Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

BW v2 Logo

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2016 COMC 199

Date de la décision : 2016-12-30

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

 

Zast-Foods Corporation

Opposante

et

 

nud fud Inc.

Requérante

 

 

 



 

1,622,447 pour la marque de commerce NUD & Dessin

 

 

Demande

[1]  Zast-Foods Corporation s'oppose à l'enregistrement de la marque de commerce NUD & Dessin, reproduite ci-dessous (la Marque), qui fait l'objet de la demande no 1,622,447 produite par nud fud Inc.

nud & Design

[2]  La demande a été produite sur la base de l'emploi de la Marque au Canada depuis au moins aussi tôt que le 10 septembre 2010 en liaison avec des [Traduction] « grignotines crues, végétaliennes, biologiques et sans gluten, nommément craquelins au sésame, craquelins au lin, barres à base de graines et granola ».

[3]  L'Opposante s'est opposée à la demande relative à la Marque pour les motifs suivants : i) la demande n'est pas conforme aux exigences de l'article 30 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi); ii) la Marque n'est pas enregistrable suivant l'article 12(1)d) de la Loi; iii) la Requérante n'a pas droit à l'enregistrement de la Marque suivant l'article 16 de la Loi; et iv) la Marque n'est pas distinctive au sens de l'article 2 de la Loi.

[4]  Les trois derniers motifs d’opposition concernent la probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce suivante de l'Opposante :

·  NUD FRUIT (enregistrement no LMC834,734). 

La marque susmentionnée de l'Opposante est enregistrée en liaison avec des [Traduction] « fruits congelés et légumes congelés ».

[5]  Pour les raisons exposées ci-dessous, je repousse la demande d'enregistrement relative à la Marque.

Le dossier, le fardeau de preuve et les dates pertinentes

[6]  La demande relative à la Marque a été produite le 12 avril 2013.

[7]  La demande a été annoncée aux fins d'opposition dans le Journal des marques de commerce du 30 avril 2014. Le 27 juin 2014, l'Opposante a produit une déclaration d'opposition à l'encontre de la demande en vertu de l'article 38 de la Loi. Le 27 août 2014, la Requérante a produit et signifié sa contre-déclaration.

[8]  Au soutien de son opposition, l'Opposante a produit l'affidavit de Jayne Hughes, souscrit le 23 décembre 2014, accompagné des pièces A à Z. Mme Hughes n'a pas été contre-interrogée relativement à son affidavit.

[9]  Au soutien de sa demande, la Requérante a produit l'affidavit de Julia Kirouac, souscrit le 8 avril 2015, accompagné des pièces A à L. Mme Kirouac a été contre-interrogée relativement à son affidavit, et la transcription du contre-interrogatoire ainsi que les engagements font partie du dossier.

[10]  Les parties ont toutes deux produit un plaidoyer écrit et étaient toutes deux représentées à l'audience qui a été tenue.

[11]  C'est à la Requérante qu'incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L'Opposante doit toutefois s'acquitter du fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l'existence des faits allégués à l'appui de chacun des motifs d'opposition [voir John Labatt Limited c The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al, 2002 CAF 29, 20 CPR (4th) 155; et Wrangler Apparel Corp c The Timberland Company, 2005 CF 722, 41 CPR (4th) 223]. Le fait que le fardeau ultime incombe à la Requérante signifie que, s'il est impossible d'arriver à une conclusion déterminante une fois que toute la preuve a été présentée, la question doit être tranchée à l'encontre de la Requérante.

[12]  En ce qui concerne les motifs d'opposition, ce sont les dates pertinentes suivantes qui s'appliquent :

  • Articles 38(2)a)/30 – la date de production de la demande, soit le 12 avril 2013 [voir Georgia-Pacific Corporation c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469, à la p 475 (COMC) et John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293, à la p 296 (CF 1re inst) pour ce qui est de l'article 30b); et Tower Conference Management Co c Canadian Exhibition Management Inc (1990), 28 CPR (3d) 428, à la p 432 (COMC) pour ce qui est de l'article 30i)];

  • Articles 38(2)b)/12(1)d) – la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corp c Wickes/Simmons Bedding Ltd (1981), 37 CPR (3d) 413 (CAF)];

  • Articles 38(2)c)/16(1)b) – la date de premier emploi ou de révélation, soit le 10 septembre 2010 en l'espèce [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc (2004), 34 CPR (4th) 317 (CF 1re inst)]; et

  • Articles 38(2)d)/2 – la date de production de la déclaration d'opposition, soit le 27 juin 2014 [voir Metro-Goldwyn-Mayer, supra].

 

Aperçu de la preuve des parties

 

La preuve de l'Opposante

 

L'affidavit Hughes

[13]  Mme Hughes est la vice-présidente à l'exploitation de l'Opposante et elle occupe ce poste depuis 2007.

[14]  Mme Hughes atteste que l'Opposante a été fondée en 2006 et qu'elle [Traduction] « crée des marques alimentaires originales et des marques destinées à un conditionnement à forfait à l'intention du public », de tels produits étant offerts dans les cinémas et les sites d'événement, de même que dans les épiceries, les dépanneurs et les clubs-entrepôts.

[15]  Mme Hughes atteste que l'Opposante emploie sa marque de commerce NUDE FRUIT depuis 2010 en liaison avec des produits de fruits congelés sous les sous-marques suivantes : « wild and crazy blueberries », « blushing strawberries », « four very bare berries », « ravishing raspberries », « loveable sour cherries », « scrumptious antioxidant » et « peachy keen ». Mme Hughes atteste que l'Opposante appose aussi sa marque de commerce NUDE FRUIT sur ses produits de légumes congelés « Just Chillin ».

[16]  En ce qui concerne la liaison de la marque NUDE FRUIT avec les produits susmentionnés, Mme Hughes fournit ce qui suit :

·  Pièces A à G – des fiches de produits se rapportant aux produits de fruits congelés susmentionnés qui comprennent des images des emballages de produits correspondants arborant la marque de commerce NUDE FRUIT, comme dans l'image suivante :

·  Pièce H – des copies d'emballages des produits de fruits congelés susmentionnés arborant la marque de commerce NUDE FRUIT de la même manière que dans les images d'emballages en pièces A à G.

·  Pièces I et J – des fiches de produits se rapportant au produit « Just Chillin » qui comprennent des images des emballages de produits correspondants. Les produits sont des carottes congelées et des édamames congelées. Bien que ce ne soit pas tout à fait clair, il se pourrait que la marque de commerce NUDE FRUIT figure dans un petit dessin de feuille dans la partie supérieure droite de la marque « Just Chillin », qui est inscrite en plus gros caractères sur l'emballage des carottes congelées; cependant, je ne vois pas la marque de commerce NUDE FRUIT sur l'emballage des édamames congelées.

·  Pièce K – une copie d'une publicité que Mme Hughes fournit pour montrer la manière dont la marque de commerce NUDE FRUIT est présentée sur les produits « Just Chillin » et le matériel de marketing. La marque NUDE FRUIT figure sur l'emballage d'oignons congelés et d'édamames congelées dans un petit dessin de feuille dans la partie supérieure droite de la marque « Just Chillin », qui est inscrite en plus gros caractères.

[17]  En ce qui concerne les ventes des produits susmentionnés, Mme Hughes atteste que, depuis 2010, les ventes se sont élevées à environ 1,14 million de dollars. Elle fournit ensuite une répartition des ventes par année pour les années 2010 à 2014 (jusqu'à la date de son affidavit). Elle fournit également une liste de magasins d'alimentation spécialisée/épiceries dans lesquels les produits susmentionnés sont offerts, ainsi qu'une liste de grandes chaînes d'épiceries où ces produits sont vendus.

[18]  En ce qui concerne le marketing des produits NUDE FRUIT susmentionnés, Mme Hughes atteste que, depuis 2010, l'Opposante participe à des salons commerciaux et à des activités de vente en gros, mène des sondages auprès des consommateurs et tient des dégustations en magasin, événements dans le cadre desquels du matériel promotionnel est présenté. À titre d'exemple de ce matériel promotionnel, Mme Hughes fournit comme pièces L à T des images de bannières, d'un kiosque d'exposition, d'une brochure et d'articles promotionnels comme des balles antistress et des sacs isothermes réutilisables, des coupons et des [Traduction] « aimants pour portes de congélateur », arborant tous la marque de commerce NUDE FRUIT.

[19]  Mme Hughes décrit ensuite divers salons commerciaux de l'industrie auxquels l'Opposante a participé dans l'ensemble du Canada au cours des années 2010 à 2014, dans le cadre desquels, affirme-t-elle, la marque de commerce NUDE FRUIT a été présentée sur une bannière et d'autres éléments promotionnels, comme des fiches de produits, des brochures de produits, des articles promotionnels et des coupons arborant la marque de commerce NUDE FRUIT, ont été distribués. Elle fournit également des renseignements sur le nombre de participants et le profil des participants (c.-à-d. dépanneurs et distributeurs d'essence, courtier en alimentation, etc.).

[20]  En ce qui concerne les dégustations de produits en magasin, Mme Hughes fournit des détails sur de telles dégustations tenues à divers endroits en Ontario au cours des années 2010 à 2014, y compris les endroits précis, le nombre de dégustations tenues par année à chaque endroit et le nombre de participants. Elle atteste également que la marque NUDE FRUIT a été présentée à l'occasion de ces dégustations sur une bannière et un présentoir et sur des brochures, ainsi que sur des coupons et des articles promotionnels distribués pendant les dégustations.

[21]  En ce qui a trait à la publicité, Mme Hughes affirme que, en mars 2014, l'Opposante a été mentionnée dans Chatelaine, un magazine qui, atteste-t-elle, a un tirage d'environ 500 000 exemplaires au Canada. Elle joint un extrait du magazine en pièce U. Elle atteste aussi que les produits NUDE FRUIT de l'Opposante occupent également une place importante dans les paniers « Santa’s Choice », un programme d'achat et de livraison de paniers de Noël. Elle atteste que le catalogue Santa’s Choice de 2014, dans lequel les produits NUDE FRUIT sont présentés, a été distribué à 58 000 personnes dans l'ensemble du Canada. À l'appui, elle joint un extrait du catalogue en pièce V. Elle atteste qu'un calendrier « Santa’s Choice » présentant les produits NUDE FRUIT a aussi été distribué en 2014 à 10 500 personnes dans l'ensemble du Canada et, de la même manière, elle fournit un extrait à l'appui comme pièce W. Enfin, elle atteste que le site Web du programme « Santa’s Choice », dans lequel les produits NUDE FRUIT sont présentés, [Traduction] « enregistre mensuellement environ 30 000 sessions de page et près de 200 000 pages vues ».

[22]  Selon Mme Hughes, l'Opposante a appris l'existence de la Requérante et de sa marque NUD lorsqu'elle a reçu des demandes de renseignements de la part de clients et d'amis qui avaient regardé un épisode de The Dragon’s Den diffusé le 26 novembre 2011 au réseau de télévision CBC. Elle atteste que toutes les demandes de renseignements, dont trois dont elle s'est occupée personnellement, provenaient de personnes qui connaissaient les produits et la marque de commerce de l'Opposante et demandaient si la Requérante et ses produits NUD FUD étaient liés à l'Opposante.

[23]  Enfin, Mme Hughes atteste que la Requérante a antérieurement produit une demande d'enregistrement relative à la même marque de commerce NUD; cependant, elle croit comprendre que, en raison du défaut de produire une contre-déclaration, la demande a été réputée abandonnée le 18 juillet 2013.

La preuve de la Requérante

L'affidavit Kirouac

[24]  Mme Kirouac est la présidente et directrice générale de la Requérante, antérieurement une entreprise à propriétaire unique faisant affaire sous le nom de nud fud (la Prédécesseure) enregistrée dans la province de l'Ontario le 16 avril 2010.

[25]  Mme Kirouac affirme qu'elle a créé la Marque en janvier 2010 et qu'elle l'a présentée dans le cadre d'un projet scolaire alors qu'elle fréquentait l'Institut de nutrition holistique. Elle explique également que la Marque a été adoptée comme logo par la Prédécesseure et qu'elle est employée sur du papier à en-tête, des factures, des emballages et du matériel promotionnel depuis avril 2010.

[26]  Mme Kirouac parle ensuite d'une demande antérieure relative à la Marque et des raisons expliquant pourquoi cette demande a été abandonnée et une nouvelle demande (la demande actuelle) a été produite. À cet égard, elle atteste que, dans la demande initiale, elle a présumé à tort que la date de premier emploi était la date à laquelle elle a commencé à employer la Marque en liaison avec la société enregistrée. Elle explique cependant qu'elle a plus tard été informée, lorsqu'elle a sollicité un avis juridique, que la date de premier emploi était en réalité la date de la première vente et que cette date ne pouvait pas être modifiée après l'annonce de la marque de commerce. Elle atteste qu'on lui a également conseillé d'abandonner la demande et de produire une nouvelle demande avec la date de premier emploi révisée; elle a donc produit une nouvelle demande relative à la Marque le 16 avril 2013 avec la date de premier emploi révisée du 10 septembre 2010 et a inclus les renseignements actualisés du requérant.

[27]  En ce qui concerne le genre des produits, Mme Kirouac atteste que la Requérante produit (comme le faisait sa Prédécesseure) des grignotines saines, crues, biologiques, végétaliennes, sans gluten, paléo, sans noix (craquelins, barres à base de graines et granola déshydratés). Elle atteste que la Marque figure bien en vue sur tous les emballages, comme le montrent les emballages de produits illustrés aux pièces C et D, et ce, depuis le lancement initial des produits en septembre 2010. Je souligne que la Marque figure clairement sur les emballages montrés dans ces pièces en liaison avec les produits visés par la demande. Mme Kirouac atteste en outre que les premières ventes commerciales ont été faites au Vegetarian Food Festival tenu du 10 septembre au 12 septembre 2010 à Toronto et elle fournit comme pièce E le reçu des frais payés au fournisseur pour son kiosque lors de l'événement.

[28]  Mme Kirouac décrit ensuite le genre d'entreprise et les voies de commercialisation de la Requérante, attestant que ses produits sont offerts en ligne, dans les magasins d’alimentation naturelle, dans les magasins spécialisés et dans les rayons des aliments crus, biologiques, sans gluten ou naturels des épiceries. Elle affirme que les produits de la Requérante sont vendus dans plus de 275 établissements répartis dans 132 villes dans l'ensemble du Canada et des États-Unis, et elle fournit les chiffres des ventes annuelles des produits au Canada pour les années 2010 à 2014.

[29]  En ce qui concerne l'annonce et la promotion des produits en liaison avec la Marque, Mme Kirouac explique qu'il y a eu des investissements considérables à cet égard. Elle affirme que cela inclut la présentation bien en vue de la Marque sur des panneaux, des bannières et du matériel de marketing à l'occasion de salons commerciaux et d'événements, y compris de vastes programmes de dégustation en magasin, dont elle fournit des photographies à titre d'exemple en pièce G. Elle fournit également des détails à propos de plusieurs salons commerciaux et événements tenus tant au Canada qu'aux États-Unis auxquels la Requérante a participé en tant qu'exposante.

[30]  En plus des salons commerciaux et des événements de l'industrie, Mme Kirouac atteste que la Requérante a eu une grande visibilité sur les médias sociaux ainsi qu'à la télévision. À l'appui, elle fournit des détails à propos du site Web de la Requérante, de ses abonnés sur Facebook, Twitter et Instagram, et de sa présence sur Pinterest et dans des recherches ciblées lancées dans Google. Elle fournit également des renseignements en ce qui concerne la présentation de la Marque de la Requérante et des produits qui lui sont liés à l'émission The Dragon’s Den du réseau de télévision CBC, ainsi qu'aux émissions Breakfast Television et The Marilyn Denis Show, et sur les chaînes CHCH TV et Rogers.

[31]  Mme Kirouac atteste que les produits de la Requérante ont été mentionnés dans divers magazines, journaux et médias numériques. Elle fournit des spécimens de publicités et d'articles présentant les produits, qui comprennent un encart inséré dans le Toronto Star daté d'octobre 2010.

[32]  Mme Kirouac atteste que, mis à part ceux mentionnés par l'Opposante, elle n'a eu vent d'aucun problème concernant la Marque signalé par d'autres relations de l'industrie, des employés, des fournisseurs, des distributeurs, des courtiers, des acheteurs en gros ou au détail, ou par l'intermédiaire des médias sociaux. Elle formule ensuite, dans le reste de son affidavit, des observations concernant les éléments de confusion et les circonstances de l'espèce. À cet égard, Mme Kirouac présente des observations concernant les différences entre les marques des parties aux termes des articles 6(5)c), d) et e) de la Loi, et les différences entre les emballages de produits respectifs des parties. Enfin, elle atteste que les marques des parties coexistent depuis un certain temps et qu'il existe d'autres enregistrements visant des aliments et des marques liées à des aliments qui comprennent le mot « nude » [nu] ou « nud ». À l'appui, elle joint comme pièce L une liste de telles marques de commerce.

Résumé du contre-interrogatoire de Mme Kirouac

[33]  Au début du contre-interrogatoire, on demande à Mme Kirouac comment elle prononce le nom de sa société (voir la Q 5 [Traduction] : Donc, nud rime avec mood [humeur]) puis on attire l'attention sur le matériel de marketing présenté sur le site Web de la Requérante en ce qui a trait à « nud » qui est annoncé comme « nude » [nu].

[34]  On pose par la suite à Mme Kirouac plusieurs questions concernant la première demande de la Requérante relative à la Marque, dont des questions à propos des recherches de marques de commerce effectuées avant la production de cette demande et de la connaissance de la marque de l'Opposante. Mme Kirouac indique qu'elle ne se rappelle pas avoir vu la marque de l'Opposante à cette époque. On l'interroge également à propos d'un autre changement apporté à la demande subséquente (ou actuelle) relative à la Marque qui n'est pas mentionné dans son affidavit, c'est-à-dire le changement dans la description des produits pour retirer [Traduction] « sucré aux fruits » de l'état déclaratif des produits. On lui demande aussi une copie de l'avis juridique mentionné au paragraphe 8 de son affidavit qu'elle a sollicité après que l'Opposante a engagé son opposition à l'encontre de la première demande de la Requérante. L'avis juridique a été produit en réponse aux engagements.

[35]  On interroge également Mme Kirouac à propos du genre/de la composition des produits de la Requérante (c.-à-d., sains, crus, végétaliens, paléo, biologiques, etc.) et on l'interroge à savoir si les produits de l'Opposante correspondent à ces descripteurs/catégories de produits. On la questionne aussi à savoir où les produits de la Requérante sont actuellement distribués et vendus.

[36]  On interroge ensuite Mme Kirouac à propos des emballages de produits des parties et des dessins de feuille qui leur sont associés, ainsi que sur ce que laisse entendre à son avis le mot « nud » en liaison avec des aliments. Elle répond que [Traduction] « […], en général, je dirais que cela signifie qu'il s'agit d'aliments nus, non transformés, dans leur forme la plus simple ».

[37]  Enfin, on interroge Mme Kirouac à propos des résultats de la recherche de marques de commerce jointes en pièce L de son affidavit, et plus précisément à savoir quelles marques de commerce comprises dans les résultats de recherche comportent des aliments dans l'état déclaratif de leurs produits ou services.

Motifs d’opposition

Motif d'opposition rejeté sommairement – article 16(1)b)

[38]  L'Opposante a le fardeau de preuve initial de démontrer non seulement que la demande qu'elle invoque a été produite avant la date de premier emploi revendiquée, mais également qu'elle était en instance à la date d'annonce de la présente demande (30 avril 2014) [voir l'article 16(4) de la Loi].

[39]  J'ai exercé mon pouvoir discrétionnaire de consulter le registre pour confirmer l'existence de la demande invoquée par l'Opposante [voir Quaker Oats of Canada Ltd/La Compagnie Quaker Oats du Canada Ltée c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)]. À cet égard, je souligne que, en l'espèce, bien que la demande de l'Opposante ait été produite avant la date pertinente, elle avait abouti à un enregistrement avant le 30 avril 2014. Par conséquent, la demande de l'Opposante n'était plus en instance à la date d'annonce de la Marque.

[40]  En conséquence, ce motif d'opposition est rejeté.

Motif fondé sur l'article 30b)

[41]  L'Opposante allègue que la demande n'est pas conforme aux exigences de l'article 30b) de la Loi, parce que la Marque n'a pas été employée au Canada par la Requérante depuis la date de premier emploi revendiquée et qu'elle continue à ne pas être employée par la Requérante.

[42]  Dans la mesure où les faits pertinents se rapportant à un motif d’opposition fondé sur l’article 30b) de la Loi sont plus facilement accessibles à la Requérante, le fardeau de preuve initial qui incombe à l’Opposante à l'égard de ce motif est relativement léger [voir Tune Master c Mr P’s Mastertune Ignition Services Ltd (1986), 10 CPR (3d) 84 (COMC)]. De plus, l’Opposante peut s’appuyer à la fois sur sa propre preuve et sur celle de la Requérante pour s’acquitter de son fardeau de preuve initial [Labatt Brewing Company Limited c Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 CPR (3d) (CF 1re inst), 216, à la p 230].

[43]  En l'espèce, l'Opposante s'appuie sur la preuve de la Requérante pour s'acquitter de son fardeau de preuve. À cet égard, l'Opposante soutient que la Requérante n'a pas fourni la moindre preuve d'emploi de la Marque en liaison avec les produits visés par la demande au sens de l'article 4(1) de la Loi. Plus précisément, l'Opposante soutient que la Requérante n'a pas fourni la moindre preuve pour démontrer que des produits ont été transférés dans la pratique normale du commerce à la date de premier emploi alléguée. L'Opposante soutient que la seule preuve produite par la Requérante est une facture de l'Association des végétariens de Toronto se rapportant au paiement d'un [Traduction] « kiosque d'exposition » datée du 30 septembre 2010 et que les premières factures relatives à des produits fournis par la Requérante sont datées du 1er octobre 2010 et du 10 octobre 2010. L'Opposante soutient que la simple affirmation voulant que la Requérante ou sa prédecesseure en titre aient réalisé des ventes ne constitue pas, en soi, une preuve suffisante de l'emploi de la Marque au Canada au sens de l'article 4(1) de la Loi [citant Constellation Brands Quebec Inc c A Lassande Inc, 2015 COMC 26, au para 23, citant Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980) 53 CPR (4th) 62]. De plus, l'Opposante soutient que la simple annonce et la simple promotion des produits, par exemple à l'occasion d'un salon commercial, ne constituent pas une preuve d'emploi d'une marque de commerce en liaison avec des produits; il doit plutôt exister une preuve d'un transfert de propriété [citant Gesco Industries Inc c Sim & McBurney (2000), 2000 CanLII 16369 (CAF), 9 CPR (4th) 480 (CAF); Jamieson Laboratories Ltd c Jensens Laboratories Inc, 2013 COMC 226].

[44]  À l'audience, l'Opposante a soutenu que ce qui soulèverait également un doute en ce qui concerne la date de premier emploi revendiquée par la Requérante est que cette demande n'est pas la première demande produite relativement à la Marque. Plus précisément, l'Opposante a souligné le fait que la première demande a été considérée abandonnée parce que la Requérante n'avait pas produit de contre-déclaration. En outre, l'Opposante a fait remarquer que la première demande comprenait une date de premier emploi qui est différente de la date de premier emploi revendiquée dans la demande actuelle. L'Opposante a soutenu que l'explication entourant les incohérences entre la première et la deuxième demande donnée au paragraphe 8 de l'affidavit Kirouac pourrait constituer un motif de mettre en doute la date de premier emploi.

[45]  La Requérante soutient qu'elle a fourni une preuve de transactions commerciales pour ses produits de marque qui est compatible avec la date de premier emploi revendiquée dans la Demande et que l'Opposante n'a pas fourni la moindre preuve pour contester la date revendiquée.

[46]  En réponse aux commentaires de l'Opposante à l'audience concernant la première demande, la Requérante a soutenu qu'une explication a été donnée dans l'affidavit Kirouac quant à la raison pour laquelle une demande antérieure relative à la même marque avait été produite avec une date de premier emploi incorrecte et avait par la suite été abandonnée. La Requérante a soutenu qu'il aurait été absurde de remplacer la date de premier emploi incorrecte par une autre date de premier emploi également incorrecte.

[47]  Après examen de la preuve de la Requérante, je ne vois rien d'incompatible avec la date de premier emploi revendiquée dans la demande ou le fait que Mme Kirouac avait mal compris, après avoir sollicité un avis juridique, ce qui constituait un « emploi » au sens de l'article 4(1) de la Loi. À cet égard, l'explication qu'elle donne dans son affidavit concernant l'abandon de la première demande relative à la Marque est sensée (voir la règle 32b) du Règlement sur les marques de commerce). En outre, elle atteste aussi clairement que les premières ventes commerciales de ses produits arborant la Marque bien en vue (tel que l'illustre l'emballage de la pièce C) ont été faites au Vegetarian Food Festival, qui s'est tenu du 10 au 12 septembre 2010. S'il est vrai qu'elle n'a pas fourni de factures ni de reçus de vente liés aux produits, en l'espèce, le reçu des frais payés au fournisseur relativement à l'événement qu'elle fournit en pièce E est compatible avec sa déclaration et la corrobore. D'ailleurs, les affaires citées ci-dessus par l'Opposante ne sont d'aucun secours en l'espèce, car l'opposant (voir Constellation Brands, supra), le propriétaire inscrit (selon Gesco, supra) et le requérant (voir Jamieson Laboratories, supra) avaient le fardeau d'établir l'emploi de leurs marques respectives au sens de l'article 4 de la Loi. En l'espèce, j'estime que l'Opposante ne s'est pas acquittée de son fardeau de preuve à l'égard de ce motif d'opposition, et par conséquent, le fardeau de preuve n'est pas transféré à la Requérante.

[48]  Par conséquent, le motif d'opposition fondé sur l'article 30b) de la Loi est rejeté.

Motif fondé sur l'article 30i)

[49]  Lorsqu’un requérant a fourni la déclaration exigée par l’article 30i) de la Loi, un motif d’opposition fondé sur l’article 30i) ne devrait être accueilli que dans des cas exceptionnels, comme lorsqu’il existe une preuve que le requérant est de mauvaise foi [voir Sapodilla Co Ltd c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC), à la p 155].

[50]  L'Opposante allègue que, étant donné qu'elle avait produit une opposition antérieure le 4 février 2013 à l'encontre d'une demande relative à une marque de commerce identique produite antérieurement par la directrice de la Requérante, Julia Kirouac (demande no 1,525,490 – NUD & Dessin, produite le 28 avril 2011), la Requérante ne pouvait pas déclarer honnêtement qu'elle était convaincue d'avoir droit d'employer la Marque au Canada en liaison avec les produits décrits dans la demande. À cet égard, l'Opposante soutient que, dans la déclaration d'opposition antérieure, l'Opposante a déclaré clairement dans ses motifs d'opposition que la Marque créait de la confusion avec la marque de l'Opposante.

[51]   En premier lieu, même si la Requérante connaissait la marque de commerce de l'Opposante, la simple connaissance de l'existence de la marque de commerce de l'Opposante ne peut pas, en soi, servir de fondement à une allégation selon laquelle la Requérante ne pouvait pas être convaincue de son droit à l'emploi de la Marque [voir Woot, Inc c Woot Restaurants Inc Les Restaurants Woot Inc 2012 COMC 197]. De plus, comme je l'ai déjà mentionné à l'égard du motif d'opposition fondé sur l'article 30b) de la Loi, je suis convaincue que la Requérante a donné une explication raisonnable à propos de la production antérieure et de l'abandon subséquent de la première demande relative à la Marque, et il n'y a aucune preuve qui donne à penser que la demande actuelle a été produite de mauvaise foi.

[52]  Étant donné que la Requérante a fourni la déclaration exigée en l'espèce et qu'il ne s'agit pas d'un cas exceptionnel, le motif fondé sur l'article 30i) est rejeté.

Motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d)

[53]  L'Opposante allègue que la Marque n'est pas enregistrable eu égard aux dispositions de l'article 12(1)d) de la Loi parce qu'elle crée de la confusion avec sa marque de commerce déposée NUDE FRUIT mentionnée ci-dessus au paragraphe 4.

[54]  J’ai exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire et je confirme que cet enregistrement est en règle à la date d’aujourd’hui, laquelle est la date pertinente pour l’appréciation d’un motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d), comme je l’ai déjà indiqué [selon Park Avenue Furniture Corp, supra].

[55]  L'Opposante s'étant acquittée de son fardeau de preuve, il incombe donc à la Requérante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce déposée NUDE FRUIT de l'Opposante.

Le test en matière de confusion

[56]  Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. L’article 6(2) de la Loi porte que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. Ainsi, l'article 6(2) ne concerne pas la confusion entre les marques elles-mêmes, mais une confusion qui porterait à croire que les produits ou les services d'une source proviennent d'une autre source. En l'espèce, la question que soulève l'article 6(2) est celle de savoir si les consommateurs des grignotines de la Requérante vendues sous la Marque croiraient que ces grignotines ont été vendues par l'Opposante, ou que la Requérante a été autorisée par l'Opposante à vendre des grignotines ou détenait une licence à cette fin octroyée par l'Opposante, qui vend des fruits et des légumes congelés sous sa marque de commerce NUDE FRUIT.

[57]  Lorsqu’il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles expressément énoncées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Ces critères ne forment pas une liste exhaustive et le poids qu’il convient d’accorder à chacun d'eux n’est pas nécessairement le même [voir, de manière générale, Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006, CSC 22, 1 RCS 772 (CSC), au para 54; Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, 49 CPR (4th) 401; et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27, 92 CPR (4th) 361].

[58]  Dans Masterpiece, supra, la Cour suprême du Canada a indiqué que le degré de ressemblance entre les marques est le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce, même s’il est mentionné en dernier lieu à l'article 6(5) de la Loi; la Cour a donc décidé de commencer son analyse par l'examen de ce facteur. J'examinerai donc maintenant les facteurs énoncés à l'article 6(5), en commençant par le degré de ressemblance entre les marques.

Article 6(5)e) – le degré de ressemblance dans la présentation ou le son, ou dans les idées suggérées

[59]  Il est bien établi en droit que, lorsqu'il s'agit de déterminer le degré de ressemblance entre des marques, il faut considérer les marques dans leur ensemble et éviter de placer les marques côte à côte dans le but de les comparer et de relever les similitudes ou les différences entre leurs éléments constitutifs. Dans Masterpiece, supra, la Cour suprême du Canada a fait observer qu'il est préférable, lorsqu'il s'agit de comparer des marques de commerce, de se demander d'abord si les marques présentent un aspect particulièrement frappant ou unique.

[60]  L'Opposante soutient que la partie la plus distinctive de la marque respective de chacune des parties est le terme « nude » [nu] car, malgré la différence dans la graphie de la Marque de la Requérante, celle-ci est censée se prononcer « nude » [nu]. J'en conviens. J'admets non seulement que, dans le contexte des produits de la Requérante, « nud » serait compris d'emblée comme suggérant ou sous-entendant « nude » [nu], il s'agit également de la première partie et de la partie la plus dominante de chacune des marques. En outre, le dessin de feuille dans la Marque de la Requérante est petit par rapport au mot NUD et son positionnement suggère presque un signe diacritique (p. ex. un tréma), ce qui pourrait renforcer encore davantage la suggestion que NUD est censé se prononcer « nude » [nu]. Par conséquent, j'estime qu'il existe un degré de ressemblance élevé entre les marques des parties dans la présentation et dans le son.

[61]  En ce qui concerne les idées suggérées par les marques des parties, j'estime également qu'il existe un degré de ressemblance élevé. À cet égard, bien que « nude » [nu] n'ait pas de signification évidente en liaison avec les produits respectifs des parties, dans le contexte des produits des parties, j'estime que la réponse donnée par Mme Kirouac en contre-interrogatoire selon laquelle le mot « nud » peut suggérer des [Traduction] « aliments nus, non transformés, dans leur forme la plus simple » (R 281) est raisonnable. Par ailleurs, l'emballage des produits de l'Opposante a aussi une connotation semblable, parce qu'il fait référence au produit comme étant [Traduction] « non adultérée • naturel ».

[62]  Compte tenu de ce qui précède, je suis d'avis que les différences entre les marques de commerce des parties ne sont pas assez significatives pour compenser leurs ressemblances dans la présentation, dans le son et dans les idées qu'elles suggèrent, selon le principe de la première impression et du souvenir imparfait. Par conséquent, le facteur énoncé à l'article 6(5)e) favorise l'Opposante.

[63]  J'examinerai maintenant les autres circonstances pertinentes de l'espèce pour déterminer si l'un quelconque de ces facteurs est suffisamment significatif pour faire pencher la prépondérance des probabilités en faveur de la Requérante [voir Masterpiece, supra, au para 49].

Article 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[64]  L'examen global du facteur énoncé à l'article 6(5)a) exige de tenir compte aussi bien du caractère distinctif inhérent que du caractère distinctif acquis des marques des parties.

[65]  La Marque est formée du mot NUD, de même que d'un petit dessin de feuille (et j'admets, comme je l'ai déjà indiqué, que le mot « nud » serait compris d'emblée comme suggérant ou sous-entendant « nude » [nu]), tandis que la marque de l'Opposante est formée des mots NUDE [nu] et FRUIT.

[66]  L'Opposante soutient que les marques des deux parties possèdent un caractère distinctif inhérent, parce qu'elles ne sont pas descriptives et parce qu'il n'y a pas de lien direct entre les marques et les produits auxquels elles sont liées. Je conviens que le mot NUD ou NUDE [nu] n'a pas de signification évidente en liaison avec les produits respectifs des parties, dans le contexte des produits des parties; cependant, comme je l'ai déjà indiqué, j'estime que son emploi est dans les deux cas suggestif d'aliments non transformés ou non adultérés. Néanmoins, la signification attribuée n'est ni évidente ni directe, et j'estime par conséquent que les marques des deux parties possèdent un caractère distinctif inhérent.

[67]  Je conclus que la Marque possède un caractère distinctif inhérent légèrement plus fort en raison de la graphie unique du mot NUD. J'ajouterais que la Marque intègre aussi un petit dessin de feuille, tandis que la marque déposée de l'Opposante ne contient pas un tel élément graphique, mais seulement le mot descriptif FRUIT en combinaison avec le mot NUDE [nu].

[68]  Quoi qu'il en soit, une marque de commerce peut acquérir une force accrue en devenant connue au Canada par la promotion ou l’emploi.

[69]  La Requérante revendique l'emploi de la Marque au Canada à compter du 10 septembre 2010, ce qui est compatible avec la preuve de la Requérante, comme je l'ai déjà indiqué à l'égard du motif d'opposition fondé sur l'article 30b) de la Loi. Quant à la mesure dans laquelle la Marque a été employée, l'affidavit Kirouac indique que les ventes de la Requérante ont augmenté de façon constante au Canada entre 2010 et 2014, passant de 6 400 $ à 180 560 $, pour atteindre un total approximatif de plus de 500 000 $. Mme Kirouac atteste également que les produits sont vendus sous la Marque dans plus de 275 établissements répartis dans 132 villes dans l'ensemble du Canada et des États-Unis. D'ailleurs, une liste des détaillants de la Requérante produite en réponse aux engagements après le contre-interrogatoire de Mme Kirouac, même si elle n'était pas à jour, fait état d'un nombre substantiel de détaillants dans l'ensemble du Canada (voir la pièce 4 de la transcription).

[70]  En ce qui concerne la promotion de la Marque, les produits liés à la Marque ont été présentés à l'occasion de nombreux salons commerciaux et événements de l'industrie depuis l'automne 2010 (lors desquels, atteste Mme Kirouac, des milliers de personnes étaient présentes), ainsi que dans le cadre de dégustations de produits en magasin. En outre, bien qu'elle ne soit pas substantielle, Mme Kirouac atteste également de la présence en ligne de la Requérante sur les médias sociaux. Enfin, l'affidavit Kirouac démontre que les produits liés à la Marque ont été présentés dans différentes émissions de télévision et publications, parmi lesquelles sont dignes de mention l'émission The Dragon’s Den, qui compte plus d’un million de téléspectateurs, et les journaux à grande diffusion Metro et Toronto Star (voir Milliken & Co c Keystone Industries (1970) Ltd (1986), 12 CPR (3d) 166 (COMC), aux p 168 et169, concernant l'admission d'office de la diffusion des publications). En conséquence, j'admets que la Marque a acquis une réputation grandissante en liaison avec les produits au fil des années.

[71]  La preuve de l'Opposante, quant à elle, démontre que sa marque a, elle aussi, acquis une réputation grandissante en liaison avec ses produits NUDE FRUIT depuis 2010. Plus précisément, Mme Hughes atteste dans son affidavit que les ventes de produits arborant la marque NUDE FRUIT de l'Opposante se sont élevées à environ 1,14 million de dollars au total et elle fournit une répartition annuelle indiquant des ventes de 22 668 $ en 2010 et de 400 000 $ à la date de son affidavit en 2014. De plus, l'affidavit Hughes fait état de la distribution de ces produits à de nombreux magasins d'alimentation spécialisée/épiceries, ainsi qu'à plusieurs plus grandes chaînes d'épiceries.

[72]  En ce qui concerne l'annonce et la promotion des produits NUDE FRUIT de l'Opposante, à l'instar de la Requérante, l'Opposante a également participé à de nombreux salons commerciaux et événements de l'industrie depuis 2010, qui ont attiré entre 500 et 13 000 personnes. L'Opposante a aussi présenté ses produits dans le cadre de dégustations de produits en magasin ou dans ses locaux. Enfin, l'affidavit Hughes démontre que les produits NUDE FRUIT ont été présentés dans le magazine Chatelaine en 2014, lequel, atteste Mme Hughes, a un tirage d'environ 500 000 exemplaires au Canada, ainsi que dans les paniers Santa’s Choice et le matériel promotionnel connexe distribués à des milliers de personnes dans l'ensemble du Canada.

[73]  Compte tenu de ce qui précède, bien que je conclue que la Marque possède un caractère distinctif inhérent légèrement plus fort, j'estime que les marques des deux parties sont devenues connues dans une mesure semblable au Canada. Par conséquent, j'estime que l'examen global du facteur énoncé à l'article 6(5)a) favorise la Requérante, mais seulement dans une mesure minimale.

Article 6(5)b) – la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[74]  Conformément à mon analyse du facteur énoncé à l’article 6(5)a), les parties emploient toutes deux leur marque respective depuis 2010. J'admets que la Requérante a commencé à employer la Marque le 10 septembre 2010, mais j'estime que la date précise de premier emploi par l'Opposante en 2010 ne ressort pas clairement de la preuve. À cet égard, l'Opposante a fourni des chiffres de ventes remontant à 2010, mais aucune facture ni autre preuve indiquant une date précise de premier emploi de la marque de l'Opposante ou permettant de déduire une date. Il m'est par conséquent impossible de déterminer quelle partie a commencé la première à employer sa marque respective.

[75]  Quoi qu'il en soit, la preuve démontre que les parties emploient toutes deux leur marque respective depuis un certain moment en 2010, ce qui équivaudrait tout au plus à une différence dans l'emploi de quelques mois seulement; par conséquent, j'estime que le facteur énoncé à l'article 6(5)b) ne favorise ni l'une ni l'autre des parties.

Articles 6(5)c) et d) – le genre de services et d'entreprises, et la nature du commerce

[76]  Pour évaluer ce facteur, je dois comparer l'état déclaratif des produits qui figure dans la demande de la Requérante avec les produits et les services visés par l'enregistrement de l'Opposante [voir Esprit International c Alcohol Countermeasure Systems Corp (1997), 84 CPR (3d) 89 (COMC)]. Cet examen des états déclaratifs doit être effectué dans l'optique de déterminer le type probable d'entreprise ou de commerce envisagé par les parties, et non l'ensemble des commerces que le libellé est susceptible d'englober. Cependant, une preuve de la nature véritable des commerces des parties demeure utile à cet égard [McDonald’s Corp c Coffee Hut Stores Ltd (1996), 68 CPR (3d) 168 (CAF)].

[77]  En l'espèce, les produits des parties sont différents, en ce sens que les produits de la Requérante sont des grignotines qui peuvent être consommées directement après l'achat et qui visent des marchés à créneaux particuliers (c.-à-d. les marchés des personnes ayant des restrictions alimentaires). De plus, Mme Kirouac atteste que les produits de la Requérante sont offerts en ligne, dans les magasins d’alimentation naturelle, dans les magasins spécialisés et dans les rayons des aliments crus, biologiques, sans gluten ou naturels des épiceries. En revanche, les produits visés par l'enregistrement de l'Opposante ne sont pas des produits spécialisés prêts à manger destinés à une clientèle d'un créneau particulier, pas plus qu'ils seraient considérés comme des grignotines en tant que telles. Les produits de l'Opposante exigent plutôt une préparation, comme la décongélation ou le chauffage, avant la consommation, ou seraient dans certains cas mélangés avec d'autres aliments pour être consommés, comme c'est le cas pour un frappé aux fruits, par exemple. De plus, la Requérante soutient à juste titre que les produits des parties se trouveraient dans des rayons différents des épiceries, étant donné que les produits de l'Opposante seraient conservés au congélateur ou confinés au rayon des aliments congelés de l'épicerie.

[78]  S'il est vrai que les produits sont différents, ils peuvent aussi être apparentés, en ce sens que les produits de la Requérante peuvent contenir des fruits. À cet égard, comme je l'ai déjà indiqué, en contre-interrogatoire, Mme Kirouac a été interrogée à propos d'un changement dans la description des produits de la première demande ou de la demande initiale relative à la Marque consistant à retirer [Traduction] « sucré aux fruits » de l'état déclaratif des produits. Bien que sa réponse voulant que c'était [Traduction] « parce que ce n'est pas tout ce que nous produisons qui est sucré aux fruits » soit sensée, il demeure qu'au moins certains des produits de la Requérante sont sucrés aux fruits.

[79]  De plus, on peut concevoir à mon avis que les produits des parties peuvent être achetés par le même consommateur; certaines questions posées à Mme Kirouac en contre-interrogatoire allaient dans ce sens, car on a interrogé Mme Kirouac à savoir si l'on considérerait aussi que les produits de l'Opposante correspondent aux mêmes définitions que les produits de la Requérante (c.-à-d., sains, crus, végétaliens, sans gluten, etc.).

[80]  Enfin, bien que les produits des parties seraient vendus dans des rayons différents des épiceries, la preuve démontre que les voies de commercialisation des parties se recoupent, car les produits des deux parties sont distribués par l'intermédiaire des magasins Sobeys, Whole Foods, McEwan’s et The Goodness Me. Je soulignerai également qu'il existe une autre possibilité de recoupement entre les voies de commercialisation, car Mme Kirouac a attesté en contre-interrogatoire que la Requérante n'exerce aucun contrôle sur les comptes obtenus de son distributeur et que, dans ses rapports avec son distributeur, elle n'a pas son mot à dire sur les points de vente au détail qui sont ciblés pour vendre les produits de la Requérante.

[81]  Par conséquent, compte tenu de ce qui précède, j'estime que les facteurs énoncés aux articles 6(5)c) et d) favorisent l'Opposante.

Autres circonstances de l'espèce

Confusion réelle

[82]  Mme Hughes atteste que l'Opposante a appris l'existence de la Requérante et de sa marque NUD lorsqu'elle a reçu des demandes de renseignements de la part de clients et d'amis qui avaient regardé l'épisode de The Dragon’s Den diffusé le 26 novembre 2011. D'autres détails attestés par Mme Hughes au paragraphe 31 de son affidavit sont reproduits ci-dessous [Traduction] :

31.  Toutes les demandes de renseignements que Zast a reçues à la suite de l'épisode de The Dragon’s Den provenaient de personnes qui connaissaient les produits et la marque de commerce NUDE FRUIT de Zast et se demandaient si la requérante et ses produits NUD FUD étaient liés à Zast. Je me suis personnellement occupée d'au moins trois de ces demandes de renseignements, et les autres demandes ont été reçues par d'autres employés de Zast qui m'ont communiqué le contenu des conversations.

[83]  En revanche, Mme Kirouac atteste que, mis à part ceux mentionnés par l'Opposante, elle n'a eu vent d'aucun problème concernant la Marque signalé par d'autres relations de l'industrie, des employés, des fournisseurs, des distributeurs, des courtiers, des acheteurs en gros ou au détail, ou par l'intermédiaire des médias sociaux. En outre, la Requérante soutient que seuls trois appels ont été faits, pour lesquels il n'y a aucune preuve, et que ces personnes n'étaient pas des clients, mais des amis de l'Opposante.

[84]  Il n'est pas nécessaire qu'un opposant prouve qu'il y a confusion pour que l'on puisse conclure à l'existence d'une probabilité de confusion, mais l'absence de confusion malgré un recoupement des produits et des voies de commercialisation des parties peut donner lieu à une inférence défavorable à la thèse de l'opposant [voir Monsport Inc c Vetements de Sport Bonnie (1978) Ltée (1988), 22 CPR (3d) 356 (CF 1re inst); Mercedes-Benz AG c Autostock Inc (1996), 69 CPR (3d) 518 (COMC)]. En l'espèce, les seuls cas de prétendue confusion concernent un épisode de The Dragon’s Den remontant à 2011, leur nombre n'est pas suffisant et ils proviendraient aussi [Traduction] « d'amis et de clients ». Par conséquent, je ne suis pas disposée à accorder beaucoup de poids à cette prétendue confusion.

État du registre et du marché

[85]  Comme je l'ai déjà indiqué dans le résumé de la preuve, Mme Kirouac atteste dans son affidavit que [Traduction] « il existe d'autres enregistrements visant des aliments et d'autres marques liées à des aliments qui comprennent le mot "nude" [nu] ou "nud" » et elle fournit les résultats d'une recherche de marques de commerce non datée en pièce L.

[86]  La preuve de l'état du registre n'est pertinente que dans la mesure où l'on peut en tirer des conclusions sur l'état du marché, et l'on ne peut tirer de conclusions sur l'état du marché que si l'on relève un grand nombre d'enregistrements pertinents [Ports International Ltd c Dunlop Ltd (1992), 41 CPR (3d) 432; Del Monte Corporation c Welch Foods Inc (1992), 44 CPR (3d) 205 (CF 1re inst); Kellogg Salada Canada Inc c Maximum Nutrition Ltd (1992), 43 CPR (3d) 349 (CAF)].

[87]  En l'espèce, les détails des enregistrements contenus dans la liste de la pièce L, en ce qui concerne les produits et/ou les services qui leur sont liés, sont absents de la preuve, et le registraire n'exerce pas son pouvoir discrétionnaire pour prendre connaissance du contenu de son propre registre, sauf pour vérifier que les enregistrements et les demandes de marque de commerce invoqués existent [voir Quaker Oats, à la p 411, et Royal Appliance Mfg Co c Iona Appliance Inc (1990), 32 CPR (3d) 525 (COMC)]. De plus, bon nombre des marques de commerce énumérées à la pièce L sont désignées comme étant abandonnées ou radiées. Enfin, je souligne que, lorsque Mme Kirouac a été interrogée en contre-interrogatoire à savoir quelles marques de commerce comprises dans les résultats de recherche comportaient des aliments dans l'état déclaratif de leurs produits ou services, elle a identifié seulement quatre ou cinq enregistrements et a admis que la liste avait une portée plus large que seulement ces enregistrements visant des aliments et des produits liés aux aliments.

[88]  En conséquence, je suis d'avis que la preuve de l’état du registre ne soit pas suffisante pour permettre de conclure que NUD ou NUDE ont été couramment adoptés en liaison avec des aliments et des produits liés aux aliments.

Conclusion

[89]  Lorsque j’ai appliqué le test en matière de confusion, j’ai considéré que ce dernier tenait de la première impression et du souvenir imparfait.

[90]  Comme je l'ai déjà indiqué, dans Masterpiece, supra, la Cour suprême du Canada a souligné l'importance que revêt le facteur énoncé à l'article 6(5)e) dans l'analyse de la probabilité de confusion. En l'espèce, j'ai conclu qu'il existe une forte ressemblance entre les marques des parties dans la présentation, dans le son et dans les idées suggérées, en raison des parties les plus frappantes et les plus dominantes des marques des parties, NUD et NUDE.

[91]  En outre, j'ai conclu qu'il existe un recoupement dans le genre de produits et dans les voies de commercialisation des parties et, bien que le caractère distinctif inhérent des marques des parties favorise légèrement la Requérante, le caractère distinctif acquis et la période pendant laquelle les marques des parties ont été en usage sont également partagés. Enfin, en l'absence d'une preuve de l’état du marché suffisante indiquant que NUD ou NUDE sont courants dans le commerce, je ne peux pas conclure que les consommateurs sont habitués à distinguer entre elles de telles marques employées en liaison avec des aliments et des produits liés aux aliments. En conséquence, je conclus que la Requérante n'a pas réussi à faire pencher la prépondérance des probabilités en sa faveur en démontrant qu'il n'y a pas de probabilité raisonnable de confusion entre les marques des parties.

[92]  Compte tenu de ce qui précède, j'accueille le motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d) de la Loi.

Motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif

[93]  Bien que la Requérante ait le fardeau ultime de démontrer que la Marque est adaptée à distinguer ou distingue véritablement ses produits de ceux de tiers partout au Canada [voir Muffin Houses Incorporated c The Muffin House Bakery Ltd, (1985), 4 CPR (3d) 272 (COMC)], l'Opposante n'en doit pas moins s'acquitter du fardeau de preuve initial d'établir les faits allégués à l'appui de son motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif.

[94]  Pour s’acquitter de son fardeau de preuve initial à l'égard de ce motif, l'Opposante doit établir que, à la date de production de la déclaration d'opposition, à savoir le 27 juin 2014, la marque NUDE FRUIT de l'Opposante étaient devenue suffisamment connue pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif et que la notoriété de la marque NUDE FRUIT au Canada était importante, significative ou suffisante [voir Bojangles’ International, LLC c Bojangles Café Ltd, 2006 CF 657, 48 CPR (4th) 427].

[95]  Comme je l'ai indiqué plus en détail ci-dessus dans mon analyse du motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d), l'Opposante a fourni une preuve permettant de conclure que la marque de commerce NUDE FRUIT était devenue connue dans une mesure suffisante au Canada à la date pertinente; l'Opposante s'est donc acquittée de son fardeau de preuve.

[96]  Je dois maintenant déterminer si la Requérante s'est acquittée de son fardeau ultime.

[97]  La différence entre les dates pertinentes n'est pas significative, de sorte que les conclusions que j'ai tirées à l'égard du motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d) de la Loi s'appliquent également ici. Par conséquent, je conclus que la Requérante ne s'est pas acquittée de son fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre les marques en cause.

[98]  En conséquence, le motif fondé sur l'absence de caractère distinctif est également accueilli.

Décision

[99]  Compte tenu de ce qui précède, dans l'exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d'enregistrement selon les dispositions de l'article 38(8) de la Loi.

______________________________

Kathryn Barnett

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Marie-Pierre Hétu, trad.

 


 

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

 

 

 

Date de l'audience : 2016-08-25

 

COMPARUTIONS

 

Rohit Parekh  POUR L'OPPOSANTE

 

 

Julia Kirouac  POUR LA REQUÉRANTE

 

 

AGENT(S) AU DOSSIER

 

Conduit Law Professional Corp  POUR L’OPPOSANTE

 

Aucun agent nommé  POUR LA REQUÉRANTE

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.