Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2016 COMC 70

Date de la décision : 2016-04-29

[TRADUCTION CERTIFIÉE,
NON RÉVISÉE]

 

Boston Pizza International Inc. et Boston Pizza Royalties Limited Partnership

Opposantes

et

 

TCC Holdings Inc.

Requérante

 

 

 



1,565,696 pour la marque de commerce BOSTON BEST

 

Demande

[1]               TCC Holdings Inc. (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement de la marque de commerce BOSTON BEST pour emploi en liaison avec divers produits et services liés aux aliments et aux boissons, y compris des services de restaurant et des services de préparation alimentaire. La demande pour la marque de commerce BOSTON BEST est fondée sur l’emploi projeté par la Requérante et il n’existe aucune preuve que cet emploi de la marque de commerce au Canada a débuté.

[2]               Boston Pizza Royalties Limited Partnership (Boston Pizza Royalties LP), la propriétaire de la marque de commerce BOSTON PIZZA, et Boston Pizza International Inc. (BPI), sa licenciée exclusive, (collectivement, l’Opposante) allèguent que la demande pour BOSTON BEST crée de la confusion avec ses marques de commerce BOSTON PIZZA pour emploi en liaison avec les restaurants et les produits alimentaires connexes. Boston Pizza est la plus importante marque de restauration décontractée au Canada avec des emplacements dans chaque province et territoire, à l’exception du Nunavut. La marque de commerce BOSTON PIZZA figure sur les affiches, les menus, les publicités, les coupons et en ligne. En 2013, il y avait plus de 350 restaurants Boston Pizza au Canada, lesquels ont servi plus de 40 millions de clients. De 2008 à 2012, les ventes annuelles ont été de plus de 830 M$ et les dépenses publicitaires de plus de 16 M$.

[3]               En l’espèce, l'analyse relative à la confusion est influencée par i) le fait que les marques de commerce en question sont des marques de commerce intrinsèquement faibles puisqu’elles sont toutes composées d’un élément géographique et d’un élément descriptif, et ii) le fait que la marque de commerce BOSTON PIZZA de l’Opposante a acquis un caractère distinctif important par son emploi et sa promotion. Du fait des similitudes qui existent entre les marques de commerce, de l'absence de preuve d’emploi de la marque de commerce BOSTON BEST et parce qu’aucune preuve ne diminue la probabilité de recoupement des produits et services des parties, j’estime que la Requérante n’a pas réussi à établir qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion. Ainsi, la demande pour BOSTON BEST est repoussée.

Dossier

[4]               Le 24 février 2012, la Requérante a produit une demande d’enregistrement de la marque de commerce BOSTON BEST (la Marque) pour emploi en liaison avec les Produits et Services suivants sur la base d’un emploi projeté au Canada [Traduction] :

Produits

Aliments et produits alimentaires, nommément sandwichs, salades préparées, tisanes, boissons non alcoolisées à base de chocolat, boissons non alcoolisées à base de thé, boissons au soya sans produits laitiers, boissons énergisantes, boissons gazeuses non alcoolisées, boissons aux fruits non alcoolisées, boissons non gazéifiées, boissons gazeuses, boissons pour sportifs, yogourts à boire.

Services

Services de restaurant, services de préparation alimentaire, services de conseil en alimentation, vente en ligne de produits alimentaires, vente au détail d'aliments, comptoirs de vente d'aliments.

[5]               La demande a été annoncée aux fins d'opposition dans le Journal des marques de commerce du 13 mars 2013.

[6]               Le 25 avril 2013, l'Opposante s'est opposée à la demande pour BOSTON BEST. La Requérante a demandé une décision interlocutoire et l’Opposante a produit une déclaration d'opposition modifiée en réponse. Le registraire a accordé à l’Opposante l’autorisation de produire la déclaration d’opposition modifiée et a subséquemment rendu une décision interlocutoire le 21 août 2013. Les motifs d'opposition, tels que modifiés par cette décision interlocutoire, sont résumés ci-après :

(a)     La Marque n’est pas enregistrable suivant l’article 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce, LRC,1985, ch T-13 (la Loi) parce qu’elle crée de la confusion avec les enregistrements de marque de commerce nos :

LMC171,428

LMC778,093

LMC429,024

LMC629,841

LMC804,670

 

(b)     La Requérante n’est pas la personne ayant droit à l'enregistrement suivant l’article 16(3)a) de la Loi parce que, à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec l’emploi, en tout ou en partie, des marques de commerce énumérées au paragraphe 6a) par BPI, en vertu d’une licence octroyée par Boston Pizza Royalties LP;

(c)     La Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement suivant l'article 16(3)b) de la Loi parce que, à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec les demandes d’enregistrement de marque de commerce nos :

1,554,939

1,563,494

1,563,495

(d)    La Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque suivant l'article 16(3)c) de la Loi parce que, à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec les noms commerciaux enregistrés et déjà employés Boston Pizza International Inc. et Boston Pizza Royalties Limited Partnership.

(e)     La Marque ne distingue pas et ne distinguera pas véritablement, pas plus qu’elle n’est adaptée ni apte à distinguer les Produits et Services des produits et services offerts en liaison avec l’ensemble ou une partie des marques de commerce et noms commerciaux énumérés ci-dessus; et

(f)      La Marque ne distingue pas et ne distinguera pas véritablement, pas plus qu’elle n’est adaptée ni apte à distinguer les Produits et Services du fait que l’Opposante est l’unique propriétaire/utilisatrice des droits enregistrés à l’égard de toute marque de commerce BOSTON inscrite au registre des marques de commerce du Canada en liaison avec des services de restaurant.

L’Opposante allègue également, dans le cadre de ses arguments, que le mot BEST [MEILLEUR] de la Marque, qui loue les mérites de la supériorité des Produits et Services, donne une description claire ou une description fausse et trompeuse de leur nature ou de leur qualité, et ne permet pas de distinguer la Marque.

[7]               La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie les allégations de l'Opposante.

[8]               L’Opposante a produit en preuve les affidavits de Wes Bews, Joanne Forrester, Darrell J. Bricker, Karen E. Thompson et Bethany Watson, ainsi qu’une copie certifiée de chacun des enregistrements suivants : LMC171,428; LMC629,841; LMC429,024; LMC778,093 et LMC804,670.

[9]               La Requérante a produit en preuve les affidavits de Ann Nagpala et Karen Blau.

[10]           L'Opposante a produit en preuve en réponse les affidavits de Jonathan Jeske et Marianne Crozier. M. Jeske et Mme Crozier ont été contre-interrogés et les transcriptions des contre-interrogatoires ont été versées au dossier. Cependant, aucune réponse aux questions en suspens n’a été donnée par M. Jeske ou Mme Crozier.

[11]           Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit et étaient représentées à l'audience qui a été tenue le 13 octobre 2015.

Dates pertinentes et fardeau de preuve

[12]           Les dates pertinentes qui s'appliquent aux motifs d'opposition sont les suivantes :

         articles 38(2)b)/12(1)d) – la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3d) 413, à 422 (CAF)];

         articles 38(2)c)/16(3) – la date de production de la demande [voir l'article 16(3)]; et

         articles 38(2)d)/2 – la date de production de la déclaration d'opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc (2004), 34 CPR (4th) 317, à 324 (CF)].

[13]           Avant d'examiner les motifs d'opposition, j'estime nécessaire de rappeler certaines exigences techniques en ce qui concerne i) le fardeau de preuve dont doit s'acquitter un opposant, soit celui d'étayer les allégations contenues dans sa déclaration d'opposition et ii) le fardeau ultime qui incombe au requérant, soit celui de prouver sa cause.

[14]           S'agissant du point i) ci-dessus, l'opposant doit s'acquitter du fardeau de preuve d'établir les faits sur lesquels il appuie les allégations contenues dans sa déclaration d'opposition : John Labatt Limited c The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst.), à 298. La présence d'un fardeau de preuve imposé à l’opposant à l'égard d'une question donnée signifie que, pour que la question soit considérée, la preuve doit être suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l'existence des faits allégués à l'appui de ladite question. S'agissant du point ii) ci-dessus, le requérant a le fardeau ultime de démontrer que sa demande ne contrevient pas aux dispositions de la Loi qui sont invoquées par l'opposant (mais uniquement à l'égard des allégations relativement auxquelles l'opposant s'est acquitté de son fardeau de preuve). Le fait qu'un fardeau ultime incombe au requérant signifie que, s'il est impossible d'arriver à une conclusion déterminante une fois que toute la preuve a été présentée, la question doit être tranchée à l'encontre du requérant.

Analyse des motifs d'opposition

[15]           J'examinerai maintenant les motifs d’opposition, en commençant par le motif fondé sur l'article 12(1)d).

Motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d)

[16]                L’Opposante a allégué que la Marque n’est pas enregistrable parce qu’elle crée de la confusion avec un ou plusieurs des enregistrements nos LMC171,428; LMC629,841; LMC429,024; LMC778,093 et LMC804,670 qui sont tous composés des éléments BOSTON PIZZA ou qui les comprennent. J'ai exercé mon pouvoir discrétionnaire et consulté le registre pour confirmer que chacun de ces enregistrements est en règle [voir Quaker Oats Co of Canada c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)]. L'Opposante s'est donc acquittée de son fardeau de preuve initial à l'égard de ce motif.

[17]                Je dois maintenant déterminer, selon la prépondérance des probabilités, si la Marque est susceptible de créer de la confusion avec une ou plusieurs des marques de commerce déposées de l'Opposante.

[18]                Je considère que l’élément le plus susceptible de donner gain de cause à l'Opposante est l’enregistrement no LMC171,428 pour la marque de commerce BOSTON PIZZA qui couvre les produits et services suivants (les Produits et Services visés par l’enregistrement) [Traduction] :

Produits

(1) Pizza et spaghetti, chauds ou congelés, ainsi que les ingrédients combinés pour faire ces plats.

Services

 

(1) Services de restauration et franchisage de services de restauration.

[19]                Si l'opposition n'est pas accueillie sur la base de cette marque, elle ne le sera pas pour aucune autre des marques.

Test en matière de confusion

[20]           Le test à appliquer pour déterminer la probabilité de confusion est énoncé à l’article 6(2) de la Loi, qui porte que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. Aux fins de cette appréciation, je dois tenir compte de toutes les circonstances pertinentes de l'espèce, y compris celles énumérées à l'article 6(5), à savoir : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de produits, services ou entreprises; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent. Les critères énoncés à l'article 6(5) ne forment pas une liste exhaustive et le poids qu'il convient d'accorder à chacun d'eux varie en fonction du contexte propre à chaque affaire [Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22, [2006] 1 RCS 772, au para 54]. Je m'appuie également sur l'affirmation de la Cour suprême du Canada dans Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC), au para 49, selon laquelle le critère énoncé à l'article 6(5)e), la ressemblance entre les marques, est souvent celui qui revêt le plus d'importance dans l'examen relatif à la confusion.

[21]           Dans l'affaire Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée 2006 CSC 23 (CanLII), [2006] 1 RCS 824, au para 20, la Cour suprême du Canada a établi la manière d'appliquer le test :

[Traduction]
Le critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l'esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue [de la marque] alors qu'il n'a qu'un vague souvenir des marques de commerce [précédentes] et qu'il ne s'arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques.

Résumé de la preuve de l'Opposante

[22]                La preuve de l’Opposante résumée ci-dessous mène à la conclusion que la marque BOSTON PIZZA est bien connue, voire réputée, au Canada pour des services de restauration.

Affidavit de Jo-Anne Forrester

[23]                Mme Forrester est la vice-présidente à la commercialisation de l’Opposante BPI (para 1).           

Historique

[24]                BPI et ses prédécesseurs exercent des activités d’exploitation et de franchisage de restaurants sous le nom « Boston Pizza » depuis 1964, alors que le restaurant « Boston Pizza and Spaghetti House » a ouvert ses portes à Edmonton en Alberta (para 6). En 1970, il y avait 17 restaurants Boston Pizza dans l’Ouest canadien, y compris 15 franchises (para 6). En 1982, BPI était constituée et, en 1983, elle a fait l’acquisition de l’entreprise Boston Pizza et de sa chaîne de 44 restaurants (para 7).

Octroi de licence et franchisage

[25]                 Dans le cadre du premier appel public à l’épargne de Boston Pizza Royalties Income Fund, le 17 juillet 2002, BPI a cédé la propriété de ses marques de commerce comprenant le mot BOSTON à Boston Pizza Royalties LP (para 16). Parallèlement à la cession, BPI et Boston Pizza Royalties LP ont conclu un accord de licence en vertu duquel BPI a obtenu une licence exclusive d’emploi des marques de commerce BOSTON PIZZA pour une période de 99 ans, avec le droit d'octroyer des sous-licences (para 16).

[26]                En ce qui concerne l’emploi de la marque de commerce BOSTON PIZZA, la preuve établit que l’emploi de cette marque de commerce est réputé être au bénéfice de Boston Pizza Royalties LP au sens des articles 50(1) et 50(2) de la Loi. L’accord de licence entre les deux entités comprend des conditions d’adhésion aux [Traduction] « normes de la marque [BOSTON PIZZA] » de même que des droits d’inspection (para 16, pièce C). En ce qui concerne l’emploi par les franchisés, BPI exerce un contrôle rigoureux sur ses franchisés pour assurer l'uniformité du décor, de la nature et de la qualité des aliments de manière à veiller au maintien de la valeur de la marque (para 19). Chaque franchisé doit signer un contrat de franchise complet qui contrôle pratiquement chaque aspect de l’activité du franchisé (para 19). Le contrat de franchise est complété par un manuel d’exploitation, des notes de service et des inspections pour veiller à ce que le contrôle de qualité soit effectué (para 19). Le contrat de franchise donne à BPI le pouvoir de mettre un terme à la franchise si les normes de qualité ne sont pas respectées (para 19). La preuve de Mme Forrester montre également que des avis de marque de commerce indiquant Boston Royalties LP comme la propriétaire de marques de commerce qui comprennent BOSTON, BOSTON PIZZA, et/ou PIZZA et indiquant que celles-ci sont employées sous licence figuraient sur du matériel publicitaire distribué (voir, par exemple, les pièces K à U).

Restaurants Boston Pizza

[27]                Boston Pizza est la plus importante marque de restauration décontractée au Canada desservant plus de 40 millions de clients annuellement dans 351 emplacements (para 8). Depuis 2007, Boston Pizza compte plus de 300 restaurants au Canada (para 10). Les restaurants Boston Pizza offrent [Traduction] « deux concepts sous un même toit » avec un restaurant décontracté à service complet pour toute la famille et un bar sportif séparé (para 8). Les restaurants Boston Pizza offrent plus de 100 choix au menu, incluant des pizzas gourmet, des pâtes, des hors-d'œuvre, des salades, des plats principaux et des desserts, et proposent des services en salle à manger, de commandes pour emporter ou de livraison. Boston Pizza offre également un service de commande en ligne et de livraison par l’intermédiaire de son site Web www.bostonpizza.com et, chaque année de 2011 à 2013, la valeur des ventes a été de plus de 15 M$ (para 71).

[28]                La preuve de Mme Forrester montre que la marque de commerce BOSTON PIZZA est employée des manières suivantes : sur l’affichage extérieur (para 33; pièce F), sur du matériel de commercialisation et de promotion dont des bannières, des menus et des encarts (para 34 et 35; pièces G et H); les boîtes pour la livraison et les boîtes de pointe de pizza (para 55 et 56, pièces X et Y), des concours promotionnels, des co-promotions, des offres, des affichettes de table et des coupons (para 42 à 53; pièces K à V), et sur le site Web www.bostonpizza.com qui a été visité cinq millions de fois en 2012 et en 2013 (para 70; pièce JJ). À cet égard, je souligne que j’estime que les marques de commerce BOSTON PIZZA RESTAURANT & SPORTS BAR et BP BOSTON PIZZA, comme celles énoncées ci-dessous, constituent un emploi de la marque de commerce BOSTON PIZZA.

Affidavit de Wes Bews

[29]                M. Bews est le directeur financier de BPI et le directeur financier et secrétaire adjoint de Boston Pizza GP Inc., l’associé directeur général de Boston Pizza Royalties LP (para 1). M. Bews indique que de 2008 à 2012, le chiffre d’affaires brut annuel a dépassé 830 M$ (para 8) et que les frais de publicité annuels ont dépassé 16 M$ (para 10).

Affidavit de Karen E. Thompson

[30]                Mme Thompson est recherchiste en marques de commerce à l’emploi des agents de l’Opposante (para 1). Mme Thompson a effectué une recherche pour repérer des marques de commerce actives ayant fait l’objet d’une annonce qui sont formées du mot BOSTON ou qui comprennent ce mot dans la marque de commerce et restaurant dans les produits ou services (para 3). Sa recherche a permis de repérer 11 marques de commerce : la Marque, les marques de commerce qui sont la propriété de l’Opposante et deux enregistrements pour BOSTON MARKET (enregistrements nos LMC743,583 et LMC798,725), tous deux pour des produits alimentaires autres que des pizzas, de la pâte à pizza, des mélanges à pizza et des lasagnes et distribués par des voies de commercialisation autres que quelque restaurant que ce soit (pièces B et C).

Affidavit de Darrel J. Bricker

[31]                M. Bricker est le directeur général mondial des affaires publiques d’Ipsos Reid Corporation (« Ipsos Reid »), le troisième plus important spécialiste de recherche marketing au monde (para 1). Ipsos Reid a effectué un sondage en ligne auprès de 1645 Canadiens en octobre 2013 pour examiner l’association de mots avec le terme « Boston » dans le secteur des services alimentaires (para 3 à 6). Le sondage en ligne a été fait sur la plateforme Je-dis d’Ipsos Reid. L’affidavit de M. Bricker présente en détail les résultats du sondage qui indiquent que, à la question [Traduction] « Lorsque vous pensez au mot “Boston” dans le secteur des services alimentaires, quelle est la première chose qui vous vient à l’esprit? », 71 % des répondants ont dit, précisément, « Boston Pizza ». D’autres mentions précises en réponse à cette question comprennent [Traduction] « gâteau/beigne Boston » (6 %), « fèves au lard Boston » (3 %), ou « chaudrée de palourdes de Boston » (1 %). Le sondage cherchait également à savoir précisément si les consommateurs percevraient les restaurants exploités sous les noms « Boston Best » et « Boston Pizza » comme étant exploités par la même entreprise, ou des entreprises affiliées » [sic], ce à quoi 25 % des répondants ont répondu par l’affirmative.

[32]                La pertinence et l’admissibilité d’une preuve d’expert dans des affaires concernant des marques de commerce ont été abordées par la Cour suprême dans Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, surpa [sic] aux para 75 à 99. Dans cette affaire, le juge Rothstein rappelle qu’il y a quatre exigences à satisfaire pour qu’une preuve d’expert soit acceptée au procès, celles-ci sont énoncées dans R c Mohan, 1994 CanLII 80 (RCS), [1994] 2 RCS 9 :

                      la pertinence;

                      la nécessité d’aider le juge des faits;

                      l’absence de toute règle d’exclusion;

                      la qualification suffisante de l’expert.

[33]                Le concept de pertinence de la preuve par sondage, tel que décrit par la Cour suprême dans Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, supra à 45, comprend les éléments suivants : 1) fiabilité (dans le sens où, s’il était repris, on obtiendrait vraisemblablement les mêmes résultats); et 2) validité (à savoir qu’on a posé les bonnes questions au bon bassin de répondants, de la bonne façon et dans des circonstances qui permettent d’obtenir les renseignements recherchés).

[34]                En ce qui concerne les sondages, dans Masterpiece au para 93, la Cour affirme qu’ils sont susceptibles d’apporter une preuve empirique des réactions des consommateurs sur le marché, ce qui n’est généralement pas connu des juges, et permettent de répondre à la question que le juge examine dans une affaire de confusion. L’utilisation de sondages effectués auprès des consommateurs dans des affaires de marques de commerce est reconnue comme un mode de preuve valide pour éclairer le tribunal dans l’analyse relative à la confusion et sa difficulté principale est de savoir s’il est fiable et s’il est valide (par exemple s’attacher à l’existence d’une simple possibilité, plutôt qu’une probabilité, de confusion). En l’espèce, je n’ai aucune raison de douter du fait que M. Bricker est un expert qualifié. En outre, je reconnais la pertinence du sondage pour l’examen de la confusion. À cet égard, la Requérante aurait pu demander une ordonnance l’autorisant à contre-interroger M. Bricker au sujet de son affidavit si elle doutait de la qualité d’expert de M. Bricker ou du contenu de son affidavit.

[35]                Je suis donc disposée à accorder une certaine importance à sa preuve, à l’exception des questions 3 et 4. En ce qui concerne ces questions et, plus particulièrement, la question 4 [Traduction] « Percevriez-vous des restaurants exploités sous les noms BOSTON BEST et BOSTON PIZZA comme étant exploités par la même entreprise, ou des entreprises affiliées? », comme ces questions ne peuvent être considérées comme ouvertes et non dirigées, je ne suis pas disposée à accorder une quelconque importance aux résultats [voir la discussion dans Canada Post Corporation c Mail Boxes Etc. USA, Inc, 1996 CanLII 11370 (COMC)].

Affidavit de Bethany Watson

[36]                Mme Watson est une technicienne juridique à l'emploi des agents de l'Opposante (para 1). Elle a déposé une copie de la réponse à un rapport du Bureau émis par le registraire à l’égard de cette demande (pièce A), des extraits du Manuel d’examen des marques de commerce (pièce B), diverses recherches menées dans Google (para 1, pièces C et D) et des copies des demandes pour BOSTON PIZZA FOOD LEAGUE, BOSTONS et BOSTONS SPORTS BAR (pièces E à G).

Résumé de la preuve de la Requérante

[37]                La Requérante a produit les affidavits de Karen Blau et Ann Nagpala, qui ont toutes les deux fourni des éléments de preuve concernant l’emploi de BOSTON par des tiers.

Affidavit d’Ann Nagpala

[38]                Mme Nagpala est une secrétaire à l'emploi des agents de la Requérante (para 1). Mme Nagpala a demandé une recherche canadienne complète en common law en ce qui concerne BOSTON pour emploi en liaison avec des aliments et des produits alimentaires et des services de restauration, de traiteur et d'approvisionnement alimentaire (para 4). En pièce A est joint un imprimé des résultats de la recherche que lui a remis Thomson Reuters. Quoique des résultats de recherches menées par quelqu’un d’autre que le déposant de l’affidavit ont par le passé été exclus sur la base de ouï-dire [par exemple, Royal Bank of Canada c Manufacturers Life Insurance Company, 2002 CanLII 61430 (COMC)], comme les paramètres de la recherche en l’espèce ont été fournis et que l’Opposante ne s’est pas opposée à l’admissibilité de la recherche dans son plaidoyer écrit, je n’exclus pas ces résultats de recherche et ne diminue pas l’importance que je leur accorde sur cette base.

[39]                Plusieurs des résultats de cette recherche, toutefois, semblent non pertinents, entre autres parce qu’ils sont abandonnés ou inactifs, qu’ils sont la propriété de l’Opposante ou qu’ils portent sur des marques de commerce qui ne comprennent pas BOSTON ou visent des produits et services sans lien [In-Touch Network Systems Inc c 01 Communique Laboratory Inc, [2007] COMC 11]. Comme ces résultats ne permettent pas de conclure que les clients du secteur alimentaire et de la restauration ont l'habitude de distinguer les marques de commerce comprenant BOSTON, ou que BOSTON ne possède pas de caractère distinctif dans les domaines d’intérêt de l’Opposante et de la Requérante, je ne m'y attarderai pas davantage.

[40]                Les marques de commerce comprenant BOSTON pour des produits et services liés à l’alimentation comprennent les marques suivantes :

No d'enregistrement

Marque de commerce

Propriétaire

Produits et services

LMC358,725

BOSTON

Sazerac North America, Inc.

Liqueurs

LMC356,423

MR. BOSTON

Sazerac North America, Inc.

Liqueurs

LMC548,441

THE BOSTON CHIPYARD

The Boston Chipyard, Inc.

Biscuits
Ventes au détail de biscuits…

LMC427,983

BOSTON BAKED BEANS

Ferrara Candy Company

Bonbons

LMC457,213

HARICOTS CUITS A LA BOSTON

Ferrara Candy Company

Bonbon

LMC475,520

BOSTON ICE TEA

Lassonde Industries Inc.

Boissons non-alcoolisées, nommément, thé préparé, tisane, thé aromatisé

LMC681,158

BOSTON TEA CAMPAIGN

Projektwerkstatt …

Thé

LMC798,725

BOSTON MARKET

Boston Market

Produits alimentaires, autres que pizza… tous ces produits sont distribués par l'intermédiaire de réseaux commerciaux de détail autres que : (I) des restaurants...

LMC743,583

BOSTON MARKET

Boston Market

Produits alimentaires préparés, autres que pizza… tous ces produits sont distribués par l'intermédiaire de réseaux commerciaux de détail autres que : (I) des restaurants...

LMC500,569

BOSTON PRIDE

McCain Foods Limited

produits de pomme de terre surgelés

Services de publicité, de commercialisation et de promotion...

LMC592,344

SAMUEL ADAMS BOSTON ALE

Boston Beer Corporation

Bière et ale

[41]                La recherche jointe à l’affidavit de Mme Nagpala comprend également des résultats de recherches de noms commerciaux comprenant BOSTON. J’estime que ces résultats ne sont d’aucune utilité puisque i) dans la plupart des cas, il n’est pas évident si les entreprises exercent leurs activités dans les domaines d’intérêt de la Requérante ou de l’Opposante et ii) pour les entreprises qui exercent leurs activités dans le domaine pertinent, il n’existe aune preuve de réputation d’aucun des noms commerciaux comprenant BOSTON au Canada.

Affidavit de Karen Blau

[42]                Karen Blau est une enquêtrice principale de Scout Intelligence Inc. (para 1). Les services de Scout Intelligence Inc. ont été retenus par les agents de la Requérante pour relever des entreprises au Canada qui proposent des aliments et/ou des boissons en liaison avec un nom commercial ou une marque de commerce qui comprend le mot BOSTON, et pour communiquer avec ces dernières (para 3). Mme Blau a obtenu une copie de la recherche en common law qui est jointe en pièce A de l’affidavit d’Ann Nagpala (para 4). Mme Blau a relevé 11 entités de la recherche en common law et a communiqué avec elles par téléphone et fournit des imprimés de recherches et de répertoires d’entreprises. Les recherches de Mme Blau ont relevé les restaurants et bars suivants comprenant l’élément BOSTON : Boston’s Best Coffee Canada Inc. (Carp, Ontario), Boston Café (Parry Sound, Ontario), Le Boston (Sherbrooke, Québec), Boston Café/Boston Chinese Restaurant (Gananoque, Ontario), Boston Spicy & BBQ Restaurant (Etobicoke, Ontario), Boston Steak House Inc. (Scarborough, Ontario), Boston Fish & Chips Inc. (Burlington, Ontario), et Boston Common Restaurant (Waterford, Ontario). L’affidavit de Mme Blau comprend également la page Web des frites régulières BOSTON PRIDE tirée du site Web www.mccainfoodservice.ca (pièce F). J’estime que les résultats suivants ne sont pas pertinents comme ils ne semblent pas être liés aux domaines d’intérêt de l’Opposante et de la Requérante : Boston Farms Ltd (un producteur de pommes de terre de Coaldale en Alberta); Boston Bay Foods Inc./Les Aliments Boston Bay Inc. (un courtier en denrées alimentaires de Longueuil au Québec); et Boston Variety Fish & Fruit (une épicerie de Toronto en Ontario).

Demande d’admission d’office d’autres marques BOSTON

[43]                Au paragraphe 28 de son plaidoyer écrit, la Requérante demande que le registraire :

[Traduction]
admette d’office son propre registre et en particulier, la réponse versée au dossier par la Requérante en date du 27 septembre 2012, à l’égard de la demande en l’espèce dans laquelle la Requérante a énuméré plusieurs marques de commerce comprenant le mot BOSTON au nom de tiers pour les mêmes produits ou des produits similaires

[44]           La preuve de l’état du registre invoquée par la Requérante dans sa réponse n'a pas été produite en preuve. Je souligne que la preuve de l’état du registre ne peut pas être prise en considération sans production de copies certifiées des enregistrements, ou du moins d'un affidavit présentant les détails des enregistrements pertinents [Papillon Eastern Imports Ltd c Apex Trimmings Inc (2007), 63 CPR (4th) 101 (COMC) au para 14]. Le registraire n'exerce généralement pas son pouvoir discrétionnaire pour prendre connaissance des demandes et enregistrements de tiers [Quaker Oats of Co of Canada Ltd, supra]. Les parties à des procédures d'opposition doivent prouver tous les aspects de leur thèse, et les enregistrements qui figurent dans la contre-déclaration ne sont pas admissibles puisqu'il ne s'agit que d'allégations de fait non corroborées [1772887 Ontario Ltd c Bell Canada; 2012 COMC 42 au para 24].

La preuve en réponse de l'Opposante

Affidavit de Marianne Crozier

[45]                Mme Crozier est une technicienne juridique à l'emploi des agents de l'Opposante (para 1). Mme Crozier a communiqué avec Boston’s Best Coffee, Boston Café, Le Boston, Boston Café/Boston Chinese Restaurant, Boston Spicy & BBQ Restaurant et Boston Steak House (para 3). Elle a confirmé que chacune de ces entités était des restaurants, à l’exception de Le Boston, qui était une boîte de nuit. Mme Crozier n’a communiqué avec aucune autre entité comprenant BOSTON dans son nom commercial inscrite dans l’affidavit de Karen Blau.

Affidavit de Jonathan Jeske

[46]                M. Jeske est avocat général chez BPI (para 1). M. Jeske indique que depuis 2008, environ 20 lettres de mise en demeure ont été envoyées à différentes entités au Canada en ce qui a trait à la contrefaçon ou la probabilité de contrefaçon des marques de commerce de l’Opposante (para 3). Il indique qu’il ne connaissait aucune des entreprises mentionnées dans l’affidavit de Mme Blau à l’exception de Boston Bay Foods et de McCain Foods Limited (mais pas en ce qui a trait à la marque BOSTON PRIDE). En contre-interrogatoire, M. Jeske a affirmé qu’il n’a envoyé aucune lettre de mise en demeure à aucune des entreprises mentionnées dans l’affidavit de Mme Blau (réponse 37). M. Jeske a également affirmé qu’il existe une entente autorisant BOSTON MARKET à exercer ses activités au Canada (réponse 52).

Examen des facteurs énoncés à l'article 6(5)

Caractère distinctif inhérent

[47]           Je considère que la Marque et la marque de commerce BOSTON PIZZA ne possèdent pas de caractère distinctif inhérent ou possèdent un caractère distinctif inhérent très faible. Le mot BOSTON est un emplacement géographique aux États-Unis et les noms géographiques ne possèdent pas de caractère distinctif inhérent [California Fashion Industries Inc. c Reitmans (Canada) Ltd. (1991), 38 CPR (3d) 439 (CF 1re inst) au para 13; Multi-Marques Inc. c Nat’s Ah Pizza Ltd., 2009 CanLII 82138 (COMC), au para 27]. Le mot BEST [MEILLEUR] de la Marque n’ajoute pas de caractère distinctif inhérent étant de nature laudative en ce qui a trait aux Produits et Services [Astro Dairy Products Limited c Compagnie Gervais Danone, 1996 CanLII 11346 (COMC)]. En ce qui concerne la marque de commerce de l’Opposante, même si rien ne prouve que « boston pizza » est une sorte de pizza, le fait que PIZZA est descriptif des Produits et Services visés par l'enregistrement de l’Opposante et que BOSTON est un emplacement géographique signifie que la marque ne possède pas de caractère distinctif inhérent [London Drugs Limited c International Clothiers Inc, 2014 CF 223, aux para 46 à 51].

Mesure dans laquelle les marques sont devenues connues et période pendant laquelle elles ont été en usage

[48]           Je suis convaincue, d’après la preuve produite dans les affidavits de Mme Forrester et M. Bews que la marque de commerce BOSTON PIZZA a largement été promue et employée au Canada pendant une longue période. Par conséquent, j’estime raisonnable de conclure que la marque de commerce BOSTON PIZZA est assez bien connue, voire célèbre. Comme la Requérante n'a produit aucune preuve d'emploi ou de réputation au Canada, ce facteur favorise l'Opposante.

Genre de produits et services et nature du commerce

[49]           Le genre des produits et services des parties sont identiques en ce qui concerne les services de restauration et montrent un degré élevé de recoupement en ce qui a trait aux autres Produits et Services. Les menus de restaurant BOSTON PIZZA de l’Opposante sur lesquels la marque de commerce BOSTON PIZZA figure bien en vue comprennent des sandwichs, des salades, des boissons à base de chocolat, du thé, des jus de fruit et des boissons gazeuses (pièces G et I). En ce qui concerne les services de restauration de l’Opposante, vendus en liaison avec la marque de commerce BOSTON PIZZA, je souligne que ces services sont disponibles non seulement dans ses restaurants traditionnels, mais également par les commandes en ligne (affidavit Forrester, para 71) et les comptoirs licenciés (affidavit Forrester, para 57; pièce Z). En l'absence de preuve de la Requérante, rien ne me permet de conclure qu’il existe une différence dans le genre de produits et services et la nature du commerce qui permettrait aux consommateurs de distinguer les marques de commerce en question.

Degré de ressemblance

[50]                 Comme je l'ai mentionné précédemment, le degré de ressemblance entre les marques de commerce est souvent le facteur qui aura le plus d'incidence sur l'analyse de la confusion. Il est bien établi en droit que, lorsqu'il s'agit de déterminer le degré de ressemblance entre des marques de commerce, les marques doivent être considérées dans leur ensemble. Le test qu'il convient d'appliquer est celui du souvenir imparfait qu'un consommateur peut avoir de la marque d'un opposant; il ne consiste pas à placer les marques côte à côte dans le but de les comparer [Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, supra, para 20]. Lorsqu’il s’agit de comparer des marques entre elles, il est préférable de se demander d’abord si l’un des aspects de la marque de commerce est particulièrement frappant ou unique [voir Masterpiece au para 64].

[51]                 La Requérante soutient que [Traduction] « aucune des marques de l’Opposante ne comprend le mot BEST [MEILLEUR]. Par conséquent, il n’existe aucune similarité entre les marques de l’Opposante et la [Marque] autre que dans la partie dépourvue de caractère distinctif » (plaidoyer écrit de la Requérante, au para 36). J’estime, toutefois, en ce qui concerne la présentation, le son et les idées suggérées, que les marques de commerce des parties présentent à la fois des similitudes et des différences. En ce qui concerne la marque de commerce BOSTON PIZZA, je suis d’avis qu’aucun des éléments n’est particulièrement frappant ou unique considérant que l’expression dans son ensemble évoque l’idée que les Produits et Services visés par l’enregistrement de l’Opposante comprennent de la pizza et ont un certain lien avec la ville de Boston. En ce qui concerne la Marque, elle commence par BOSTON et se termine par l’élément laudatif BEST [MEILLEUR]. Là encore, je suis d'avis que ni l'un ni l'autre de ces éléments n'est particulièrement frappant ou unique, car l'expression, prise dans son ensemble, évoque l'idée que les Produits et Services ont un certain lien avec la ville de Boston et sont exceptionnels.

[52]                 Pour finir, lorsque les marques de commerce des parties sont considérées dans leur ensemble, je suis d'avis qu'elles possèdent un degré de ressemblance assez élevé. Les différences visuelles et phonétiques de la deuxième partie des marques de commerce ne sont pas assez importantes pour l'emporter sur la première partie quasiment identique. En outre, considérant le caractère distinctif acquis de la marque de commerce BOSTON PIZZA, un consommateur qui connaît bien la chaîne de restaurants BOSTON PIZZA et qui voit un restaurant BOSTON BEST peut supposer que la Marque suggère l’idée de services ou de produits alimentaires liés à BOSTON PIZZA en raison du premier élément commun BOSTON. Quoique cette conclusion semble être étayée par la preuve par sondage portant qu’à la question [Traduction] « Lorsque vous pensez au mot “Boston” dans le secteur des services alimentaires, quelle est la première chose qui vous vient à l’esprit? » 71 % des répondants ont dit BOSTON PIZZA. Je souligne que j’aurais tiré cette conclusion en l’absence de la preuve par sondage.

Circonstance de l'espèce : Emploi de BOSTON ou BOSTON’S

[53]                Au para 36 de son affidavit, Mme Forrester indique que BPI a apposé la marque BOSTON ou BOSTON’S à certains articles au menu, dont « Boston’s Famous Wings » [Les célèbres ailes de Boston Pizza], « Boston’s Pizza Bread » [Pain Boston Pizza], « Boston’s Smoky Mountain Spaghetti and Meatballs » [Spaghetti aux boulettes de viande Smoky Mountain] et « Boston Brute » [Le Boston Brute] et joint un menu actuel montrant ces articles (affidavit Forrester, pièce I). En l’absence de preuve que les consommateurs sont marqués par un tel emploi, je ne considère pas qu’il s’agisse d’une circonstance de l’espèce pertinente.

Circonstance de l'espèce : Marques de commerce avec une signification géographique

[54]                La Requérante soutient que lorsqu’une partie adopte une marque de commerce descriptive, comme un emplacement géographique ou un genre culinaire, elle doit accepter qu’une certaine confusion puisse survenir, puisque dans ces cas, une certaine confusion peut s’avérer inévitable (plaidoyer écrit de la Requérante, para 43 citant Walt Disney Productions c Fantasyland Hotel Inc (1994), 56 CPR (3d) 129 (CBR Alb), à 183). La Requérante s’appuie également sur le passage suivant de Prince Edward Island Mutual Insurance Co. c Insurance Co. of Prince Edward Island (1999), 86 CPR (3d) 342 (CF 1re inst), aux para 32 à 34 :

[Traduction]
32        Quant au premier facteur mentionné au paragraphe 6(5) de la Loi, savoir le caractère distinctif inhérent des marques de commerce en cause, il est bien reconnu que les marques qui contiennent des termes descriptifs n’ont pas ce caractère distinctif inhérent et que la Cour ne leur offrira que très peu de protection. En particulier, les marques de commerce ou les noms commerciaux qui mentionnent un lieu géographique comme les noms en cause en l'espèce, sont descriptifs plutôt que distinctifs et ne doivent pas bénéficier d’une protection très étendue. Lorsque le tribunal est appelé à décider si un nom commercial ou une marque de commerce « cause vraisemblablement de la confusion », même de légères différences entre ces marques seront suffisantes pour atténuer toute « confusion » possible.

33        En outre, lorsqu'une partie adopte une appellation descriptive, elle doit accepter une certaine confusion. Dans l’arrêt In Walt Disney Productions c. Fantasyland Hotel Inc. (1994), 56 C.P.R. (3d) 129 (Alta. Q.B.); conf. (1996), 67 C.P.R. (3d) 444 (Alta. Alb.); le tribunal a déclaré à cet égard à la page 183 :

Même lorsque les services sont identiques, si le nom commercial est descriptif plutôt que distinctif, il y aura inévitablement une certaine confusion acceptable : ... Office Cleaning Services Ltd. v. Westminster Window and Sign General Cleaners Ltd., précitée. Dans cette dernière affaire, lord Simonds a dit, à la page 41 :

Tant que deux commerçants utilisent des termes descriptifs dans leur nom commercial, il est possible que cela entraîne de la confusion chez certaines personnes, quels que soient les mots qui les distinguent... En fin de compte, je crois qu’il s’agit tout simplement de ceci : quand un commerçant décide que son nom commercial contiendra des mots courants, il y aura, inévitablement, une certaine confusion. Mais le risque est acceptable sauf si le premier utilisateur est autorisé injustement à s’approprier pour lui seul ces termes. Le tribunal acceptera des différences peu importantes comme étant suffisantes pour éviter toute confusion. Il faut s’attendre à une plus grande discrimination de la part du public lorsqu’un nom commercial est formé en tout ou en partie de termes qui décrivent les articles vendus ou les services offerts.

34        En l'espèce, le nom de la demanderesse est très descriptif (Insurance Company) et comporte un élément géographique descriptif (Prince Edward Island). Par conséquent, elle n'a pas droit à un degré élevé de protection et elle doit accepter le risque inévitable d'une certaine confusion dans l'utilisation d'un nom commercial aussi descriptif.

[55]           Le caractère distinctif acquis par le biais de l’emploi et de la promotion peut justifier un degré élevé de protection, même dans le cas des marques intrinsèquement faibles [Sarah Coventry Inc c Abrahamian (1984), 1 CPR (3d) 238 à 240 (Cf 1re inst); Gill : Fox on Canadian Law of Trade-marks and Unfair Competition, à 8.2(c)]. En outre, le registraire a conclu que c’était le cas même lorsque la marque de commerce en question comprenait des éléments géographiques [voir, par exemple, Era Clothing Inc c Burton, 2001 CanLII 38003 (COMC)].

Circonstance de l'espèce : Décisions de la Cour fédérale concernant la marque de commerce BOSTON PIZZA

[56]           La Requérante s’appuie sur la décision du juge Nadon de la Cour fédérale dans l’affaire Boston Pizza International Inc. c Boston Chicken Inc, 2001 CFPI 1024 dans laquelle le juge Nadon a conclu aux para 75 et 76 qu’il n’existait pas de probabilité de confusion entre les marques de commerce BOSTON PIZZA et BOSTON CHICKEN. Il est bien établi en droit que je ne suis pas liée aux conclusions et aux constatations énoncées dans ces décisions dans la mesure où la preuve dont je dispose en l'espèce est différente (Vibe Ventures LLC c CTV Limited, 2010 COMC 166 (CanLII) aux para 59 et 60].

Circonstance de l'espèce : Preuve de l'état du registre et de l'état du marché

[57]           La Requérante soutient que sa preuve établit qu’une multitude de négociants employait le mot BOSTON pour les mêmes produits et services que ceux de l’Opposante (plaidoyer écrit de la Requérante, para 19) et que les consommateurs canadiens ont l’habitude de voir et de distinguer différentes marques de commerce BOSTON qui sont liées aux produits en question (plaidoyer écrit de la Requérante, para 37).

[58]                L’Opposante soutient que la preuve de la Requérante est insuffisante pour permettre de tirer des conclusions sur l’état du marché et s’appuie sur plusieurs décisions dont Mondo Foods Co. Ltd c Saverio Coppola, 2011 COMC 228 et Welch Foods Inc c Del Monte Corp (1992), 44 CPR (3d) 205 (CF 1re inst), à 209. Si je conviens avec l'Opposante que la preuve de l'état du registre n'est pas suffisante pour me permettre de conclure que les marques ayant comme préfixe l'élément BOSTON sont couramment adoptées en liaison avec des restaurants et des services alimentaires connexes, je suis disposée à admettre que la preuve produite permet de conclure que l'Opposante n'a pas le monopole de l'emploi de l'élément BOSTON en ce qui concerne les produits alimentaires et les boissons.

[59]           En ce qui concerne la preuve de la Requérante portant qu’il y a quelques emplacements avec quelques emplacements à travers le Canada, compte tenu du nombre de restaurants Boston Pizza, les quelques restaurants indiqués ont peu d'incidence, voire aucune, sur le caractère distinctif de la marque de commerce BOSTON PIZZA (voir Boston Pizza International Inc c Boston Chicken, Inc, 2005 43 CPR (4th) 133 à 151 (COMC), dans laquelle une conclusion similaire a été tirée).

Circonstance de l'espèce : Application de la marque de commerce BOSTON PIZZA

[60]                Je rejette l'argument de la Requérante portant que puisque l’Opposante a autorisé des négociants à employer les marques de commerce et les noms commerciaux comprenant BOSTON, elle ne peut ensuite affirmer que l’emploi de BOSTON BEST crée une probabilité de confusion (plaidoyer écrit de la Requérante, para 66). J’estime que la preuve n’est pas suffisante pour établir que l’Opposante a consenti à l’emploi de marques de commerce de tiers comprenant le mot BOSTON d’une manière qui minerait le caractère distinctif de la marque de commerce BOSTON PIZZA de l’Opposante.

Conclusion

[61]            En appliquant le test en matière de confusion, j'ai considéré que ce dernier tenait de la première impression et du souvenir imparfait. Après examen de l'ensemble des circonstances de l'espèce, je conclus que la Requérante ne s'est pas acquittée de son fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion. Bien que la Requérante soutienne que la marque de l'Opposante n'a pas droit à une protection élargie, je crois que si je devais estimer qu’il n’y avait aucune probabilité de confusion dans le présent cas, j’appliquerais alors une étendue de protection beaucoup trop étroite. Le simple fait qu’une marque de commerce possède un caractère distinctif inhérent faible ne signifie pas qu’elle ne puisse avoir acquis un caractère distinctif suffisant pour empêcher l'enregistrement d’une autre marque de commerce. Compte tenu de l’absence de toute preuve d’emploi par la Requérante, étant donné l’importance et la durée de l’emploi de la marque de commerce de l’Opposante pour des produits et services identiques ou extrêmement similaires, je conclus qu’un consommateur, qui a un souvenir imparfait de la marque de commerce de l’Opposante, pourrait raisonnablement conclure que les Produits et Services vendus en liaison avec la Marque proviennent de la même source que les services de restaurant BOSTON PIZZA ou sont autrement liés à l’Opposante. Je souligne que le résultat aurait pu être différent si la Requérante avait produit une preuve établissant que sa marque de commerce avait acquis un caractère distinctif ou qu’il existait des différences dans le genre de produits et services ou la nature du commerce des parties.

Motif d'opposition fondé sur l'article 2

[62]           L’Opposante allègue ce qui suit au paragraphe 1e) de la déclaration d'opposition :

[Traduction]
... la [Marque] n’est pas distinctive, eu égard aux dispositions des articles 38(2)d) et 2 de la [Loi] parce que la [Marque] ne distingue pas et ne distinguera pas véritablement, pas plus qu’elle n’est adaptée ni apte à distinguer les marchandises et services en liaison avec lesquels la Requérante ou ses licenciés projettent d’employer la [Marque] des marchandises et services de tiers, et en particulier, les marchandises et services en liaison avec les [marques de commerce de l’Opposante].

[63]           Pour s’acquitter de son fardeau de preuve en vertu de ce motif d’opposition, l'Opposante est tenue de démontrer que, à la date de production de la déclaration d'opposition, une ou plusieurs des marques de commerce de l'Opposante étaient devenues suffisamment connues pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif, et que sa réputation au Canada est importante, significative ou suffisante [Bojangles’ International, LLC c Bojangles Café Ltd 2006 CF 657, au para 34]. La preuve résumée aux paragraphes 22 à 29 de cette décision est suffisante pour permettre à l'Opposante de s'acquitter de son fardeau de preuve. La Requérante est par conséquent tenue de démontrer que sa Marque est adaptée à distinguer ou qu'elle distingue véritablement ses produits et services des produits et services de l’Opposante [Muffin Houses Incorporated c The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 CPR (3d) 272 (COMC)].

[64]           La position de la Requérante n’est pas plus solide en date du 25 avril 2013 qu’elle ne l’est aujourd’hui. Par conséquent, je tire la même conclusion à l’égard de la probabilité de confusion que celle tirée en vertu du motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) et ce motif d’opposition est accueilli.

Autres motifs d'opposition

[65]           Comme j'ai déjà tranché en faveur de l'Opposante relativement à deux des motifs d'opposition, j'estime qu'il n'est pas nécessaire que j'examine les autres motifs d'opposition.

Décision

[66]           Dans l'exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d'enregistrement selon les dispositions de l'article 38(8) de la Loi

______________________________

Natalie de Paulsen

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Nathalie Tremblay, trad.

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

 

 

DATE DE L’AUDIENCE : 2015-10-13

 

COMPARUTIONS

 

Kathleen Lemieux                                                                               POUR L’OPPOSANTE

 

Marta Tandori Cheng                                                                          POUR LA REQUÉRANTE

 

AGENT(S) AU DOSSIER

 

Borden Ladner Gervais LLP                                                               POUR L’OPPOSANTE

 

Riches, McKenzie & Herbert                                                              POUR LA REQUÉRANTE

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.