Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2012 COMC 246

Date de la décision : 2012-12-14

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION par 1772887 Ontario Limited à l’encontre de l’enregistrement n1264530 pour la marque de commerce PRESTIGE CANADIAN FASHION MAGAZINE au nom de Seyed Amir Mir Mohammadi

Dossier

[1]               Le 12 juillet 2005, Seyed Amir Mir Mohammadi (le Requérant) a déposé une demande d’enregistrement de la marque de commerce PRESTIGE CANADIAN FASHION MAGAZINE (la Marque). Après avoir répondu à deux rapports d’examen, la demande comprend maintenant les marchandises et services suivants :

Revue de mode (les Marchandises); et

Publicité des messages de tiers et services d'agence de publicité; placement de publicités pour des tiers; préparation de publicités pour des tiers; publicité sur babillard électronique pour des tiers; publicité des services de tiers par courrier, courriel, téléphone, site Web et publications imprimées; promotion et publicité de la vente des marchandises et des services de tiers par la distribution d'imprimés et de matériel promotionnel; offre de programmes de bons de réduction sur une gamme de produits alimentaires de tiers; offre d'espace publicitaire et promotionnel dans un périodique; promotion et publicité de la vente des marchandises et des services de tiers par la gestion d'un programme de fidélisation des consommateurs; promotion et publicité de la vente des marchandises et des services de tiers par l'octroi de points d'achat pour l'utilisation de cartes de crédit; promotion et publicité de la vente de comptes de carte de crédit de tiers par la gestion de programmes de récompenses; promotion et publicité des marchandises et des services de tiers par la distribution de cartes de remise; promotion et publicité des marchandises et des services de tiers en permettant à des commanditaires d'associer leurs marchandises et leurs services à une activité, nommément à des défilés de mode/évènements de mannequinat pour les hommes et les femmes mannequins, à des évènements musicaux devant public, à des évènements sportifs en tous genres pour les jeunes, à des campagnes de financement pour de bonnes causes, à des évènements artistiques, particulièrement la peinture, la sculpture, la photographie et les défilés de mode pour des artistes, concepteurs et mannequins émergents et de renommée (les Services).

[2]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 16 septembre 2009. 1772887 Ontario Limited (l’Opposant) a produit une déclaration d’opposition le 20 novembre 2009, qui a été transmise par le Registraire au Requérant le 24 novembre 2009.

[3]               Les motifs d’opposition invoqués sont :

  1. La demande n’est pas conforme aux dispositions de l’alinéa 30(i) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, c T-13 (la Loi), en ce sens que le Requérant connaissait ou aurait dû connaître l’existence de l’Opposant, ainsi que l’emploi et la notoriété de ses marques de commerce au Canada.
  2. Contrairement à l’alinéa 30(b) de la Loi, le Requérant a employé la Marque au Canada avant la date de dépôt de la demande et la date de premier emploi n’est pas indiquée sur la demande.
  3. La Marque n’est pas enregistrable suivant l’alinéa 12(1)(d) de la Loi, car elle crée de la confusion avec la marque de commerce déposée FASHION 18, enregistrée sous le numéro LMC633226 et la marque de commerce FASHION, demande no 1447752.
  4. Le Requérant n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque suivant les alinéas 16(3)(a) et (b) de la Loi puisqu’à la date de dépôt de la demande, la Marque créait de la confusion avec les marques de commerce FASHION 18 et FASHION de l’Opposant déjà employées au Canada et pour lesquelles des demandes d’enregistrement ont déjà été déposées.
  5. Suivant l’alinéa 38(2)(d) et de l’article 2 de la Loi, la Marque ne se distingue pas et n’est pas susceptible de devenir distinctive.

[4]               Dans sa contre-déclaration, produite le 25 janvier 2010, le Requérant a contesté l’ensemble des motifs d’opposition.

[5]               L’Opposant a produit l’affidavit d’Elenita Anastacio, tandis que le Requérant a produit l’affidavit de Seyed Amir Mir Mohammadi. M. Mohammadi a été contre-interrogé à propos de son affidavit; la transcription de son contre-interrogatoire a été versée au dossier.

[6]               Seul l’Opposant a produit un plaidoyer écrit et les deux parties étaient représentées lors de l’audience.

[7]               Lors de l’audience, l’Opposant a retiré le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(3)(b) de la Loi. L’Opposant a également sollicité la permission de modifier sa déclaration d’opposition de façon à ce que la référence à l’alinéa 30(b) de la Loi du deuxième motif d’opposition soit remplacée par l’alinéa 30(e). Je me prononcerai sur cette demande lors de l’examen du deuxième motif d’opposition.

Fardeau de la preuve

[8]               Le Requérant a le fardeau ultime de démontrer que sa demande d’enregistrement satisfait aux exigences de la Loi, mais il incombe d’abord à l’Opposant de présenter une preuve suffisante permettant raisonnablement de conclure que les faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition existent. Lorsque l’Opposant s’est acquitté de ce fardeau initial, le Requérant doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition en question ne devraient pas empêcher l’enregistrement de la Marque [voir Joseph E Seagram & Sons Ltd et al c. Seagram Real Estate Ltd (1984), 3 C.P.R. (3d) 325 (COMC); John Labatt Ltd c. Molson Companies Ltd (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.) et Wrangler Apparel Corporation c. Timberland Company [2005] C.F. 722].

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30(i) de la Loi

[9]               L’alinéa 30(i) de la Loi exige simplement que le Requérant se déclare convaincu d’avoir le droit d’enregistrer la Marque. Cette déclaration fait partie intégrante de la demande d’enregistrement. L’alinéa 30(i) ne peut être invoqué que dans des cas bien précis, comme lorsqu’il est allégué que le Requérant a commis une fraude [voir Sapodilla Co Ltd c. Bristol Myers Co (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (COMC)]. Aucune allégation de cette nature n’est faite dans la déclaration d’opposition et le dossier ne contient aucun élément de preuve en ce sens.

[10]           Le premier motif d’opposition est donc rejeté.

Deuxième motif d’opposition

[11]           L’Opposant a fait valoir lors de l’audience qu’une erreur d’écriture s’était produite dans le deuxième motif d’opposition et que par conséquent, la référence à l’alinéa 30(b) devrait être « 30(e) ». L’agent de l’Opposant a demandé verbalement la possibilité de modifier sa déclaration d’opposition afin de corriger cette erreur.

[12]           Selon moi, accorder ou non l’autorisation de modifier la déclaration d’opposition afin de corriger une erreur d’écriture présumée est une diversion. Peu importe que la modification soit acceptée ou non, le deuxième motif d’opposition ferait référence spécifiquement à un alinéa de la Loi, tandis qu’une partie du texte employé fait en effet référence à un alinéa différent de la Loi. Par souci de commodité, je reproduis ci-dessous les alinéas pertinents de la Loi :

 Quiconque sollicite l’enregistrement d’une marque de commerce produit au bureau du registraire une demande renfermant :

*                   (…)

*                   (b) dans le cas d’une marque de commerce qui a été employée au Canada, la date à compter de laquelle le requérant ou ses prédécesseurs en titre désignés, le cas échéant, ont ainsi employé la marque de commerce en liaison avec chacune des catégories générales de marchandises ou services décrites dans la demande;

*                   (…)

*                   (e) dans le cas d’une marque de commerce projetée, une déclaration portant que le requérant a l’intention de l’employer, au Canada, lui-même ou par l’entremise d’un licencié, ou lui-même et par l’entremise d’un licencié;

[13]           Dans les deux cas, qu’il y ait modification ou non, la formulation du motif d’opposition n’engloberait pas l’allégation présentée par l’Opposant lors de l’audience, nommément que le Requérant ne pouvait avoir l’intention d’employer la Marque à la date dépôt de la demande puisqu’il est démontré que la Marque était employée par une personne morale et non par le Requérant.

[14]           Dans ces conditions, compte tenu du stade de la procédure, que l’Opposant n’a pas expliqué pourquoi cette modification n’a pas été faite plus tôt, et que de toute façon, la modification demandée ne recouvrirait pas l’argument développé lors de l’audience, je rejette la demande de modification de la déclaration d’opposition de l’Opposant.

[15]           Comme le Requérant a affirmé dans sa contre-déclaration que l’affirmation de l’Opposant que le Requérant avait employé la Marque avant la date de dépôt de la demande était incorrecte, je déterminerai si l’Opposant s’est acquitté de son fardeau initial en ce qui concerne le motif d’opposition alléguant que le Requérant avait déjà employé la Marque à la date de dépôt de la demande et que, par conséquent, la date de premier emploi n’a pas été indiquée dans la demande. On pourrait faire valoir qu’une telle question est traitée par la dernière partie du deuxième motif d’opposition invoqué.

[16]           M. Mohammadi est le Requérant. Il affirme au paragraphe 3 de son affidavit que :

3. Prestige Canadian Fashion Magazine Inc. qui a été enregistré auprès de Bibliothèque et Archives Canada sous le numéro international normalisé des publications en série (ISSN) : 1718-3308 en 2006, a commencé par le numéro hiver-printemps 2006. En pièce B est jointe la preuve d’inscription du numéro international normalisé des publications en série (ISSN) auprès de Bibliothèque et Archives Canada.

[17]           Au cours du contre-interrogatoire, il a confirmé que Prestige Canadian Fashion Magazine Inc. est une entreprise constituée en société par lui-même et en réponse à un engagement, il a déposé une copie de son certificat de constitution. L’entreprise a été constituée le 17 juillet 2005, soit 5 jours avant la date de dépôt de la demande. La pièce B ne fait pas référence à une date spécifique de publication outre la mention de première publication du numéro hiver-printemps 2006. Ceci, de toute évidence, n’établit pas l’emploi de la Marque avant la date de dépôt de la demande.

[18]           Au cours de son contre-interrogatoire, M. Mohammadi a également affirmé que le premier numéro était un numéro promotionnel. Lorsqu’on lui a demandé de produire un exemplaire du numéro, il a répondu qu’il était disponible auprès de Bibliothèque et Archives du Canada. Il a également affirmé que ce numéro était disponible sur le site Web prestigecfm.com, qui est la propriété de Prestige Canadian Fashion Magazine Inc. Aucune question particulière n’a été posée à M. Mohammadi en ce qui concerne la première publication de ce numéro ou quand il a été publié sur le site Web de Prestige Canadian Fashion Magazine Inc.

[19]           L’Opposant n’a pas soulevé, à titre de motif d’opposition, que le Requérant n’a pas lui-même eu l’intention d’employer la Marque puisque l’emploi, si emploi il y a lieu, avait été fait par une entité distincte, nommément Prestige Canadian Fashion Magazine Inc. L’Opposant a eu l’occasion, après le contre-interrogatoire de M. Mohammadi, de modifier sa déclaration d’opposition afin de présenter cette question additionnelle. De plus, l’Opposant n’a pas déposé de plaidoyer dans lequel il aurait pu la soulever et la porter à l’attention du Requérant. L’Opposant a plutôt préféré attendre l’audience pour la présenter et pour affirmer qu’il y avait une erreur d’écriture dans la déclaration d’opposition. Il ne s’agit pas que d’une simple erreur d’écriture. Quoi qu’il en soit, le Requérant affirme dans sa demande qu’il avait l’intention, « lui-même ou par l’entremise d’un licencié, ou lui-même et par l’entremise d’un licencié… ». Prestige Canadian Fashion Magazine Inc. pourrait bien être un licencié.

[20]           Pour toutes ces raisons, je rejette le deuxième motif d’opposition.

Droit à l’enregistrement suivant l’alinéa 16(3)(a) et caractère distinctif de la Marque

[21]           Relativement au motif d’opposition fondé sur le droit à l’enregistrement, l’Opposant a le fardeau initial de démontrer qu’à la date de production de la demande du Requérant, soit le 12 juillet 2005, il employait déjà ou avait déjà révélé au Canada ses marques de commerce FASHION 18 et FASHION, et qu’il n’avait pas abandonné l’emploi de ces marques à la date d’annonce de la demande [voir le paragraphe 16(3) et l’article (5) de la Loi].

[22]           Mme Anastacio est recherchiste en marques de commerce et travaille pour le compte de l’agent de l’Opposant depuis 18 ans. Le 5 mai 2010, elle a effectué une recherche dans la base de données sur les marques de commerce canadiennes CD-NAMESEARCH pour obtenir les renseignements complets sur les enregistrements ou demandes d'enregistrement de marque de commerce suivants :

La demande 1447752 pour la marque de commerce FASHION couvrant les magazines et des services d’Internet, nommément services de magazine électronique et de services de publication sur le Web;

L’enregistrement LMC633226 pour la marque de commerce FASHION 18 couvrant publications imprimées, nommément un magazine et des bulletins; services d’Internet, nommément services de magazine électronique et de site Web disponibles sur le Web destinés aux consommateurs; services médiatiques, nommément services éducatifs et informatifs ayant tous trait à des magazines; services de divertissement, nommément création et production de spectacles télédiffusés et radiodiffusés destinés aux consommateurs et CD et DVD préenregistrés pouvant être achetés par les consommateurs.

[23]           Il n’y a aucune preuve d’emploi de l’une ou l’autre de ces marques de commerce au Canada, sauf pour une admission par le Requérant en cours de contre-interrogatoire d’avoir déjà vu FASHION, qui est le magazine de l’Opposant. Cependant, il n’y a pas de référence quant à une date et, par conséquent, il est impossible de déterminer s’il a vu le magazine de l’Opposant avant ou après la date pertinente. Il est toutefois évident, d’après sa déposition, qu’il a su après la date de dépôt de sa demande que FASHION était un magazine publié par l’Opposant.

[24]           Le dépôt d’un certificat d’enregistrement de marque de commerce n’est pas suffisant pour que l’Opposant s’acquitte de son fardeau initial suivant le paragraphe 16(3) de la Loi [voir Groupe Vidéotron Ltée c. Adamik (1990), 29 C.P.R. (3d) 568 (COMC)].

[25]           Je rejette le quatrième motif d’opposition suivant l’alinéa 16(3)(a) de la Loi parce que l'Opposant ne s’est pas acquitté du fardeau de preuve qui lui incombait.

[26]           Pour le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif de la Marque, l’Opposant a le fardeau initial de démontrer que ses marques de commerce FASHION et FASHION 18 étaient suffisamment connues au Canada à la date de dépôt de sa déclaration d’opposition (20 novembre 2009) pour annuler le caractère distinctif de la Marque [Motel 6, Inc c. No 6 Motel Ltd (1981), 56 C.P.R. (2d) 44 à 58 (C.F. 1re inst.)]. Si l’Opposant s’acquitte de ce fardeau initial, le Requérant a alors le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque ne créait pas de confusion avec les marques de commerce de l’Opposant et qu’elle était, à la date pertinente, adaptée à distinguer ou distinguait véritablement, dans l’ensemble du Canada, les Marchandises et Services des marchandises et services de l’Opposant [voir Muffin Houses Incorporated c.The Muffin House Bakery Ltd, (1985), 4 C.P.R. (3d) 272 (COMC)].

[27]           Les éléments de preuve présentés précédemment ne démontrent pas que les marques de commerce de l’Opposant sont devenues suffisamment connues au Canada pour annuler le caractère distinctif de la Marque. Par conséquent, je rejette le cinquième motif d’opposition parce que l'Opposant ne s’est pas acquitté du fardeau de preuve qui lui incombait.

Droit à l’enregistrement de la Marque suivant l’alinéa 12(1)(d) de la Loi

[28]           La date pertinente pour le présent motif d’opposition est la date de la décision du Registraire [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)].

[29]           Une demande non encore accueillie ne peut pas servir de fondement à un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)(d) de la Loi et, par conséquent, l’Opposant ne peut invoquer la demande 1447752 à l’appui de ce motif d’opposition [voir Caribbean Cultural Committe-Caribanav. Khan (1999) 3 C.P.R. (4th) 101 (COMC)]. En ce qui concerne l’enregistrement LMC633226 de la marque de commerce FASHION 18, Mme Anastacio a produit un extrait du registre. J’ai vérifié le registre et il existe toujours. Par conséquent, l’Opposant s’est acquitté de son fardeau initial en ce qui concerne ce motif d’opposition en ce qui a trait à la probabilité de confusion avec l’enregistrement LMC633226.

[30]           Le critère relatif à la confusion entre deux marques de commerce est présenté au paragraphe 6(2) de la Loi. Quelques-unes des circonstances à prendre en considération sont énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. Ces critères ne sont pas exhaustifs, et il n'est pas nécessaire qu’ils se voient attribuer le même poids [voir Clorox Co c. Sears Canada Inc (1992), 41 C.P.R. (3d) 483 (C.F. 1re inst.) et Gainers Inc c. Marchildon (1996), 66 C.P.R. (3d) 308 (C.F. 1re inst.)]. Je me réfère également aux décisions de la Cour suprême du Canada dans Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée et al (2006), 49 C.P.R. (4th) 401 et Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 dans lesquelles le juge Binnie a commenté l’examen des critères énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi.

Caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et mesure dans laquelle ils sont devenus connus

[31]           La marque de commerce FASHION 18 de l’Opposant est hautement suggestive du contenu des publications imprimées vendues en liaison avec une telle marque de commerce. La Marque n’a pas non plus de caractère distinctif inhérent. Elle est composée de mots anglais courants, dont la combinaison suggère le contenu du magazine en liaison avec une mode canadienne prestigieuse. Le terme « prestige » n’est qu’un terme élogieux.

[32]           Le caractère distinctif d’une marque de commerce peut être renforcé par l’emploi ou la promotion de cette marque au Canada. L’Opposant n’a fourni aucun élément de preuve d’emploi ou de promotion de sa marque de commerce FASHION 18 au Canada en liaison avec les Marchandises et Services.

[33]           Pour l’emploi de la Marque par le Requérant, il est important de ne pas oublier que le terme « emploi » est un terme juridique défini à l’article 4 de la Loi. Je dois déterminer si les faits décrits dans l’affidavit de M. Mohammadi peuvent mener à une conclusion légale d’emploi de la Marque au Canada. Toutefois, avant d’examiner son affidavit, je dois déterminer si le contenu est admissible comme preuve puisque l’Opposant affirme que l’affidavit n’a pas été souscrit en bonne et due forme.

[34]           L’Opposant s’appuie sur les extraits suivants du contre-interrogatoire de M. Mohammadi :

[TRADUCTION]

Q. [13] Savez-vous devant quel commissaire aux serments vous avez signé votre affidavit?

R. Je ne m’en souviens pas, mais c’est à Montréal. J’y suis allé et je l’ai demandé, oui.

Q. [14] Bon, et que vous a-t-il ou elle demandé, s’il y a lieu, avant la signature?

R. Non, c’était seulement une question d’affidavit, de signature d’affidavit, d’éléments de preuve, ce qu’on demande à un avocat ordinaire pour signer un affidavit, et lire, et quelle que soit la procédure, oui (soulignement ajouté).

Q. [15] Bon, alors vous avez signé votre nom, puis il ou elle a signé son nom?

R. Et, évidemment, elle a lu les trucs avant de les signer, oui (soulignement ajouté).

Q. [16] Oui, bon, et c’était tout, n’est-ce pas?

R. Oui.

[35]           Je ne parviens pas à comprendre en quoi les réponses aux questions posées démontrent que le déposant n’a pas été souscrit en bonne et due forme. M. Mohammadi a affirmé que le commissaire aux serments a lu une partie du matériel et que la procédure habituelle a été suivie. Finalement, l’affidavit comprend la déclaration « affirmé solennellement devant moi à Montréal, province de Québec, ce 14 septembre 2010 ». Par conséquent, l’affidavit de M. Mohammadi constitue une preuve valable.

[36]           M. Mohammadi a déposé un extrait du site Web de Bibliothèque et Archives du Canada en liaison avec la publication d’un magazine de mode canadien sous la Marque. Un tel document de démontre pas l’emploi de la Marque au sens de l’article 4 de la Loi. Cela ne satisfait pas aux exigences du paragraphe 4(1) de la Loi en ce qui concerne les Marchandises et à celles du paragraphe 4(2) en ce qui concerne les Services.

[37]           M. Mohammadi a également déposé des extraits du registre, mais cela ne permet pas de démontrer l’emploi de la Marque. Par conséquent, il n’y a aucun élément de preuve au dossier démontrant l’emploi ou la promotion de la Marque au Canada par le Requérant en liaison avec les Marchandises et Services.

[38]           Le premier facteur énuméré au paragraphe 6(5) de la Loi ne joue en faveur d’aucune partie.

Période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage

[39]           Il a été jugé que le Registraire peut se référer au certificat d’enregistrement pour déterminer une période d’emploi de la marque de commerce de l’Opposant [voir Cartier Men’s Shops Ltd c. Cartier Inc (1981), 58 C.P.R. (2d) 68]. Selon le certificat d’enregistrement LMC633226, la marque de commerce FASHION 18 est employée depuis le 18 mars 2002, mais tout ce que je peux tirer d’un tel élément de preuve est un emploi de minimis. Ce facteur joue en faveur de l’Opposant puisqu’il n’y a aucune preuve d’emploi de la Marque comme discuté précédemment. Cependant, ce facteur ne sera pas un facteur déterminant dans cette cause.

Genre de marchandises, services ou entreprises et nature du commerce

[40]           Il existe un chevauchement évident entre les Marchandises et Services et les marchandises et services visés par l’enregistrement LMC633226 de l’Opposant. Il n’existe aucune description des voies commerciales respectives des parties. Compte tenu du chevauchement évident des marchandises et services des parties respectives, je peux conclure que les voies de communication sont semblables. Ces facteurs jouent en faveur de l’Opposant.

Degré de ressemblance

[41]           Dans l’arrêt Masterpiece Inc c. Alavida Lifestyles Inc et al 2011 C.S.C. 27, la Cour suprême du Canada a clairement indiqué que le facteur le plus important parmi ceux énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi est souvent le degré de ressemblance entre les marques. Les marques en cause doivent être envisagées dans leur ensemble; il faut éviter de les décortiquer et d’analyser en détail chacun de leurs éléments constitutifs.

[42]           Comme l’a expliqué le juge Denault de la Cour fédérale dans Pernod Ricard c. Molson Breweries (1992), 44 C.P.R. (3d) 359, la première partie d'une marque de commerce est la plus pertinente aux fins de la distinction.

[43]           L’Opposant soutient que le Requérant a pris la partie dominante de sa marque de commerce, nommément le terme « fashion » et y a ajouté des termes élogieux et descriptifs qui ne rendent pas la Marque du Requérant distinctive.

[44]           Si la partie dominante d’une marque de commerce employée en liaison avec des magazines est le terme « fashion », un tel terme est tout au moins suggestif du contenu d’un tel magazine. L’idée suggérée par la marque de commerce FASHION 18 est que, lorsqu’employée en liaison avec un magazine, son contenu concerne la mode des jeunes de 18 ans tandis que l’idée suggérée par la Marque est que le contenu concerne des articles luxueux de mode canadiens. Par conséquent, les idées suggérées par les marques en question sont différentes.

[45]           Comme circonstance additionnelle, le Requérant discute de l’état du registre. Dans son affidavit, M. Mohammadi fait référence à quatre enregistrements dont les marques de commerce comprennent le terme « fashion » en liaison avec des magazines. Ce nombre de références n’est pas suffisant pour conclure à un emploi répandu sur le marché du terme « fashion » comme partie d’une marque de commerce en liaison avec des magazines [voir Welch Foods Inc c. Del Monte Corp (1993), 44 C.P.R. (3d) 205]. Lors de l’audience, le Requérant a affirmé avoir trouvé de nombreuses références au registre, mais s’être limité aux quatre références susmentionnées dans son affidavit. Il avait en sa possession d’autres extraits du registre lors de l’audience et était prêt à les verser au dossier au besoin. J’ai refusé de verser des documents lors de l’audience. Comme ils ne faisaient pas partie d’un affidavit et compte tenu du stade avancé de la procédure, cela aurait porté préjudice à l’Opposant.

[46]           Comme autre circonstance additionnelle, le Requérant a déposé une copie d’un arrêt de la Cour fédérale qui maintient la décision du Registraire, conformément au paragraphe 38(4) de la Loi, de refuser une déclaration d’opposition produite par l’Opposant, dans un dossier sans aucun lien avec la cause en question, puisque cela ne soulevait aucune question importante en l’espèce. Je ne comprends pas comment une telle décision de la Cour pourrait avoir une incidence dans un dossier qui comporte un autre Requérant et, surtout, une marque de commerce complètement différente (l’arrêt concernait la marque de commerce MIKIT maisons prêtes à finir et dessin). Le Registraire a peut-être conclu que la déclaration d’opposition produite par l’Opposant dans un autre dossier ne soulevait aucune question importante en matière de décision, mais ce jugement n’a aucune incidence dans la procédure d’opposition en l’espèce qui n’a rien à voir avec cet autre dossier.

[47]           En fin de compte, le critère relatif à la probabilité de confusion concerne le principe de la première impression. Un consommateur avec un souvenir imparfait de la marque de commerce FASHION 18 de l’Opposant et qui est en contact avec les Marchandises et Services offerts en liaison avec la Marque pourrait aisément imaginer que ces Marchandises et Services proviennent de l’Opposant.

[48]           La seule ressemblance entre les marques est celle du terme « fashion » qui suggère fortement le contenu des magazines arborant les marques en question. Les marques dans leur ensemble sont différentes dans la présentation, le son et les idées qu’elles suggèrent. Cet important facteur joue en faveur du Requérant.

 

Conclusion

[49]           Cet examen des critères pertinents me permet de conclure que le Requérant a établi, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque ne créerait probablement pas de confusion avec la marque de commerce FASHION 18 de l’Opposant lorsqu’employée en liaison avec les Marchandises et Services. La marque de commerce de l’Opposant ne possède pas un caractère distinctif inhérent et malgré le fait qu’il y ait chevauchement des marchandises et services des parties, les différences dans la présentation, le son et les idées suggérées par les marques sont suffisants pour permettre au consommateur de distinguer l’origine d’un magazine par rapport à l’autre. En ce qui concerne les Services, ils sont auxiliaires aux Marchandises. Ayant conclu qu’il n’y avait pas de probabilité de confusion entre les marques en question en ce qui a trait aux Marchandises, la même conclusion est applicable aux Services.

[50]           Le troisième motif d’opposition est également rejeté.

Disposition

[51]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande conformément aux dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi.

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Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Nathalie Tremblay

 

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