de commerce est enregistrable.

Conclusion quant à la probabilité de confusion

[59]  Comme je l’ai indiqué ci-dessus, l'article 6(2) de la Loi ne porte pas sur la confusion entre les marques de commerce elles-mêmes, mais sur la probabilité que des produits ou services provenant d'une source soient perçus comme provenant d'une autre source. En l'espèce, la question qui se pose est celle de savoir si un consommateur ayant un souvenir imparfait de la Marque citée croirait, à la vue de la Marque employée en liaison avec les produits et services de la Requérante, sous l’angle de la première impression, que les produits et services proviennent de l'Opposante ou sont parrainés ou approuvés par l'Opposante.

[60]  Je suis consciente que des différences relativement peu marquées peuvent suffire à distinguer entre elles des marques « faibles », c'est-à-dire des marques qui ne possèdent pas un caractère distinctif inhérent fort [voir GSW Ltd c Great West Steel Industries Ltd (1975), 22 CPR (2d) 154 (CF 1re inst)]. Cependant, la Requérante ne m’a pas convaincue que c’est le cas en l’espèce.

[61]  En effet, comme je l'ai indiqué ci-dessus, le degré de ressemblance entre la Marque et la Marque citée fait avancer de manière significative la cause de l’Opposante. Ceci, conjugué au recoupement ou au lien entre les produits des parties, à l'exception des produits [Traduction] « figurines », « trophées » et « attache » de la Requérante, au lien entre les produits de l'Opposante et les services de la Requérante, et à la possibilité de recoupement des voies de commercialisation, favorise l'Opposante. Je suis d'avis que le caractère distinctif inhérent légèrement plus marqué de la Marque n'est pas suffisant en soi pour faire pencher la prépondérance des probabilités en faveur de la Requérante.

[62]  Après avoir soupesé tous les facteurs énoncés à l'article 6(5) de la Loi ainsi que leur importance relative, au mieux pour la Requérante et à l'exception de ses produits [Traduction] « figurines », « trophées » et « attache », je conclus que la prépondérance des probabilités est également partagée entre la conclusion qu'il n'existe pas de probabilité raisonnable de confusion et la conclusion qu'il existe une probabilité raisonnable de confusion.

[63]  Comme la Requérante a le fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe pas de probabilité raisonnable de confusion, je dois conclure que la Requérante ne s'est pas acquittée de son fardeau d'établir qu'il n'existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque citée et la Marque, à l'exception des produits [Traduction] « figurines », « trophées » et « attache » visés par la demande. En effet, malgré le degré de ressemblance entre les marques de commerce, j'estime que les différences entre les produits [Traduction] « figurines », « trophées » et « attache » de la Requérante et les produits de l'Opposante sont suffisantes pour faire pencher de façon décisive la prépondérance des probabilités en faveur de la Requérante.

[64]  Par conséquent, le motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d) est accueilli en ce qui concerne tous les produits autres que les [Traduction] « figurines », « trophées » et « attache », ainsi qu'en ce qui concerne tous les services liés à la Marque.

[65]  J'aimerais ajouter que, si la Requérante avait fourni une preuve que j’aurais considérée comme suffisante pour me permettre de tirer une conclusion significative en ce qui concerne le caractère distinctif acquis de la Marque ou la propriété qu'a la Requérante d'une famille de marques de commerce SWATCH, ceci aurait pu être suffisant pour faire pencher la prépondérance des probabilités en faveur de la Requérante.

Décision

[66]  Compte tenu de ce qui précède, dans l'exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d'enregistrement no 1,633,651 selon les dispositions de l'article 38(8) de la Loi relativement à tous les services et aux produits suivants [Traduction] :

(1) Instruments d'horlogerie et instruments chronométriques, nommément montres, chronographes et réveils. (2) Métaux précieux et leurs alliages ainsi que produits faits ou plaqués de ces matériaux, nommément […] bijoux, nommément bagues, boucles d'oreilles, boutons de manchette, bracelets, breloques, broches, chaînes, colliers, pinces à cravate, […] coffrets et écrins à bijoux, pierres précieuses, pierres semi-précieuses (gemmes); pièces et accessoires pour montres, chronographes et réveils.

[67]  Cependant, je rejette l'opposition selon les dispositions de l'article 38(8) de la Loi relativement aux produits suivants [Traduction] :

[…] (2) Métaux précieux et leurs alliages ainsi que produits faits ou plaqués de ces matériaux, nommément figurines, trophées, […] attache […].

[Voir Produits Menagers Coronet Inc c Coronet-Werke Heinrich Schlerf Gmbh (1986), 10 CPR (3d) 492 (CF 1re inst) à titre d’autorité jurisprudentielle permettant de rendre une décision partagée].

______________________________

Céline Tremblay

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Marie-Pierre Hétu, trad.


 

Annexe A

 

Marque de commerce

No d'enregistrement

Date d'enregistrement

Produits/revendications [Traduction]

LMC333,168

16 octobre 1987

Montres et pièces connexes.

Employée au Canada depuis aussi tôt que le 25 juillet 1984.

LMC493,277

20 avril 1998

Montres et leurs parties.

Employée au Canada depuis au moins aussi tôt que le 2 août 1996.

SWATCH

LMC622,953

20 octobre 2004

Articles de bijouterie, nommément : bagues, bracelets, colliers, boucles d'oreilles, boutons de manchettes et pendentifs.

Employée au Canada depuis au moins aussi tôt que le 29 septembre 2000.

 


 

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

 

 

DATE DE L’AUDIENCE : 2016-10-13

 

COMPARUTIONS

 

Shane Hardy  POUR L'OPPOSANTE

 

Barry Gamache  POUR LA REQUÉRANTE

 

AGENT(S) AU DOSSIER

 

CASSELS BROCK & BLACKWELL LLP  POUR L’OPPOSANTE

 

ROBIC  POUR LA REQUÉRANTE

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