Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS TRADUCTION

      Référence : 2011 COMC 3

      Date de la décision : 2011-01-17

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par le Conseil canadien des ingénieurs à l’encontre de la demande no1252743 pour la marque de commerce COMSOL REACTION ENGINEERING LAB au nom de COMSOL AB

[1]               Le 4 avril 2005, COMSOL AB, une société suédoise (la Requérante), a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce COMSOL REACTION ENGINEERING LAB (la Marque) fondée sur l’emploi projeté de la Marque au Canada en liaison avec les marchandises suivantes « Logiciels servant à exécuter des calculs mathématiques techniques pour utilisation dans le domaine des mathématiques, du génie et des sciences, et manuels et guides d’enseignement, vendus comme un tout » (les Marchandises). La Requérante a revendiqué la date de priorité de production du 18 mars 2005 et a renoncé au droit à l’usage exclusif des mots REACTION ENGINEERING LAB en dehors de la Marque.

[2]               La demande a été annoncée aux fins d'opposition dans le Journal des Marques de commerce du 5 juillet 2006.

[3]               Le 1er septembre 2006, le Conseil canadien des ingénieurs (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition, dans laquelle quatre motifs d’opposition ont été soulevés en vertu du paragraphe 38(2) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi); ces motifs d’opposition sont résumés ci-dessous :

1)      Alinéas 38(2)a)/30i) – la Requérante ne peut être convaincue qu’elle était autorisée à employer la Marque;

2)      Alinéas 38(2)b)/12(1)b) – la Marque n’est pas enregistrable parce qu’elle donne une description claire ou une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des marchandises en liaison avec lesquelles elle est employée, ou à l’égard desquelles on projette de l’employer, ou des conditions de leur production, ou des personnes qui les produisent;

3)      Alinéas 38(2)b)/12(1)e) – la Marque n’est pas enregistrable parce qu’elle est interdite en vertu du sous-alinéa 9(1)n)(iii) parce qu’elle est composée, ou parce que la ressemblance est telle qu’on pourrait vraisemblablement la confondre avec la marque officielle ENGINEERING de l’Opposante;

4)      Alinéa 38(2)d)/article 2 – la Marque n’est pas distinctive.

[4]               La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie les allégations de l’Opposante.

[5]               À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit les affidavits de John Kizas (le directeur du développement stratégique de l’Opposante) et Leslie J. Kirk (une future stagiaire en droit), plus une copie certifiée de la marque officielle ENGINEERING n903677 de l’Opposante.

[6]               À l’appui de sa demande, la Requérante a produit les affidavits de Jose Ramirez (directeur de la comptabilité pour une filiale états-unienne en propriété exclusive de la Requérante) et Keith Chung (un stagiaire en droit), plus des copies certifiées de trois enregistrements dont la Requérante est propriétaire, à savoir les nos LMC689150 pour COMSOL, LMC689149 pour C COMSOL & Dessin et LMC543746 pour COMSOL MULTIPHYSICS.

[7]               À titre de contre-preuve, l'Opposante a produit un deuxième affidavit de John Kizas.

[8]               Les parties n’ont procédé à aucun contre-interrogatoire.

[9]               Je profite de cette occasion pour dire que j’écarte les parties de la preuve dans lesquelles les auteurs des affidavits donnent leurs opinions sur la façon dont le public percevra les marques en cause (par exemple, au paragraphe 38 de l’affidavit no1 de M. Kizas); en plus de ne pas être des experts, les auteurs des affidavits ne sont manifestement pas indépendants – par conséquent, leurs opinions sur les questions à trancher en l’espèce n’ont que peu de poids, voire aucun.

[10]           Chaque partie a produit un plaidoyer écrit et était représentée à l’audience, où j’ai avisé les parties que j’écartais les passages du plaidoyer écrit de l’Opposante se référant à l’article 10 parce qu’aucun motif d’opposition n’a été plaidé dans la déclaration d’opposition concernant cet article de la Loi.

La preuve

[11]           Ce qui suit est un résumé de la preuve, qui comprend une analyse des parties principales.

Les éléments de preuve produits par l'Opposante au titre de l'article 41 du Règlement

[12]           M. Kizas explique que l’Opposante est l’organisme national chapeautant les associations provinciales ou territoriales qui réglementent la pratique de l’ingénierie au Canada. Au paragraphe 31, M. Kizas donne une définition très générale du mot « engineering » (ingénierie) : [traduction] « l’ingénierie est l’application de la science à la réalisation de projets concrets et utiles. »

[13]           Comme l’a dit M. Kizas dans son affidavit, il existe des lois dans chaque province et chaque territoire pour encadrer l’octroi de licences aux ingénieurs. Selon M. Kizas, [traduction] « un des objectifs les plus importants de ces lois est la protection du public. Chaque loi prévoit que seuls les ingénieurs autorisés à pratiquer dans une province ou un territoire peuvent fournir des services d’ingénierie et eux seuls sont autorisés à porter le titre d’ingénieur dans cette province ou dans ce territoire » (paragraphe 13 de l’affidavit no1 de M. Kizas). M. Kizas affirme également que la loi comprend des dispositions concernant l’usage et le mésusage des désignations suivantes : ingénieur; ing.; ingénierie (paragraphe 20, de l’affidavit no1 de M. Kizas).

[14]           Au paragraphe 24, M. Kizas déclare que [traduction] « les personnes ou les entités qui n’ont pas les qualifications requises pour fournir des services d’ingénierie dans une province ou un territoire, mais qui donnent à penser, par l’emploi du mot ingénieur dans leur nom, leur titre ou leur marque de commerce, qu’ils possèdent ces qualifications, portent atteinte à la sécurité et au bien-être du public et heurtent l’ordre public ». [Non souligné dans l’original.]

[15]           M. Kizas déclare que les autres lois limitent également l’emploi du mot « engineering », telles que les lois des provinces et des territoires sur l’enregistrement des appellations commerciales, et les lois et règlements sur les sociétés par actions. Il fournit des extraits des lois pertinentes. Bien qu’il ait fourni un extrait du Règlement sur les sociétés par actions de régime fédéral, ce règlement n’est pas pertinent en l’espèce, car il ne concerne que les dénominations sociales.

[16]           M. Kizas souligne également que les firmes d’ingénierie font souvent affaire sous des marques de commerce formées de la combinaison d’un nom de famille et du mot « engineering ».

[17]           Mme Kirk fournit des copies de différentes publications et des pages Web qui portent sur les ingénieurs, l’ingénierie, le génie réactif, etc.

[18]           Avant de poursuivre, je note qu’en dépit de la prétention de l’Opposante voulant que l’emploi de la Marque ne soit pas conforme aux différentes lois sur l’ingénierie, aucune preuve n’a été présentée pour montrer que la Requérante a fait l’objet d’une sanction imposée en vertu d’une des lois susmentionnées. De plus, j’estime que je ne suis pas en position d’apprécier adéquatement l’incidence des différentes lois provinciales ou territoriales sur lesquelles s’appuie l’Opposante (comme c’est ce que M. Kizas essaie de faire, je souligne qu’il est un ingénieur, non un avocat). À première vue, il me semble que les différentes lois visent principalement à déterminer qui peut exercer le métier d’ingénieur dans les provinces et les territoires du Canada et il ne me semble pas que la présente demande fasse état de la volonté de la Requérante d’offrir des services d’ingénierie au Canada. Comme l’a dit M. Ramirez dans son affidavit, la Requérante est une entité étrangère qui souhaite seulement vendre une marchandise au Canada pour les ingénieurs et les autres utilisateurs hautement spécialisés. La Requérante n’a pas pour intention d’employer la Marque pour offrir des services. De plus, il ne me semble pas que l’emploi projeté pourrait « port[er] atteinte à la sécurité et au bien-être du public et heurt[er] l’ordre public ».

Les éléments de preuve produits par la Requérante au titre de l’article 42 du Règlement

[19]           M. Ramirez fournit des renseignements concernant l’entreprise de la Requérante et son produit COMSOL REACTION ENGINEERING LAB.

[20]           M. Chung fournit les résultats de recherches qu’il a faites sur Internet pour trouver des pages Web et des publications qui utilisent le terme « génie réactif ». Il fournit également des copies d’enregistrements canadiens de marques de commerce qui comprennent le mot « engineering » et qui sont détenus par des entités étrangères.

Preuve de l’Opposante au titre de l’article 43 du Règlement

[21]           En réponse à l’affidavit de M. Chung concernant les enregistrements canadiens de marques de commerce, M. Kizas cite la politique de l’Opposante en matière d’opposition aux marques qui contiennent le mot « engineering ». Il cite ensuite les enregistrements trouvés par M. Chung qui ont été enregistrés avec le consentement de l’Opposante. Comme l’a noté la Requérante à l’audience, il n’y aucune preuve que le public canadien est au courant de la logique de l’Opposante à l’égard de ce que cette dernière considère être un emploi acceptable ou inacceptable du mot « engineering » par les parties qui n’ont pas de licence pour exercer l’ingénierie au Canada.

Jurisprudence concernant les Marques comportant l’élément « ENGINEER »

[22]           Ce n’est pas la première fois que l’Opposante conteste une demande visant l’enregistrement d’une marque de commerce qui comprend le mot « engineer ». Au paragraphe 36 de son plaidoyer écrit, l’Opposante énumère huit marques comportant le mot « engineer » qui ont été considérées comme non enregistrables en vertu de l’alinéa 12(1)b) :

1.      PRO/ENGINEER en liaison avec des programmes d’ordinateur;

2.      SPRAY ENGINEERING en liaison avec des becs vaporisateurs, jauges, tuyaux souples et autres composantes de systèmes de manutention de fluides;

3.      MEMANAGEMENT ENGINEERS & Dessin en liaison avec des services consultatifs commerciaux;

4.      ROTHENBUHLER ENGINEERING en liaison avec radio‑émetteurs, équipements de sécurité et autres marchandises électroniques et services d’ingénierie;

5.      KREBS ENGINEERS en liaison avec de l’équipement de traitement industriel;

6.      LUBRICATION ENGINEERS en liaison avec des graisses;

7.      XENGINEER en liaison avec des logiciels pour la gestion d’information et de réseaux de télécommunications ainsi que pour des services de logiciels;

8.      GROUPGÉNIE EXPERTS-CONSEILS & Dessin pour des services de génie-conseil dans les domaines du génie civil et métallurgique.

[23]           Bien que la jurisprudence puisse être instructive, il va sans dire que chaque affaire doit être tranchée en fonction des faits qui lui sont propres [voir Beverley Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstering Ltd. (1980), 47 C.P.R. (2d) 145 (C.F. 1re inst.), à la page 152].

[24]           L’Opposante a également cité la décision Conseil Canadien des Ingénieurs c. John Brooks Co. (2004), 35 C.P.R. (4th) 507 (C.F.) [Brooks] dans laquelle la Cour fédérale annulé la décision du registraire des marques de commerce ((2002), 22 C.P.R. (4th) 547 (C.O.M.C.)) et a rejeté la demande pour l’enregistrement de la marque BROOKS BROOKS SPRAY ENGINEERING & Dessin pour l’« exploitation d’une entreprise, nommément distribution de becs vaporisateurs et de collecteurs pour refroidissement, nettoyage, conditionnement et traitement à basse et haute pression, jauges, tuyaux souples, connecteurs et raccords, filtres et crépines, lubrificateurs et régularisateurs de débit, et assemblage et distribution des systèmes de manutention de fluides constitués des éléments susmentionnés ». La présente affaire est en partie différente de Brooks, en ce qu’elle concerne des marchandises et non des services.

[25]           Un certain nombre de décisions qui ont été portées à mon attention concernent des marques qui combinent un prénom avec le mot « engineering ». La preuve présentée par l’Opposante en l’espèce porte sur la pratique des firmes d’ingénierie qui font affaire sous des noms qui combinent des noms de famille avec le mot « engineering » (paragraphe 41 etc., de l’affidavit n1 de M. Kizas). Cependant, il n’y a aucune preuve que COMSOL est le nom d’une personne. Le fait que la présente Marque contienne un mot distinctif qui n’est pas un nom de famille la distingue davantage d’une grande partie de la jurisprudence.

Le fardeau de preuve

[26]           Il incombe à la Requérante d’établir suivant la prépondérance des probabilités que sa demande satisfait aux exigences de la Loi. Un fardeau de preuve initial pèse toutefois sur l’Opposante, qui doit présenter une preuve recevable suffisante dont on puisse raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués au soutien de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Limitée c. Les Compagnies Molson Limitée (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), à la page 298].

Motif n1 – alinéa 30i)

[27]           L’alinéa 30i) exige qu’un requérant déclare qu’il est convaincu qu’il a le droit d’employer la marque de commerce visée par la demande en liaison avec les marchandises/services visés par l’enregistrement. La présente demande comporte cette déclaration et la Requérante a donc respecté les exigences de l’alinéa 30i) de la Loi. La question devient alors celle de savoir si la Requérante s’est conformée à cette disposition sur le fond, c’est-à-dire si la déclaration était vraie au moment où la demande a été produite.

[28]           La déclaration d’opposition plaide que la Requérante ne respecte pas l’alinéa 30i) à la lumière de différents faits qui y sont exposés. Ces « faits » comprennent l’existence de la marque officielle ENGINEERING de l’Opposante et des lois et règlements des provinces/territoires qui régissent l’emploi du mot « engineering ». 

[29]           Bien que l’Opposante ait prouvé l’existence de la marque officielle et des lois par les éléments de preuve qu’elle a présentés, cela ne signifie pas que ce motif doit être accueilli. La seule existence de la marque officielle n’empêche pas la Requérante d’être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la Marque [voir mon raisonnement ci-dessous concernant l’incidence de la marque officielle]. De plus, les allégations de non-respect des lois provinciales/territoriales ne constituent pas un fondement approprié pour le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i) [voir Interprovincial Lottery Corp. c. Monetary Capital Corp. (2006), 51 C.P.R. (4th) 447 (C.O.M.C.); Lubrication Engineers, Inc. c. Conseil canadien des ingénieurs (1992), 41 C.P.R. (3d) 243 (C.A.F.), à la p.244].

[30]           Dans l’ensemble, lorsqu'un requérant a fourni la déclaration exigée par l'alinéa 30i), un motif fondé sur cette disposition ne devrait être retenu que dans des circonstances exceptionnelles, par exemple dans les cas où la preuve dénote la mauvaise foi du requérant [Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.), à la page 155]. Or, l’Opposante n’a démontré aucune mauvaise foi de la part de la Requérante; par conséquent, ce motif d’opposition est rejeté.

Motif no 2 – alinéa 12(1)b)

[31]           Comme cela a été expliqué ci-dessus, l’Opposante a plaidé que la Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’alinéa 12(1)b), « car elle donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des marchandises en liaison avec lesquelles elle est employée, ou à l’égard desquelles on projette de l’employer, ou des conditions de leur production, ou des personnes qui les produisent. » La déclaration d’opposition dit ce qui suit : [traduction] « Sans limiter la généralité de ce qui précède, comme la marque de commerce visée par la demande d’enregistrement comprend le mot “engineering”, qui est réglementé au Canada, il s’ensuit que :

i)        Si des ingénieurs canadiens participent à la production des marchandises, la marque visée par la demande donne une description claire de la nature et de la qualité des marchandises et des personnes qui les produisent;

ii)      si des ingénieurs canadiens ne participent pas à la production des marchandises, cela signifie que la marque donne une description fausse et trompeuse de la nature et de la qualité des marchandises et des personnes qui les produisent. »

[32]           La question de savoir si la Marque donne une description claire ou une description fausse ou trompeuse doit être examinée du point de vue de l'acheteur moyen et de l’utilisateur régulier des Marchandises. De plus, il ne faut pas scruter séparément chacun des éléments constitutifs de la Marque, celle-ci doit plutôt être considérée dans son ensemble et sous l'angle de la première impression [Wool Bureau of Canada Ltd. c. Registraire des marques de commerce, (1978), 40 C.P.R. (2d) 25 (C.F. 1re inst.), aux pages 27 et 28, et Atlantic Promotions Inc. c. Registraire des marques de commerce (1984), 2 C.P.R. (3d) 183 (C.F. 1re inst.), à la page 186]. Le mot « nature » s'entend d'une particularité, d'un trait ou d'une caractéristique du produit et le mot « claire » signifie [traduction] « facile à comprendre, évident ou simple » [Drackett Co. of Canada Ltd. c. American Home Products Corp. (1968), 55 C.P.R. 29 (C. Éch.), à la page 34].

[33]           La date pertinente pour l’appréciation du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)b) est la date de production de la demande. [Shell Canada Limited c. P.T. Sari Incofood Corporation (2005), 41 C.P.R. (4th) 250 (C.F. 1re inst.); Fiesta Barbeques Limited c. General Housewares Corporation (2003), 28 C.P.R. (4th) 60 (C.F. 1re inst.).]

[34]           M. Kizas a présenté des éléments de preuve pour montrer que la Requérante n’est pas autorisée à fournir des services d’ingénierie dans les provinces/territoires du Canada (paragraphe 43 de l’affidavit no1 de M. Kizas). Comme il n’y a aucune preuve que des ingénieurs canadiens participent à la production des Marchandises, je n’examinerai pas l’allégation selon laquelle la Marque donne une description claire des personnes qui les produisent.

[35]           J’examinerai ensuite la question de savoir si la Marque donne une description claire de la nature ou de la qualité des Marchandises. Bien que la Requérante concède que les mots REACTION ENGINEERING donnent une description claire de la nature des Marchandises, la Marque comprend plus que ces mots – elle inclut surtout le mot non descriptif COMSOL. Comme cela est indiqué ci-dessus, une marque de commerce doit être considérée dans son ensemble. Comme la Marque dans son ensemble n’est pas descriptive, elle ne peut être considérée comme donnant une description claire de la nature ou de la qualité des marchandises.

[36]           En ce qui concerne l’allégation selon laquelle la Marque donne une description fausse et trompeuse, je note que l’objectif de cette partie de l’alinéa 12(1)b) est d’empêcher que les consommateurs du public soient trompés.

[37]           Pour qu’une marque de commerce, dans son ensemble, soit considérée comme donnant une description fausse et trompeuse, le critère doit permettre de conclure que des mots donnant une description fausse et trompeuse « dominent la marque de commerce visée par la demande au point… de faire obstacle à l’enregistrement de celle-ci » [Brooks, à la p. 514; Chocosuisse Union des Fabricants -- Suisses de Chocolate c. Hiram Walker & Sons Ltd. (1983), 77 C.P.R. (2d) 246 (C.O.M.C.); Lake Ontario Cement Ltd. c. Registraire des marques de commerce (1976), 31 C.P.R. (2d) 103 (C.F. 1re inst.)].

[38]           Je conviens avec la Requérante que le mot COMSOL, un mot au caractère distinctif fort qui se trouve dans la première partie (la plus évidente) de la Marque, domine la Marque. Sur cette seule base, la Marque, dans son ensemble, ne peut être considérée comme donnant une description fausse et trompeuse.

[39]           La Requérante fait également valoir qu’aucun élément de la Marque ne donne de description fausse et trompeuse. Premièrement, la Requérante fait valoir que « reaction enineering » (génie réactif) ne donne pas une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des Marchandises parce que ce mot est descriptif, que son emploi n’est pas réglementé et qu’il est un terme générique; il s’agit d’un mot défini qui donne une description claire des Marchandises, en ce que les Marchandises sont destinées à être employées dans le domaine du « génie réactif ». Deuxièmement, la Requérante soutient que les Marchandises sont destinées à être employées par des ingénieurs et autres travailleurs spécialisés qui sont en mesure de comprendre que les Marchandises visent à aider ceux qui travaillent dans le domaine du « génie réactif ». Il va de soi que pour qu’une marque puisse être considérée comme « donnant une description fausse et trompeuse », le public doit être trompé et la Requérante plaide que cela ne peut se produire en raison du genre des Marchandises et du genre de consommateur visé.

[40]           M. Ramirez déclare au paragraphe 2 de son affidavit que la Requérante est un chef de file en matière de conception et de fourniture de logiciels pour le calcul technique, particulièrement en matière de simulation de phénomènes physiques, et que les clients de la Requérante sont généralement des chercheurs, des mathématiciens, des scientifiques et des ingénieurs qui travaillent pour de grandes entreprises techniques, des laboratoires de recherche et des universités. Il déclare ce qui suit au paragraphe 4 :

[traduction] Le produit COMSOL REACTION ENGINEERING LAB de la Requérante est destiné à être employé par des ingénieurs, tels que des ingénieurs chimistes et des ingénieurs biochimistes, et dans une plus faible mesure, par des mathématiciens et des scientifiques. Plus particulièrement, ce produit est destiné aux personnes qui travaillent ou qui étudient dans le domaine du génie réactif. Le produit est donc destiné à être employé par des personnes très spécialisées œuvrant dans ce domaine.

[41]           Je conviens qu’en l’espèce, les consommateurs visés sont très spécialisés. Je note également que les Marchandises ont été définies de manière à indiquer qu’elles sont destinées à être employées par des ingénieurs, des mathématiciens et des scientifiques. 

[42]           J’estime que les consommateurs visés comprendraient que les Marchandises sont liées au domaine du génie réactif. Comme cela est vrai, les mots « reaction engineering » (génie réactif) de la Marque ne donnent pas une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des Marchandises. De plus, rien ne me permet de conclure que les consommateurs visés s’attendraient à ce que des « ingénieurs canadiens » participent à la production des Marchandises. En d’autres termes, je conclus que la présence des mots « reaction engineering » dans la Marque ne risque pas de tromper les consommateurs visés en leur faisant croire qu’un ingénieur canadien a participé à la production des Marchandises, comme le laisse entendre l’Opposante. Par conséquent, la Marque ne donne pas de description fausse et trompeuse des personnes qui produisent les Marchandises.

[43]           En résumé, je conclus que la Marque ne donne pas de description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des Marchandises ou des personnes qui les produisent pour l’une des raisons suivantes : 1) les mots compris dans la Marque ne donnent pas de description fausse et trompeuse des Marchandises et 2) la partie dominante de la Marque n’est pas descriptive des Marchandises.

[44]           J’ajoute que l’Opposante a indiqué qu’elle [traduction] « consent généralement à ne pas contester les demandes d’enregistrement de marques de commerce [qui sont constituées ou qui comprennent le mot ‘engineering’] dans les cas où 1) le requérant possède un permis lui permettant de pratiquer l’ingénierie dans au moins une des provinces ou un des territoires du Canada; 2) le requérant est un éditeur de revues ou de journaux destinés aux ingénieurs; 3) le requérant est un organisme œuvrant dans le domaine de l’ingénierie ou dont les membres sont des ingénieurs » (paragraphe 7de l’affidavit no 2 de M. Kizas). M. Kizas se réfère à la politique susmentionnée pour expliquer pourquoi différents tiers détiennent des enregistrements canadiens de marques de commerce pour des marques comportant le mot « engineering ». Cependant, comme l’Opposante a déclaré qu’une partie importante de son mandat est de protéger le public, j’estime que l’acquiescement de l’Opposante à l’enregistrement de ces marques, ou son manque d’intérêt à cet égard, équivaut à reconnaître que ces marques n’ont pas pour effet de tromper le public. Ces marques comprennent :

1.      NUCLEAR SCIENCE AND ENGINEERING en liaison avec des journaux techniques;

2.      AEROSPACE ENGINEERING & Dessin en liaison avec des revues;

3.      COMPLIANCE ENGINEERING en liaison avec des livres et des revues portant sur le respect des normes pour les produits électroniques;

4.      CHEMICAL ENGINEERING en liaison avec un magazine mensuel;

5.      OFF HIGHWAY ENGINEERING en liaison avec des magazines de génie technique;

6.      UTILITY T&D AUTOMATION & ENGINEERING & Dessin en liaison avec des revues.

[45]           Franchement, je ne vois pas pourquoi les acheteurs des revues énumérées ci-dessus seraient moins enclins à penser que des ingénieurs qualifiés pour pratiquer au Canada ont collaboré à la rédaction de ces revues qu’ils le seraient à l’égard des Marchandises vendues sous la Marque de la Requérante. Au contraire, j’estime qu’il est juste de présumer que l’emploi du mot « engineering » dans toutes ces marques sera compris comme signifiant que d’une quelconque façon, les marchandises sont liées à une forme ou à une autre d’ingénierie, et non qu’elles ont été approuvées ou produites par des ingénieurs canadiens qualifiés.

[46]           Je veux clarifier qu’en dépit du fait que j‘aie commenté ces enregistrements de tiers, leur seule présence au registre n’est pas déterminante pour l’issue de la présente affaire. Au contraire, j’ai traité de ces marques de tiers parce que l’Opposante a choisi d’essayer d’expliquer comment sa politique et son argument ne sont pas diminués par elles, ou comment elles peuvent être distinguées de la Marque de la Requérante.

[47]           Dans l’ensemble, je suis convaincue que la Requérante s’est acquittée de son fardeau de preuve concernant l’alinéa 12(1)b). Le motif est donc rejeté.

Motif no 3 - alinéa 12(1)e) et article 10

[48]           Ce motif d’opposition se fonde sur le sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi, qui est reproduit ci-dessous :

    9(1) Nul ne peut adopter à l’égard d’une entreprise, comme marque de commerce ou autrement, une marque composée de ce qui suit, ou dont la ressemblance est telle qu’on pourrait vraisemblablement la confondre avec ce qui suit :

. . . . .

n) tout insigne, écusson, marque ou emblème

. . . . .

(iii) adopté et employé par une autorité publique au Canada comme marque officielle pour des marchandises ou services, à l’égard duquel le registraire, sur la demande de Sa Majesté ou de l’université ou autorité publique, selon le cas, a donné un avis public d’adoption et emploi

 

[49]           L’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial en produisant une copie certifiée de la marque officielle ENGINEERING.

[50]           La jurisprudence a interprété les mots « composés de » à l’article 9 comme signifiant « identique à ». Concernant le critère de la ressemblance figurant à l’article 9, la jurisprudence indique qu’il doit être appliqué selon le critère de la première impression et du souvenir imparfait pour les facteurs énumérés à l’alinéa 6(5)e). [voir Assoc. des Grandes sœurs de l’Ontario c. Grands frères du Canada (1999), 86 C.P.R. (3d) 504 (F.C.A.), qui a confirmé la décision (1997), 75 C.P.R. (3d) 177 (C.F. 1re inst.); Conseil canadien des ingénieurs c. APA-The Engineered Wood Assn. (2000), 7 C.P.R. (4th) 239 (C.F. 1re inst.)].

[51]           Il est clair que la Marque n’est pas identique à la marque officielle. De plus, lorsqu’on considère les deux marques dans leur ensemble, la ressemblance entre les deux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent n’est pas suffisante pour que la Marque risque d’être confondue avec la marque officielle. Par conséquent, ce motif d’opposition est rejeté.

[52]           Avant d’examiner le prochain motif d’opposition, je souligne que les deux parties ont présenté des observations concernant la question de savoir si le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)e) peut être rejeté parce que l’Opposante ne serait pas une autorité publique. Il est inutile d’examiner ces observations puisque dans tous les cas, ce motif ne peut être accueilli. 

Motif no 4 - article 2

[53]           Le paragraphe plaidant le motif d’opposition fondé sur le caractère non distinctif expose deux arguments selon lesquels la Marque ne possède supposément pas de caractère distinctif : 1) [traduction] « en ce qu’elle ne permet pas de distinguer les marchandises de la Requérante de celles des autres, incluant les ingénieurs en général et les autres entités autorisées à pratiquer l’ingénierie au Canada »; et 2) [traduction] « tout emploi par la Requérante de la marque visée par la demande serait trompeur, en ce que cet emploi donnerait à penser que les marchandises de la Requérante sont fournies, vendues, louées ou autorisées par l’Opposante ou les membres qui la constituent ou que la Requérante est associée avec l’Opposante ou qu’elle est autorisée par l’Opposante ou les membres qui la constituent ».

[54]           Compte tenu de l’inclusion du mot distinctif COMSOL dans la Marque de la Requérante, je ne vois aucune base sur laquelle le premier volet de l’argument de l’absence de caractère distinctif peut être accueilli. Le deuxième volet n’ajoute rien de pertinent au premier volet et il est donc également rejeté (dans la mesure où le deuxième volet constitue une variation du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)b), la décision le concernant devrait donc être la même).

[55]           En conséquence, le motif d'opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif est rejeté intégralement.

Décision

[56]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition en application du paragraphe 38(8) de la Loi.

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Jill W. Bradbury

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Jean-François Vincent

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