Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence

2016 COMC 200

Date de la décision 2016-12-30

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

 

Jim Beam Brands Co.

Opposante

et

 

Sazerac of Canada Inc.

Requérante

 

 

 



 

Introduction

1,541,173 pour la marque de commerce PUCKER

 

Demande

[1]  Jim Beam Brands Co. (l’Opposante) soutient qu’elle a lancé la vodka PUCKER aux États-Unis après avoir acquis la marque PUCKER de Koninklijke De Kuyper B.V. (De Kuyper) et a commencé à commercialiser activement la vodka PUCKER au Canada auprès d’importateurs et de détaillants en 2011. Vers la fin de 2011, la vodka de marque PUCKER a été vendue pour la première fois en Alberta.

[2]  Le 25 août 2011, Corby Distilleries Limited (Corby) a produit une demande d’enregistrement relative à la marque de commerce PUCKER (la Marque) pour emploi en liaison avec des liqueurs et de la vodka, sur la base de son emploi projeté au Canada. La Marque a subséquemment été cédée à Sazerac of Canada Inc. (la Requérante).

[3]  L’Opposante s’est opposée à la demande sur la base d’allégations portant que i) la Requérante n’avait pas véritablement l’intention d’employer la Marque au Canada; ii) la Requérante a produit de mauvaise foi sa demande d’enregistrement relative à la Marque; iii) l’Opposante avait révélé ou employé la marque de commerce PUCKER au Canada; et iv) la Marque n’est pas distinctive de la Requérante. La preuve de l’Opposante se compose de renseignements au sujet du lancement de la marque PUCKER en 2011, de chiffres de ventes liés à la marque PUCKER au Canada, d’imprimés du site Web PUCKER, d’un groupe Facebook et de deux vidéos Youtube au sujet de la vodka PUCKER, et de copies d’annonces de la vodka PUCKER et de renseignements à l’appui sur leur diffusion.

[4]  La preuve de la Requérante se compose seulement de l’affidavit d’un enquêteur privé qui a acheté une bouteille de vodka PUCKER et qui joint à son affidavit des photographies de l’étiquette apposée au dos de la bouteille, sur laquelle on peut lire « Bottled by Fielding & Jones, Ltd, Clermont, KY, Frankfort, KY Cincinnati, OH » [embouteillée par Fielding & Jones, Ltd, Clermont, KY, Frankfort, KY Cincinnati, OH]. Comme preuve en réponse, l’Opposante a produit une preuve indiquant que Fielding & Jones Ltd. est l’un de ses noms commerciaux. La Requérante soulève plusieurs objections à l’égard de la preuve de l’Opposante et soutient que, si ses objections sont accueillies, la preuve de l’Opposante ne sera pas suffisante pour lui permettre de s’acquitter du fardeau de preuve qui lui incombe relativement aux motifs d’opposition, peu importe lequel.

[5]  Pour les raisons exposées ci-dessous, je conclus que l’Opposante s’est acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombe et que cette demande doit être repoussée, puisque la Requérante n’a pas établi que la Marque est distinctive des Produits.

Historique du dossier

[6]  Le 25 août 2011, Corby a produit une demande d’enregistrement relative à la Marque sur la base de l’emploi projeté au Canada en liaison avec des boissons alcoolisées, nommément des liqueurs et de la vodka (les Produits). La marque de commerce a subséquemment été cédée à Sazerac of Canada Inc.

[7]  La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 3 octobre 2012.

[8]  Le 4 mars 2013, l’Opposante s’est opposée à la demande sur la base des motifs résumés ci-dessous.

(a)  La demande n’est pas conforme à l’article 30e) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi). Ni Corby ni la Requérante n’avaient véritablement l’intention d’employer la Marque à titre de marque de commerce pour distinguer Corby ou la Requérante en tant que source des Produits.

(b)  La demande n’est pas conforme à l’article 30i) de la Loi. Ni Corby ni la Requérante ne pouvaient déclarer de bonne foi qu’elle étaient convaincues d’avoir droit d’employer la Marque au Canada, parce qu’elles étaient au courant, ou auraient raisonnablement dû être au courant de ce qui suit :

  i.  l’emploi et la révélation antérieurs des marques de commerce PUCKER de l’Opposante à l’échelle internationale par la prédécesseure en titre de l’Opposante, De Kuyper, ainsi que la réputation et l’achalandage dont ces marques ont subséquemment joui au Canada;

  ii.  la cession antérieure de De Kuyper à l’Opposante; et/ou

  iii.  l’emploi et/ou la révélation antérieurs par l’Opposante de la marque de commerce PUCKER de l’Opposante au Canada en liaison avec i) des produits de boissons alcoolisées et/ou des produits ou services accessoires ou connexes; ii) l’exploitation d’un site Web et de plateformes de médias sociaux en ligne fournissant des renseignements sur les produits de boissons alcoolisées; et/ou iii) des services de publicité et de marketing dans le domaine des produits de boissons alcoolisées.

(c)  La Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque parce que, en violation de l’article 16(3)a) de la Loi, la Marque crée et créait de la confusion avec la marque de commerce PUCKER de l’Opposante employée ou révélée au Canada par l’Opposante (et/ou ses prédécesseurs en titre) et/ou un ou des licenciés de celle-ci depuis une date antérieure à la date de production de la demande en liaison avec ce qui suit :

  i.  des produits de boissons alcoolisées et/ou des produits ou des services accessoires ou connexes (les Produits de l’Opposante);

  ii.  l’exploitation d’un site Web et de plateformes de médias sociaux en ligne fournissant des renseignements sur les produits de boissons alcoolisées (les Services en ligne de l’Opposante); et

  iii.  des services de publicité et de marketing dans le domaine des produits alcoolisés (les Services marketing de l’Opposante).

(d)  La Marque n’est pas et ne peut pas être distinctive au sens de l’article 2 de la Loi, puisqu’elle ne distingue pas véritablement, n’est pas adaptée à distinguer et n’est pas apte à distinguer les Produits :

  i.  des Produits de l’Opposante, des Services en ligne de l’Opposante et des Services de marketing de l’Opposante fournis au Canada en liaison avec la marque de commerce PUCKER par l’Opposante (et/ou ses prédécesseurs en titre) et/ou les licenciés de celle-ci; et

  ii.  des Produits de l’Opposante, qui jouissent d’une réputation et d’un achalandage au Canada en raison de l’emploi et de la révélation des marques de commerce PUCKER de l’Opposante à l’échelle internationale par l’Opposante (et/ou ses prédécesseurs en titre) et/ou un ou des licenciés de celle-ci.

[9]  La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie les allégations de l’Opposante.

[10]  Comme preuve, l’Opposante a produit les documents suivants : les affidavits de Neale Graham (l’affidavit Graham), de Katherine Ng, de Jessica Rose, de Simon Mooney et de Stefanie Di Francesco, ainsi que deux affidavits de Joan E. Brehl Steele (le Premier affidavit de Joan E. Brehl Steele et le Deuxième affidavit de Joan E. Brehl Steele); et une copie certifiée du dossier en cause et un extrait de l’historique du dossier de la demande no 179,780, lequel se compose d’une cession de marques de commerce datée du 31 octobre 2011, de Corby à la Requérante, comprenant la Marque en cause et ayant également été signée par De Kuyper Canada Inc. L’Opposante a été autorisée à produire un deuxième affidavit de Neale Graham pour présenter d’autres renseignements concernant son historique d’emploi (Deuxième affidavit Graham). M. Graham a été contre-interrogé; la transcription et la pièce ont été versées au dossier.

[11]  Comme preuve, la Requérante a produit l’affidavit de Lacey Short.

[12]  Comme preuve en réponse, l’Opposante a produit l’affidavit d’Elizabeth George.

[13]  Les parties ont toutes deux produit un plaidoyer écrit, mais seule l’Opposante s’est présentée à l’audience qui a été tenue le 18 août 2016.

Dates pertinentes et fardeau de preuve

[14]  Les dates pertinentes qui s’appliquent aux motifs d’opposition sont les suivantes :

  • articles 38(2)a)/30 – la date de production de la demande [Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC), à la p 475]. Cependant, dans les cas où la demande est modifiée suivant sa production, la modification doit être prise en compte et la date pertinente correspond alors à la date de la modification [Ipex Inc c Royal Group Inc (2009), 77 CPR (4th) 297 (COMC), au para 34]; et

·  articles 38(2)c)/16(3) – la date de production de la demande [voir l’article 16(3) de la Loi]; et

·  articles 38(2)d)/2 – la date de production de la déclaration d’opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc (2004), 34 CPR (4th) 317, à la p 324 (CF)].

[15]  Avant d’examiner les motifs d’opposition, j’estime nécessaire de rappeler certaines exigences techniques en ce qui concerne i) le fardeau de preuve dont doit s’acquitter un opposant, soit celui d’étayer les allégations contenues dans sa déclaration d’opposition, et ii) le fardeau ultime qui incombe au requérant, soit celui d’établir sa preuve.

[16]  S’agissant du point i) ci-dessus, l’opposant doit s’acquitter du fardeau de preuve d’établir les faits sur lesquels il appuie les allégations contenues dans sa déclaration d’opposition : John Labatt Limited c The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), à la p 298. La présence d’un fardeau de preuve imposé à l’opposant à l’égard d’une question donnée signifie que, pour que la question soit considérée, la preuve doit être suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de ladite question. S’agissant du point ii) susmentionné, le requérant doit s’acquitter du fardeau ultime de démontrer que la demande ne contrevient pas aux dispositions de la Loi, ainsi que l’allègue l’opposant (mais uniquement à l’égard des allégations relativement auxquelles l’opposant s’est acquitté de son fardeau de preuve initial). Le fait que le fardeau ultime incombe au requérant signifie que, s’il est impossible d’arriver à une conclusion déterminante une fois que toute la preuve a été présentée, la question doit être tranchée à l’encontre du requérant.


Preuve de l’Opposante

Preuve de Neal Graham

[17]  Depuis 2012, M. Graham est le vice-président de Beam Canada Inc. (Beam Canada) qui est, comme l’Opposante, une filiale de Beam Inc. (para 1). M. Graham prétend produire une preuve concernant l’emploi et la promotion par l’Opposante de la marque de commerce PUCKER au Canada et aux États-Unis, y compris des renseignements sur l’acquisition de la marque auprès de De Kuyper (para 10), une liste des demandes canadiennes et des demandes et enregistrements internationaux de l’Opposante relatifs à la marque PUCKER (pièces A et B), des renseignements sur la publicité en ligne et des copies de publicités imprimées se rapportant à la vodka PUCKER, y compris le nombre de visites sur le site Web www.puckervodka.com (para 12, pièces J et K), des renseignements concernant les efforts marketing de l’Opposante au Canada (para 10), des photographies de la vodka PUCKER vendue au Canada (pièce G) et des renseignements sur les ventes de la vodka PUCKER au Canada (para 13). En contre-interrogatoire, il a été révélé que la preuve de M. Graham était lacunaire à plusieurs égards importants. Par exemple, il n’est au courant d’aucun document confirmant l’acquisition par l’Opposante des droits à l’égard de la marque PUCKER au Canada (Q 99 à 102); il n’a pas été en mesure de confirmer qui produit la vodka PUCKER (Q 46 à 57); alors qu’il affirme que Beam Canada détient une licence d’emploi de la marque de commerce PUCKER, il n’a pas vu la licence et n’en connaît pas les modalités (Q 64 à 67); il n’est pas en mesure de confirmer les renseignements sur l’entité qui a lancé le site Web www.puckervodka.com, sur l’hébergeur, sur l’endroit où le site est hébergé, pas plus qu’il n’est en mesure de fournir de renseignements sur la façon dont le nombre de visites au Canada a été calculé (Q 125 à 139); et il n’a aucune connaissance indépendante du groupe Facebook se rapportant à la vodka PUCKER (Q 140 à 145). Par conséquent, le poids qui peut être accordé à la preuve de M. Graham est grandement diminué.

Preuve de Simon Mooney

[18]  M. Mooney est l’administrateur des comptes clés – Vente au détail Alberta, chez Beam Canada (para 1). Il fournit des programmes de marketing pour tous les comptes clés de Beam Canada en Alberta (para 2). Il travaille en étroite collaboration avec Liquor Stores GP Inc. pour la vente au détail de la vodka PUCKER par l’entremise de Liquor Depot (para 2). M. Mooney joint comme pièce A à son affidavit une photographie montrant la façon dont le produit de vodka PUCKER est présenté et vendu dans les magasins Liquor Depot en Alberta. M. Mooney joint comme pièce B à son affidavit un courriel de M. Engen, le directeur de la catégorie des spiritueux chez Liquor Stores GP Inc., fournissant des renseignements sur les ventes de la vodka PUCKER.

[19]  Dans ses observations écrites, la Requérante soutient que la preuve de M. Mooney constitue du ouï-dire inadmissible et devrait être entièrement écartée (Plaidoyer écrit de la Requérante, para 54).

[20]  De façon générale, une preuve par ouï-dire est de prime abord inadmissible, sauf si elle satisfait aux critères de la nécessité et de la fiabilité qui régissent les exceptions à la règle du ouï‑dire que prévoit la common law [Labatt Brewing Co. c. Molson Breweries, A Partnership, 68 CPR (3d) 216].

[21]  Je n’ai aucune raison de douter de la fiabilité des chiffres de ventes en l’espèce. M. Mooney fournit des programmes de marketing pour les comptes clés de Beam Canada en Alberta et, à ce titre, je déduis que les renseignements sur les ventes correspondent au type de renseignements que M. Mooney est susceptible de recevoir de tiers. M. Engen est à l’emploi d’un détaillant de vodka de marque PUCKER et fournit à M. Mooney des renseignements sur les ventes couvrant une période donnée. M. Mooney a expliqué la raison pour laquelle M. Engen n’est pas en mesure de produire lui-même un affidavit, et je suis conscient du fait que ni la Loi ni le Règlement ne confèrent aux parties le pouvoir de contraindre des tiers à produire des éléments de preuve. Par conséquent, j’estime que l’affidavit Mooney respecte les critères de la fiabilité et de la nécessité aux fins de la présente procédure et je ne vois aucune raison pour laquelle il faudrait accorder un poids considérablement moindre aux chiffres de ventes.

[22]  La Requérante s’oppose aussi aux photographies jointes à l’affidavit de M. Mooney puisqu’il s’agit des mêmes photographies que celles jointes à l’affidavit de M. Graham, et M. Mooney n’indique pas qu’il a lui-même pris les photographies ni ne précise qui les a prises (Plaidoyer écrit de la Requérante, para 54). Cependant, il n’est pas obligatoire que le déposant prenne lui-même les photographies qui sont jointes comme preuve à son affidavit [Cascades Canada, Inc. c Wausau Paper Towel & Tissue LLC, 2010 COMC 176]. Étant donné le poste qu’occupe M. Mooney et sa déclaration portant qu’il est personnellement au courant des faits et des renseignements contenus dans son affidavit, j’admets que les photos montrent la façon dont la vodka PUCKER est vendue dans les magasins Liquor Depot.

[23]  Enfin, la Requérante soulève un écart entre les chiffres de ventes fournis par M. Graham et ceux fournis par M. Mooney (Plaidoyer écrit de la Requérante, para 17). M. Graham affirme que toutes les ventes de vodka de marque PUCKER sont faites à l’Alberta Liquor and Gaming Commission [régie des alcools et des jeux de l’Alberta], qui vend à son tour le produit de vodka PUCKER aux détaillants d’alcool de l’Alberta (para 13), et il fournit les chiffres de ventes correspondants. M. Mooney fournit les ventes de vodka PUCKER faites par Liquor Depot et joint les chiffres de ventes fournis par Liquor Depot (para 3, pièce B). Comme M. Graham et M. Mooney semblent quantifier différents types de ventes, j’estime qu’il n’existe pas un écart tel que la preuve de M. Mooney puisse être mise en doute.

Preuve de Katherine Ng

[24]  Katherine Ng est une étudiante en droit à l’emploi de l’agent de l’Opposante (para 1). Mme Ng a consulté le site Web www.puckervodka.com, le groupe Facebook « Pucker » et Youtube pour visionner deux vidéos présentant la vodka PUCKER (para 2 à 4). Elle joint des imprimés du site Web www.puckervodka.com (pièces A et D), un DVD sur lequel sont enregistrées les vidéos Youtube (pièce B) et des imprimés de pages du groupe Facebook « Pucker » (pièce C).

Preuve de Jessica Rose

[25]  Mme Rose est une étudiante en droit à l’emploi de l’agent de l’Opposante pour la période estivale (para 1). Elle s’est rendue dans deux bibliothèques de Toronto, en Ontario, a consulté des revues qui s’y trouvaient et a fait des photocopies d’annonces de la vodka PUCKER occupant une page complète, parues dans Cosmopolitan, Ebony et Elle, qu’elle a jointes à son affidavit (para 2 à 4, pièces A à C). Mme Rose a également examiné différents numéros antérieurs de magazines obtenus par un bibliothécaire à l’emploi de l’agent de l’Opposante par l’entremise d’un service d’archives, et joint des photocopies d’annonces de PUCKER occupant une page complète, tirées de magazines comme Entertainment Weekly, Marie-Claire, OK! (USA) Weekly, People StyleWatch et US Weekly (para 5, pièces D à H). La Requérante s’oppose à la preuve de Mme Rose au motif qu’elle est à l’emploi de l’agent de l’Opposante (voir le Plaidoyer écrit de la Requérante, para 112). Eu égard à la décision rendue dans l’affaire Canadian Jewellers Association c American Gem Society 2010 COMC 106 (CanLII), j’estime qu’il ne soit pas problématique qu’une telle preuve ait été produite par un employé de l’agent de l’Opposante. Le fait que la preuve constituée d’annonces parues dans des magazines a été produite par un employé de l’agent de l’Opposante ne fait pas en sorte qu’elle est moins appropriée ou qu’elle soulève plus de doutes que si l’agent de l’Opposante avait eu recours à un enquêteur externe pour examiner des revues précises afin d’y repérer des annonces de PUCKER puis souscrire un affidavit à cet égard.

Preuve de Stefanie Di Francesco

[26]  Mme Di Francesco, une étudiante en droit à l’emploi de l’agent de l’Opposante (para 1), s’est rendue dans deux bibliothèques de Mississauga, en Ontario, et a photocopié des annonces de PUCKER occupant une page complète parues dans des magazines comme Essence, Cosmopolitan et Marie-Claire (para 2 à 6, pièces A à E). Elle a également commandé plusieurs numéros des magazines Cosmopolitan, Elle, People Style Watch et Life and Style auprès d’un service d’archives et elle joint des annonces de PUCKER occupant une page complète parues dans ces magazines (para 7 à 13, pièces F à J). Pour les raisons énoncées au paragraphe 25, je n’accorde pas moins de poids à la preuve de Mme Di Francesco du fait qu’elle est à l’emploi de l’agent de l’Opposante.

Preuve de Joan Brehl Steele

[27]  Mme Brehl Steele est la vice-présidente/directrice générale, Canada, de l’Alliance for Audited Media (Premier affidavit Brehl Steele, para 1). Elle produit une preuve du tirage payant moyen et vérifié des différentes revues citées dans les affidavits de M. Graham, de Mme Rose et de Mme Di Francesco. Les renseignements sur le tirage sont généralement fournis pour une période de six mois, en fonction du tirage d’un seul numéro dans cette période de six mois (Premier affidavit Brehl Steele, para 4 à 13; Deuxième affidavit Brehl Steele, para 4 à 14). La Requérante s’oppose à la preuve de Mme Brehl Steele parce que les pièces jointes à son affidavit n’ont pas été vérifiées et ne sont pas officielles, et bien qu’elles aient pour but de présenter le tirage [Traduction] « moyen » pour une période de six mois, les chiffres fournis ne se rapportent pas nécessairement aux numéros dans lesquels les annonces de PUCKER ont paru (voir le Plaidoyer écrit de la Requérante, para 41 à 43). Contrairement à la position de la Requérante, j’estime que les renseignements sur le tirage fournis par Mme Brehl Steele constituent une preuve probante du tirage des numéros d’une revue donnée à l’intérieur de la plage de six mois visée par la déclaration, puisque les déclarations de l’éditeur sont vérifiées pour assurer l’absence d’erreurs, d’omissions et de fluctuations inexpliquées et sont publiées [Traduction] « sous réserve d’une vérification » (Premier affidavit Brehl Steele, para 2 et 3; Deuxième affidavit Brehl Steele, para 2 et 3).

Preuve de la requérante

Preuve de Lacey Short

[28]  Mme Short est une enquêteuse privée agréée dans la province de l’Alberta (para 1). Elle s’est rendue dans un magasin Liquor Depot de Calgary, en Alberta, pour acheter une bouteille de vodka PUCKER (affidavit Short, para 2). Elle joint des photographies de la bouteille, y compris l’étiquette apposée au dos de celle-ci, sur laquelle on peut lire « Bottled by Fielding & Jones, Ltd, Clermont, KY, Frankfort, KY Cincinnati, OH » [embouteillée par Fielding & Jones, Ltd, Clermont, KY, Frankfort, KY Cincinnati, OH] (affidavit Short, pièce B). Bien que la date pertinente pour chacun des motifs d’opposition soit antérieure à la date de l’enquête de Mme Short, cela n’empêche pas de tenir compte des éléments de preuve postérieurs à ces dates pour autant qu’ils puissent indiquer une situation qui existait aux dates pertinentes [Bacardi & Co c Jack Spratt Manufacturing (1984), 1 CPR (3d) 122, aux p 125 et 126 (COMC)].

Preuve en réponse de l’Opposante

Preuve d’Elizabeth George

[29]  Mme George est parajuriste internationale en propriété intellectuelle pour le compte de l’Opposante (para 1). Sa preuve porte que l’Opposante avait comme nom d’emprunt Fielding & Jones, Ltd. et que les bouteilles de vodka de marque PUCKER de l’Opposante arborent ce nom (para 5). Mme George joint à son affidavit des copies de certificats délivrés à l’Opposante montrant l’enregistrement (le 6 décembre 2001) et le renouvellement (en 2006 et en 2011) du nom commercial Fielding & Jones, Ltd. en Ohio (pièce A) et un certificat de nom d’emprunt délivré à Jim Beam Brands Co. par l’État du Kentucky en 2013 (pièce B).

[30]  Dans son plaidoyer écrit, la Requérante s’oppose à cette preuve, soutenant qu’il ne s’agit pas d’une preuve en réponse adéquate (para 71 à 76).

[31]  Selon l’article 43 du Règlement sur les marques de commerce, DORS/96-195 (le Règlement), une preuve en réponse doit se limiter strictement aux matières servant de réponse. Dans l’affaire Halford c Seed Hawk Inc (2003), 24 CPR (4th) 220 (CF 1re inst), aux para 14 et 15, le juge Pelletier donne les lignes directrices suivantes pour déterminer ce en quoi consiste une preuve en réponse adéquate [Traduction]

i)

La preuve qui sert uniquement à corroborer une preuve déjà soumise au tribunal n’est pas admissible.

ii)

La preuve qui porte sur une question qui a été soulevée pour la première fois en contre-interrogatoire et qui aurait dû faire partie de la preuve principale du demandeur n’est pas admissible. Toute autre nouvelle question qui se rapporte à une des questions en litige et qui ne vise pas uniquement à contredire un des témoins de la défense est admissible.

iii)

La preuve qui sert uniquement à réfuter un élément de preuve qui a été présenté en défense et qui aurait pu être présenté dans le cadre de la preuve principale n’est pas admissible.

iv)

Le tribunal acceptera d’examiner la preuve qui est exclue parce qu’elle aurait dû être présentée dans le cadre de la preuve principale, pour déterminer s’il doit admettre cette preuve...

[32]  Dans son plaidoyer écrit, la Requérante soutient que la preuve principale de l’Opposante a introduit cette entité dans des annonces imprimées, des saisies d’écran et des imprimés de pages Web tirées du site Web de la vodka PUCKER et des vidéos en ligne présentant le nom Fielding & Jones Ltd. (Plaidoyer écrit de la Requérante, para 72). La Requérante soutient également que l’Opposante a eu l’occasion d’identifier cette entité et sa relation, le cas échéant, avec l’Opposante dès le départ (Plaidoyer écrit de la Requérante, para 72). La Requérante fait valoir que la preuve de Mme George vient irrégulièrement scinder la preuve de l’Opposante parce que celle-ci ne peut pas dire qu’elle [Traduction] « n’a eu aucune occasion de s’occuper » de la question de l’identité de Fielding & Jones Ltd. ou qu’elle [Traduction] « ne pouvait pas avoir raisonnablement prévu » que la Requérante produirait d’autres photographies de la vodka PUCKER (Plaidoyer écrit de la Requérante, para 75).

[33]  Au soutien de ses observations, la Requérante invoque l’arrêt R c Krause [1986] 2 RCS 466, aux paragraphes 15 et 16, dans lequel la Cour suprême du Canada affirme que, de façon générale, une partie n’est pas autorisée à scinder sa preuve et elle est tenue de produire tous les éléments de preuve clairement pertinents qu’elle a l’intention d’invoquer. Par conséquent, une partie ne sera pas autorisée à produire comme preuve en réponse ce qu’elle aurait pu produire comme preuve au départ, à moins qu’une nouvelle question ou un nouveau moyen de défense, que la partie n’aurait pas pu prévoir, soit soulevé par l’autre partie.

La preuve de Mme George est une preuve en réponse adéquate

[34]   J’estime que l’affidavit de Mme George est une preuve en réponse adéquate, conformément aux lignes directrices formulées dans Halford c Seed Hawk, supra, puisqu’elle répond directement à une question soulevée par la Requérante dans son contre-interrogatoire de M. Graham (voir les Q 243 et 244) et dans l’affidavit de Mme Short (voir la pièce B qui contient une photographie de la bouteille montrant l’étiquette apposée au dos de la bouteille, sur laquelle on peut lire « Bottled by Fielding & Jones, Ltd, Clermont, KY, Frankfort, KY Cincinnati, OH » [embouteillée par Fielding & Jones, Ltd, Clermont, KY, Frankfort, KY Cincinnati, OH]). En outre, malgré les termes généraux employés dans Krause, il a été statué que la preuve concernant une question qui a acquis une importance supplémentaire en raison de la preuve produite par l’autre partie peut être admise comme preuve en réponse [R c P.(G), 1996 CanLII 420 (CAO)]. Enfin, si je me trompe en tirant cette conclusion du fait qu’il est difficile d’affirmer que l’Opposante n’aurait pas pu prévoir la preuve de la Requérante concernant la présence du nom Fielding & Jones sur la bouteille de vodka PUCKER, j’estime que je dois exercer mon pouvoir discrétionnaire pour admettre la preuve en réponse de l’Opposante étant donné son importance, le fait que l’Opposante a toujours maintenu avoir employé la marque de commerce PUCKER au Canada et le fait que la preuve ne présente aucune nouvelle théorie ni aucun nouvel argument en l’espèce dont la Requérante n’était pas au courant.

Motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif

[35]  J’examinerai d’abord le motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif. L’Opposante allègue que la Marque n’est pas distinctive, puisqu’elle ne distingue pas réellement les Produits des Produits de l’Opposante, des Services en ligne ou de marketing de l’Opposante fournis au Canada ou des Produits de l’Opposante qui jouissent d’une réputation et d’un achalandage au Canada en raison de l’emploi et de la révélation des marques de commerce PUCKER de l’Opposante à l’échelle internationale par l’Opposante (et/ou sa prédécesseure en titre) et/ou un ou des licenciés de celle-ci.

[36]  L’Opposante doit s’acquitter du fardeau de preuve initial qui lui incombe, soit d’établir qu’à la date du 4 mars 2013, sa marque de commerce PUCKER était connue dans une mesure telle qu’elle pouvait faire perdre à la Marque son caractère distinctif. L’Opposante se sera acquittée de son fardeau de preuve si sa marque est connue au Canada dans une certaine mesure et si la réputation de sa marque de commerce est importante, significative ou suffisante ou, à titre subsidiaire, si elle est bien connue dans une région précise du Canada [Bojangles’ International, LLC c Bojangles Café Ltd (2006), 2006 CF 657 (CanLII), 48 CPR (4th) 427 (CF), aux para 33 et 34]. La promotion ou l’exécution de services ou la vente de produits au Canada ne sont pas les seuls facteurs que l’on puisse invoquer à l’appui d’un motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif. On peut également s’appuyer sur une preuve de la connaissance ou de la réputation de la marque de commerce de l’Opposante [Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 1981 CanLII 2834 (CF), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst), aux para 58 et 59].

L’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial à l’égard du caractère distinctif

[37]  Considérées ensemble, la preuve des ventes et la preuve de publicité résumées ci-dessous sont suffisantes pour permettre à l’Opposante de s’acquitter du fardeau de preuve initial qui lui incombe, soit de démontrer que sa marque de commerce PUCKER employée en liaison avec de la vodka est connue dans une certaine mesure et que sa réputation au Canada est suffisante pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif.

Publicité et ventes dans les magasins d’alcool de l’Alberta

·  La preuve produite par M. Mooney porte que la vodka de marque PUCKER est vendue dans les magasins Liquor Depot en Alberta (para 2). Il fournit les renseignements suivants sur les ventes, obtenus auprès de Ryan Engen, directeur de la catégorie des spiritueux chez Liquor Stores GP. Inc. : en 2011, neuf bouteilles de vodka PUCKER ont été vendues; en 2012, plus de 4 000 bouteilles ont été vendues, et entre le 1er janvier et le mois d’août 2013, plus de 3 800 bouteilles ont été vendues (para 2, pièce B). M. Mooney joint également des photographies montrant que, sur les étalages, les consommateurs peuvent voir la marque de commerce PUCKER sur la bouteille (pièce A).

Annonces dans des revues diffusées au Canada

·  La preuve de l’Opposante porte que des annonces occupant une page complète, présentant la marque de commerce PUCKER bien en évidence, sont parues dans les magazines suivants (les numéros sont indiqués entre parenthèses) : Essence (novembre 2012, mai 2012); Cosmopolitan (août 2011, septembre 2011, octobre 2011 et décembre 2011, mai 2012, juin 2012); Marie-Claire (août 2011, septembre 2011, octobre 2011, novembre 2011; mai 2012); Elle (août 2011, octobre 2011, novembre 2011 et juin 2012; août 2012; novembre 2012); People Stylewatch (septembre 2011, novembre 2011 et décembre 2011/janvier 2012, juin 2012, décembre 2012/janvier 2013); Life & Style (27 février 2012; 12 mars 2012; 18 juin 2012; 10 septembre 2012; 1er octobre 2012); Ebony (juillet 2011); Entertainment Weekly (29 juillet 2011; 9 décembre 2011); OK! (USA) Weekly (11 juillet 2011, 25 juillet 2011, 5 septembre 2011, 3 octobre 2011, 5 décembre 2011 et 26 décembre 2011); US Weekly (8 août 2011, 22 août 2011, 26 septembre 2011 et 26 décembre 2011) (affidavit Di Francesco, pièces A à D, F à J; affidavit Rose, pièces A à H).

·  D’après la preuve de Mme Brehl Steele, j’estime qu’il y a eu une diffusion considérable au Canada des revues citées au point ci-dessus pendant cette période; plus précisément, le magazine Cosmopolitan avait un tirage de plus de 200 000 exemplaires (Premier affidavit Brehl Steele, para 4, pièce A; Deuxième affidavit Brehl Steele, para 4, pièce K); le magazine US Weekly avait un tirage de plus de 60 000 exemplaires (Premier affidavit Brehl Steele, para 13, pièce J); le magazine People Stylewatch avait un tirage de plus de 50 000 exemplaires (Premier affidavit Brehl Steele, para 11, pièce H; Deuxième affidavit Brehl Steele, para 13 et 14, pièces T et U; para 14, pièce U); le magazine Life & Style avait un tirage de plus de 50 000 exemplaires (Deuxième affidavit Brehl Steele, para 10 et 11, pièces Q et R). En outre, la diffusion des revues suivantes était également importante, au nombre de plus de 20 000 exemplaires pour : Marie-Claire (Premier affidavit Brehl Steele, para 9, pièce F, Deuxième affidavit Brehl Steele, para 12; pièce S); OK! (USA) Weekly; (Premier affidavit Brehl Steele, para 10; pièce G); Elle (Premier affidavit Brehl Steele, para 6, pièce C, Deuxième affidavit Brehl Steele, para 6 et 7, pièces M et N) et Entertainment Weekly (Premier affidavit Brehl Steele, para 8, pièce E).

Emploi s’appliquant au profit de l’Opposante

·  Les bouteilles de vodka PUCKER et les annonces présentent toutes le nom Fielding & Jones, Ltd., qui est un nom commercial de l’Opposante (affidavit George, para 5, pièces A et B). Ainsi, j’estime que l’emploi de la marque de commerce PUCKER sur les bouteilles de vodka vendues au Canada et la réputation qui découle de la diffusion des annonces au Canada s’applique au profit de l’Opposante.

La Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau ultime

[38]  Comme l’Opposante s’est acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait, la Requérante a le fardeau ultime de démontrer que la Marque est adaptée à distinguer ou distingue véritablement les Produits de ceux de l’Opposante partout au Canada [article 2 de la Loi; Muffin Houses Incorporated c The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 CPR (3d) 272 (COMC]. Une marque de commerce est distinctive si les consommateurs la lient à une source unique; si une marque de commerce est liée à plus d’une source ou est employée par plus d’une partie, elle ne peut pas être distinctive [Moore Dry Kiln Co of Canada Ltd c US Natural Resources Inc, (1976), 30 CPR (2d) 40 (CAF), à la p 49; Nature Path Foods Inc. c Quaker Oats Co. of Canada Ltd., 2001 CFPI 366, au para 41 (CanLII)]. Ici, les marques de commerce des parties et les produits liés à ces marques de commerce sont identiques en ce qui concerne la vodka et sont fortement liés en ce qui a trait aux liqueurs. En l’espèce, étant donné la preuve de ventes et de publicité de la vodka PUCKER de l’Opposante à la date pertinente, l’Opposante s’est acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait, mais la Requérante ne s’est pas acquittée du fardeau ultime de démontrer que la Marque distingue véritablement, ou est adaptée à distinguer, les Produits des produits de l’Opposante. Par conséquent, ce motif d’opposition est accueilli.

Motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)a)

[39]  L’Opposante a allégué que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque au titre de l’article 16(3)a) de la Loi, parce que la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce PUCKER de l’Opposante employée ou révélée au Canada par l’Opposante (et/ou ses prédécesseurs en titre) et/ou un ou des licenciés de celle-ci en liaison avec les Produits de l’Opposante, les Services en ligne de l’Opposante et les Services de marketing de l’Opposante.

[40]  Pour s’acquitter du fardeau de preuve initial qui lui incombe, l’Opposante doit démontrer qu’elle avait employé ou révélé sa marque de commerce PUCKER en liaison avec ses produits et services allégués à la date du 25 août 2011, soit la date de production de la demande (voir l’article 16(3)a) de la Loi). De plus, l’Opposante doit établir qu’elle n’avait pas abandonné sa marque de commerce à la date de l’annonce de la demande (voir l’article 16(5) de la Loi). Les exigences relatives à l’emploi sont énoncées aux articles 4(1) et 4(2) de la Loi; les exigences relatives à la révélation sont énoncées à l’article 5 de la Loi.

L’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve à l’égard de la révélation

[41]  L’Opposante ne s’est pas acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait à l’égard de la révélation de sa marque de commerce PUCKER en liaison avec l’un quelconque des produits et services allégués, conformément à l’article 5 de la Loi. Les exigences relatives à la révélation qui sont énoncées à l’article 5 requièrent qu’il soit conclu que la marque de commerce est devenue bien connue au Canada en raison de la distribution ou de l’annonce des produits et des services de l’Opposante au Canada, de sorte les consommateurs d’une grande région au Canada connaissent sa marque [Marineland Inc. c Marine Wonderland and Animal Park Ltd. (1974), 16 CPR (2d) 97 (CF 1re Inst)]. Bien que l’Opposante ait démontré que sa marque PUCKER a été annoncée au Canada dans des revues à fort tirage, elle n’a pas établi que sa marque était bien connue au Canada de sorte que les consommateurs d’une grande région au Canada connaissent sa marque de commerce ainsi qu’il est exigé.

L’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve à l’égard des produits de boissons alcoolisées

[42]  La preuve de l’Opposante relative aux ventes de la vodka PUCKER au Canada n’est pas suffisante pour lui permettre de s’acquitter du fardeau de preuve qui lui incombe au titre du motif d’opposition fondé sur le droit à l’enregistrement. Il n’y a aucune preuve que l’Opposante a commencé à vendre sa vodka PUCKER avant la date pertinente. En contre-interrogatoire, M. Graham a plutôt affirmé croire que les ventes ont commencé seulement dans les [Traduction] « trois derniers mois » de 2011 (contre-interrogatoire Graham, Q 253).

[43]  Cependant, l’Opposante soutient que la distribution d’échantillons à la Régie des alcools de l’Ontario (LCBO) aux alentours du 22 juin 2011 (affidavit Graham, para 10) constitue un emploi de la marque de commerce de l’Opposante au sens de l’article 4(1) de la Loi (Plaidoyer écrit de l’Opposante, para 63 et 64). De façon générale, la distribution d’échantillons arborant une marque de commerce ne constitue pas un emploi de cette marque de commerce dans la pratique normale du commerce, sauf dans certaines circonstances. Par exemple, dans ConAgra Foods, Inc c Fetherstonhaugh & Co (2002), 23 CPR (4th) 49 (CF 1re inst), la Cour a admis la distribution d’échantillons pour développer un marché comme étant une étape courante de la pratique normale du commerce dans l’industrie du propriétaire de la marque de commerce et a conclu à l’emploi de la marque de commerce. Cette conclusion a été corroborée par le fait que des ventes commerciales normales ont suivi peu après la distribution des échantillons. En l’espèce, il n’apparaît pas clairement que cette distribution d’échantillons est une étape courante de la pratique normale du commerce dans l’industrie des boissons alcoolisées. Quoi qu’il en soit, il n’y a aucune preuve que l’Opposante a subséquemment fait des ventes commerciales de la vodka PUCKER à LCBO ni par l’entremise de celle-ci. La preuve porte plutôt que, à la date du 13 février 2014, les ventes de produits PUCKER n’avaient pas commencé en Ontario (contre-interrogatoire Graham, Q 267). Par conséquent, j’estime que la preuve de la distribution d’échantillons à la LCBO produite par l’Opposante n’est pas suffisante pour lui permettre de s’acquitter du fardeau de preuve initial qui lui incombe.

L’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve à l’égard des Services en ligne

[44]  L’Opposante soutient qu’elle employait sa marque de commerce PUCKER en liaison avec les Services en ligne de l’Opposante offerts par l’entremise du site Web www.puckervodka.com et sur sa page Facebook avant la date de production de la demande (Plaidoyer écrit de l’Opposante, para 65). L’Opposante soutient que ces pages présentent des recettes et d’autres renseignements sur la vodka (Plaidoyer écrit de l’Opposante, para 66; affidavit Ng, pièces A et C; affidavit Graham, para 9 et 12).

[45]  L’article 4(2) de la Loi définit ce que constitue l’emploi d’une marque de commerce en liaison avec des services :

4(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

[46]  J’estime que la preuve de l’Opposante n’est pas suffisante pour lui permettre de s’acquitter de son fardeau de preuve initial de démontrer qu’elle employait la marque de commerce PUCKER en liaison avec les Services en ligne de l’Opposante pour les raisons suivantes. Même si je devais accorder tout le poids possible à la déclaration de M. Graham portant qu’en juin 2011, deux mois avant la date pertinente, l’Opposante avait lancé le site Web de la vodka PUCKER à l’adresse www.puckervodka.com, celui-ci ayant été conçu dans le but d’accueillir des visiteurs du Canada et que, à la fin de cette année-là, on avait comptabilisé 1 129 visites sur le site Web PUCKER de personnes se disant canadiennes (affidavit Graham, para 12), il n’y a aucune preuve que ces visites ont eu lieu avant la date pertinente. De même, en ce qui concerne la page Facebook PUCKER de l’Opposante, bien que M. Graham indique que cette page a été lancée le 28 janvier 2011 (affidavit Graham, para 9), il n’y a aucune preuve que cette page a été consultée par quiconque au Canada avant la date pertinente. Enfin, mis à part le fait que les utilisateurs sont tenus d’inscrire leur pays et que le Canada figure parmi les choix, il n’y a aucune preuve permettant de conclure que l’Opposante a activement ciblé des Canadiens ou offert ses services en ligne à ceux-ci, ou qu’il existe un lien entre les services en ligne de l’Opposante et le Canada, tel qu’exigé pour démontrer l’emploi au sens de l’article 4 de la Loi [HomeAway.com, Inc c Hrdlicka, 2012 CF 1467 (CanLII); Star Island Entertainment LLC c Provent Holdings Ltd 2013 COMC 84 (CanLII), 112 CPR (4th) 321 (COMC), au para 30; Unicast SA c South Asian Broadcasting Corp 2014 CF aux para 46 et 47].

L’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve à l’égard de ses Services de marketing

[47]  La preuve de M. Graham porte que le marketing de la vodka a commencé en février 2011 au moyen de présentations faites à la Régie des alcools de l’Ontario (le 23 février 2011), à la Direction de la distribution des alcools de la Colombie-Britannique (le 4 avril 2011), au Liquor Depot de l’Alberta (le 7 mars 2011) et à la Société des alcools de la Nouvelle-Écosse (en juillet/août 2011) (affidavit Graham, para 10).

[48]  Même si j’admettais la preuve de M. Graham présentée ci-dessus, elle ne serait pas suffisante pour permettre à l’Opposante de s’acquitter de son fardeau de prouver qu’elle employait la marque de commerce PUCKER en liaison avec les Services de marketing de l’Opposante pour les raisons suivantes. Les services de marketing sont soit exécutés à son propre bénéfice soit au bénéfice de tiers. Dans ce dernier cas, il peut s’agir d’un service parce qu’il profite à des membres du public (p. ex., une agence de publicité peut exécuter de telles activités pour ses clients). Dans le premier cas, cependant, ces activités sont essentiellement exécutées dans l’intérêt de l’exécutant et non au bénéfice de tiers et ne constituent donc pas un service au sens de l’article 4 de la Loi [Lipton c The HVR Company, 1995 CanLII 10265 (COMC)]. En l’espèce, l’Opposante n’a pas démontré qu’elle exécutait ses services de marketing au bénéfice de tiers; elle exécute ces activités pour elle-même. Par conséquent, elle n’a pas démontré l’emploi de sa marque de commerce PUCKER en liaison avec les Services de marketing de l’Opposante conformément à l’article 4 de la Loi.

Le motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)a) est rejeté

[49]  Comme l’Opposante ne s’est pas acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait à l’égard du motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)a), celui-ci est rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’article 30i)

[50]  L’Opposante allègue que la demande n’est pas conforme à l’article 30i) de la Loi puisque ni Corby ni la Requérante ne pouvaient déclarer de bonne foi qu’elles étaient convaincues d’avoir droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Produits, parce qu’elles étaient au courant ou auraient dû raisonnablement être au courant de ce qui suit :

(a)  l’emploi et la révélation antérieurs des [marques de commerce] PUCKER de l’Opposante à l’échelle internationale par la prédécesseure de l’Opposante, De Kuyper, ainsi que la réputation et l’achalandage dont ces marques ont subséquemment joui au Canada...;

(b)  la cession antérieure de De Kuyper à l’Opposante; et/ou

(c)  [l’]emploi et/ou la révélation antérieurs par l’Opposante de la marque de commerce PUCKER de l’Opposante au Canada en liaison avec i) des produits de boissons alcoolisées et/ou des [produits] ou services accessoires ou connexes; ii) l’exploitation d’un site Web et de plateformes de médias sociaux en ligne fournissant des renseignements sur les produits de boissons alcoolisées; et/ou iii) des services de publicité et de marketing dans le domaine des produits de boissons alcoolisées.

[51]  L’Opposante soutient que ce motif d’opposition doit être examiné à deux dates pertinentes en se posant les questions suivantes :

(a)   À la date de production du 25 août 2011, Corby était-elle convaincue d’avoir droit d’employer la Marque?

(b)  À la date de la modification de la demande, le 16 mai 2012, la Requérante était-elle convaincue d’avoir droit d’employer la Marque?

[52]  Je conviens avec l’Opposante que, comme la Marque avait été cédée à la Requérante le 18 novembre 2011 et comme la Requérante a produit une demande modifiée le 16 mai 2012, y compris une déclaration portant qu’elle était convaincue d’avoir le droit d’employer la Marque, il est pertinent de se demander si la Requérante pouvait être convaincue d’avoir droit d’employer la Marque à la date de production de sa demande modifiée [voir, à titre d’exemple, l’analyse dans Ipex, supra].

[53]  L’Opposante souligne les éléments suivants au soutien de ses allégations portant que ni Corby ni la Requérante ne pouvaient être convaincues de leur droit d’employer la Marque au Canada.

·  M. Graham affirme que l’Opposante, par elle-même et par l’entremise d’une prédécesseure (De Kuyper), emploie PUCKER en liaison avec des liqueurs aromatisées aux États-Unis depuis au moins aussi tôt que 1996 et qu’elle est propriétaire d’enregistrements de marques de commerce relatifs à PUCKER dans plusieurs administrations (affidavits Graham, para 4 et 5; pièce B). M. Graham affirme aussi qu’en 2010, l’Opposante a acquis la marque PUCKER auprès de De Kuyper (affidavit Graham, para 8). L’Opposante affirme également que Corby aurait été au courant de la relation entre l’Opposante et De Kuyper et surtout de l’acquisition de la marque PUCKER par l’Opposante en 2010. Même si j’avais été disposée à admettre en preuve les déclarations de M. Graham concernant l’emploi et l’acquisition de PUCKER, l’Opposante n’a démontré aucun droit sur la marque de commerce PUCKER au Canada appartenant à De Kuyper avant la production de la demande, pas plus qu’elle n’a confirmé que, si de tels droits existaient, ils étaient inclus dans l’acquisition de la marque PUCKER (contre-interrogatoire Graham, Q 99 à 102). De plus, pour les raisons énoncées dans la partie de la présente décision portant sur le motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)a), l’Opposante n’a pas démontré qu’elle avait employé ou révélé sa marque de commerce PUCKER avant la date de production de la demande en cause.

·  Au moment de la production de la demande modifiée, la Requérante savait ou aurait dû savoir que l’Opposant avait déjà employé, révélé ou annoncé la marque de commerce PUCKER au Canada (Plaidoyer écrit de l’Opposante, para 81).

L’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve à l’égard de la déclaration sur le droit à l’emploi

[54]  L’article 30i) de la Loi exige que tout requérant se déclare convaincu qu’il a droit d’employer la marque visée par la demande. Selon la jurisprudence, il peut y avoir violation de l’article 30i) dans l’une des deux situations suivantes. La première situation vise des circonstances exceptionnelles, par exemple l’existence de mauvaise foi qui rend fausse la déclaration selon laquelle le requérant est convaincu qu’il a droit d’employer la marque de commerce visée par la demande [Sapodilla Co. Ltd. c Bristol-Myers Co. (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC), à la p 155; Cerverceria Modelo, S.A. de C.V. c Marcon (2008), 70 CPR (4th) 355 (COMC), à la p 369]. La deuxième situation vise des cas où il existe une preuve prima facie de non-conformité à une loi fédérale [Interactiv Design Pty Ltd. c Grafton-Fraser Inc. (1998), 87 CPR (3d) 537 (COMC), aux p 542 et 543].

[55]  En l’espèce, il n’y a aucune preuve de mauvaise foi. En ce qui concerne l’allégation de l’Opposante portant que Corby ne pouvait pas être convaincue d’avoir droit d’employer la Marque à la date du 25 août 2011, une personne peut produire une demande pour une marque de commerce au Canada tout en sachant que cette marque a été employée ou enregistrée dans un autre pays, et cela ne constitue pas nécessairement un cas de mauvaise foi [Skinny Nutritional Corporation c Bio-Synergy Limited, 2012 COMC 186; Taverniti SARL c DGGM Bitton Holdings Inc (1986), 8 CPR (3d) 400 (COMC), aux p 404 et 405; Restaurant Development Group LLC c Vescio Group Inc., 2016 COMC 82, au para 43]. Quant à l’allégation de l’Opposante portant que la Requérante ne pouvait pas être convaincue de son droit d’employer la Marque à la date du 16 mai 2012, la simple connaissance de l’existence de la marque de commerce de l’Opposante ne suffit pas en soi pour permettre à l’Opposante de s’acquitter du fardeau qui lui incombe de démontrer que la Requérante ne pouvait pas avoir été convaincue de son droit d’employer la Marque [Woot Inc. c WootRestaurants Inc. / Les Restaurants Woot Inc, 2012 COMC 197, aux para 10 et 11]. C’est particulièrement le cas en l’espèce, alors que la Requérante est devenue cessionnaire d’une demande pour la Marque avant qu’il y ait des éléments de preuve que l’Opposante avait vendu des bouteilles de marque PUCKER au Canada. Par conséquent, ce motif d’opposition est rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’article 30e)

[56]  L’Opposante allègue que ni Corby ni la Requérante n’avaient véritablement l’intention d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Produits à titre de marque de commerce pour distinguer Corby ou la Requérante en tant que source des Produits. Il n’y a aucune preuve à l’appui de l’allégation de l’Opposante; par conséquent, ce motif d’opposition est rejeté.

 

Décision

[57]  Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

______________________________

Natalie de Paulsen

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Sophie Ouellet, trad.a.

 


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

____________________________________________________

 

 

 

DATE DE L’AUDIENCE : 18 août 2016

 

COMPARUTIONS

 

Peter Giddens  POUR L’OPPOSANTE

 

Aucune comparution  POUR LA REQUÉRANTE



AGENTS AU DOSSIER

 

MCMILLAN LLP  POUR L’OPPOSANTE

 

SMART & BIGGAR  POUR LA REQUÉRANTE

 

 

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