Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

                                                Référence: 2013 COMC 185    

                                               Date de la décision: 2013-10-29

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION par Clos St-Denis Inc. à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1,253,017 pour la marque de commerce CRÉMANT DE GLACE au nom de Verger du Minot Inc.

Introduction

[1]               Clos St-Denis Inc. (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce CRÉMANT DE GLACE (la Marque) faisant l’objet de la demande no 1,253,017 au nom de Verger du Minot Inc. (la Requérante).

[2]               Cette demande, produite le 5 avril 2005, est basée sur l’emploi projeté de la Marque au Canada en liaison avec l’énoncé des marchandises suivant (tel que modifié le 10 février 2012 par la Requérante et accepté par le Registraire le 17 février 2012) : « Boissons alcoolisées à l’exclusion des vins et bières, nommément cidres de pomme » (les Marchandises).

[3]               La déclaration d’opposition originalement produite par l’Opposante alléguait plusieurs motifs d’opposition basés notamment sur la probabilité de confusion en vertu de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) entre la Marque et la marque de commerce enregistrée POMME DE GLACE précédemment employée au Canada par l’Opposante. Tel qu’il ressortira de ma revue du dossier, seul subsiste maintenant le motif d’opposition fondé sur les articles 38(2)(b) et 12(1)(b) de la Loi, à l’effet que la Marque n’est pas enregistrable en ce qu’elle donne une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des Marchandises. En d’autres mots, il s’agit-là de la seule question à trancher.

Le dossier

[4]               La déclaration d’opposition fut produite le 16 mai 2011. La Requérante a produit une contre-déclaration déniant chacun des motifs d’opposition originalement plaidés dans celle-ci.

[5]               Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit un affidavit de Kimberly Sévigny, parajuriste au sein du département des marques de commerce de l’agent représentant l’Opposante, assermentée le 8 décembre 2011. Cet affidavit vise à mettre en preuve diverses définitions de dictionnaires en ligne et traditionnels.

[6]               Au soutien de sa demande, la Requérante a produit un affidavit de son président Robert Demoy, assermenté le 28 mars 2012, de même qu’un affidavit de Jessica Rodrigues-Cerqueira, parajuriste au sein du département des marques de commerce de l’agent représentant la Requérante, également assermentée le 28 mars 2012, et des certificats d’authenticité des enregistrements nos LMC361,242 et LMC581,504 pour les marques CREMANT DE POMME DU MINOT et CRÉMANT DE POMME respectivement, au nom de la Requérante. L’affidavit de M. Demoy vise essentiellement à expliquer l’ampleur et la manière dont la Marque a été employée et promue au Canada depuis 2005. L’affidavit de Mme Rodrigues-Cerqueira vise essentiellement à lister une série de marques enregistrées figurant au registre des marques de commerce et comportant le mot « glace » en lien avec des cidres ou des boissons alcoolisées.

[7]               Aucun des déposants ne fut contre-interrogé.

[8]               Chacune des parties a produit un plaidoyer écrit et participé à une audience. Lors de l’audience, l’Opposante est revenue sur son plaidoyer écrit dans lequel elle avait indiqué qu’elle retirait finalement tous les motifs d’opposition sauf celui fondé sur les articles 38(2)(b) et 12(1)(b) de la Loi alléguant que :

[L]a Marque n’est pas enregistrable […] en ce qu’elle donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse en langue française de la nature ou de la qualité des Marchandises en ce que la Marque indique, à tort ou à raison, que les Marchandises sont un crémant, soit un vin pétillant à mousse légère, dont la fermentation est faite à partir de fruits ayant subi un état de gel. Par ailleurs, la [d]emande étant fondée sur la base d’une allégation d’emploi projeté de la Marque au Canada, la Marque ne peut avoir été devenue distinctive à la date de la production de la [d]emande.

[9]               Plus particulièrement, l’Opposante a indiqué qu’elle restreignait ce motif à l’aspect faux et trompeur de la Marque uniquement. Par conséquent, seul cet aspect sera traité.

Le fardeau qui repose sur les parties

[10]           C’est à l’Opposante qu’il appartient au départ d’établir le bien-fondé de son opposition. Le fardeau ultime de démontrer que la Marque est enregistrable repose toutefois sur la Requérante, selon la prépondérance de preuve [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); et Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al (2002), 20 CPR (4th) 155 (CAF)].

Analyse

[11]           L’Opposante soutient que le sens ordinaire des mots qui composent la Marque suffit pour lui permettre de s’acquitter de son fardeau de preuve initial. Elle me renvoie à cet égard aux définitions de dictionnaires de langue française variés, tels Le Grand Dictionnaire Terminologique de l’Office Québécois de la Langue Française et le Dictionnaire Français Larousse, produites au soutien de l’affidavit de Mme Sévigny pour les mots et expressions « crémant », « cidre », « vin », « cidre de glace » et « vin de glace ».

[12]           Je suis d’accord.

[13]           La question de savoir si une marque donne une description claire ou une description fausse et trompeuse doit être étudiée du point de vue du consommateur moyen des marchandises et des services. En outre, il ne faut pas scruter séparément chacun des éléments constitutifs de la marque. Celle-ci doit plutôt être considérée dans son ensemble, sous l’angle de la première impression [voir Wool Bureau of Canada Ltd c Registrar of Trade Marks (1978), 40 CPR (2d) 25 (CF 1re inst); et Atlantic Promotions Inc c Registrar of Trade Marks (1984), 2 CPR (3d) 183 (CF 1re inst)]. Le mot « nature » s’entend d’une particularité, d’un trait ou d’une caractéristique du produit, et le mot « claire » signifie [traduction] « facile à comprendre, évident ou simple » [voir Drackett Co of Canada Ltd c American Home Products Corp (1968), 55 CPR 29 (C de l’É)].

[14]           Pour qu’une marque soit considérée comme clairement descriptive, il ne suffit pas qu’elle soit suggestive. L’interdiction en ce qui a trait aux marques donnant une description claire vise à empêcher un commerçant de monopoliser un mot qui donne une description claire ou qui est habituellement employé dans le commerce, et de placer ainsi des commerçants légitimes dans une position désavantageuse [voir Canadian Parking Equipment Ltd c Canada (Registrar of Trade-marks) (1990), 34 CPR (3d) 154 (CF 1re inst)]. Pour qu’une marque de commerce soit considérée comme fausse et trompeuse, elle doit tromper le public en ce qui concerne la nature ou la qualité des marchandises et des services. La marque doit donner une description portant à penser que les marchandises ou les services contiennent quelque chose qu’ils ne contiennent en fait pas. L’interdiction en ce qui a trait aux marques de commerce fausses et trompeuses vise à empêcher le public d’être trompé [voir Atlantic Promotions, supra; et Provenzano c Canada (Registrar of Trade-marks) (1977), 37 CPR (2d) 189 (CF 1re inst).

[15]           En outre, comme le mentionne le juge Martineau dans Neptune SA c Canada (Attorney General) (2003), 29 CPR (4th) 497 (CF), au paragraphe 11 :

Afin de déterminer si une marque de commerce tombe sous cette exclusion [alinéa 12(1)b)], le registraire doit non seulement tenir compte des éléments de preuve dont il dispose, mais également appliquer son sens commun à l’évaluation des faits. La décision concluant au caractère de description claire, ou encore de description fausse et trompeuse, est fondée sur sa première impression. Il ne doit pas considérer celle-ci isolément, mais à la lumière du produit ou service visé.

[Voir également Ontario Teachers’ Pension Plan Board c Canada (Attorney General) (2010), 89 CPR (4th) 301 (CF) au paragraphe 48; conf. dans (2012), 99 CPR (4th) 213 (CAF)].

[16]           La date pertinente pour l’analyse d’un motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)(b) de la Loi est la date de production de la demande, soit en l’occurrence, le 5 avril 2005 [voir Fiesta Barbecues Ltd c General Housewares Corp (2003), 28 CPR (4th) 60 (CF)]. Ainsi, dans la mesure où l’affidavit de M. Demoy vise à démontrer l’emploi de la Marque au Canada depuis la date de production de la demande, basée comme il convient de le rappeler sur l’emploi projeté de la Marque, cette preuve s’avère non pertinente puisque postérieure au 5 avril 2005.

[17]           Ceci m’amène à discuter en plus de détail la preuve soumise par les parties en regard du présent motif d’opposition à la lumière des représentations faites par celles-ci.

[18]           Tel qu’indiqué plus haut, l’Opposante a mis en preuve les définitions de divers dictionnaires pour les mots ou expressions suivants : « crémant », « cidre », « vin », « cidre de glace » et « vin de glace ».

[19]           L’Opposante fait valoir que de façon générale et plutôt unanime, ces mots ou expressions ont les définitions suivantes :

         « crémant » : vin effervescent/pétillant dont la pression est moindre que celle du Champagne, dont la mousse est légère;

         « cidre » : boisson résultant de la fermentation du jus de pomme;

         « vin » : boisson résultant de la fermentation de raisins ou de jus de raisin;

         « cidre de glace » : cidre liquoreux fabriqué à partir de pommes ou de jus de pomme qui ont été exposés au gel hivernal;

         « vin de glace » : vin liquoreux fabriqué à partir de raisins qui ont gelé.

[20]           À la lumière de ces définitions, l’Opposante fait valoir que le consommateur pertinent doit comprendre que des « cidres de glace » et des « vins de glace » sont plus liquoreux que les cidres et vins « réguliers » et que le procédé de fabrication implique des fruits gelés (la pomme ou le raisin) afin d’obtenir une plus grande concentration en sucre. Quant au « crémant », l’Opposante fait valoir qu’il se définit comme étant un vin pétillant dont la mousse est légère comparativement, par exemple, au vin de Champagne.

[21]           Dans cette optique, l’Opposante soumet que la Marque ne peut que « décrire clairement un type de vin de glace. » Partant, l’Opposante soumet que « [l]a première partie du test pertinent, à savoir que la Marque est d’abord clairement descriptive de manière à suggérer quelque chose qui n’est pas le cas (on suggère une sorte de vin alors qu’il s’agit d’un cidre), est donc rencontré. Reste à déterminer si la Marque mènerait une personne à croire qu’elle identifie quelque chose qu’elle n’est pas. »

[22]           Concernant cette deuxième partie du test, l’Opposante fait valoir que l’affidavit de M. Demoy établit que les cidres de la Requérante sont vendus par la Société des alcools du Québec (SAQ), là où sont également vendues de grandes quantités de vins [voir la Pièce RD-3]. De plus, sur un des exemples de publicité produits par M. Demoy, deux bouteilles de cidre et trois bouteilles de vin sont annoncées sur la même page [voir la Pièce RD-6]. (Ces pièces sont postérieures à la date pertinente. Ceci dit, je n’ai aucune difficulté à prendre connaissance d’office que les cidres et les vins sont des boissons alcoolisées généralement vendues et promues par l’intermédiaire des mêmes canaux de distribution.) Partant, l’Opposante soumet que l’on peut donc s’imaginer « aisément un consommateur moyen se procurant une bouteille sur laquelle est inscrit ‘crémant de glace’ et croyant qu’il s’agit d’un type de vin de glace alors qu’il s’agit en l’espèce d’un cidre.» Ainsi, l’Opposante soumet que ce consommateur serait trompé par la Marque, « tout comme s’il faisait face aux expressions ‘champagne de glace’ ou ‘riesling de glace’. » L’Opposante ajoute qu’il s’agit-là « d’expressions que personne ne peut accaparer à titre de marques de commerce en liaison avec du vin puisque cela empêcherait d’autres producteurs de crémants, de champagnes ou de rieslings d’en élaborer une version ‘de glace’ et les appeler génériquement ainsi. »

[23]           Par contraste, la Requérante fait valoir que le mot « crémant » n’est pas exclusif au domaine du vin et que la Marque doit s’entendre d’une marque fantaisiste pouvant suggérer plusieurs idées.

[24]           Plus particulièrement, la Requérante fait valoir que le mot « crémant » est défini dans l’un des extraits de définitions de dictionnaires joints à l’affidavit de Mme Sévigny comme renvoyant à « de crémer » [voir la Pièce KS-12 qui consiste en une définition isolée tirée du dictionnaire Le Nouveau Petit Robert définissant le mot « crémant » comme suit : « n.m. – 1846; de crémer. Vin pétillant à mousse légère. Crémant d’Alsace. »]. En l’occurrence, les Marchandises consistant en des cidres de pomme, la Requérante a fait valoir lors de l’audience que « c’est la première définition qui s’applique », à savoir « de crémer », que la Requérante assimile au fait de « donner [aux cidres en question] une sensation légèrement pétillante. » Ainsi, considérant la Marque dans son ensemble, la Requérante fait valoir que celle-ci « ne fait que suggérer une condition et/ou un état du cidre de pomme et ce, parmi de nombreuses possibilités ». La Requérante soumet de plus que « ces conditions ne sont pas des caractéristiques essentielles pour le consommateur et ce, contrairement aux ingrédients et à la qualité qui elles, sont importantes. » Elle fait également valoir que la Marque « n’est pas clairement descriptive d’une caractéristique essentielle des cidres de pomme qui peuvent venir sous plusieurs autres formes. En effet, les cidres de pommes peuvent venir sous forme de vinaigres, de cidres purs (alcoolisés ou non), de bière, etc. »

[25]           Revenant sur les définitions de dictionnaires résumées plus haut, la Requérante fait valoir que la position de l’Opposante selon laquelle le mot « crémant » doit nécessairement s’entendre d’un vin est contredite par le fait qu’il ressort de ces définitions que les domaines du vin et du cidre emploient tous deux des expressions communes telles l’expression « de glace ». Partant, la Requérante soumet que la position de l’Opposante selon laquelle la Marque indique à tort que les Marchandises sont un vin pétillant à mousse légère, dont la fermentation est faite à partir de fruits ayant subi un état de gel, ne tient pas la route et n’est que pure spéculation de la part de l’Opposante.

[26]           Revenant sur les différentes idées que peut suggérer la Marque, la Requérante fait valoir que celle-ci peut suggérer « l’idée que le cidre de pomme est composé de cristaux de glace, qu’il doive être servi sur glace ou très froid, qu’il est mousseux, qu’il est pétillant, qu’il est obtenu par la fermentation d’extraits de pommes gelées, etc. » La Requérante fait de plus valoir que la Marque n’est pas une expression qui fait partie du langage courant puisque ne se retrouvant pas comme telle dans le dictionnaire (tel que démontré par l’affidavit de Mme Rodrigues-Cerqueira) et ayant été « inventée » par M. Demoy lui-même selon les dires de celui-ci [voir le paragraphe 22 de son affidavit : « je suis en mesure d’affirmer que j’ai inventé le terme CRÉMANT DE GLACE, un terme qui n’existait pas avant que je l’invente en 2005 »].

[27]           Or, tel que rappelé à juste titre par l’Opposante, le fait que l’expression « crémant de glace » ne se retrouve pas telle quelle dans le dictionnaire n’est pas en soi pertinent puisque cela n’implique pas nécessairement que cette expression n’a aucun sens et ne donne aucune description [voir notamment Kelly Gill & R. Scott Joliffe, Fox on Canadian Law of Trade-marks and Unfair Competition, 4th ed, (Toronto : Carswell, 2003) à la page 5-30.3 : « […] the fact that a particular combination of words is not present in any dictionary does not necessarily mean that it is not descriptive or deceptively misdescriptive. If each portion of a mark has a well-known meaning, the combination could be contrary to s. 12(1)(b) [of the Act] »].

[28]           De même, le fait que la Marque ait été « inventée » ou pas par M. Demoy n’est pas en soi pertinent et ne aurait constituer un gage d’enregistrabilité. Partant, j’estime qu’il n’est pas nécessaire de me pencher sur la question de savoir dans quelle mesure le témoignage de M. Demoy sur cette question est admissible en preuve (l’Opposante ayant fait valoir lors de l’audience que M. Demoy ne peut témoigner sur cette question au motif qu’il s’agit d’une opinion linguistique pour laquelle il n’est pas expert).

[29]           Par ailleurs, je ne peux souscrire à l’argument de la Requérante à l’effet que la Marque, dans le contexte des Marchandises, doit nécessairement s’entendre d’une marque fantaisiste. La Marque est constituée du mot « crémant » et de l’expression « de glace », laquelle est une expression consacrée couramment employée (tel que reconnu par la Requérante elle-même notamment dans son plaidoyer écrit) pour désigner des vins ou des cidres fabriqués à partir de fruits (ou de jus) ayant été exposés au gel hivernal. Ainsi, l’argument de la Requérante à l’effet que la Marque puisse suggérer l’idée que ses cidres sont composés de cristaux de glace, ou qu’ils doivent être servis sur glace ou très froids relève d’un scénario faisant fi de la signification courante rattachée à l’expression « de glace » dans le contexte des Marchandises. De même, l’argument de la Requérante a l’effet que ses cidres « peuvent venir sous forme de vinaigres, de cidres purs, (…) de bière, etc. » fait fi des Marchandises en cause, lesquelles excluent expressément les vins et bières, sans mentionner le fait qu’un vinaigre ne puisse être qualifié de cidre (et vice-versa) du seul fait qu’il puisse en dériver.

[30]           De plus, avec respect pour la Requérante, je conçois mal comment le mot « crémant », dans le contexte des Marchandises, puisse être considéré par certains dans le sens « imagé » de « crémer » plutôt qu’au sens courant d’un vin qui se couvre d’une mousse légère. Je note à cet égard que le mot « crémer » est défini dans le dictionnaire Larousse comme suit : « v.t. CUIS. Ajouter de la crème à une sauce. p.p. adj. Sauce crémée. v.i. Rare. Se couvrir de crème en parlant du lait. » La position soutenue par l’Opposante ne peut être qualifiée de purement spéculative. Au contraire, il m’apparaît plutôt que c’est la position de la Requérante qui soit spéculative.

[31]           Il convient de reproduire sur ce point, un extrait de Hugues on Trade-marks (Hugues, Roger T., et al, Second Edition, LexisNexis, Markham, 2005-2012) aux pages 630 et 631, cité par l’Opposante, discutant du test applicable afin de déterminer si une marque donnée est faussement et trompeusement descriptive. Il y est noté au passage qu’une marque peut s’avérer faussement descriptive malgré qu’elle soit susceptible de plus d’une signification :

To be deceptively misdescriptive, a mark must first be found to be descriptive so as to suggest that the wares are or contain something that is not the case. The deceptively misdescriptive part must lead a person to believe that the mark identifies something that is, in fact, not true. Where the mark is a combination of words, the deceptively misdescriptive part must so dominate the mark as applied for such that it would be precluded from registration. […] Where a word or phrase is capable of more than one meaning, it still may be descriptive or misdescriptive if one of those meanings is descriptive or misdescriptive. To determine whether a trade-mark in its entirety is deceptively misdescriptive, the test is whether the general public in Canada would be misled into belief that the product with which the trade-mark is associated would, for example, have its origin in the geographical name in the trade-mark. [mon soulignement]

[32]           En l’occurrence, considérant le contexte des Marchandises, j’estime que le consommateur moyen risque davantage de croire que le mot « crémant », lorsque suivi de l’expression consacrée « de glace », s’entend dans son sens courant, que de ne pas avoir cette impression. Partant, j’estime plus probable que pas que la Marque donne à croire que les Marchandises consistent à tort en un vin pétillant à mousse légère, dont la fermentation est faite à partir de fruits ayant subi un état de gel, alors qu’il s’agit en fait de « cidres de pomme ». J’ajouterai sur ce point que le fait que les étiquettes apposées sur les produits commercialisés sous la Marque décrivent ceux-ci comme un « cidre mousseux » [voir notamment la Pièce RD-5 produite au soutien de l’affidavit de M. Demoy] n’est pas pertinent. La Marque se doit d’être considérée en tant que telle et non pas telle qu’apposée sur les étiquettes. Au surplus, il convient de rappeler que ces étiquettes sont postérieures à la date pertinente.

[33]           Avant de conclure, je souhaite discuter d’un dernier argument soulevé par la Requérante à l’effet que celle-ci « possède une famille de marques de commerce, soit la ‘Famille Crémant’ » et serait la seule à détenir des marques de commerce enregistrées au Canada contenant le terme « crémant ».

[34]           Tout d’abord, en ce qui a trait au fait que la Requérante détienne les enregistrements nos LMC361,242 et LMC581,504 pour les marques CREMANT DE POMME DU MINOT et CRÉMANT DE POMME respectivement, il est bien reconnu en droit que l’article 19 de la Loi ne confère pas au propriétaire d’un enregistrement le droit automatique d’obtenir l’enregistrement d’autres marques, même si celles-ci sont étroitement liées à la marque visée par l’enregistrement initial [voir Coronet-Werke Heinrich Schlerf GmbH c Produits Menagers Coronet Inc (1984), 4 CPR (3d) 108 (COMC); et (1990), Groupe Lavo Inc c Proctor & Gamble 32 CPR (3d) 533 (COMC)].

[35]           En deuxième lieu, l’existence d’une famille de marques ne saurait être présumée dans une procédure d’opposition. La partie qui cherche à établir l’existence d’une famille de marques doit prouver qu’elle emploie plus d’une ou deux marques de commerce faisant partie de la famille alléguée (l’enregistrement n’établissant pas l’emploi de la marque) [voir Techniquip Ltd c Canadian Olympic Assn (1998), 145 FTR 59 (CF 1re inst), conf. dans 250 NR 302 (CAF); et Now Communications Inc c CHUM Ltd (2003), 32 CPR (4th) 168 (COMC)]. En l’occurrence, l’affidavit de M. Demoy vise à démontrer l’emploi de la Marque plutôt que des marques CREMANT DE POMME DU MINOT et CRÉMANT DE POMME. Bien que certaines des pièces produites au soutien de celui-ci réfèrent également aux cidres vendus sous les marques CREMANT DE POMME DU MINOT et CRÉMANT DE POMME, celles-ci sont postérieures à la date pertinente. Qui plus est, ces pièces ne permettent pas de déterminer l’étendue de l’emploi des marques CREMANT DE POMME DU MINOT et CRÉMANT DE POMME. Partant, l’argument de la Requérante soumis lors de l’audience à l’effet que le consommateur canadien moyen serait habitué de voir le mot « crémant » associé à d’autre chose que du vin, soit plus particulièrement aux cidres de la Requérante, est non supporté par la preuve au dossier.

[36]           Troisièmement, les enregistrements de tierces parties relevés par Mme Rodrigues-Cerqueira faisant état de marques de commerce comportant le mot « glace » en lien avec des cidres ou boissons alcoolisées ne sont pas pertinents en soi pour déterminer dans quelle mesure la Marque est enregistrable ou pas en vertu de l’article 12(1)(b) de la Loi. Qu’il suffise de dire que les marques en cause dans ces enregistrements diffèrent de la Marque.

[37]           Finalement, chaque cas doit être déterminé au mérite, tel que rappelé par M. le juge Hughes de la Cour fédérale dans l’affaire Continental Teves AG & Co OHG c Canadian Council of Professional Engineers, 2013 FC 801 aux paragraphes 42 et 43 :

[42] […] Whether a trade mark is deceptively misdescriptive is as much a question of fact as is whether one trade mark is confusing with another.

 

[43] […] Each case will turn on its own facts. Those experienced in the trade-mark field may remark on the seeming contradictions in the jurisprudence where “Tavern” for beer has been held to be registrable, but “Java Café” for coffee has not; by way of example.

[38]           Aussi, me contenterai-je d’ajouter que je ne trouve pas nécessaire de discuter en détail les affaires Reed Stenhouse Co c Canada (Registrar of Trade Marks) (1992) 45 CPR (3d) 79 (CF 1re inst) (concernant la marque PET PLAN), Registrar of Trade-Marks c Provenzano (1979), 40 CPR (2d) 288 (CAF) (concernant la marque KOLD ONE), Jordan & Ste-Michelle Cellars Ltd – Les Caves Jordan & Ste-Michelle Ltée c TG Bright & Co Ltd (1984) 1 CF 964 (concernant la marque BRIGHTS CHILLABLE RED), et RJ Reynolds Tobacco Co c Rothman, Benson & Hedges Inc (1993), 47 CPR (3d) 439 (CF 1re inst) (concernant la marque THE MILD ONE), citées par la Requérante, autrement que pour réitérer que chaque cas est un cas d’espèce et que ces affaires peuvent être aisément distinguées de la présente affaire en ce qu’en l’occurrence, le mot « crémant » et l’expression « de glace » constituant la Marque ne peuvent être considérées comme n’ayant rien à voir avec la nature et la qualité de boissons alcoolisées.

[39]           Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, j’estime que la Requérante ne s’est pas acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’à la date de production de la demande, la Marque ne donnait pas une description fausse et trompeuse de la nature des Marchandises.

[40]           Par conséquent, le motif d’opposition sous l’article 12(1)(b) de la Loi est accueilli.

Décision

[41]           En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu de l’article 63(3) de la Loi, je


refuse la demande en application de l’article 38(8) de la Loi.

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Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

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