Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2016 COMC 196

Date de la décision: 2016-12-22

DANS L'AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

 

Druide informatique inc.

 

Opposante

et

 

Éditions Québec-Amérique Inc.

Requérante

 

 

 

 



1,596,953 pour LE VISUEL INTÉGRÉ

 

Demande

 

 

Introduction

[1]  Éditions Québec-Amérique Inc. (la Requérante) a produit le 4 octobre 2012 une demande pour l’enregistrement de la marque de commerce LE VISUEL INTÉGRÉ (la Marque) portant le numéro no 1,596,953.

[2]  La demande est fondée sur l’emploi de la Marque au Canada depuis le 20 octobre 2009. La demande d’enregistrement fut amendée le 9 juin 2014 de sorte qu’elle couvre présentement les produits et services suivants :

CD-Rom comportant des définitions de mots et des images sous forme d'illustrations et de photographies, CD-Rom comportant des logiciels éducatifs, DVD comportant des définitions de mots et des images sous forme d'illustrations et de photographies (ci-après parfois collectivement référés les «Produits»); et

Production et confection de CD-Rom comportant des définitions de mots et des images sous forme d'illustrations et de photographies; production et confection de logiciels éducatifs; production et confection de logiciels destinés à la confection, la diffusion et l'utilisation de dictionnaires et d'encyclopédies; production et confection de DVD comportant des définitions de mots et des images sous forme d'illustrations et de photographies.
Vente de logiciels éducatifs sur le réseau informatique mondial (internet); distribution et vente de logiciels permettant d'utiliser des dictionnaires et des encyclopédies (ci-après parfois collectivement référés les «Services»).

[3]  La demande d’enregistrement fut annoncée le 23 octobre 2013 dans le Journal des marques de commerce pour fins d’opposition.

[4]  Druide informatique inc. (l’Opposante) a produit le 21 mars 2014 une déclaration d’opposition soulevant les motifs d’opposition fondés sur les articles 30(b), (h) et (i), et 2 de la Loi sur les marques de commerce, LRC (1985), ch T-13 (la Loi).

[5]  La Requérante a produit une contre-déclaration niant tous et chacun des motifs d’opposition plaidés par l’Opposante.

[6]  Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit un affidavit d’André d’Orsonnens daté du 9 octobre 2014.

[7]  L’Opposante a par la suite amendé sa déclaration d’opposition pour y alléguer que «la commercialisation du Visuel intégré» allait à l’encontre d’une entente intervenue entre les parties.

[8]  La Requérante a produit un premier affidavit de Caroline Fortin daté du 6 février 2015 auquel est annexé les pièces A-1 à A-13. La Requérante a également produit, avec la permission du registraire, un affidavit supplémentaire de Mme Fortin daté du 13 mai 2015 afin, entre autres, d’y annexer une pièce supplémentaire (pièce A-14).

[9]  Aucun des déposants n’a été contre-interrogé. Seule la Requérante a produit un plaidoyer écrit et les deux parties étaient représentées lors de l’audience.

[10]  Pour les raisons plus amplement décrites ci-après, l’opposition est accueillie.


 

Remarques préliminaires

[11]  Les déposants et la Requérante, dans son plaidoyer écrit, utilisent les expressions «Visuel Intégré», «Visuel intégré» et «Visuel intégré» sans vraiment les distinguer ou les définir, sauf pour M. D’Orsonnens qui définit dans son affidavit l’expression «Visuel intégré» de la manière indiquée  ci-après. De plus, les déposants emploient les expressions «module Visuel Intégré» et «logiciel Visuel Intégré» sans encore une fois les définir. Je reproduirai textuellement les expressions employées lorsque je me référerai à la preuve au dossier.

[12]  Tel qu’il apparaîtra du résumé de la preuve au dossier, les parties sont impliquées dans des procédures judiciaires devant la Cour supérieure du Québec concernant la nature de leur relation d’affaires. Toutefois, la présente procédure d’opposition n’a pour but que de déterminer si la Requérante est en droit d’obtenir l’enregistrement de la Marque en liaison avec les Produits et les Services, compte tenu des motifs d’opposition plaidés et de la preuve versée au dossier.

[13]  M. D’Orsennens, dans son affidavit, a défini plusieurs termes et il est important, pour bien comprendre ce sur quoi les parties ont collaboré, de reproduire certaines définitions:

«Pont informatique» signifie le code informatique développé par [l’Opposante et la Requérante] ayant permis aux utilisateurs d’Antidote (éditions 98 à RX) d’accéder au Visuel (éditions antérieures au Visuel multimédia édition 4) par un simple clic (le plus souvent sur le bouton à l’image du Visuel) et, inversement, aux utilisateurs du Visuel (éditions antérieures au Visuel multimédia édition 4) d’accéder à Antidote (éditions 98 à RX) par un simple clic (le plus souvent sur un bouton à l’image d’Antidote).

«Visuel intégré» est un logiciel distinct vendu par téléchargement aux utilisateurs d’Antidote (éditions HD et futures) comprenant toutes les illustrations ainsi que les termes en français  (avec leur prononciation et leur définition) du Visuel multimédia édition 4 de la requérante et développé par l’opposante pour s’incorporer au logiciel Antidote (éditions HD et futures) tel qu’il appert de la saisie d’écran à la pièce AD-2 […]

[14]  Ce dossier a été entendu conjointement avec le dossier no 1,596,952 pour la marque LE VISUEL NANO, impliquant les mêmes parties et les mêmes motifs d’opposition. La preuve de l’Opposante est identique dans les deux dossiers alors que celle de la Requérante diffère. Ces dossiers font l’objet de décisions séparées.

[15]  Finalement, j’ai constaté que tant les déposants dans leurs affidavits que les parties lors de l’audience font référence à un «logiciel» alors que nous retrouvons dans l’état déclaratif des Produits les termes «CD-Rom» et «DVD». Je reviendrai sur ce sujet un peu plus loin dans ma décision.

Preuve de l’Opposante

[16]  M. D’Orsonnens est président du conseil et chef de la direction de l’Opposante, poste qu’il occupe depuis la fondation de l’Opposante en 1993.

[17]  M. D’Orsonnens explique que la relation d’affaires entre l’Opposante et la Requérante «a vu le jour le 13 mai 1998 alors qu’était lancé un premier pont informatique» entre la 2e édition d’Antidote (Antidote 98), soit un logiciel de l’Opposante d’aide à la rédaction du français, et la première édition du Visuel (Le Visuel- Dictionnaire multimédia), un logiciel d’illustrations de la Requérante. Il explique que ce pont informatique «a considérablement évolué avec les années et atteint un certain plafond avec les deux derniers produits à l’avoir hébergé, soit Antidote RX et le Visuel 3 multimédia».

[18]  Au moment du lancement simultané des versions Antidote RX et du Visuel 3 multimédia le 11 septembre 2006, la Requérante était, selon M. D’Orsonnens, «sans contredit le partenaire stratégique le plus important» de l’Opposante.

[19]  Selon M. D’Orsonnens, lors d’une rencontre tenue le 8 avril 2008, il fut convenu d’améliorer le pont informatique existant en modifiant l’Index du Visuel dès la prochaine édition d’Antidote alors prévue pour l’automne 2009 afin qu’il prenne la forme d’un dictionnaire d’illustrations accessible depuis la liste des dictionnaires contenus dans le logiciel Antidote.

[20]  Selon M. D’Orsennens, en vertu de son entente avec la Requérante, l’Opposante a assumé seule les coûts pour la programmation du Visuel intégré, soit «un module complètement autonome conçu pour ne fonctionner que dans Antidote et dont elle est la seule à pouvoir faire la vente, comme elle le fait d’ailleurs de façon continue depuis son lancement le 20 octobre 2009». Il ajoute que l’Opposante, en vertu de l’entente avec la Requérante, lui verse mensuellement 50% «des ventes du Visuel Intégré, les premières ventes étant intervenues au mois d’octobre 2009».

[21]  M. D’Orsennens affirme que la Requérante a approuvé le contenu «du Visuel intégré» et ce préalablement à son lancement le 20 octobre 2009. La Requérante a également approuvé la structure tarifaire élaborée par l’Opposante pour la vente du «Visuel intégré».

[22]  M. D’Orsennens affirme que, depuis le mois d’octobre 2009, la vente «du Visuel intégré» s’effectue principalement en version monoposte par l’intermédiaire de la boutique virtuelle de l’Opposante appelée Boutique Antidote et il produit un extrait pertinent de cette boutique virtuelle. Il ajoute que depuis le mois de novembre 2010, «le Visuel intégré» est également vendu en version multiposte et il produit diverses factures (Pièce AD-4) pour en démontrer la commercialisation continue. Toutes ces factures ont été émises par l’Opposante.

[23]  M. D’Orsennens affirme que la commercialisation «du Visuel intégré s’appuie principalement sur le site web [de l’Opposante]» et il joint comme Pièce AD-5 des extraits de ce site, incluant une fenêtre intitulée : «LE VISUEL INTÉGRÉ - Conçu spécialement pour Antidote».

[24]  M. D’Orsennens produit également des extraits du guide d’utilisation du logiciel Antidote (Pièce AD-6) où on y réfère à «Le Visuel intégré».

[25]  Finalement, M. D’Orsennens produit comme Pièce AD-7 une copie du communiqué de presse diffusé le 20 octobre 2009 relativement au lancement du Visuel Intégré. Selon M. D’Orsennens, il aurait été préparé par l’Opposante et approuvé par Mme Fortin, vice-présidente de la Requérante. Je note les passages suivants :

Avec la complicité des Éditions Québec Amérique, Druide informatique lance le Visuel intégré, un nouveau module optionnel conçu expressément pour sa suite linguistique Antidote HD. Basé sur le célèbre dictionnaire des Éditions Québec Amérique, le Visuel intégré ajoute à Antidote HD…

[(…)]

Le contenu du Visuel intégré est basé sur le contenu français du nouveau Visuel multimédia 4, obtenu sous licence des Éditions Québec Amérique. ‘Depuis douze ans, Druide et Québec Amérique nourrissent un partenariat technique et commercial des plus fructueux’ déclare Caroline Fortin…

[(…)]

Le Visuel intégré existe en versions Windows, Mac et Linux. Il est offert en téléchargement aux propriétaires d’Antidote HD au prix de 19.95 $. Jusqu’au 31 décembre 2009, les propriétaires d’une édition antérieure d’Antidote peuvent profiter d’une offre de mise à niveau incluant Antidote HD, le Visuel intégré et le cédérom Le Corps humain au prix de 88.95 $.

[26]  Il m’apparait assez clair des affirmations contenues dans l’affidavit de M. D’Orsennens que la Marque a été employée à compter du 20 octobre 2009 en liaison avec un logiciel. Reste à savoir s’il s’agit d’un emploi de la Marque en liaison avec les Produits et Services tels que décrits dans la présente demande, et, dans l’affirmative, bénéficiant à qui?

Preuve de la Requérante

[27]  Mme Fortin est à l’emploi de la Requérante depuis 1991 et a occupé différentes fonctions chez cette dernière. Elle affirme qu’en 2009 elle occupait le poste de Vice-présidente direction internationale de la Requérante. Elle explique que la Requérante œuvre depuis 1974 dans le domaine de l’édition de livres, logiciels et applications numériques. Ainsi, la Requérante conçoit, développe et commercialise des contenus de référence originaux et innovateurs.

[28]  Mme Fortin affirme que la Marque est tirée du nom et de la marque de commerce du dictionnaire LE VISUEL et elle produit comme pièce A-1 un bref historique de la Requérante, conçu en 2011 à l’occasion «du 25e anniversaire de cette famille de produits». La pièce A-1 réfère à différentes versions de dictionnaires dont certains titres sont composés du mot «visuel».

[29]  Ainsi, Mme Fortin explique que la Requérante a réalisé, en version papier, un dictionnaire multilingue intitulé LE VISUEL dont la première édition fut publiée en 1986. Il s’agit, selon Mme Fortin, du premier dictionnaire visuel. Aujourd’hui, la Requérante en est à sa 4e édition et il est traduit en plus de 35 langues.

[30]  Mme Fortin affirme que la Requérante est la propriétaire inscrite de la marque de commerce déposée LE VISUEL et elle produit une copie certifiée authentique de cet enregistrement comme pièce A-3. Elle affirme que la marque LE VISUEL est employée en liaison avec les produits et les services énumérés au certificat d’enregistrement dont «CD-Rom comportant des logiciels éducatifs, DVD comportant des définitions de mots et des images sous forme d’illustrations et de photographies; vente d’images sous forme d’illustrations et de photographies sur le réseau informatique mondial internet…».

[31]  Mme Fortin explique que le dictionnaire LE VISUEL a été disponible de 2009 à 2013 en version électronique et livré sous forme d’un lien de téléchargement et commercialisé sous la marque LE VISUEL MULTIMÉDIA EDITION 4. Il s’agit d’une version interactive du dictionnaire format papier LE VISUEL (3e édition) comportant plus de 6000 illustrations en couleur, organisées par thèmes, sous 2300 écrans, pour plus de 32000 termes.

[32]  Mme Fortin affirme que de 1998 à 2009, la Requérante a conçu et développé avec l’Opposante un pont informatique entre la première édition (1996) du logiciel LE VISUEL MULTIMÉDIA de la Requérante et la seconde édition d’un logiciel nommé Antidote (logiciel d’aide à la rédaction du français) de l’Opposante et ce, «en vue de leur utilisation commune par les usagers et clients». Elle affirme que ce pont informatique a été maintenu jusqu’en 2009 alors qu’il liait les logiciels Antidote RX et LE VISUEL MULTIMÉDIA 3.

[33]  Mme Fortin soutient que la Requérante détient et a toujours détenu tous les droits, titres et intérêts à l’égard du dictionnaire LE VISUEL ainsi que sur toutes les déclinaisons de contenu de ce dictionnaire développées à travers les années, et notamment les dictionnaires illustrés sous forme de logiciels, nommés LE VISUEL MULTIMÉDIA. Elle affirme que la Requérante n’a jamais transféré ses droits sur leur contenu, ni sur «les marques de commerce afférentes».

[34]  Mme Fortin affirme que la Marque s’inscrit dans une dynamique de diversification par laquelle la Requérante élargit «sa famille de marques et explore de nouveaux modes de distribution de ses marchandises sur le marché afin d’offrir de nouvelles expériences au public».

[35]  Mme Fortin affirme que «Le logiciel LE VISUEL INTÉGRÉ est vendu par téléchargement aux utilisateurs du logiciel Antidote …».

[36]  Mme Fortin souligne que «le logiciel LE VISUEL INTÉGRÉ est donc un produit distinct proposé sous la forme d’un module téléchargeable qui s’intègre à Antidote. Les illustrations, la terminologie, les définitions et les prononciations du logiciel LE VISUEL INTÉGRÉ proviennent entièrement du dictionnaire LE VISUEL MULTIMEDIA ÉDITION 4 de [Québec Amérique]…».

[37]  Mme Fortin produit comme pièce A-5 une capture d’écran archivée en date du 15 janvier 2010 du site web de la Requérante. Je note la mention suivante :

Le Visuel intégré est un module téléchargeable dont le contenu est accessible à travers l’interface de Antidote HD uniquement. Visitez la boutique Antidote pour plus de renseignements ou pour l’acheter en ligne.

[38]  Mme Fortin affirme que le 20 octobre 2009, l’Opposante a entrepris de mettre sur le marché la septième édition de son logiciel Antidote, appelée Antidote HD (l’édition actuelle, Antidote 8, ayant été lancée le 8 novembre 2012) et elle produit une copie d’un communiqué de presse diffusé le 20 octobre 2009 comme pièce A-8, pièce identique à la pièce AD-7 à l’affidavit de M. D’Orsennens.

[39]  Ainsi, selon Mme Fortin, «[l’] intégration du logiciel LE VISUEL INTÉGRÉ comme composante optionnelle du logiciel Antidote de [l’Opposante] constitue un positionnement stratégique permettant à [la Requérante] de bénéficier de l’achalandage et du réseau de distribution de [l’Opposante] assurant ainsi une mise en marché de même qu’une promotion du logiciel LE VISUEL INTÉGRÉ et de son contenu…». Au soutien de cette affirmation, elle produit une publicité tirée du guide de l’utilisateur d’Antidote et des factures afférentes à cette publicité jointes en liasse comme pièce A-9.

[40]  Mme Fortin prétend que depuis 2009, les parties ont tenté de s’entendre contractuellement pour que l’Opposante distribue sa nouvelle édition d’Antidote en distribuant et vendant séparément «le module LE VISUEL INTÉGRÉ». Elle affirme que tacitement, la Requérante a toléré que l’Opposante «débute la commercialisation de ces produits le 20 octobre 2009 sous la promesse d’en venir à une entente mutuelle et écrite sur les conditions essentielles d’un contrat à négocier».

[41]  Mme Fortin affirme que «préalablement au lancement par [l’Opposante] de son logiciel Antidote HD en date du 20 octobre 2009, auquel est intégré le logiciel LE VISUEL INTÉGRÉ, ainsi que dans les mois qui ont suivi, [la Requérante] a vendu à [l’Opposante] de nombreux exemplaires du logiciel LE VISUEL INTÉGRÉ» et elle produit des factures comme pièce A-11.

[42]  Mme Fortin affirme que les parties ont échangé des projets de contrats qui relèvent d’une relation commerciale de distribution et elle produit un projet de contrat acheminé par l’Opposante en 2011 (pièce A-10 à son affidavit). Elle fait référence  aux clauses touchant : la commercialisation (clause 6.1); la distribution par l’Opposante du logiciel portant la Marque afin de générer des ventes (clause 6.2); les prix de revente et la remise à la Requérante d’un rapport mensuel des ventes de ce logiciel (clauses 6.2 et 6.3).

[43]  Puisque le projet émanait de l’Opposante, Mme Fortin prétend que l’Opposante elle-même considérait la relation entre les parties comme «une relation d’affaires de distribution» du logiciel en liaison avec la Marque.

[44]   Une fois les logiciels Antidote HD et celui portant la Marque mis sur le marché, Mme Fortin prétend que l’Opposante a refusé les demandes répétées de la Requérante de conclure une entente écrite. Elle affirme que «la relation d’affaires entre les parties» fait l’objet d’un litige devant la Cour supérieure du Québec entre les parties.

[45]  Mme Fortin conclut son affidavit en alléguant que l’Opposante agit comme intermédiaire dans la chaîne de distribution par le biais de son logiciel Antidote en revendant au consommateur le logiciel portant la Marque par l’intermédiaire de la «Boutique Antidote» en ligne où ce logiciel portant la Marque est proposé en téléchargement payant (version monoposte) ainsi qu’en versions CD-Rom et DVD-Rom. Elle produit une capture d’écran du site web de l’Opposante comme pièce A-12. Elle ajoute que la version multiposte du logiciel portant la Marque est aussi distribuée par l’Opposante au consommateur final et elle  produit à cet effet des factures comme pièce A-13. Toutefois, je note que la capture d’écran (pièce A-12) ne fait aucunement référence à une version CD-Rom. Il y est fait cependant mention de la possibilité de se procurer une version DVD-Rom contenant Antidote 8 et le Visuel intégré.

[46]  L’affidavit supplémentaire de Mme Fortin fait référence à une facture produite comme pièce A-14 émise par l’Opposante à la Requérante représentant le partage des coûts afférents à la production d’une capsule publicitaire visant à soutenir «la vente des marchandises et services utilisés en liaison avec la [Marque] auprès des clients du logiciel Antidote HD de l’[O]pposante.»

[47]  Selon Mme Fortin, lorsque M. D’Orsonnens fait référence à cette publicité au paragraphe 25 de son affidavit, il omet de mentionner que la moitié des coûts a été assumée par la Requérante conformément au libellé de la clause 6.7 du projet de contrat proposé par l’Opposante, produit comme pièce A-10 au soutien de l’affidavit de Mme Fortin.

Ma compréhension de la preuve

[48]  De la preuve au dossier je comprends que :

·  il existait une relation d’affaires entre les parties depuis 1998 et qu’elle a pris la forme d’une relation de contrat de licence pour ce qui est du VISUEL MULTIMÉDIA 4 (voir la pièce AD-7 à l’affidavit de M. D’Orsennens);

·  pour la suite des choses, les parties ont convenu d’établir une nouvelle relation d’affaires concernant la création du logiciel Le Visuel intégré, logiciel intégré comme option à une nouvelle version du logiciel Antidote de l’Opposante;

·  le logiciel Le Visuel intégré est intimement associé au logiciel Antidote de l’Opposante;

·  le logiciel Le Visuel intégré ne fonctionne qu’avec le produit Antidote de l’Opposante (paragraphes 17 et 21 de l’affidavit de M. D’Orsennens);

·  pour se procurer le logiciel Le Visuel intégré le consommateur doit obligatoirement se rendre (avec ou sans l’assistance de la Requérante) sur le site de l’Opposante où est offert le produit Antidote;

·  c’est l’Opposante qui «contrôle» le logiciel Le Visuel intégré (paragraphe 22 de l’affidavit de M. D’Orsennens);

·  il n’y a aucun avis clair adressé aux consommateurs à l’effet que le logiciel ou module LE VISUEL INTÉGRÉ est un produit de la Requérante. Nous retrouvons l’avis suivant dans le guide de l’utilisateur de la version Antidote 8, logiciel de l’Opposante (pièce A-9 à l’affidavit de Mme Fortin) :

Le Visuel Intégrémc  est un produit distinct offert sous la forme d’un module téléchargeable qui s’intègre à votre Antidote. Faite-en l’acquisition à petit prix sur :

  www.druide.com/boutique

  • cette nouvelle relation d’affaires entre les parties était fondée sur un «partenariat» et une «complicité», «synergie», «fusion», et/ou «collaboration».

 


 

Fardeau de preuve

[49]  C’est à la Requérante qu'incombe le fardeau ultime de démontrer que la demande d'enregistrement ne contrevient pas aux dispositions de la Loi. Toutefois, l’Opposante doit, pour sa part, s'acquitter du fardeau initial de prouver les faits sur lesquels elle appuie ses allégations. Le fait qu'un fardeau de preuve initial soit imposé à l'Opposante signifie qu'un motif d'opposition sera pris en considération que s’il existe une preuve suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l'existence des faits allégués à l'appui de ce motif d'opposition [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al 2002 CAF 29, 20 CPR (4th) 155 (CAF); et Wrangler Apparel Corp c The Timberland Company 2005 CF 722, 41 CPR (4th) 223].

Motif d’opposition fondé sur la combinaison des paragraphes 30(b) et (h) de la Loi

[50]  Il est pertinent pour les fins de l’analyse qui va suivre de reproduire le libellé de ce motif d’opposition :

La marque de commerce dont l’emploi est allégué n’est pas LA MARQUE pour laquelle l’enregistrement est demandé, mais une autre que celle mentionnée à la demande sous opposition [contrairement aux alinéas 30 b) et 30 h) de la Loi];

[51]  J’ai souligné à l’Opposante lors de l’audience qu’il ne semblait pas y avoir de preuve au dossier supportant un motif d’opposition fondé sur la combinaison des paragraphes 30 (b) et (h) de la Loi telle que plaidée dans la déclaration d’opposition. L’Opposante m’a alors répondu qu’elle n’avait aucun commentaire à formuler sur ce motif d’opposition.

[52]  De plus, je note qu’il n’y a aucune preuve au dossier supportant l’argument que la marque de commerce employée en liaison avec les Produits et les Services n’est pas la Marque mais plutôt une autre marque de commerce.

[53]  Dans les circonstances, je rejette ce motif d’opposition ci-haut décrit puisque l’Opposante ne s’est pas déchargée de son fardeau initial de preuve.


 

Motif d’opposition sous l’article 30(i) de la Loi

[54]  Le libellé du motif d’opposition sous l’article 30(i) se lit comme suit :

C’est faussement que la [R]equérante s’est dite convaincue d’avoir le droit à l’emploi au Canada de [la Marque] puisqu’un tel emploi irait à l’encontre d’une entente intervenue entre la [R]equérante et l’[O]pposante quant à l’emploi de [la Marque] et/ou la commercialisation du Visuel intégré (…)

[55]  La date pertinente pour l’analyse de ce motif d’opposition est la date de production de la demande d’enregistrement (4 octobre 2012) [voir Tower Conference Management Co c Canadian Exhibition Management Inc (1990), 28 CPR (3d) 428 (COMC)].

[56]  L’article 30(i) de la Loi exige seulement que la Requérante se déclare convaincue d’avoir droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Produits et Services. Cette déclaration est comprise dans la présente demande d’enregistrement.

[57]  Cet article de la Loi peut être soulevé au soutien d’un motif d’opposition que dans des cas bien particuliers; par exemple, lorsque cette déclaration de la Requérante aurait été faite de mauvaise foi [voir Sapodilla Co Ltd c Bristol Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC)].

[58]  J’estime que l’Opposante ne s’est pas déchargée de son fardeau initial de prouver la mauvaise foi de la Requérante. En effet, rien dans la preuve ci-haut décrite m’amène à conclure qu’à la date de production de la présente demande, la Requérante était de mauvaise foi en déclarant qu’elle était satisfaite d’avoir droit d’employer la Marque.

[59]  Le fait que les parties diffèrent d’interprétation en ce qui a trait à la nature de leur relation d’affaires ou quant aux termes et conditions de l’entente intervenue entre elles relativement à l’emploi de la Marque ne saurait entraîner en l’espèce la mauvaise foi de la Requérante.

[60]  Ce motif d’opposition est donc rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’article 30(b) de la Loi

[61]  L’Opposante plaide également que :

La [R]equérante n’a pas employé, au sens de l’article 4 de la Loi, [la Marque] en liaison avec chacune des marchandises et chacun des services mentionnés à la demande sous opposition, et la date de premier emploi revendiquée est fausse (…).

Alternativement ou cumulativement l’emploi allégué (lequel est nié) de LA MARQUE en liaison avec chacune des marchandises ou chacun des services mentionnés dans la demande sous opposition est discontinu, pour tout ou partie des marchandises ou services mentionnés à la demande sous opposition [contrairement à l’alinéa 30 b) de la Loi].

  Emploi discontinu de la Marque

[62]  Quant au deuxième paragraphe de ce motif d’opposition, il n’y a aucune preuve au dossier à l’effet que l’emploi de la Marque en liaison les Produits et Services aurait été discontinué.

[63]  Je tiens à souligner que je considère qu’il faut distinguer «emploi discontinu» de «absence d’emploi» d’une marque de commerce. Un «emploi discontinu» suppose qu’il y a eu emploi de la marque de commerce mais que cet emploi a cessé dans le temps.

[64]  Considérant que l’Opposante ne s’est pas déchargée de son fardeau de preuve initial, ce motif d’opposition est également rejeté.

Fausseté de la date de premier emploi

[65]  Il ressort de ma revue des affidavits de Mme Fortin et M. D’Orsennens qu’ils sont tous les deux d’accord sur le fait que la Marque a été employée pour la première fois le 20 octobre 2009 lorsque l’Opposante a lancé sa nouvelle version d’Antidote, soit Antidote HD. Ainsi, la date du 20 octobre 2009 comme date de premier emploi de la Marque semble être exacte.

[66]  Ce volet du motif d’opposition ci-haut reproduit est donc rejeté.

[67]  Reste à déterminer si c’est la Requérante qui a employé la Marque depuis cette date.

Absence d’emploi de la Marque par la Requérante depuis la date de premier emploi

[68]  Ce motif d’opposition doit être analysé à la date de production de la demande d’enregistrement, soit au 4 octobre 2012 [voir Georgia-Pacific Corporation v Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC)] et à la lumière de la preuve produite au dossier [voir Novopharm c AstraZeneca AB, 2002 CAF 387, 21 CPR (4th) 289].

[69]  Dans la mesure où une requérante a plus facilement accès aux faits, le fardeau initial de preuve qui incombe à une opposante relativement à un motif d’opposition fondé sur la non-conformité à l’article 30(b) de la Loi est moins lourd [voir Tune Masters c Mr P's Mastertune Ignition Services Ltd (1986), 10 CPR (3d) 84 (COMC)]. Une opposante peut s’appuyer sur la preuve de la requérante pour s’acquitter de ce fardeau, auquel cas l’opposante doit démontrer que la preuve de la requérante met en cause la date de premier emploi revendiquée dans la demande d’enregistrement [voir Corporativo de Marcas GJB, SA de CV c Bacardi & Company Ltd, 2014 FC 323, paragr. 30 à 38].

[70]  Du libellé du premier volet de ce motif d’opposition, de la preuve au dossier et de l’argumentation de l’Opposante lors de l’audience, je comprends que l’Opposante prétend que c’est elle et non la Requérante qui a employé la Marque à compter du 20 octobre 2009. Ainsi, si cela est exact, la Requérante n’aurait pas employé la Marque depuis le 20 octobre 2009 tel qu’il est allégué dans la présente demande.

[71]  Bien que la Requérante n’était pas obligée d’établir sa date de premier emploi de la Marque en liaison avec les Produits et Services, elle a choisi de produire de la preuve dont les éléments peuvent être utilisés par l’Opposante pour lui permettre de se décharger de son fardeau initial de preuve.

[72]  Je retiens de la preuve que :

  • c’est l’Opposante qui a développé le logiciel Le Visuel intégré;

  • c’est l’Opposante qui offre pour la vente et vend de son site Internet un logiciel en liaison avec la marque Le Visuel intégré;

  • Le consommateur qui désire se procurer le logiciel Le Visuel intégré doit se rendre sur le site de l’Opposante;

  • Le logiciel Le Visuel intégré constitue une composante optionnelle du logiciel Antidote de l’Opposante;

  • Par le passé, la Requérante a vendu des CD-Roms contenant d’autres dictionnaires en liaison avec d’autres marques de commerce.

 

[73]  Je suis d’avis qu’il existe une certaine connexité entre le logiciel Le Visuel intégré et l’état déclaratif des Produits et Services et que les éléments de preuve résumés ci-haut sont suffisants pour conclure que l’Opposante s’est déchargée de son fardeau initial de prouver que c’est elle et non la Requérante qui a employé la Marque à compter du 20 octobre 2009. Ainsi, la Requérante devait démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle a employé depuis le 20 octobre 2009 la Marque en liaison avec les Produits et Services au sens de l’article 4 de la Loi.

[74]  Il apparait de la description détaillée de la preuve que les parties réfèrent uniquement à ‘un logiciel’ ou à un ‘module’ pour décrire le produit vendu en liaison avec la Marque. Il est pertinent pour les fins de l’analyse qui suit de reproduire la définition des Produits et des Services :

CD-Rom comportant des définitions de mots et des images sous forme d'illustrations et de photographies, CD-Rom comportant des logiciels éducatifs, DVD comportant des définitions de mots et des images sous forme d'illustrations et de photographies (ci-après parfois collectivement référés les ‘Produits’); et

Production et confection de CD-Rom comportant des définitions de mots et des images sous forme d'illustrations et de photographies; production et confection de logiciels éducatifs; production et confection de logiciels destinés à la confection, la diffusion et l'utilisation de dictionnaires et d'encyclopédies; production et confection de DVD comportant des définitions de mots et des images sous forme d'illustrations et de photographies.
Vente de logiciels éducatifs sur le réseau informatique mondial (internet); distribution et vente de logiciels permettant d'utiliser des dictionnaires et des encyclopédies (ci-après collectivement référés les ‘Services’).

 

[75]  Je constate qu’il n’y a aucun allégué dans les affidavits de Mme Fortin se rapportant à l’emploi de la Marque en liaison avec les Produits et les Services tels que définis dans la présente demande, sauf pour une allégation à l’effet que le logiciel Le Visuel intégré était disponible en versions CD-Rom et DVD. Je n’ai cependant aucune preuve de la vente de CD-Roms ou DVDs contenant des logiciels éducatifs en liaison avec la Marque.

[76]  Il y a bien la capture d’écran du site web de l’Opposante (pièce A-7) qui démontre que le logiciel Le Visuel intégré était offert par l’Opposante en version DVD (pièce AD-12), mais je n’ai aucune preuve qu’il y a eu vente de DVDs contenant des logiciels éducatifs par la Requérante en liaison avec la Marque.

[77]  À tout événement, même si j’avais la preuve que des consommateurs ont commandé auprès de l’Opposante le logiciel Le Visuel intégré en version CD-Rom, cette vente ne constituerait pas un emploi de la Marque par la Requérante au sens de l’article 4(1) de la Loi et ce pour les raisons décrites ci-après.

[78]  La Requérante voudrait bien que je conclus que la nouvelle relation d’affaires en est une où l’Opposante agit à titre de simple distributeur de la Requérante. Ainsi les ventes du logiciel Le Visuel intégré par l’Opposante bénéficieraient à la Requérante [voir Lin Trading Co c CBM Kabushiki Kaisha (1988) 21 CPR (3d) 417, [1989] 1 CF 620 (CAF)]. Je ne suis pas convaincu que cela soit le cas. De la preuve au dossier, je comprends que cette nouvelle relation d’affaires concernant la création du logiciel le Visuel intégré était fondée sur un  «partenariat» et une «complicité», «synergie», «fusion», et/ou «collaboration» entre les parties. Ainsi, cette nouvelle relation d’affaires m’apparaît aller au-delà d’une simple relation de distributeur, compte tenu du rôle joué par l’Opposante dans la création du logiciel Le Visuel intégré.

[79]  La preuve démontre la vente de logiciels «Visuel intégré Antidote» par la Requérante à l’Opposante (voir les factures produites comme pièce A-11 à l’affidavit de Mme Fortin), expression apparaissant sur les factures sous la rubrique «description» des marchandises vendues à l’Opposante. Toutefois, je ne considère pas ces ventes comme des ventes des Produits ou Services tels que décrits dans la présente demande et ce pour les raisons qui suivent.

[80]  Tout d’abord, Mme Fortin ne fournit aucune explication sur ce que représente l’expression «Visuel intégré Antidote».

[81]  De plus, je remarque que ces factures font état de la vente d’autres logiciels sur CD. Or, pour ce qui est du produit «Visuel intégré Antidote», nous retrouvons dans la description du produit vendu l’expression «URL». Le dictionnaire français Larousse définit ce terme en ces mots :

sigle de l'anglais uniform resource locator, localisateur universel de ressources.

Adresse électronique qui permet de localiser un site ou un document sur Internet, et qui indique la méthode pour y accéder, le chemin d’accès et le nom du fichier.

 

[82]  Il s’agissait donc de la vente de logiciels par téléchargement et non sur CD-Rom ou DVD.

[83]  Je ne peux davantage conclure, au vu de la preuve au dossier, à l’existence d’une licence entre les parties pour l’emploi de la Marque. Bien que le communiqué de presse (pièce AD-7) mentionne que l’Opposante employait le contenu du Visuel multimédia 4 «sous licence», pareille «licence» n’est pas alléguée par Mme Fortin en ce qui concerne le logiciel Le Visuel intégré. J’ai retrouvé à la clause 2.2 du projet d’entente, pièce A-10 à l’affidavit de Mme Fortin, la mention d’une licence accordée par la Requérante à l’Opposante pour Le Visuel intégré. Or, il s’agit d’un simple projet de contrat dont le contenu fait l’objet d’un litige entre les parties.

[84]  Également, même si je concluais que l’Opposante était une licenciée, il n’y a aucune preuve au dossier de l’existence de mécanismes de contrôle de la part de la Requérante sur l’emploi de la Marque par l’Opposante concernant le logiciel Le Visuel intégré [voir l’article 50 de la Loi] lorsque celui-ci est vendu en option lors de la vente du logiciel Antidote HD de l’Opposante.

[85]  Pour tous ces motifs, je ne peux pas conclure que l’Opposante agissait à titre de distributeur ni de licencié de la Requérante lorsqu’elle vendait le logiciel Le Visuel intégré par téléchargement de son site web.

[86]  Par conséquent, la Requérante n’a pas employé la Marque à compter du 20 octobre 2009 en liaison avec les Produits.

Emploi en liaison avec les Services

[87]  Je rappelle que la preuve démontre que c’est l’Opposante qui a procédé à la création du logiciel Le Visuel intégré et son intégration comme produit optionnel au logiciel Antidote de l’Opposante. Ainsi, s’il y a eu emploi de la Marque en liaison avec quelque service que ce soit, ce fut par l’Opposante.

[88]  Je suis d’avis qu’il existe une certaine connexité entre ce travail et l’état déclaratif des Services et que les éléments de preuve résumés ci-haut sont suffisants pour conclure que l’Opposante s’est déchargée de son fardeau initial de prouver que c’est elle et non la Requérante qui a employé la Marque à compter du 20 octobre 2009 en liaison avec les Services. Ainsi, la Requérante devait démontrer qu’elle a employé, depuis le 20 octobre 2009, la Marque en liaison avec les Services au sens de l’article 4 de la Loi.

[89]  Or, de ma compréhension de la preuve, il est clair que la Requérante n’a offert aucun des Services à des tiers en liaison avec la Marque à compter du 20 octobre 2009.

[90]  Dans les circonstances, je conclus que la Requérante ne s’est pas déchargée de son fardeau de démontrer qu’elle a employé la Marque en liaison avec les Services et ce depuis le 20 octobre 2009.

Conclusion

[91]  J’accueille donc le motif d’opposition fondé sur l’article 30(b) de la Loi pour l’ensemble des Produits et Services.

Motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif de la Marque

[92]  Ce motif d’opposition est libellé comme suit :

L’Opposante fonde son opposition sur l’alinéa 38(2) d) de la Loi, à savoir qu’eu égard aux dispositions de l’article 2 de la Loi (définition de ‘distinctive’), [la Marque] dont la requérante demande l’enregistrement n’est pas distinctive des marchandises et services visés par la présente demande d’enregistrement ni ne peut être adaptée à les distinguer en raison de l’entente intervenue entre la requérante et l’opposante quant à l’emploi de [la Marque] et/ou la commercialisation du Visuel intégré.

[93]  Ce motif d’opposition doit s’analyser à la date de production de la déclaration d’opposition de l’Opposante (21 mars 2014) [voir Andres Wines Ltd c E&J Gallo Winery (1975), 25 CPR (2d) 126 (CAF) et Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc 2004 CF 1185, 34 CPR (4th) 317].

[94]  De ma compréhension de la preuve, je retiens que :

·  le logiciel Le Visuel intégré est intimement associé au logiciel Antidote de l’Opposante;

·  le logiciel Le Visuel intégré ne fonctionne qu’avec le produit Antidote de l’Opposante (paragraphes 17 et 21 de l’affidavit de M. D’Orsennens);

·  pour se procurer le logiciel Le Visuel intégré le consommateur doit obligatoirement se rendre (avec ou sans l’assistance de la Requérante) sur le site de l’Opposante où est offert le produit Antidote;

·  c’est l’Opposante qui «contrôle» le logiciel Le Visuel intégré (paragraphe 22 de l’affidavit de M. D’Orsennens);

·  la nouvelle relation d’affaires entre les parties était fondée sur un «partenariat» et une «complicité», «synergie», «fusion», et/ou «collaboration».

[95]  Ces éléments de preuve démontrent que l’Opposante employait la Marque en liaison avec un logiciel, produit connexe aux Produits et Services décrits dans la présente demande et ce pour les raisons exprimées dans mon analyse du motif d’opposition précédent. Ceci est suffisant pour permettre à l’Opposante de se décharger de son fardeau de preuve initial sous le présent motif d’opposition. Par conséquent, la Requérante devait démontrer qu’en raison de son emploi, la Marque était devenue distinctive de ses Produits et Services au 21 mars 2014.

[96]  Or, tel que je l’ai conclu sous le motif d’opposition précédent, je n’ai aucune preuve d’emploi de la Marque par la Requérante en liaison avec les Produits et Services. Bien que le motif d’opposition précédent s’analysait à une date antérieure, je n’ai pas de preuve d’emploi de la Marque par la Requérante  entre le 20 octobre 2009 et le 21 mars 2014.

[97]  La preuve au dossier démontre la vente du logiciel Le Visuel intégré par l’Opposante de concert avec la vente de son logiciel Antidote. J’ai déjà déterminé que la Requérante ne pouvait pas bénéficier de cet emploi d’une part parce que je ne suis pas convaincu que l’Opposante ait agi à titre de simple distributeur de la Requérante, et d’autre part parce que je ne suis pas davantage convaincu que l’Opposante ait agit à titre de licenciée de la Requérante. À tout événement, la Requérante n’a pas établi qu’elle a exercé un contrôle sur les caractéristiques ou la qualité des Produits et Services au sens de l’article 50 de la Loi.

[98]  Cet emploi de la Marque par l’Opposante dans le contexte ci-haut décrit, rendait-il la Marque non-distinctive au sens de l’article 2 de la Loi? Pour répondre à cette question il faut que je me réfère aux critères énumérés à l’article 6(5) de la Loi.

[99]  Les parties n’ont pas traité de cette question lors de l’audience. Or, la marque Le Visuel intégré employée par l’Opposante en liaison avec un logiciel est identique à la Marque. Le degré de ressemblance entre les marques en présence est le critère le plus important de ceux décrits à l’article 6(5) de la Loi [voir Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc [2011] 2 SCR 387, 92 CPR (4th) 361], surtout lorsqu’il y a chevauchement entre les produits et services des parties comme c’était le cas au 21 mars 2014 (paragraphes 6(5)(c) et (d)). En effet, la vente par téléchargement du logiciel Le Visuel intégré était connexe à ce qui est décrit dans la demande d’enregistrement  comme étant la vente de CD-Roms ou DVDs contenant des logiciels.

[100]  Je tiens à souligner qu’au mieux pour la Requérante, la preuve au dossier démontre que la Marque était associée non seulement à la Requérante mais également à l’Opposante puisque le logiciel Le Visuel intégré était vendu uniquement par l’intermédiaire du logiciel Antidote de l’Opposante. Ainsi, la Requérante pourrait prétendre à la co-titularité de la Marque. Or, dans le présent dossier cette co-titularité n’a pas été alléguée au soutien de la présente demande.

[101]  Dans les circonstances, au 21 mars 2014, la Marque n’était pas distinctive des produits et Services de la Requérante en raison de la vente par l’Opposante au Canada du logiciel Le Visuel intégré.

[102]  J’accueille donc également ce motif d’opposition.

Disposition

[103]  Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

______________________________

Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 


 

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

 

 

DATE DE L’AUDIENCE: 2016-10-28

 

 

COMPARUTIONS

 

Me Bob Sotiriadis  Pour l’Opposante

 

Me Ismaël Coulibaly  Pour la Requérante

 

AGENT(S) AU DOSSIER

 

Robic  Pour l’Opposante

 

Claudette Dagenais (DJB)  Pour la Requérante



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