Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

 

Référence : 2010 COMC 62

Date de la décision : 2010-05-10

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Air Miles International Trading B.V. à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1203411 pour la marque de commerce TAXIMILES au nom de TaxiMiles Inc.

[1]                           Le 15 janvier 2004, TaxiMiles Inc. (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce TAXIMILES (la Marque) fondée sur l’emploi projeté de la Marque au Canada. Les marchandises et les services, selon l’état déclaratif modifié, sont les suivants :

Marchandises : Bons d’échange, bons de réduction et imprimés encartés échangeables contre des courses en taxi et des rabais sur les courses en taxi.

Services : Publicité et promotion des marchandises et des services de tiers au moyen de programmes de récompenses par mesures incitatives et programmes de responsabilité sociale, nommément fourniture de bons d’échange et de bons de réduction remboursables pour le transport par taxi aux personnes incapables de conduire une automobile; organisation, exploitation et supervision des ventes et des plans d’intéressement promotionnels pour des tiers, et des programmes de responsabilité sociale, nommément fourniture de bons d’échange et de bons de réduction remboursables pour le transport par taxi aux personnes incapables de conduire une automobile.

[2]                           La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 5 janvier 2005.

[3]                           Le 5 septembre 2005, Air Miles International Trading B.V. (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition à l’encontre de cette demande, et une copie a été transmise à la Requérante le 24 janvier 2006. Les motifs d’opposition peuvent être résumés de la manière suivante :

1.      la demande ne respecte pas les exigences des alinéas 30a), e) et i) de la Loi sur les marques de commerce (L.R.C. 1985, ch. T‑13) (la Loi);

2.      la Marque n’est pas enregistrable en raison de l’alinéa 12(1)d) de la Loi, car elle crée de la confusion avec 22 marques de commerce déposées appartenant à l’Opposante, notamment les marques MEGA MILES (LMC496228) et YOUR MILES (LMC541038) ainsi qu’un grand nombre de marques comportant les mots « AIR MILES » (en particulier l’enregistrement no LMC443821 pour la marque verbale AIR MILES);

3.      la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en raison des alinéas 16(3)a), b) et c) de la Loi parce que, à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec 33 marques de commerce et six noms commerciaux qui avaient été antérieurement employés au Canada par l’Opposante ou à l’égard desquels une demande d’enregistrement avait été antérieurement produite au Canada par l’Opposante, et qui n’avaient pas été abandonnés à la date de l’annonce de la demande de la Requérante concernant la Marque;

4.      la Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi i) parce qu’elle ne distingue pas les marchandises et les services en liaison avec lesquels la Requérante se propose de l’employer de l’entreprise, des marchandises et des services de l’Opposante et des marques de commerce et noms commerciaux de l’Opposante dont il est question aux paragraphes 2 et 3 ci‑dessus, et qu’elle n’est pas adaptée à les distinguer ainsi; ii) parce que [traduction] « la Requérante n’emploie pas ou n’a pas l’intention d’employer [la Marque] au Canada en liaison avec les marchandises et les services énumérés dans la demande, ou a abandonné [la Marque] ».

[4]                           La Requérante a produit et signifié une contre‑déclaration, dans laquelle elle a nié les allégations de l’Opposante.

[5]                           Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit, à titre de preuve principale, les affidavits suivants : Michael Louis Kline, vice‑président principal, Services juridiques, et secrétaire de Loyalty Management Group Canada Inc. (Loyalty), la titulaire exclusive d’une licence de l’Opposante au Canada (souscrit le 19 décembre 2006); Jimmy L. Partington, directeur associé, Commerce virtuel, des services de marketing de Loyalty (souscrit le 19 décembre 2006); Cliff Swaters, directeur de la recherche de Lieberman Research Worldwide et ancien chef du groupe des comptes de Maritz : Thompson Lightstone (MTL), une firme de marketing et de sondages (souscrit le 18 décembre 2006); Daniel Park, directeur de projets de Consumer Contact, une organisation qui effectue des enquêtes quantitatives auprès de consommateurs et d’entreprises (souscrit le 19 décembre 2006); Donald Easter, vice-président, Activités internes et télévision, de Sondages BBM (auparavant Bureau of Broadcast Measurement) (souscrit le 19 décembre 2006).

[6]                           Au soutien de sa demande, la Requérante a produit, à titre de preuve principale, des copies de divers enregistrements et demandes d’enregistrement de marque de commerce certifiées par le registraire des marques de commerce.

[7]                           En réponse, l’Opposante a produit l’affidavit de Lucy Rooney, une commis s’occupant des marques de commerce au sein du cabinet d’avocats qui représente l’Opposante en l’espèce (souscrit le 20 décembre 2007).

[8]                           Seule l’Opposante a produit un plaidoyer écrit et était représentée à l’audience.

Fardeau de preuve

[9]                           C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois d’abord à l’Opposante de produire une preuve admissible suffisante à partir de laquelle on pourrait raisonnablement conclure à la véracité des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Ltd c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.); Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et al. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.)].

Motifs d’opposition

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d)

[10]                       L’Opposante a produit, au moyen de l’affidavit de M. Kline, des copies certifiées de la vingtaine d’enregistrements de marque de commerce qu’elle invoque au soutien du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d). La marque de commerce la plus pertinente est la marque AIR MILES de l’Opposante, enregistrée au Canada sous le no LMC443821 en liaison avec les services suivants (par suite de la modification apportée par le registraire le 4 février 2010, après la décision rendue par la commissaire Sprung dans Sea Miles LLC. c. Air Miles International Trading B.V., 2009 CarswellNat 3294 (C.O.M.C.)) : « [s]ervices de publicité et de promotion des biens et services de tiers; organisation, exécution et supervision de campagnes de vente et de promotion ». Je concentrerai mon analyse sur cette marque de commerce et sur ces services. Un examen de la question de la confusion entre cette marque et la Marque de la Requérante déterminera définitivement l’issue de ce motif d’opposition.

[11]                       Les copies certifiées des enregistrements permettent à l’Opposante de s’acquitter de son fardeau initial. La Requérante doit donc démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de l’Opposante. La date pertinente au regard de ce motif d’opposition est la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corp. c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)].

[12]                       Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[13]                       Lorsqu’il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, dont celles qui sont mentionnées au paragraphe 6(5) de la Loi : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive et un poids différent sera accordé aux différents critères selon le contexte [voir Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.); Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée (2006), 49 C.P.R. (4th) 401, [2006] 1 R.C.S. 824 (C.S.C.), pour une analyse complète des principes généraux qui régissent le test en matière de confusion].

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[14]                       Les marques des deux parties possèdent un certain caractère distinctif inhérent. Bien qu’elles ne décrivent pas clairement la nature ou la qualité des marchandises et des services avec lesquels elles sont employées, elles évoquent quelque peu l’idée d’un programme de primes de voyage dans le cadre duquel un membre peut accumuler des « milles » ou échanger ces « milles » contre des récompenses.

[15]                       Une marque de commerce peut avoir plus de force si elle devient connue par la promotion ou l’emploi. La preuve n’indique pas que la Marque proposée par la Requérante a été employée ou est devenue connue dans une certaine mesure au Canada. Par contre, la marque de l’Opposante a été largement employée partout au Canada et est devenue bien connue dans ce pays, comme le montrera un survol de la preuve de l’Opposante.

[16]                       M. Kline affirme dans son affidavit que Loyalty est titulaire d’une licence lui donnant le droit exclusif d’employer la famille des marques de commerce de l’Opposante, y compris la marque AIR MILES, au Canada et d’octroyer à son tour des licences [paragraphes 1, 5 et 10 de l’affidavit de M. Kline]. Depuis 1992, Loyalty exploite un programme de récompenses au Canada en liaison avec la marque AIR MILES (le Programme) [paragraphe 8 de l’affidavit de M. Kline].

[17]                       Comme M. Kline l’atteste, le Programme AIR MILES fournit aux utilisateurs participants licenciés de la marque AIR MILES au Canada (les Commanditaires) – des entreprises qui vendent des biens et des services aux consommateurs – une façon de récompenser leurs clients fidèles en accordant des milles de récompense AIR MILES [paragraphe 9 de l’affidavit de M. Kline]. Les Commanditaires concluent une entente de participation au Programme avec Loyalty afin d’obtenir une licence leur permettant d’accorder des milles de récompense AIR MILES relativement à la vente de produits ou de services dans une catégorie et une région données du Canada, ainsi qu’une sous‑licence d’emploi de la marque AIR MILES en liaison avec ces activités. Les Commanditaires versent des redevances à Loyalty en fonction du nombre de milles de récompense AIR MILES qu’ils ont accordés en liaison avec la vente de leurs biens et services [paragraphe 10 de l’affidavit de M. Kline].

[18]                       Le Programme a plus de 100 Commanditaires au Canada, ce qui représente environ 14 000 points de service ou de vente au détail participants [paragraphes 13 et 31 de l’affidavit de M. Kline]. Je reviendrai sur ce point un peu plus loin, quand je traiterai du genre de marchandises, services ou entreprises et de la nature du commerce.

[19]                       Les membres du grand public au Canada peuvent s’inscrire au Programme comme « Adhérents » AIR MILES [paragraphe 14 de l’affidavit de M. Kline]. L’adhésion est attestée par la possession et l’utilisation d’une carte d’adhérent AIR MILES délivrée par Loyalty [paragraphe 14 de l’affidavit de M. Kline, pièce 4]. Quand un Adhérent effectue un achat admissible de biens ou de services chez un Commanditaire, il lui présente sa carte. Le Commanditaire la lit par balayage et porte au crédit de l’Adhérent des milles de récompense qui peuvent être accumulés et être échangés par l’entremise de Loyalty contre divers biens et services présentés dans un catalogue intitulé « TRAVEL & MORE® Your AIR MILES® Magazine » [pièce 5 de l’affidavit de M. Kline]. Depuis le printemps 1999, les catalogues sont publiés et distribués deux fois par année aux Adhérents au Canada. Les entreprises dont les marchandises et les services figurent dans les catalogues sont appelées « Fournisseurs » [paragraphes 15, 18, 24 et 25 de l’affidavit de M. Kline].

[20]                       À intervalles réguliers, chaque Commanditaire avise Loyalty qu’il a accordé des milles de récompense aux Adhérents. Loyalty porte alors le nombre approprié de milles de récompense au compte qu’il tient pour chaque Adhérent [paragraphes 19 et 21 de l’affidavit de M. Kline]. Également à intervalles réguliers, Loyalty envoie par la poste à chaque Adhérent un relevé précisant les milles de récompense qu’il a accumulés; cette information est disponible également sur le site Web de Loyalty, à l’adresse www.airmiles.ca [paragraphes 22 et 23 de l’affidavit de M. Kline].

[21]                       M. Kline fait état de l’immense succès et de la grande visibilité du Programme. En mai 2004, 16 milliards de milles de récompense AIR MILES avaient été accordés aux Adhérents AIR MILES au Canada et 13 millions d’échanges (un Adhérent AIR MILES échange les milles de récompense AIR MILES qu’il a accumulés contre des biens ou des services) avaient été traités au Canada. Depuis 1999, plus de 60 % de tous les ménages canadiens comptent un Adhérent AIR MILES, ce qui représente plus de 12,5 millions d’Adhérents AIR MILES au Canada [paragraphe 31 de l’affidavit de M. Kline].

[22]                       Les revenus que Loyalty tire du Programme AIR MILES au Canada ont constamment dépassé les 100 millions de dollars par année [paragraphe 31 de l’affidavit de M. Kline]. Loyalty et ses Commanditaires ont dépensé ensemble des millions de dollars pour annoncer le Programme AIR MILES dans des médias imprimés et électroniques, à la radio et à la télévision au Canada [paragraphe 32 de l’affidavit de M. Kline]. Loyalty seule a dépensé plus de 5,6 millions de dollars en publicité et en promotion de 1992 à 1997 [paragraphe 39 de l’affidavit de M. Kline] et, depuis 1998, plus de 15 millions de dollars chaque année [paragraphe 40 de l’affidavit de M. Kline]. M. Kline décrit en détail les différentes campagnes de publipostage et de publicité à la télévision, à la radio et dans les médias imprimés qui ont été menées par Loyalty, ainsi que les millions d’affiches, guides d’information et brochures qui ont été remis annuellement aux Commanditaires afin qu’ils les utilisent dans leurs établissements. De plus, Loyalty expédie aux Adhérents des millions de bons d’échange MEGA MILES deux fois par année (MEGA MILES est une promotion dans le cadre de laquelle des bons échangeables contre des biens ou des services particuliers offerts par les Commanditaires sont remis aux Adhérents) [paragraphes 15, 37 et 53 à 62 de l’affidavit de M. Kline, pièces 5 à 7, 13, 20, 21, 22.1., 23.1, 23.2, 28 et 29].

[23]                       La grande visibilité de la marque AIR MILES de l’Opposante au Canada est attestée également par les affidavits accessoires de Cliff Swaters, Daniel Park, Donal Easter et Jimmy L. Partington.

[24]                       Dans son affidavit, M. Swaters affirme que MTL a été chargée par Loyalty, en décembre 2001, d’effectuer une étude afin de connaître le degré de connaissance de divers programmes de récompenses et programmes de carte de crédit existant sur le marché canadien et le nombre de participants à ces programmes. M. Swaters décrit en détail les résultats de l’étude. Celle‑ci démontre que le Programme AIR MILES est de loin le plus connu des consommateurs, avec un taux de reconnaissance spontanée d’environ 50 % [paragraphes 7 à 10 de l’affidavit de M. Swaters, pièces 1 à 3]. Comme M. Kline a établi que la marque AIR MILES continue d’être largement employée depuis cette étude, les conclusions de celle‑ci sont probablement toujours pertinentes aujourd’hui.

[25]                       Dans son affidavit, M. Park atteste la régularité de la manière avec laquelle l’étude dont il est question dans l’affidavit de M. Swaters a été réalisée.

[26]                       Dans son affidavit, M. Partington témoigne d’une campagne particulière concernant le Programme AIR MILES qui a été menée à la radio au Canada par M2 Universal Communications Management de janvier 2002 à décembre 2004. Il produit une liste des stations de radio ayant diffusé la publicité, avec les dates et les heures ainsi que l’audience potentielle à chaque occasion. À titre d’exemple, M. Partington atteste que cette publicité a été entendue par des centaines de milliers de personnes chaque fois qu’elle a été diffusée et ce, à Toronto seulement [paragraphe 15 de l’affidavit de M. Partington].

[27]                       Dans son affidavit, M. Easter confirme l’exactitude du nombre d’auditeurs estimé concernant certaines publicités faites dans le cadre de la campagne menée par M2 Universal Communications Management en 2002 [paragraphe 9 de l’affidavit de M. Easter].

[28]                       Avant de tirer une conclusion relativement à ce premier facteur, j’aimerais revenir à l’emploi de la marque AIR MILES autorisé par une licence. M. Kline a joint à son affidavit, dans la pièce 1, des extraits du contrat de licence conclu entre « AMIH » – « Air Miles International Holdings N.V. » – et Loyalty qui décrit en détail la façon dont la marque AIR MILES peut être employée et énonce les normes que Loyalty et ses sous‑titulaires de licence doivent respecter.

[29]                       Le contrat ne mentionne pas expressément l’Opposante, mais M. Kline explique, au paragraphe 5 de son affidavit, que celle‑ci est l’ayant droit relativement à la propriété de la famille des marques de commerce AIR MILES et du Programme AIR MILES qui appartenaient auparavant à AMIH. M. Kline affirme en conséquence que le contrat de licence lie à la fois l’Opposante, en qualité d’ayant droit d’AMIH, et Loyalty. Cette affirmation est étayée par un certain nombre de stipulations du contrat de licence où il est question d’[traduction] « AMIH, ses entreprises affiliées, successeurs et ayants droit ».

[30]                       M. Kline décrit dans son affidavit comment, en vertu de ce contrat de licence, l’Opposante continue de contrôler les caractéristiques et la qualité des marchandises et des services auxquels Loyalty associe la marque de commerce AIR MILES au Canada. Il affirme également qu’un avis public, indiquant que la marque AIR MILES appartient à l’Opposante et est employée au Canada par Loyalty en vertu d’une licence, a été donné au Canada dans du matériel publicitaire, des publications, des publipostages ainsi que sur le site Web de Loyalty [paragraphes 6 et 7 de l’affidavit de M. Kline, pièce 2].

[31]                       M. Kline explique en outre comment les ententes de participation au Programme dont il a été question ci‑dessus et qui sont conclues avec les Commanditaires prévoient que Loyalty, en son nom et au nom de l’Opposante, contrôle directement ou indirectement les caractéristiques ou la qualité des marchandises et des services avec lesquels la marque AIR MILES est employée. Il a joint à son affidavit la pièce 3, qui renferme des extraits de l’entente de participation au Programme dont Loyalty se sert actuellement et qui décrit les caractéristiques et les normes de qualité s’appliquant à l’emploi de la marque de commerce AIR MILES. Cette entente prévoit notamment que les Commanditaires sont tenus d’indiquer clairement dans tout le matériel publicitaire, promotionnel et autre montrant la marque de commerce AIR MILES que le propriétaire de la marque est l’Opposante et que la marque AIR MILES est employée par Loyalty en vertu d’une licence [paragraphes 10, 11 et 12 de l’affidavit de M. Kline].

[32]                       Compte tenu de ce qui précède, les exigences des paragraphes 50(1) et (2) de la Loi concernant l’emploi de la marque AIR MILES en vertu d’une licence sont remplies. En conclusion, je suis convaincue que l’emploi de cette marque par Loyalty bénéficie à l’Opposante et que ce facteur joue grandement en faveur de celle‑ci.

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[33]                       Pour les motifs exposés ci‑dessus, ce facteur joue également en faveur de l’Opposante.

c) le genre de marchandises, services ou entreprises et d) la nature du commerce

[34]                       En ce qui concerne le genre de marchandises ou services et la nature du commerce, je dois comparer l’état déclaratif des marchandises et des services de la Requérante avec l’état déclaratif des services contenu dans l’enregistrement de l’Opposante [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c. Super Dragon Import Export Inc. (1986), 12 C.P.R. (3d) 110 (C.A.F.); Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F.)]. Ces états déclaratifs doivent toutefois être interprétés en vue de déterminer le genre probable d’entreprise ou de commerce que les parties avaient l’intention d’exploiter plutôt que l’ensemble des commerces pouvant être visés par le libellé. La preuve relative aux commerces réels des parties est utile à cet égard [voir McDonald’s Corp. c. Coffee Hut Stores Ltd. (1996), 68 C.P.R. (3d) 168 (C.A.F.); Procter & Gamble Inc. c. Hunter Packaging Ltd. (1999), 2 C.P.R. (4th) 266 (C.O.M.C.); American Optional Corp. c. Alcon Pharmaceuticals Ltd. (2000), 5 C.P.R. (4th) 110 (C.O.M.C.)].

[35]                       Comme je l’ai indiqué précédemment, il n’est nullement question dans la preuve de la Requérante de l’emploi ou de l’emploi projeté de la Marque au Canada. Par contre, la preuve de l’Opposante établit que le Programme AIR MILES compte plus de 100 Commanditaires, notamment, dans le secteur automobile, National Car and Truck Rental (location de voitures), Shell Canada (carburant), GoodYear (marque et pneus de camion), Speedy Glass (glaces de véhicule automobile) et Carstar Quality Collision Service (réparation et entretien de véhicules); dans le secteur des agences de voyage, Travel Plus et Club Voyages; dans le secteur des services d’accueil et d’hébergement, l’InterContinental Hotels Group; dans le secteur des services financiers, la Banque de Montréal et la Banque Amex du Canada [paragraphe 13 de l’affidavit de M. Kline, pièce 5].

[36]                       L’Opposante soutient que le fonctionnement des programmes de récompenses par mesures incitatives et des programmes de responsabilité sociale proposés par la Requérante au Canada semble être identique ou semblable à celui du Programme AIR MILES au Canada, à l’exception du fait que les échanges possibles dans le cadre des programmes TAXIMILES semblent être plus limités en ce sens que les points de récompenses TAXIMILES ne semblent pas pouvoir être échangés contre des marchandises comme telles. Je suis aussi de cet avis. J’aimerais ajouter que les bons d’échange, bons de réduction et imprimés encartés de la Requérante semblent chevaucher la publicité du Programme AIR MILES faite par l’Opposante au moyen, notamment, de bons d’échange, de catalogues, etc.

[37]                       L’Opposante soutient également que, compte tenu des données empiriques contenues dans l’affidavit de M. Kline qui démontrent qu’il y a un Adhérent AIR MILES dans 60 % des ménages canadiens, il est fort probable que la publicité de la Requérante concernant un programme de récompenses TAXIMILES canadien s’adresserait à une partie de ces consommateurs ou qu’un consommateur participant à ce programme pourrait se servir d’une carte de crédit d’un Commanditaire participant au Programme de récompenses AIR MILES (une carte MASTERCARD ou AMERICAN EXPRESS) pour financer sa participation aux programmes de récompenses TAXIMILES. L’Opposante soutient finalement que les voies de commercialisation des parties semblent aussi se chevaucher dans le secteur des forfaits‑vacances et le secteur automobile connexe. Je suis d’accord avec elle.

[38]                       Compte tenu de ce qui précède, les troisième et quatrième facteurs jouent en faveur de l’Opposante.

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[39]                       Les marques de commerce se ressemblent surtout sur le plan des idées qu’elles suggèrent. Comme je l’ai indiqué précédemment, elles évoquent un programme de primes de voyage. Elle se ressemblent aussi dans une certaine mesure dans la présentation et dans le son car elles comportent toutes deux le suffixe « MILES ».

f) autres circonstances de l’espèce

[40]                       Cela m’amène à considérer une autre circonstance de l’espèce : les copies certifiées des 17 enregistrements ou demandes d’enregistrement concernant des marques de commerce de tiers qui se terminent par le mot « MILES » et qui ont été produits en preuve par la Requérante.

[41]                       Comme l’Opposante l’a souligné, ces copies certifiées ne sont pas étayées par des affidavits ou d’autres éléments de preuve de l’état du marché ou de l’état du registre qui sont nécessaires pour mettre ces certificats en contexte.

[42]                       En outre, six de ces enregistrements ont été radiés du registre des marques de commerce (TRAVELODGE MILES, TRAVELODGE MILES et Dessin, SUPERMILES et Dessin, CLICKMILES, WORLDMILES et EUROMILES).

[43]                       Quatre enregistrements ou demandes n’ont pas trait à des services de la nature d’un programme de récompenses comme le Programme AIR MILES (MILES FOR KIDS IN NEED et Dessin pour des dons de bienfaisance, GREENER MILES pour la promotion de comportements écologiques et de programmes de compensation volontaire des émissions de carbone, TV MILES pour des services de création, de production et de distribution d’émissions de télévision et de programmes informatiques aux fins d’enseignement, d’éducation et de divertissement; AMERICAN EXPRESS MEMBERSHIP MILES et Dessin pour des services de cartes de débit et l’organisation d’excursions).

[44]                       L’une des demandes (E-MILES) a été produite par l’Opposante en l’espèce. Une autre (CARE MILES) est l’objet d’un règlement entre l’Opposante et l’inscrivante, en vertu duquel celle‑ci a expressément convenu de ne pas revendiquer ou fournir des services dans le cadre d’un programme de récompenses [paragraphe 8 de l’affidavit de Mme Rooney]. Une autre marque (MILLION MILE CLUB) a trait à un programme de récompenses pour les chauffeurs de l’industrie privée qui ont parcouru un million de milles sans accident. Les quatre autres (DIVIDEND MILES, DIVIDEND MILES PROGRAM, SKYMILES et DIVIDEND MILES PREFERRED) sont toutes des marques de compagnies aériennes qui revendiquent l’emploi de la marque en liaison avec des services de la nature de programmes destinés aux grands voyageurs et non de la nature d’un programme de récompenses comme le Programme AIR MILES.

[45]                       Rien n’indique que ces marques de commerce sont employées activement au Canada.

[46]                       La preuve de l’état du registre est pertinente seulement dans la mesure où on peut en tirer des conclusions concernant l’état du marché, et des conclusions au sujet de l’état du marché ne peuvent être tirées que si un grand nombre d’enregistrements pertinents sont retracés [voir Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432 (C.O.M.C.); Welch Foods Inc. c. Del Monte Corp. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.); Maximum Nutrition Ltd. c. Kellogg Salada Canada Inc. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.)].

[47]                       En l’espèce, le nombre de marques mentionnées par la Requérante n’est pas suffisant pour tirer des conclusions valables relativement à l’état du marché.

[48]                       Par ailleurs, l’Opposante a fait la preuve que ses autres marques comportant le mot « MILES », à savoir MEGA MILES (LMC496228) et YOUR MILES (LMC541038), sont employées au moins dans une certaine mesure [paragraphes 59 à 61 de l’affidavit de M. Kline]. Si je transpose en l’espèce les remarques formulées par l’ancien commissaire Martin dans Air Miles International Trading B.V. c. SeaMiles LLC, 2009 CarswellNat 2084 (C.O.M.C.), l’emploi d’une petite famille de marques de commerce, même s’il n’est pas très important, augmente la probabilité que les consommateurs pensent que TAXIMILES n’est qu’une autre facette du Programme AIR MILES de l’Opposante.

Conclusion concernant la probabilité de confusion

[49]                       En appliquant le test en matière de confusion, j’ai considéré qu’il s’agissait d’une question de première impression et de souvenir imparfait. Ayant tenu compte de toutes les circonstances de l’espèce, j’arrive à la conclusion que la Requérante ne s’est pas déchargée de son fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion en ce qui a trait à la source des marchandises ou des services des parties. J’arrive à cette conclusion en raison en particulier de l’emploi étendu et de la grande visibilité de la marque déposée AIR MILES de l’Opposante, du chevauchement des marchandises ou des services et des voies de commercialisation des parties, ainsi que des similitudes et du degré assez élevé de ressemblance de leurs marques.

[50]                       Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) est accueilli.

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(3)a)

[51]                       L’Opposante a fait valoir que la Requérante n’est pas la personne qui a droit à l’enregistrement de la marque de commerce en vertu de l’alinéa 16(3)a) de la Loi parce que la Marque crée de la confusion avec, notamment, la marque de commerce déposée AIR MILES de l’Opposante, que celle‑ci a antérieurement employée et révélée au Canada et qu’elle n’avait pas abandonnée à la date de l’annonce de la demande de la Requérante concernant la Marque.

[52]                       En ce qui concerne ce motif d’opposition, l’Opposante a le fardeau initial de démontrer que sa marque de commerce AIR MILES était employée avant la date de production de la demande de la Requérante et qu’elle n’avait pas été abandonnée à la date de l’annonce de cette demande [article 16]. Comme je l’ai expliqué précédemment, l’Opposante s’est acquittée de ce fardeau également. Il faut donc déterminer si la Marque de la Requérante créait de la confusion avec la marque de commerce AIR MILES de l’Opposante le 15 janvier 2004.

[53]                       Étant donné que la différence entre les dates pertinentes pour les motifs d’opposition fondés sur les alinéas 12(1)d) et 16(3)a) n’a aucune incidence sur l’analyse qui m’a amenée à conclure qu’il existe une probabilité de confusion entre les marques en cause en l’espèce, le motif fondé sur l’alinéa 16(3)a) est également accueilli dans la mesure où il repose sur l’emploi antérieur de la marque de commerce déposée AIR MILES de l’Opposante.

Motif d’opposition concernant l’absence de caractère distinctif fondé sur la probabilité de confusion

[54]                       L’Opposante a fait valoir que la Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi parce qu’elle ne distingue pas les marchandises et les services avec lesquels la Requérante a l’intention de l’employer de l’entreprise, des marchandises et des services de l’Opposante et des marques de commerce et noms commerciaux énumérés par l’Opposante dans sa déclaration d’opposition, y compris sa marque de commerce déposée AIR MILES, qui ont été antérieurement employés au Canada, et qu’elle n’est pas adaptée à les distinguer.

[55]                       Un opposant s’acquitte de son fardeau de preuve concernant un motif fondé sur le caractère distinctif s’il démontre qu’à la date de production de l’opposition sa marque de commerce ou son nom commercial était devenu suffisamment connu pour annuler le caractère distinctif de la marque visée par la demande [voir Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44 (C.F. 1re inst.)]. L’Opposante s’est acquittée de ce fardeau, à tout le moins en ce qui concerne sa marque déposée AIR MILES.

[56]                       Étant donné que je suis arrivée à la conclusion que, compte tenu de la preuve dont je disposais, la Marque crée de la confusion avec la marque AIR MILES de l’Opposante et que la différence dans les dates pertinentes n’a aucune incidence sur mon analyse, j’accueille le motif d’opposition concernant l’absence de caractère distinctif dans la mesure où il est fondé sur l’emploi antérieur de la marque de commerce déposée AIR MILES de l’Opposante.

Autres motifs d’opposition

[57]                       Comme j’ai déjà donné gain de cause à l’Opposante sur plus d’un motif d’opposition, il n’est pas nécessaire que je me prononce sur les autres.

Décision

[58]                       Compte tenu de ce qui précède et en vertu du pouvoir qui m’a été délégué en application du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande conformément au paragraphe 38(8) de la Loi.

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Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 

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