Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2016 COMC 195

Date de la décision: 2016-12-22

DANS L'AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

 

Druide informatique inc.

 

Opposante

et

 

Éditions Québec-Amérique Inc.

Requérante

 

 

 

 



1,596,952 pour LE VISUEL NANO

 

Demande

 

 

Introduction

[1]  Éditions Québec-Amérique Inc. (la Requérante) a produit le 4 octobre 2012 une demande pour l’enregistrement de la marque de commerce LE VISUEL NANO (la Marque) portant le numéro no 1,596,952.

[2]  La demande est fondée sur l’emploi de la Marque au Canada depuis le 20 octobre 2009. La demande d’enregistrement fut amendée le 9 juin 2014 de sorte qu’elle couvre présentement les produits et services suivants :

CD-Rom comportant des définitions de mots et des images sous forme d'illustrations et de photographies, CD-Rom comportant des logiciels éducatifs, DVD comportant des définitions de mots et des images sous forme d'illustrations et de photographies (ci-après parfois collectivement référés les «Produits»); et

Production et confection de CD-Rom comportant des définitions de mots et des images sous forme d'illustrations et de photographies; production et confection de logiciels éducatifs; production et confection de logiciels destinés à la confection, la diffusion et l'utilisation de dictionnaires et d'encyclopédies; production et confection de DVD comportant des définitions de mots et des images sous forme d'illustrations et de photographies.
Vente de logiciels éducatifs sur le réseau informatique mondial (internet); distribution et vente de logiciels permettant d'utiliser des dictionnaires et des encyclopédies. (ci-après collectivement référés les «Services»)

[3]  La demande d’enregistrement fut annoncée le 23 octobre 2013 dans le Journal des marques de commerce pour fins d’opposition.

[4]  Druide informatique inc. (l’Opposante) a produit le 21 mars 2014 une déclaration d’opposition soulevant les motifs d’opposition fondés sur les articles 30(b), (h) et (i), et 2  de la Loi sur les marques de commerce, LRC (1985), ch T-13 (la Loi).

[5]  La Requérante a produit une contre-déclaration niant tous et chacun des motifs d’opposition plaidés par l’Opposante.

[6]  Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de M. André d’Orsonnens daté du 9 octobre 2014 et les pièces AD-1 à AD-7.

[7]  L’Opposante a par la suite amendé sa déclaration d’opposition pour y inclure l’emploi de «la mission du Visuel nano».

[8]  La Requérante a produit l’affidavit de Caroline Fortin souscrit le 6 février 2015 auquel est annexé les pièces A-1 à A-10.

[9]  Aucun des déposants n’a été contre-interrogé. Seule la Requérante a produit un plaidoyer écrit et les deux parties étaient représentées lors de l’audience.

[10]  Pour les raisons plus amplement décrites ci-après, l’opposition est accueillie.


 

Remarques préliminaires

[11]  M. D’Orsonnens emploi les termes «Visuel nano» et «Le Visuel nano» dans son affidavit. «Visuel nano» est un terme défini dans son affidavit et j’ai reproduit ici-bas sa définition. Quant à Mme Fortin, elle emploie les expressions «LE VISUEL NANO» et «le logiciel LE VISUEL NANO» dans son affidavit. La Requérante emploie le terme «la Marque» dans son plaidoyer écrit pour se référer à la marque de commerce LE VISUEL NANO. En l’absence d’explications sur les distinctions entre ces différentes expressions, je présume qu’elles réfèrent toutes à la Marque employée en liaison avec un logiciel.

[12]  Tel qu’il apparaîtra du résumé de la preuve au dossier, les parties sont impliquées dans des procédures judiciaires devant la Cour supérieure du Québec concernant la nature de leur relation d’affaires. Toutefois, la présente procédure d’opposition n’a pour but que de déterminer si la Requérante est en droit d’obtenir l’enregistrement de la Marque en liaison avec les Produits et les Services, compte tenu des motifs d’opposition plaidés et de la preuve versée au dossier.

[13]  M. D’Orsonnens, dans son affidavit, a défini plusieurs termes et il est important, pour bien comprendre ce sur quoi les parties ont collaboré, de reproduire certaines de ces définitions :

«Pont informatique»: signifie le code informatique développé par [l’Opposante et la Requérante] ayant permis aux utilisateurs d’Antidote (éditions 98 à RX) d’accéder au Visuel (éditions antérieures au Visuel multimédia édition 4) par un simple clic (le plus souvent sur le bouton à l’image du Visuel) et, inversement, aux utilisateurs du Visuel (éditions antérieures au Visuel multimédia édition 4) d’accéder à Antidote (éditions 98 à RX) par un simple clic (le plus souvent sur un bouton à l’image d’Antidote).

«Le Visuel»: est un logiciel d’illustrations (avec terminologie et prononciation) développé par la [R]equérante dont la 4e édition, livrée sous la forme d’un lien de téléchargement, est commercialisée sous le nom Le Visuel multimédia édition 4 et dont les éditions antérieures, livrées sous forme d’un cédérom, ont été successivement nommées Le Visuel-Dictionnaire multimédia, Le Nouveau Dictionnaire Visuel multimédia et Le Visuel 3 multimédia.

«Visuel Nano»: une fenêtre développée par l’[O]pposante comprenant toutes les illustrations en format réduit et tous les termes en français (sans leur prononciation ni leur définition) du Visuel multimédia édition 4 de la [R]equérante.

«Index du Visuel»: est une fenêtre introduite par Druide dans Antidote Prisme (une édition antérieure d’Antidote) reproduisant tout le contenu de l’index alphabétique et thématique du Visuel 3 multimédia de la [R]equérante y compris toutes les illustrations en format réduit et tous les termes en français (sans leur prononciation ni leur définition).

«Index sémantique»: signifie un fichier informatique contenant une liste de mots donnant chacun accès à une série de termes (tous illustrés dans le Visuel multimédia  édition 4) classés sémantiquement, au sens le plus général au sens le plus particulier. L’index sémantique, développé par l’[O]pposante, a été implanté dans le Visuel nano et dans le Visuel intégré, rendant la navigation dans ces derniers différente de celle du Visuel multimédia édition 4 de la [R]equérante.

[14]  Ce dossier a été entendu conjointement avec le dossier no 1,596,953 pour la marque LE VISUEL INTÉGRÉ, impliquant les mêmes parties et les mêmes motifs d’opposition. La preuve de l’Opposante est identique dans les deux dossiers alors que celle de la Requérante diffère. Ces dossiers font l’objet de décisions séparées.

[15]  Finalement, j’ai constaté que tant les déposants dans leurs affidavits que les parties lors de l’audience font référence à un «logiciel» alors que nous retrouvons dans l’état déclaratif des Produits les termes «CD-Rom» et «DVD». Je reviendrai sur ce sujet un peu plus loin dans ma décision.

Preuve de l’Opposante

[16]  M. D’Orsonnens est président du conseil et chef de la direction de l’Opposante, poste qu’il occupe depuis la fondation de l’Opposante en 1993.

[17]  M. D’Orsonnens explique que la relation d’affaires entre l’Opposante et la Requérante «a vu le jour le 13 mai 1998 alors qu’était lancé un premier pont informatique» entre la 2e édition d’Antidote (Antidote 98), soit un logiciel de l’Opposante d’aide à la rédaction du français, et la première édition du Visuel (Le Visuel- Dictionnaire multimédia), un logiciel d’illustrations de la Requérante. Il explique que ce pont informatique «a considérablement évolué avec les années et atteignait un certain plafond avec les deux derniers produits à l’avoir hébergé, soit Antidote RX et le Visuel 3 multimédia.»

[18]  Au moment du lancement simultané des versions Antidote RX et du Visuel 3 multimédia le 11 septembre 2006, la Requérante était, selon M. D’Orsonnens, «sans contredit le partenaire stratégique le plus important» de l’Opposante.

[19]  M. D’Orsonnens affirme que le 10 janvier 2008, lors d’une rencontre pour discuter notamment du «Pont informatique de l’époque entre Antidote RX et le Visuel 3», la Requérante voulait éliminer le Pont informatique et demanda à l’Opposante si elle «accepterait d’aller encore plus loin en intégrant dans Antidote non seulement les vignettes de l’Index du Visuel, mais également tout le contenu français du Visuel.»

[20]  La réponse de l’Opposante, selon M. D’Orsonnens, compte tenu des difficultés techniques et commerciales inhérentes à un tel projet, fut qu’il «valait mieux se concentrer d’abord sur l’évolution de l’Index du Visuel nécessaire tant à l’amélioration du Pont informatique qu’à une intégration possible du contenu du Visuel dans Antidote.»

[21]  Selon M. D’Orsonnens, lors d’une rencontre tenue le 8 avril 2008, «il fut convenu d’améliorer le Pont informatique existant en modifiant l’Index du visuel dès la prochaine édition d’Antidote alors prévue pour l’automne 2009» afin qu’il prenne la forme d’un dictionnaire d’illustrations accessible depuis la liste des dictionnaires contenus dans le logiciel Antidote. Afin de prendre la forme d’un dictionnaire d’Antidote, l’Index du Visuel devait être remplacé par un tout nouvel Index sémantique développé par l’Opposante à ses frais. À ce moment-là, les vignettes (illustrations de taille réduite) allaient demeurer les mêmes que celles utilisées jusqu’alors dans l’Index du Visuel.

[22]  C’est ainsi, selon M. D’Orsonnens, que le 15 mai 2008 l’Opposante «commençait les travaux pour réaliser l’Index sémantique, et partant, le dictionnaire d’illustrations qui serait éventuellement connu sous le nom de Le Visuel Nano, (un nom imaginé par [l’Opposante] et approuvé par Mme Caroline Fortin, vice-présidente de [la Requérante], au cours d’une rencontre tenue le 17 août 2009).»

[23]  Par la suite les parties, selon M. D’Orsonnens, «en virent à souhaiter que le Visuel nano puisse convaincre les utilisateurs d’Antidote de l’utilité d’acquérir le Visuel et qu’il puisse subséquemment se transformer en un module programmé par [l’Opposante] affichant tout le contenu français du Visuel directement dans Antidote». Ceci mènera à l’élaboration du logiciel LE VISUEL INTÉGRÉ qui fait l’objet d’une autre demande d’enregistrement de la Requérante et également opposée par l’Opposante.

[24]  M. D’Orsonnens affirme «qu’en vertu de l’entente entre les parties….le Visuel nano fait partie d’Antidote (il est inclus à l’achat d’Antidote depuis l’édition HD) et ne rapporte aucun revenu à la Requérante puisqu’il est destiné à promouvoir la vente du Visuel Intégré.»

[25]  Finalement M. D’Orsonnens a produit comme pièce AD-6 des extraits du guide d’utilisation du logiciel Antidote HD de l’Opposante. Je retiens de cet extrait sous la rubrique «Les dictionnaires» le passage suivant :

Les quelque 6000 illustrations qui constituent ce dictionnaire sont des versions réduites et simplifiées des images originales du Visuel, le célèbre ouvrage de référence publié par les Éditions Québec Amérique. Ensemble, ces illustrations forment le Visuel nano. Le dictionnaire des illustrations fournit toutes les illustrations connues du Visuel nano relativement au mot en vedette, ordonnées selon les divers sens du mot.

[26]  Les autres allégations de M. D’Orsonnens concernent le logiciel LE VISUEL INTÉGRÉ et ne sont donc pas pertinents pour les fins du présent dossier.

Preuve de la Requérante

[27]  Mme Fortin est à l’emploi de la Requérante depuis 1991 et a occupé différentes fonctions chez cette dernière. Elle affirme qu’en 2009 elle occupait le poste de Vice-présidente direction internationale de la Requérante. Elle explique que la Requérante œuvre depuis 1974 dans le domaine de l’édition de livres, logiciels et applications numériques. Ainsi, la Requérante conçoit, développe et commercialise des contenus de référence originaux et innovateurs.

[28]  Mme Fortin affirme que la Marque est tirée du nom et de la marque de commerce du dictionnaire LE VISUEL et a produit comme pièce A-1 un bref historique de la Requérante, conçu en 2011 à l’occasion «du 25e anniversaire de cette famille de produits». La pièce A-1 réfère à différentes versions de dictionnaires, dont certains titres sont composés du mot «visuel».

[29]  Ainsi, Mme Fortin explique que la Requérante a réalisé, en version papier, un dictionnaire multilingue intitulé LE VISUEL dont la première édition fut publiée en 1986. Il s’agit, selon Mme Fortin, du premier dictionnaire visuel. Aujourd’hui, la Requérante en est à sa 4e édition et il est traduit en plus de 35 langues. Bien qu’elle fasse référence à un exemplaire produit comme pièce A-2, j’ai indiqué aux parties qu’il n’y avait pas de copie au dossier. Il y a cependant une copie qui a été produite dans le dossier no 1,596,953 pour la marque LE VISUEL INTÉGRÉ et l’Opposante, lors de l’audience, a accepté qu’on y fasse référence sans avoir à produire une copie pour le présent dossier.

[30]  Mme Fortin affirme que la Requérante est le propriétaire inscrit de la marque de commerce déposée LE VISUEL et a produit une copie certifiée authentique de cet enregistrement comme pièce A-3. Elle affirme que la marque LE VISUEL est employée en liaison avec les produits et services énumérés au certificat d’enregistrement dont : «CD-Rom comportant des logiciels éducatifs, DVD comportant des définitions de mots et des images sous forme d’illustrations et de photographies; vente d’images sous forme d’illustrations et de photographies sur le réseau informatique mondial internet…»

[31]  Mme Fortin explique que le dictionnaire LE VISUEL a été disponible de 2009 à 2013 en version électronique et livré sous forme d’un lien de téléchargement et commercialisé sous la marque LE VISUEL MULTIMÉDIA EDITION 4. Il s’agit d’une version interactive du dictionnaire format papier LE VISUEL (3e édition) comportant plus de 6000 illustrations en couleur, organisées par thèmes, sous 2300 écrans, pour plus de 32000 termes.

[32]  Mme Fortin déclare que la Marque s’inscrit dans une démarche de continuité et de diversification de l’offre de services de la Requérante afin de faire face à un marché en constante mutation.

[33]  Mme Fortin explique que la Requérante a consenti des investissements considérables au fil des années pour concevoir, développer et commercialiser les versions interactives LE VISUEL MULTIMÉDIA ÉDITIONS 1, 2, 3 et 4 reprenant toujours les contenus des différentes versions du dictionnaire LE VISUEL, format papier.

[34]  C’est ainsi que Mme Fortin affirme que de 1998 à 2009 la Requérante a conçu et développé avec l’Opposante un pont informatique entre la première édition (1996) du logiciel LE VISUEL MULTIMÉDIA de la Requérante et la seconde édition d’un logiciel nommé Antidote (logiciel d’aide à la rédaction du français) de l’Opposante et ce «en vue de leur utilisation commune par les usagers et clients». Elle affirme que ce pont informatique a été maintenu jusqu’en 2009 alors qu’il liait les logiciels Antidote RX et LE VISUEL MULTIMÉDIA 3.

[35]  Mme Fortin soutient que la Requérante détient et a toujours détenu tous les droits, titres et intérêts à l’égard du dictionnaire LE VISUEL ainsi que sur toutes les déclinaisons du contenu de ce dictionnaire développées à travers les années, et notamment les dictionnaires illustrés sous forme de logiciels, nommés LE VISUEL MULTIMÉDIA. Elle affirme que la Requérante n’a jamais transféré ses droits sur leur contenu ni sur «les marques de commerce afférentes».

[36]  Mme Fortin explique que la Marque fait référence à «une fenêtre intégrée au logiciel Antidote comprenant toutes les illustrations en format réduit ainsi que tous les termes en français du logiciel LE VISUEL MULTIMÉDIA 4». Elle a produit comme pièce A-5 une capture d’écran du logiciel Antidote de l’Opposante sur laquelle page on retrouve la Marque ainsi que la note suivante : «Images réduites du Visuel. Droits réservés © 2009, Éditions Québec-Amérique».

[37]  Mme Fortin allègue qu’en «entrant un mot dans l’onglet de recherche, l’utilisateur du logiciel Antidote obtient sous forme de vignettes (LE VISUEL NANO) toutes les illustrations qui ont trait à ce mot, affichées en rangées et classées par sens». Elle a produit un extrait du guide utilisateur du logiciel Antidote (éditions HD et 8) comme pièce A-6 (La pièce A-6 est identique à la pièce AD-6 à l’affidavit de M. D’Orsennens dont un extrait est cité plus haut). Mme Fortin réfère à ces vignettes comme étant LE VISUEL NANO.

[38]  Nous retrouvons dans le guide de l’utilisateur de l’édition 8 d’Antidote le passage suivant :

Dictionnaire Visuel nano™

Les quelque 6 000 illustrations qui constituent ce dictionnaire sont des versions réduites simplifiées des images originales du Visuel mc, le célèbre ouvrage de référence publié par les Éditions Québec Amérique. Le dictionnaire Visuel nano mc fournit les illustrations ayant trait au mot vedette, ordonnées selon les divers sens du mot.

[39]  Mme Fortin affirme que le 20 octobre 2009, l’Opposante a entrepris de mettre en marché la septième édition de son logiciel Antidote d’aide à la rédaction du français, appelée Antidote HD (l’édition actuelle, Antidote 8, ayant été lancée le 8 novembre 2012) dont le dictionnaire d’illustrations LE VISUEL NANO fait partie intégrante. Elle a produit à cet effet une copie du communiqué de presse diffusé le 20 octobre 2009 comme pièce A-8 (pièce identique à la pièce AD-7 à l’affidavit de M. D’Orsonnens).

[40]  Mme Fortin affirme que c’est par le biais du procédé d’intégration décrit précédemment que le dictionnaire d’illustrations LE VISUEL NANO (issu du logiciel LE VISUEL MULTIMÉDIA ÉDITION 4) a été distribué par l’intermédiaire du logiciel Antidote HD de l’Opposante. Ainsi, selon Mme Fortin, la Requérante bénéficiait de l’achalandage et du réseau de distribution de l’Opposante pour promouvoir les différents produits de la famille de marque LE VISUEL de la Requérante.

[41]  Mme Fortin prétend que depuis 2009 les parties ont tenté de s’entendre contractuellement pour que l’Opposante distribue sa nouvelle édition d’Antidote en distribuant et vendant séparément «le module LE VISUEL INTÉGRÉ ». Elle affirme que, tacitement, la Requérante a toléré que l’Opposante «débute la commercialisation de ces produits le 20 octobre 2009 sous la promesse d’en venir à une entente mutuelle et écrite sur les conditions essentielles d’un contrat à négocier.»

[42]  Mme Fortin affirme que les parties ont échangé des projets de contrats qui relèvent d’une relation commerciale de distribution et elle a produit un projet de contrat acheminé par l’Opposante en 2011 comme pièce A-9. Elle fait référence aux clauses touchant : la commercialisation (clause 6.1), la distribution par l’Opposante du logiciel portant la marque LE VISUEL INTÉGRÉ afin de générer des ventes (clauses 6.2); les prix de revente et la remise à la Requérante d’un rapport mensuel des ventes de ce logiciel (clauses 6.2 et 6.3).

[43]   Une fois les logiciel Antidote HD, LE VISUEL INTÉGRÉ et celui portant la Marque mis sur le marché, Mme Fortin prétend que l’Opposante a refusé les demandes répétées de la Requérante de conclure une entente écrite. Elle affirme que «la relation d’affaires entre les parties» fait l’objet d’un litige devant la Cour supérieure du Québec.

[44]  Mme Fortin déclare, bien que les parties soient en litige, que le contrat produit comme pièce A-9 démontre que l’Opposante elle-même a considéré la relation entre les parties comme celle «d’une relation d’affaires de distribution» du logiciel en liaison avec la Marque. Elle affirme que les clauses 6.1, 6.2 et 9.1 de ce projet de contrat préparé par l’Opposante, supporte sa position. Or, ces clauses font référence au logiciel LE VISUEL INTÉGRÉ. De plus, ce contrat n’a pas été signé par les parties et il ne les lie donc pas.

[45]  Mme Fortin conclut en alléguant que l’Opposante, «par le biais de son logiciel Antidote auquel le dictionnaire d’illustrations LE VISUEL NANO est incorporé, revend au consommateur final les marchandises et services liés à la [Marque]». Elle produit à cet effet des factures en liasse comme pièce A-10. Or, ces factures ont été émises par l’Opposante et non la Requérante et elles font tous référence à la marque LE VISUEL INTÉGRÉ et non la Marque.

Ma compréhension de la preuve

[46]  De la preuve au dossier je comprends que :

·  Le Visuel nano faisait partie intégrante du logiciel Antidote HD de l’Opposante;

·  Le Visuel nano n’était pas un produit ou un service que le consommateur pouvait se procurer indépendamment de tout autre produit ou service;

·  La Requérante n’a pas mis en preuve l’existence d’un mécanisme de contrôle sur les ventes du logiciel Antidote HD de l’Opposante dans lequel serait intégré ses illustrations formant ce qui est appelé le Visuel nano;

·  L’emploi d’une version antérieure d’un produit de la Requérante soit Visuel multimédia 4 par l’Opposante se faisait sous licence alors que pour le Visuel nano la Requérante n’a pas allégué et prouvé l’existence d’une telle licence [voir le texte du communiqué de presse reproduit ci-haut, pièce AD-7 à l’affidavit de M. D’Orsonnens];

·  il existait une relation d’affaires entre les parties depuis 1998 qui a mené à contrat de licence pour ce qui est du VISUEL MULTIMÉDIA 4 (voir la pièce AD-7 à l’affidavit de M. D’Orsennens);

·  pour la suite des choses, les parties ont convenu d’établir une nouvelle relation d’affaires concernant la création du logiciel Le Visuel nano, logiciel intégré à une nouvelle version du logiciel Antidote de l’Opposante;

·  cette nouvelle relation d’affaires entre les parties a été fondée sur un «partenariat» et une «complicité», «synergie», «fusion», et/ou «collaboration».


 

Fardeau de preuve

[47]  C’est à la Requérante qu'incombe le fardeau ultime de démontrer que la demande d'enregistrement ne contrevient pas aux dispositions de la Loi. Toutefois, l’Opposante doit, pour sa part, s'acquitter du fardeau initial de prouver les faits sur lesquels elle appuie ses allégations. Le fait qu'un fardeau de preuve initial soit imposé à l'Opposante signifie qu'un motif d'opposition sera pris en considération que s’il existe une preuve suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l'existence des faits allégués à l'appui de ce motif d'opposition [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al 2002 CAF 29, 20 CPR (4th) 155 (CAF); et Wrangler Apparel Corp c The Timberland Company 2005 CF 722, 41 CPR (4th) 223].

Motif d’opposition fondé sur les articles 30(b) et (h) de la Loi

[48]  Il est pertinent pour les fins de l’analyse qui va suivre de reproduire le libellé de ce motif d’opposition :

La marque de commerce dont l’emploi est allégué n’est pas LA MARQUE pour laquelle l’enregistrement est demandé, mais une autre que celle mentionnée à la demande sous opposition [contrairement aux alinéas 30 b) et 30 h) de la Loi];

[49]  J’ai souligné à l’Opposante lors de l’audience qu’il ne semblait pas y avoir de preuve supportant un motif d’opposition fondé sur la combinaison des paragraphes 30(b) et (h) de la Loi telle que plaidée dans la déclaration d’opposition. L’Opposante m’a alors répondu qu’elle n’avait aucun commentaire à formuler au sujet de ce motif d’opposition.

[50]  De plus, je note qu’il n’y a aucune preuve au dossier supportant l’argument que la marque de commerce employée en liaison avec les Produits et les Services n’est pas la Marque mais plutôt une autre marque de commerce.

[51]  Dans les circonstances, je rejette le motif d’opposition ci-haut décrit puisque l’Opposante ne s’est pas déchargée de son fardeau initial de preuve.


 

Motif d’opposition sous l’article 30(i) de la Loi

[52]  Le libellé du motif d’opposition sous l’article 30(i) se lit comme suit :

C’est faussement que la requérante s’est dite convaincue d’avoir le droit à l’emploi au Canada de [la Marque] puisqu’un tel emploi irait à l’encontre d’une entente intervenue entre la requérante et l’opposante quant à l’emploi de [la Marque] et/ou la commercialisation du Visuel intégré (…)

[53]  La date pertinente pour l’analyse de ce motif d’opposition est la date de production de la demande d’enregistrement (4 octobre 2012) [voir Tower Conference Management Co c Canadian Exhibition Management Inc (1990), 28 CPR (3d) 428 (COMC)].

[54]  L’article 30(i) de la Loi exige seulement que la Requérante se déclare convaincue d’avoir droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Produits et les Services. Cette déclaration est comprise dans la présente demande d’enregistrement.

[55]  Cet article de la Loi peut être soulevé au soutien d’un motif d’opposition que dans des cas bien particuliers; par exemple, lorsque cette déclaration de la Requérante aurait été faite de mauvaise foi [voir Sapodilla Co Ltd c Bristol Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC)].

[56]  J’estime que l’Opposante ne s’est pas déchargée de son fardeau initial de prouver la mauvaise foi de la Requérante. En effet, rien dans la preuve ci-haut décrite m’amène à conclure qu’à la date de production de la présente demande, la Requérante était de mauvaise foi en déclarant qu’elle était satisfaite d’avoir droit d’employer la Marque.

[57]  Le fait que les parties diffèrent d’interprétation en ce qui a trait à la nature de leur relation d’affaires ou quant aux termes et conditions de l’entente intervenue entre elles relativement à l’emploi de la Marque ne saurait entraîner en l’espèce la mauvaise foi de la Requérante.

[58]  Ce motif d’opposition est donc rejeté.


 

Motif d’opposition fondé sur l’article 30(b) de la Loi

[59]  L’Opposante plaide également :

La [R]equérante n’a pas employé, au sens de l’article 4 de la Loi, [la Marque] en liaison avec chacune des marchandises et chacun des services mentionnées à la demande sous opposition, et la date de premier emploi revendiquée est fausse (…).

Alternativement ou cumulativement l’emploi allégué (lequel est nié) de LA MARQUE en liaison avec chacune des marchandises ou chacun des services mentionnés dans la demande sous opposition est discontinu, pour tout ou partie des marchandises ou services mentionnés à la demande sous opposition [contrairement à l’alinéa 30 b) de la Loi].

  Emploi discontinu de la Marque

[60]  Quant au deuxième paragraphe de ce motif d’opposition, il n’y a aucune preuve au dossier à l’effet que l’emploi de la Marque en liaison les Produits et Services aurait été discontinué.

[61]  Je tiens à souligner que je considère qu’il faut distinguer «emploi discontinu» de «absence d’emploi» d’une marque de commerce. Un «emploi discontinu» suppose qu’il y a eu emploi de la marque de commerce mais que cet emploi a cessé dans le temps.

[62]  Considérant que l’Opposante ne s’est pas déchargée de son fardeau de preuve initial, le deuxième volet du présent motif d’opposition est rejeté.

  Fausseté de la date de premier emploi

[63]  Il ressort de ma revue des affidavits de Mme Fortin et M. D’Orsennens qu’ils sont tous les deux d’accord sur le fait que la Marque a été employée pour la première fois le 20 octobre 2009. Ainsi, la date du 20 octobre 2009 comme date de premier emploi de la Marque semble être exacte.

[64]  Ce volet du motif d’opposition ci-haut reproduit est donc rejeté.

[65]  Reste à déterminer si c’est la Requérante qui a employé la Marque depuis cette date.

Absence d’emploi de la Marque par la Requérante depuis la date de premier emploi

[66]  Ce motif d’opposition doit être analysé à la date de production de la demande d’enregistrement, soit au 4 octobre 2012 [voir Georgia-Pacific Corporation v Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC)] et à la lumière de la preuve produite au dossier [voir Novopharm c AstraZeneca AB, 2002 CAF 387, 21 CPR (4th) 289].

[67]  Dans la mesure où une requérante a plus facilement accès aux faits, le fardeau initial de preuve qui incombe à une opposante relativement au motif d’opposition fondé sur la non‑conformité à l’article 30b) de la Loi est moins lourd [voir Tune Masters c Mr P's Mastertune Ignition Services Ltd (1986), 10 CPR (3d) 84 (COMC)]. Une opposante peut s’appuyer sur la preuve de la requérante pour s’acquitter de ce fardeau, auquel cas l’opposante doit démontrer que la preuve de la requérante met en cause la date de premier emploi revendiquée dans la demande d’enregistrement [voir Corporativo de Marcas GJB, SA de CV c Bacardi & Company Ltd, 2014 FC 323, paragr. 30 à 38].

[68]  Du libellé du premier volet de ce motif d’opposition, de la preuve au dossier et de l’argumentation de l’Opposante lors de l’audience, je comprends que l’Opposante prétend que c’est elle et non la Requérante qui a employé la Marque à compter du 20 octobre 2009. Ainsi, si cela est exact, la Requérante n’aurait pas employé la Marque depuis le 20 octobre 2009 tel qu’il est allégué dans la présente demande.

[69]  Bien que la Requérante n’était pas obligée d’établir sa date de premier emploi de la Marque en liaison avec les Produits et Services, elle a choisi de produire de la preuve dont les éléments peuvent être utilisés par l’Opposante pour lui permettre de se décharger de son fardeau initial de preuve.

[70]  Je retiens de la preuve que :

  • c’est l’Opposante qui a développé le dictionnaire Le Visuel nano à partir des illustrations de la Requérante;

  • le dictionnaire Le Visuel nano faisait partie intégrante du logiciel Antidote HD de l’Opposante;

  • c’est l’Opposante qui a offert pour la vente et a vendu de son site Internet son logiciel Antidote HD auquel était intégré le dictionnaire Le Visuel nano;

  • le consommateur ne pouvait pas se procurer Le Visuel nano sans acheter le logiciel Antidote HD de l’Opposante;

  • par le passé la Requérante a vendu des CD-Roms contenant d’autres dictionnaires en liaison avec d’autres marques de commerce.

 

[71]  Je suis d’avis qu’il existe une certaine connexité entre Le Visuel nano et l’état déclaratif des Produits et Services et que les éléments de preuve résumés ci-haut sont suffisants pour conclure que l’Opposante s’est déchargée de son fardeau initial de prouver que c’est elle et non la Requérante qui a employé la Marque à compter du 20 octobre 2009. Ainsi, la Requérante devait démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle a employé depuis le 20 octobre 2009 la Marque en liaison avec les Produits et Services au sens de l’article 4 de la Loi.

[72]  Donc, y-a-t-il eu emploi de la Marque par la Requérante en liaison avec les Produits et les Services au sens de l’article 4 de la Loi?

Emploi en liaison avec les Produits

[73]  Je comprends, de la preuve au dossier, que Le Visuel nano est «une fenêtre intégrée au logiciel Antidote comprenant toutes les illustrations en format réduit, ainsi que tous les termes en français du logiciel LE VISUEL MULTIMÉDIA 4» (voir paragraphe 19 de l’affidavit de Mme Fortin) de la Requérante. Selon Mme Fortin «[l’Opposante], par le biais de son logiciel Antidote auquel le dictionnaire d’illustrations LE VISUEL NANO est incorporé, revend au consommateur final les marchandises et services liés à la [Marque]» (voir paragraphe 29 de l’affidavit de Mme Fortin).

[74]  Je constate qu’il n’y a aucun allégué de Mme Fortin se rapportant à l’emploi de la Marque en liaison avec les Produits et les Services tels que définis dans la présente demande.

[75]  Je rappelle que M. D’Orsonnens affirme que le Visuel nano faisait partie intégrante d’Antidote HD car il était inclus à l’achat d’Antidote depuis l’édition d’Antidote HD et ne rapportait aucun revenu à la Requérante puisqu’il était destiné à promouvoir la vente d’un autre logiciel soit Le Visuel intégré.

[76]  Il y a bien la capture d’écran du logiciel Antidote HD de l’Opposante (pièce A-5 à l’affidavit de Mme Fortin) où y apparaît la Marque, mais le logiciel Antidote HD est vendu par l’Opposante et non la Requérante. Je n’ai aucune preuve qu’il y a eu vente par le Requérante de Produits tels que définis ci-haut à compter du 20 octobre 2009 en liaison avec la Marque.

[77]  À tout événement, même si j’avais la preuve que des consommateurs ont commandé auprès de l’Opposante le logiciel Antidote HD en version CD-Rom, ces ventes ne constitueraient pas un emploi de la Marque par la Requérante au sens de l’article 4(1) de la Loi et ce pour les raisons décrites ci-après.

[78]  La Requérante voudrait bien que je conclus que la nouvelle relation d’affaires entre les parties en est une où l’Opposante agit à titre de simple distributeur de la Requérante. Ainsi les ventes du logiciel Antidote HD, qui inclut Le Visuel nano, par l’Opposante bénéficieraient à la Requérante [voir Lin Trading Co c CBM Kabushiki Kaisha (1988) 21 CPR (3d) 417, [1989] 1 CF 620 (CAF)]. Je ne peux pas souscrire à un tel argument.

[79]  De la preuve au dossier, je comprends que cette nouvelle relation d’affaires concernant la création du logiciel le Visuel nano était fondée sur un  «partenariat» et une «complicité», «synergie», «fusion», et/ou «collaboration» entre les parties. Nous retrouvons ces mots dans le communiqué de presse, pièce AD-7 à l’affidavit de M. D’Orsennens et dans l’affidavit de ce dernier et celui de Mme Fortin. Ainsi, cette nouvelle relation d’affaires m’apparaît aller au-delà d’une simple relation de distributeur, compte tenu du rôle joué par l’Opposante dans la création du dictionnaire Le Visuel nano.

[80]  Je ne peux davantage conclure, au vu de la preuve au dossier, à l’existence d’une licence entre les parties pour l’emploi de la Marque. Bien que le communiqué de presse (pièce AD-7) mentionne que l’Opposante employait le contenu du Visuel multimédia 4 «sous licence», pareille «licence» n’est pas alléguée par Mme Fortin en ce qui concerne Le Visuel nano. J’ai retrouvé à la clause 2.1 du projet d’entente, pièce A-10 à l’affidavit de Mme Fortin, la mention d’une licence accordée par la Requérante à l’Opposante pour l’utilisation des illustrations de la Requérante regroupées sous Le Visuel nano. Or, il s’agit d’un simple projet de contrat dont le contenu fait l’objet d’un litige entre les parties.

[81]  Également, même si je concluais que l’Opposante était une licenciée, il n’y a aucune preuve au dossier de l’existence de mécanismes de contrôle de la part de la Requérante sur l’emploi de la Marque par l’Opposante lorsque cette dernière vendait son logiciel Antidote HD auquel était intégré Le Visuel nano [voir l’article 50 de la Loi].

[82]  J’ajouterais, que le fait que le droit d’auteur sur les illustrations appartient à la Requérante, n’implique pas nécessairement, à la lumière des faits ci-haut décrits, qu’elle a employé la Marque en liaison avec les Produits à la date de premier emploi alléguée dans sa demande d’enregistrement lorsque l’Opposante a vendu son logiciel Antidote HD auquel était intégré Le Visuel nano.

[83]  Pour tous ces motifs, je ne peux pas conclure que l’Opposante agissait à titre de distributeur ni de licencié de la Requérante lorsqu’elle a vendu à compter du 20 octobre 2009 aux consommateurs son logiciel Antidote HD.

[84]  Je n’ai aucune preuve que la Requérante a vendu des CD-Roms et DVDs en liaison avec la Marque. Je rappelle que l’état déclaratif des produits ne contient pas  comme produit «logiciels éducatifs» mais plutôt «CD-Rom comportant des logiciels éducatifs».

[85]  Par conséquent, la Requérante n’a pas employé la Marque à compter du 20 octobre 2009 en liaison avec les Produits.

Emploi en liaison avec les Services

[86]  M. D’Orsonnens allègue que c’est l’Opposante qui a commencé «les travaux pour réaliser l’Index sémantique, et partant, le dictionnaire d’illustrations qui serait éventuellement connu sous le nom de Le Visuel nano» (voir paragraphe 12 de l’affidavit de M. D’Orsonnens). Également, c’est l’Opposante qui a fait l’intégration d’illustrations à l’intérieur de son logiciel Antidote HD.

[87]  Je suis d’avis qu’il existe une certaine connexité entre ce travail et l’état déclaratif des Services et que les éléments de preuve résumés ci-haut sont suffisants pour conclure que l’Opposante s’est déchargée de son fardeau initial de prouver que c’est elle et non la Requérante qui a employé la Marque à compter du 20 octobre 2009 en liaison avec les Services. Ainsi, la Requérante devait démontrer qu’elle a employé, depuis le 20 octobre 2009, la Marque en liaison avec les Services au sens de l’article 4 de la Loi.

[88]  Je n’ai aucune preuve de publicité des Services en liaison avec la Marque émanant de la Requérante. Je n’ai aucune facture émise par la Requérante pour la fourniture des Services. Je n’ai aucune preuve au dossier que la Requérante a offert, depuis la date de premier emploi alléguée, les Services pour le bénéfice des tiers en liaison avec la Marque.

[89]  Ainsi, de ma compréhension de la preuve, il est clair que la Requérante n’a offert aucun des Services à des tiers en liaison avec la Marque à compter du 20 octobre 2009.

[90]  Dans les circonstances, je conclus que la Requérante ne s’est pas déchargée de son fardeau de démontrer qu’elle a employé la Marque en liaison avec les Services et ce depuis le 20 octobre 2009.

Conclusion

[91]  J’accueille donc le motif d’opposition fondé sur l’article 30(b) de la Loi pour l’ensemble des Produits et Services.

Motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif de la Marque

[92]  Ce motif d’opposition est libellé comme suit :

L’Opposante fonde son opposition sur l’alinéa 38(2) d) de la Loi, à savoir qu’eu égard aux dispositions de l’article 2 de la Loi (définition de «distinctive»), [la Marque] dont la requérante demande l’enregistrement n’est pas distinctive des marchandises et services visés par la présente demande d’enregistrement ni ne peut être adaptée à les distinguer en raison de l’entente intervenue entre la requérante et l’opposante quant à l’emploi de [la Marque] et/ou la mission du Visuel nano.

[93]  Ce motif d’opposition doit s’analyser à la date de production de la déclaration d’opposition de l’Opposante (21 mars 2014) [voir Andres Wines Ltd c E&J Gallo Winery (1975), 25 CPR (2d) 126 (CAF) et Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc 2004 CF 1185, 34 CPR (4th) 317].

[94]  Je rappelle que la preuve démontre que :

·  la Marque a été associée au produit Antidote HD de l’Opposante;

·  le Visuel nano a été intégré au produit Antidote HD de l’Opposante;

·  c’est l’Opposante qui a contrôlé Le Visuel nano;

·  la nouvelle relation d’affaires entre les parties était fondée sur un «partenariat» et une «complicité», «synergie», «fusion», et/ou «collaboration».

[95]  Ces éléments de preuve démontrent que l’Opposante a employé la Marque en liaison avec un dictionnaire d’illustrations intégré à son logiciel Antidote HD. Ce dictionnaire d’illustrations constituait un produit connexe aux Produits et Services décrits dans la présente demande. Ceci est suffisant pour permettre à l’Opposante de se décharger de son fardeau de preuve initial sous le présent motif d’opposition. Par conséquent, la Requérante devait démontrer qu’en raison de son emploi, la Marque était devenue distinctive de ses Produits et Services au 21 mars 2014.

[96]  Or, tel que je l’ai conclu sous le motif d’opposition précédent, je n’ai aucune preuve d’emploi de la Marque par la Requérante en liaison avec les Produits et Services. Bien que le précédent motif d’opposition s’analysait à une date antérieure, je n’ai pas de preuve d’emploi de la Marque par la Requérante  entre le 20 octobre 2009 et le 21 mars 2014.

[97]  La preuve au dossier démontre que le dictionnaire d’illustrations Le Visuel nano était intégré au logiciel Antidote HD de l’Opposante. J’ai déjà déterminé que la Requérante ne pouvait pas bénéficier de cet emploi d’une part parce que je ne suis pas convaincu que l’Opposante ait agi à titre de simple distributeur de la Requérante, et d’autre part parce que je ne suis pas davantage convaincu que l’Opposante ait agit à titre de licencié de la Requérante. À tout événement, la Requérante n’a pas établi qu’elle a exercé un contrôle sur les caractéristiques ou la qualité des Produits et Services au sens de l’article 50 de la Loi.

[98]  Cet emploi de la Marque par l’Opposante dans le contexte ci-haut décrit, rendait-il la Marque non-distinctive au sens de l’article 2 de la Loi? Pour répondre à cette question il faut que je me réfère aux critères énumérés à l’article 6(5) de la Loi.

[99]  Les parties n’ont pas traité de cette question lors de l’audience. Or, la marque Le Visuel nano employée par l’Opposante pour désigner un dictionnaire d’illustrations est identique à la Marque. Le degré de ressemblance entre les marques en présence est le critère le plus important de ceux décrits à l’article 6(5) de la Loi [voir Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc [2011] 2 SCR 387, 92 CPR (4th) 361], surtout lorsqu’il y a chevauchement entre les produits et services des parties comme c’était le cas au 21 mars 2014 (paragraphes 6(5)(c) et (d)). En effet, le dictionnaire d’illustrations Le Visuel nano constituait un produit connexe aux Produits et Services décrits dans la demande d’enregistrement.

[100]  Je tiens à souligner qu’au mieux pour la Requérante, la preuve au dossier démontre que la Marque était associée non seulement à la Requérante mais également à l’Opposante puisque le dictionnaire d’illustrations Le Visuel nano était uniquement intégré au logiciel Antidote HD de l’Opposante. Ainsi au mieux, la Requérante pourrait prétendre à la co-titularité de la Marque. Or, dans le présent dossier cette co-titularité n’a pas été alléguée au soutien de la présente demande.

[101]  Dans les circonstances, au 21 mars 2014, la Marque n’était pas distinctive des Produits et Services de la Requérante.

[102]  J’accueille donc également ce motif d’opposition.

Disposition

[103]  Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

______________________________

Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 


 

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

 

 

DATE DE L’AUDIENCE: 2016-10-28

 

 

COMPARUTIONS

 

Me Bob Sotiriadis  Pour l’Opposante

 

Me Ismaël Coulibaly  Pour la Requérante

 

AGENT(S) AU DOSSIER

 

Robic  Pour l’Opposante

 

Claudette Dagenais (DJB)  Pour la Requérante



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