Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence: 2010 COMC 143

Date de la décision: 2010-08-30

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45, engagée à la demande de Smart & Biggar, visant l’enregistrement no LMC299,636 de la marque de commerce RIVIERA et dessin au nom de Laiterie Chalifoux Inc.

[1]               Le 15 septembre 2008, à la demande de Smart & Biggar (la Requérante), le registraire a envoyé un avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi) à Laiterie Chalifoux Inc., (l’Inscrivante) afin de prouver l’emploi de la marque de commerce RIVIERA et dessin :

RIVIERA & DESSIN(la Marque)

qui fait l’objet du certificat d’enregistrement LMC299,636 couvrant les marchandises suivantes : « fromages cheddar en grains, fromage cheddar doux en bloc, fromage cheddar medium en bloc, beurre, jus de fruits et boissons à saveur de fruits non-gazeuse, fromage cheddar fort en bloc » (les Marchandises).

[2]               L’article 45 de la Loi oblige l’Inscrivante à démontrer qu’elle a employé au Canada sa marque de commerce en liaison avec chacune des marchandises et/ou chacun des services que spécifie l’enregistrement à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l’avis ou, dans la négative, à fournir la date à laquelle elle a été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. La période pertinente en l’espèce est donc du 15 septembre 2005 au 15 septembre 2008 (la Période Pertinente).

[3]               La jurisprudence nous indique qu’il n’y a pas lieu d’exiger une surabondance de preuve d’usage de la Marque et que la raison d’être de la procédure sous l’article 45 de la Loi est d’éliminer du registre le « bois mort » [voir Plough (Canada) Ltd. v. Aerosol Fillers Inc. (1980) 53 C.P.R. (4th) 62].

[4]               En réponse à l’avis, l’Inscrivante a produit l’affidavit de M. Jean-Pierre Chalifoux accompagné des Pièces P-1 à P-4 inclusivement. Seule l’Inscrivante a produit des représentations écrites et aucune des parties n’a requis une audience.

[5]               M. Chalifoux est le président de l’Inscrivante et ce depuis le 29 novembre 2001.  Pour les fins de cette décision il est opportun de reproduire le paragraphe 5 de son affidavit :

La marque de commerce RIVIERA (dessin) avec une légère variation est utilisée au Canada et depuis plusieurs années y inclus les trois dernières années sur les conditionnements de fromage cheddar en grains, fromage cheddar doux en bloc, fromage cheddar medium en bloc, fromage cheddar fort en bloc (ci-après les « Produits »).

[Note : J’utiliserai le terme « Produits » dans ma décision tel que défini par M. Chalifoux pour distinguer ce terme de « Marchandises » qui a été défini ci-haut]

[6]               Cette simple allégation est insuffisante en soi pour conclure à l’emploi de la Marque au sens de l’article 4(1) de la Loi. Je dois vérifier si la preuve au dossier supporte une telle affirmation. De plus, il est important de noter qu’il n’est aucunement mention dans l’affidavit de M. Chalifoux de l’emploi de la Marque au Canada durant la Période Pertinente en liaison avec du beurre, des jus de fruits et boissons à saveur de fruits non-gazeuses. Aucune explication n’a été fournie par M. Chalifoux relativement au non-emploi de la Marque en liaison avec ces marchandises durant la Période Pertinente. L’enregistrement de la Marque devra donc, à tout le moins, être modifié en conséquence.

 

[7]               Finalement je devrai déterminer si l’emploi de la marque RIVIERA et Dessin, ci après illustrée, constitue l’emploi de la Marque :

 

(RIVIERA et Dessin)

[8]               M. Chalifoux a annexé à son affidavit des échantillons de conditionnements de Produits arborant la marque RIVIERA et Dessin (Pièce P-1). Il affirme que ces conditionnements sont identiques à ceux présentement employés au Canada et qui l’ont été au cours des trois dernières années au Canada.

[9]               Il précise que l’Inscrivante a toujours fabriqué elle-même les Produits portant la marque RIVIERA et Dessin au Canada. Il explique que les Produits sont vendus par des distributeurs dans les chaînes de magasins telles, IGA, Métro et Provigo. Il a fourni les chiffres de vente réalisés pour les Produits portant la marque RIVIERA et Dessin pour les années 2006, 2007 et 2008 qui dépassent annuellement dix-sept millions de dollars.

[10]           Il a produit du matériel publicitaire employé au cours « des dernières années » sur lequel apparaît la marque RIVIERA et Dessin. Toutefois il n’est pas dit clairement que ce matériel a été employé au Canada durant la Période Pertinente. Il a produit également des extraits du site Internet de l’Inscrivante datés du 17 novembre 2008 mais M. Chalifoux ne mentionne pas que ces extraits apparaissaient sur ce site Internet durant la Période Pertinente.

[11]           Finalement M. Chalifoux a produits des copies de factures émises à des chaînes de magasins telles IGA, Maxi, Wal Mart et Épiciers Unis Métro Richelieu par l’Inscrivante durant la Période Pertinente (Pièce P-3) pour la vente de Produits au Canada portant la marque RIVIERA et Dessin.

[12]           De cette preuve, je conclus que l’Inscrivante a prouvé l’emploi de la marque RIVIERA et Dessin, au sens de l’article 4(1) de la Loi, durant la Période Pertinente en liaison avec les Produits uniquement. J’arrive à cette conclusion car l’Iinscrivante a fait la preuve de la vente au Canada durant la Période Pertinente de Produits (factures produites) portant la marque RIVIERA et Dessin (production de conditionnements portant la marque RIVIERA et Dessin). Toutefois l’emploi de la marque RIVIERA et Dessin constitue-t-il un emploi de la Marque?

[13]           Il va de soi que chaque cas est un cas d’espèce lorsqu’il s’agit de déterminer si les modifications à une marque mixte ont fait perdre le caractère distinctif de la marque déposée. Un des principaux arrêts en la matière est Promafil Canada Ltée. c. Munsingwear Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 59 où M. le juge MacGuigan de la Cour d’appel fédérale énonça les principes suivants :

Obviously, with every variation the owner of the trademark is playing with fire. In the words of Maclean J., "the practice of departing from the precise form of a trade-mark as registered . . . is very dangerous to the registrant." But cautious variations can be made without adverse consequences, if the same dominant features are maintained and the differences are so unimportant as not to mislead an unaware purchaser.

(…)

The law must take account of economic and technical realities. The law of trademarks does not require the maintaining of absolute identity of marks in order to avoid abandonment, nor does it look to miniscule differences to catch out a registered trademark owner acting in good faith and in response to fashion and other trends. It demands only such identity as maintains recognizability and avoids confusion on the part of unaware purchasers. (mon soulignement)

[14]           De cet extrait j’en conclus que la marque RIVIERA et Dessin doit comporter les caractéristiques dominantes de la Marque et que les variations doivent être mineures de telle sorte qu’elles ne peuvent induire en erreur un acheteur non averti.

[15]           Nous retrouvons dans les deux marques en cause la partie vocable RIVIERA. Ce n’est pas parce que nous retrouvons dans la marque RIVIERA et Dessin le mot RIVIERA que nous devons conclure que son emploi constitue l’usage de la Marque. Il faut retrouver dans la marque RIVIERA et Dessin l’impression globale qui se dégage de la Marque. Si l’Inscrivante s’est donnée la peine de procéder à l’enregistrement de la Marque c’est qu’elle voulait s’assurer d’une protection qui va au-delà de la portion vocable.

[16]           Outre la partie vocable RIVIERA, les caractéristiques dominantes de la Marque à considérer sont:

la police de caractères utilisée;

la grosseur relativement uniforme des lettres composant le mot RIVIERA, sauf pour la première et dernière lettre qui semblent un peu plus grosse que les autres lettres;

les lettres du mot RIVIERA apparaissant en relief sur un fond gris qui épouse le contour des lettres.

[17]           Hormis le mot RIVIERA, nous ne retrouvons aucune de ces caractéristiques dans la marque RIVIERA et Dessin. Cette marque a ses propres éléments distinctifs soit :

Fond rouge de forme elliptique;

            Lettre R stylisée avec prolongation pour former une partie de la lettre A;

            Présence d’un bateau à voile dans la partie supérieure de l’ellipse;

            Présence de la mention « Depuis. Since 1959 ».

[18]           Ces éléments, pris dans leur ensemble et combinés à la partie vocable RIVIERA, font en sorte que la marque RIVIERA et Dessin jouit de sa propre identité. La Marque n’est plus reconnaissable à l’intérieur de la marque RIVIERA et Dessin. Il y a des différences majeures entre ces deux marques de commerce : l’absence des caractéristiques graphiques de la Marque à l’intérieur de la marque RIVIERA et Dessin ainsi que la présence des éléments distincts additionnels ci-haut décrits dans cette dernière.

[19]           Pour ces motifs, je ne peux conclure que la marque RIVIERA et Dessin constitue une simple variante de la Marque. Les modifications apportées à la Marque sont trop substantielles pour conclure en faveur de l’Inscrivante. En appliquant le test décrit ci-haut dans Promafil, la marque RIVIERA et Dessin n’englobe pas la majorité des caractéristiques dominantes de la Marque et les modifications apportées à la Marque ne sont aucunement mineures. Je ne peux donc considérer l’emploi de la marque RIVIERA et Dessin comme étant l’emploi de la Marque.

[20]           En conséquence, je conclus à l’absence de preuve d’emploi au Canada de la Marque en liaison avec les Marchandises par l’Inscrivante durant la Période Pertinente.

[21]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, l’enregistrement LMC299,636 sera donc radié, le tout selon les dispositions de l’article 45 de la Loi.

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Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

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