Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2016 COMC 81

Date de la décision : 2016-05-31

[TRADUCTION CERTIFIÉE,
NON RÉVISÉE]

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION

 

 

Loblaws Inc.

Opposante

et

 

Whole Foods Market IP, L.P.

Requérante

 

 

 



 

1,562,362 pour la marque de commerce CANADA’S HEALTHIEST GROCERY STORE

 

Demande

Contexte

[1]               Le 2 février 2012, la Requérante a produit la demande no 1,562,362 en vue de faire enregistrer la marque de commerce CANADA’S HEALTHIEST GROCERY STORE (la Marque). La demande pour la Marque est fondée sur l'emploi au Canada depuis au moins aussi tôt que le 30 janvier 2012 et vise des [Traduction] « services d'épicerie de détail ».

[2]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 7 novembre 2012 et, le 28 mars 2013, l’Opposante a produit une déclaration d'opposition à l'encontre de la demande en vertu de l'article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi). La permission de produire une déclaration d'opposition modifiée a été demandée subséquemment et obtenue le 9 janvier 2014.

[3]               Les motifs d'opposition (dans leur version modifiée) sont fondés sur les articles 30i), 12(1)b), 12(1)c) et 2 (caractère distinctif) de la Loi.

[4]               Une contre-déclaration contestant chacun des motifs d’opposition a été produite par la Requérante le 13 juin 2013.

[5]               Comme preuve à l'appui de son opposition, l'Opposante a produit l'affidavit de Zrinka Tomas, souscrit le 6 novembre 2013 (l'affidavit Tomas). Mme Tomas n'a pas été contre-interrogée relativement à son affidavit.

[6]               À l'appui de sa demande, la Requérante a produit l'affidavit de Patricia Yost, souscrit le 11 avril 2014 (l'affidavit Yost) et l'affidavit de Dane Penney, souscrit le 9 avril 2014 (l'affidavit Penney). Aucun des déposants n'a été contre-interrogé.

[7]               Comme preuve en réponse, l'Opposante a produit l'affidavit de Michael Stephan, souscrit le 25 juin 2014 (l'affidavit Stephan). M. Stephan n'a pas été contre-interrogé.

[8]               Les parties ont toutes deux produit un plaidoyer écrit et étaient toutes deux présentes à l'audience qui a été tenue.

Fardeau de preuve

[9]               La Requérante a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L'Opposante a toutefois le fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l'existence des faits allégués à l'appui de chacun des motifs d'opposition [John Labatt Limited c The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst) à la p 298].

Analyse des motifs d’opposition

Article 12(1)b)

[10]           L'Opposante a plaidé que CANADA’S HEALTHIEST GROCERY STORE donne une description claire ou une description fausse et trompeuse de la nature et/ou de la qualité des services d'épicerie de détail de la Requérante. L'Opposante soutient que lorsque la Marque est employée en liaison avec les services de la Requérante, elle indique la nature intrinsèque de ces services, c'est-à-dire que la Requérante, à titre de détaillante, offre [Traduction] « l'épicerie la plus saine du Canada ». L'Opposante soutient, en outre, que lorsque la Marque est employée en liaison avec les services de la Requérante, elle indique la qualité des services, car il s'agit d'une expression purement laudative.

[11]           La date pertinente pour évaluer l’enregistrabilité d’une marque de commerce aux termes de l’article 12(1)b) de la Loi est la date de production de la demande, soit en l'espèce le 2 février 2012 [Fiesta Barbeques Ltd c General Housewares Corp (2003), 28 CPR (4th) 60 (CF 1re inst)].

[12]           L'article 12(1)b) de la Loi prévoit que :

12(1) …une marque de commerce est enregistrable sauf dans l’un ou l’autre des cas suivants :

b) qu’elle soit sous forme graphique, écrite ou sonore, elle donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse, en langue française ou anglaise, de la nature ou de la qualité des produits ou services en liaison avec lesquels elle est employée, ou en liaison avec lesquels on projette de l’employer, ou des conditions de leur production, ou des personnes qui les produisent, ou de leur lieu d’origine;

[13]           L’interdiction prévue à l’article 12(1)b) de la Loi vise à empêcher un commerçant de s'approprier des mots d'un champ lexicologique qui sont habituellement employés par les commerçants pour décrire des produits ou des services particuliers, et de placer ainsi des compétiteurs légitimes dans une position désavantageuse [General Motors Corp c Bellows (1949), 10 CPR 101 (CSC), aux para 112 et 113].

[14]           Dans Conseil du régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario c Canada, (2012), 99 CPR (4th) 481 (CAF), la Cour d'appel fédérale, au para 29, a résumé comme suit les principes directeurs à appliquer pour déterminer si une marque de commerce donne une description claire :

         le critère est celui de la première impression créée dans l'esprit d’une personne normale ou raisonnable. Si cette personne n’est pas certaine de la signification que revêt la marque de commerce à l'égard des produits ou des services ou si la marque de commerce suggère un sens autre qu’un sens qui décrit les produits ou les services, on ne peut pas dire que ce mot donne une description claire

         on ne devrait pas tenter de résoudre la question en procédant à une analyse critique des mots qui forment la marque; on devrait plutôt tenter de déterminer l’impression immédiate que crée la marque dans le contexte des produits ou des services en liaison avec lesquels elle est employée ou avec lesquels on projette de l'employer

         le mot « claire » à l’article 12(1)b) de la Loi signifie qu’il doit être évident, clair ou manifeste que la marque de commerce donne une description des produits ou des services

         le mot « nature » s'entend d’une caractéristique, d’une particularité ou d’un trait inhérents aux produits ou aux services

[15]           La question de savoir si une marque de commerce donne une description claire ou une description fausse et trompeuse doit être évaluée du point de vue de l'acheteur ou de l'utilisateur ordinaire des produits ou des services précis auxquels la marque est liée. Le point de vue d'experts ou de personnes possédant des connaissances spéciales n'est pas nécessairement représentatif de celui d'un tel acheteur [Wool Bureau of Canada Ltd c le Registraire des marques de commerce (1978), 40 CPR (2d) 25; Unitel Communications c Bell Canada (1995), 61 CPR (3d) 12 (CF 1re inst); Consorzio del Prosciutto di Parma c. Maple Leaf Meats Inc, [2001] 2 CF 536; et ITV Technologies c WIC Television Ltd, 2003 CF 1056, conf par 2005 CAF 96].

[16]           Outre les principes susmentionnés, il a également été statué que lorsqu'il s'emploie à déterminer si une marque de commerce donne une description claire ou une description fausse et trompeuse aux termes de l'article 12(1)b) de la Loi, le registraire doit non seulement considérer la preuve dont il dispose, mais appliquer son sens commun à l'appréciation des faits [Neptune SA c Procureur général du Canada (2003), 29 CPR (4th) 497 (CF 1re inst) au para 11].

[17]           En l'espèce, l'Opposante soutient que « Canada’s Healthiest Grocery Store » [l'épicerie la plus saine du Canada] est une expression de langue anglaise qui peut être comprise d'emblée. L'Opposante soutient que cette expression indique purement et simplement, c'est-à-dire sans le recours à une insinuation ou suggestion, que les services de la Requérante possèdent certaines caractéristiques. L'Opposante fait observer que chacun des mots qui forment la Marque est un mot générique d'usage courant et soutient que, ensemble, ces mots forment une marque qui emploie des termes du commerce pour donner une description claire de services d'épicerie qui sont (ou qu'on prétend être) les [Traduction] « plus sains » au Canada. L'Opposante soutient également que la Marque est laudative, car la présence du mot « healthiest » [le/la/les plus sain(s)/saine(s); ou le/la/les plus en santé] sert à vanter les services de la Requérante, à en faire l'éloge ou à leur attribuer une qualité ou une valeur.

[18]           À l'appui de ces observations, l'Opposante invoque les définitions du dictionnaire de chacun des mots qui forment la Marque et souligne que « Canada’s » [du Canada] est un nom possessif qui indique une étendue géographique, que « healthiest » [le/la/les plus sain(s)/saine(s); ou le/la/les plus en santé] signifie [Traduction] « ayant ou affichant une bonne santé ou faisant la promotion d'une bonne santé », que « grocery » [épicerie] désigne [Traduction] « le commerce ou l'établissement d'un épicier » ou des [Traduction] « provisions, en particulier de la nourriture, vendues par un épicier », et que « store » [magasin] désigne un [Traduction] « établissement ou point de vente au détail » [affidavit Tomas, para 2 à 6; pièces A à E].

[19]           L'Opposante invoque, en outre, une multitude de décisions ayant fait jurisprudence, y compris des affaires dans lesquelles il a été statué que les mots ou les préfixes laudatifs sont des termes descriptifs prima facie et que les marques de commerce laudatives contreviennent aux dispositions de l'article 12(1)b) de la Loi [Effem Foods Ltd c Colgate-Palmolive Company, 1998 CanLII 18488 (COMC); Ralston Purina Canada Inc c Quaker Oats Company of Canada Limited, 1995 CanLII 10244 (COMC); Mitel Corporation c le Registaire des marques de commerce (1984), 79 CPR (2d) 202 (CF 1re inst); BFS Brands LLC c Michelin Rescherche & Technique SA, 2010 COMC 152; Nestle Enterprises Ltd c Effem Foods Ltd (1989), 28 CPR (3d) 151 (COMC); Unilever Canada Inc c Superior Quality Foods Inc (2007), 62 CPR (4th) 75 (COMC); Molson Canada 2005 c Labatt Brewing Co 2009 CarswellNat 5069 (COMC); et Burns Foods (1985) Ltd c Superior Livestock of Canada Inc (1996) 67 CPR (3d) 413 (COMC)].

[20]           À l'audience et dans son plaidoyer écrit, la Requérante a fait observer que la Marque est un slogan et que les slogans peuvent être plus ou moins intrinsèquement distinctifs selon le message qu'ils véhiculent. La Requérante soutient que les slogans ne sont généralement pas employés comme principal indicateur de source et que des compétiteurs devraient avoir droit d'employer leurs slogans pour transmettre des renseignements factuels similaires au sujet de leurs produits ou de leur entreprise, du moment que les slogans de propriétaires différents peuvent être distingués.

[21]           Selon la Requérante, il est reconnu que le public canadien a l'habitude de distinguer entre eux les slogans de différents commerçants qui véhiculent un message similaire en se fondant sur les termes spécifiques qui sont employés. Pour illustrer ce point, la Requérante cite des affaires concernant des marques de commerce semblables de type slogan, considérées comme possédant un caractère distinctif inhérent faible, dans lesquelles il a été conclu qu'il n'existait pas de probabilité de confusion [Canadian Tire Corporation, Limited c The Pep Boys Manny Moe & Jack (2000) CanLII 28611; Association Canadienne de Golf Junior c The MBA Tour, Inc 2014 COMC 198 (CanLII)]. En un mot, la Requérante soutient que le registraire a une tolérance plus élevée à l'égard du caractère suggestif qui [Traduction] « frôle le caractère descriptif » dans le cas des marques de commerce qui sont des slogans.

[22]           Il convient de souligner que les affaires que la Requérante cite dans son plaidoyer écrit étaient des affaires de confusion. Ainsi, ce qu'il faut retenir de ces affaires, c'est qu'il peut parfois y avoir une tolérance plus élevée quant à la coexistence dans le registre de marques de commerce suggestives, laquelle est habituellement due au caractère distinctif inhérent plus faible de ces marques et à la protection moins étendue dont elles peuvent conséquemment bénéficier. Cependant, je ne pense pas qu'on puisse dire de ces affaires qu'elles confirment la proposition voulant qu'il y ait une tolérance plus élevée à l'égard du caractère descriptif des marques de commerce qui sont des slogans.

[23]           Cela dit, je souligne que, à l'appui de ses observations, la Requérante a également fait observer qu'il y a au registre canadien des marques de commerce de nombreux slogans ou marques de commerce qui sont semblables à la Marque dans leur forme. Un grand nombre de ces marques sont énumérées dans l'affidavit Penney [para 2 et 3; pièces A et B]. La Requérante insiste sur un certain nombre de ces marques au paragraphe 13 de son plaidoyer écrit, notamment : CANADA’S FAVOURITE MUSTARD (LMC740,935); CANADA’S WELLNESS STORE (LMC411,593); CANADA’S GOURMET BURGERS MAKER (LMC327,936); et CANADA’S NATIONAL TRUCK SHOW (LMC649,494). Il convient de souligner que certaines des marques mentionnées par M. Penney sont, en fait, détenues par l'Opposante, notamment : THE GREAT CANADIAN FOOD STORE (LMC841,668); THE REAL CANADIAN SUPERSTORE (LMC671685); et WORLD’S BEST FOOD STORE (LMC785,340).

[24]           En premier lieu, je souligne que les slogans ne font pas l'objet d'une norme différente ou ne sont pas traités différemment des autres marques de commerce sous le régime de la Loi. S'ils donnent une description claire ou une description fausse et trompeuse et contreviennent de ce fait à l'article 12(1)b) de la Loi, et s'ils ne satisfont pas aux exigences permettant de revendiquer le bénéfice des articles 12(2) ou 14 de la Loi, alors ils ne sont pas enregistrables.

[25]           En deuxième lieu, je souligne que la présente Commission a indiqué à plus d'une reprise qu'elle n'était pas en mesure d'expliquer pourquoi la section de l'examen du Bureau des marques de commerce a autorisé l'enregistrement de telles ou telles marques de commerce. L'examinateur a pu en décider ainsi parce qu'il ne disposait pas du type de preuve produite dans une procédure d’opposition ou parce que le fardeau de preuve ou le fardeau ultime est différent à l’étape de l’examen [Thomas J Lipton Inc c Boyd Coffee Co (1991), 40 CPR (3d) 272 (COMC) à la p 277; UL Canada Inc c High Liner Foods Inc (2001), 20 CPR (4th) 568 (COMC); Simmons IP Inc c Park Avenue Furniture Corp (1994), 56 CPR (3d) 284 (COMC); et Benson & Hedges Inc c Imperial Tobacco Ltd (1995), 60 CPR (3d) 567 (COMC)]. Je souligne également que les politiques et les pratiques du registraire peuvent évoluer avec le temps, ce qui peut donner une impression d’incohérence [voir Cliche c Canada (procureur général), 2012 CF 564, au para 27]. En outre, la Cour a reconnu que, bien que le registraire doive tenir compte des enregistrements antérieurs lorsqu'il évalue le caractère descriptif, il est de droit constant que si le registraire a commis une erreur par le passé, il n'y a aucune raison de perpétuer cette erreur [Neptune SA, supra, au para 22].

[26]           Qu'il suffise de dire que la présence de marques similaires au registre ne peut pas rendre enregistrable une marque de commerce projetée qui n'est pas enregistrable [Worldwide Diamond Trademarks Limited c Canadian Jewellers Association, 2010 CF 309 (CanLII); conf par 2010 CAF 326 (CanLII)].

[27]           Dans son plaidoyer écrit, la Requérante poursuit en posant les questions suivantes : « What does the Mark say about the Applicant’s services » [que dit la Marque à propos des services de la Requérante?] et « What does it mean for a grocery store to be healthy, let alone the healthiest » [qu'est-ce que cela signifie pour une épicerie d'être saine, sans parler d'être la plus saine?; ou qu'est-ce que cela signifie pour une épicerie d'être en santé, sans parler d'être la plus en santé?].

[28]           La Requérante soutient qu'un analyste financier ou un consultant en gestion pourrait dire d'un magasin qu'il est en santé s'il affiche un bilan positif et un taux de rendement élevé du capital investi en comparaison d'autres magasins, qu'un ergothérapeute ou un professionnel des ressources humaines pourrait dire d'un magasin qu'il est sain si ses employés présentent moins de blessures liées au travail comparativement aux normes de l'industrie ou si les employés obtiennent de bons résultats aux évaluations médicales normalisées, et qu'un inspecteur en bâtiments ou un consultant en environnement pourrait dire d'un magasin qu'il est sain s'il est exempt de dangers, tels que de l'amiante ou des produits de nettoyage nocifs.

[29]           Comme je l'ai souligné précédemment, une marque de commerce doit être évaluée du point de vue de l'acheteur ou de l'utilisateur ordinaire des produits ou des services précis auxquels la marque est liée. En l'espèce, il s'agit du consommateur canadien moyen qui fait son épicerie. Bien que cette personne puisse avoir plus d'une identité ou profession, qui influe sur sa perception générale, il faut garder à l'esprit que cette perception demeure celle de la personne normale ou raisonnable qui voit la Marque dans son contexte spécifique, qui est en l'espèce celui de services d'épicerie.

[30]           Néanmoins, selon la Requérante, les consommateurs canadiens percevraient le slogan CANADA’S HEALTHIEST GROCERY STORE comme indiquant que la Requérante souscrit à des politiques et à des valeurs fondamentales qu'elle considère comme des pratiques exemplaires pour les détaillants alimentaires qui accordent la priorité à la santé; des politiques qui sont saines pour ses clients; saines pour ses employés; saines pour les agriculteurs locaux qui l'approvisionnent; et saines pour l'environnement.

[31]           La Requérante soutient qu'en employant le slogan CANADA’S HEALTHIEST GROCERY STORE, elle n'envoie pas le message que les produits qu'elle vend sont plus sains que ceux des autres épiceries. Elle émet l'hypothèse que si, par exemple, un compétiteur vendait des pommes biologiques qui répondent aux mêmes normes de qualité ou proviennent du même producteur local, ces pommes ne seraient évidemment pas moins saines, et que le public comprendrait cela et considérerait, par conséquent, que la Marque fait référence aux valeurs fondamentales de la Requérante et qu'il ne s'agit pas d'une prétention voulant que ses produits soient supérieurs à ceux de toutes les autres épiceries.

[32]           Pour étayer ses observations concernant la façon dont les consommateurs percevraient la Marque, la Requérante cite l'affidavit Yost. Mme Yost est la secrétaire adjointe d'une société affiliée à la Requérante [para 1 et 2].

[33]           Au paragraphe 3 de son affidavit, Mme Yost affirme que la Requérante (et ses sociétés affiliées) est la plus importante détaillante de produits alimentaires naturels et biologiques dans le monde [para 3]. Selon Mme Yost, la Requérante possède plus de 360 magasins en Amérique du Nord (dont 8 au Canada) [para 3; pièce A]. Au paragraphe 4, Mme Yost affirme que les recettes de ventes totales de la Requérante se sont élevées à plus de 41 milliards de dollars (US) pour la période allant de 2005 à 2010 et que, pour la seule année 2013, ses recettes ont été supérieures à 12,9 milliards de dollars (US). Mme Yost affirme que la Marque est abondamment employée au Canada [para 6].

[34]           Mme Yost affirme que la Marque est employée au Canada depuis au moins le 30 janvier 2012 [para 6]. Elle affirme également qu'elle est affichée bien en vue par divers moyens dans les magasins de la Requérante au Canada [para 7; pièce B]. Cependant, elle n'indique pas combien de magasins la Requérante possédait au Canada au moment où la demande pour la Marque a été produite, ni lesquels ou combien de ces magasins arboraient la Marque de la façon illustrée dans les documents joints comme pièce B à son affidavit.

[35]           Étant donné le caractère imprécis de la preuve de la Mme Yost, il est impossible de déterminer avec certitude à quel point la Marque était bien connue au Canada à la date de production de la demande. De même, il m'est impossible de tirer quelques conclusions significatives que ce soit de l'affidavit de Mme Yost en ce qui concerne la mesure dans laquelle les consommateurs canadiens auraient eu conscience ou connaissance des valeurs fondamentales de la Requérante ou de la philosophie qui sous-tendait ses services à cette date.

[36]           L'affidavit de Mme Yost comprend des pièces montrant l'emploi de la Marque sur Facebook® avec une brève description de la nature de l'entreprise de la Requérante, ainsi que des déclarations de Mme Yost selon lesquelles elle s'est rendue dans les magasins de la Requérante au Canada, a constaté l'emploi de la Marque et a personnellement connaissance que la Marque est bien connue au Canada [para 8; pièce C]. Toutefois, on ne sait pas exactement de quand datent les pages Facebook® ni dans quelle mesure elles auraient été vues par des Canadiens. Dans l'ensemble, l'affidavit de Mme Yost n'étaye guère l'observation de la Requérante selon laquelle la Marque est simplement suggestive de la philosophie générale d'entreprise de la Requérante consistant à accorder la priorité à la santé. Bien que cela puisse être la raison pour laquelle la Requérante a choisi la Marque, la preuve n'aide guère la Requérante à établir qu'il s'agit aussi de la première impression que les consommateurs auraient de la Marque à la vue de celle-ci dans le contexte des services de la Requérante.

[37]           En somme, il m'est impossible de ne pas conclure que la première impression qu'aurait le consommateur à la vue de la Marque dans le contexte des services de la Requérante serait celle d'être avisé de la nature et de la qualité de ces services, à savoir que la Requérante offre l'épicerie [Traduction] « la plus saine » du Canada. Comme l'a souligné l'Opposante, la Marque est essentiellement constituée d'une combinaison de mots qui ont des significations courantes comprises de tous, dont le mot laudatif « healthiest » [le/la/les plus sain(s)/saine(s); ou le/la/les plus en santé]. Je ne considère pas que la Marque est une combinaison de mots unique ou inhabituelle. Au contraire, il s'agit précisément du type d'expression laudative qu'on s'attendrait qu'un exploitant d'épicerie emploie (ou souhaite employer) pour décrire ses services. Bien que les consommateurs puissent ne pas savoir exactement ce qui fait de l'épicerie de la Requérante la [Traduction] « plus saine » ou pourquoi la Requérante le prétend, le message en soi est clair, évident et manifeste.

[38]           Compte tenu de ce qui précède, j'estime que la Marque donne une description claire au sens de l'article 12(1)b) de la Loi.

[39]           Je souligne qu'une marque de commerce qui n’est pas enregistrable parce qu'elle donne une description claire aux termes de l’article 12(1)b) de la Loi peut être enregistrée si elle a été employée au Canada par le requérant ou son prédécesseur en titre de façon à être devenue distinctive à la date de la production d’une demande d’enregistrement la concernant.[article 12(2) de la Loi; Backrack Inc c STK, LLC 2013 CF 424].

[40]           En l'espèce, la Requérante n'a pas revendiqué le bénéfice de l'article 12(2) et n'a formulé aucune observation quant à la possible enregistrabilité de la Marque au titre de l'article 12(2). Même si la Requérante avait soulevé cette question, je n'aurais pas considéré que la preuve de la Requérante est suffisante pour me permettre de conclure que la Marque était devenue distinctive à la date de production de la demande.

[41]           La date de premier emploi revendiquée dans la demande est [Traduction] « depuis au moins aussi tôt que » le 30 janvier 2012, c'est-à-dire seulement trois jours avant la date de production de la demande du 2 février 2012. L'affidavit Yost ne fournit aucune preuve de l'emploi de la Marque avant le 30 janvier 2012 et, comme je l'ai mentionné précédemment, il contient très peu de renseignements en ce qui concerne l'ampleur de la publicité, des ventes et de l'emploi de la Marque réalisés par la Requérante avant la date de production de la demande. Étant donné mes conclusions au sujet de l'affidavit Yost, j'estime qu'il n'est pas nécessaire que j'examine l'affidavit Stephan, car ce dernier a été produit dans le seul but de réfuter des déclarations faites dans l'affidavit Yost.

[42]           Compte tenu de ce qui précède, ce motif d'opposition est accueilli.

Article 2

[43]           L'Opposante a plaidé que la Marque ne distingue pas et n'est pas adaptée à distinguer les services de la Requérante des services identiques ou similaires (c.-à-d. des services d'épicerie de détail) de l'Opposante ou d'autres détaillants au Canada. L'Opposante allègue que la Marque est une expression purement laudative qui donne une description claire des services et qu'elle devrait pouvoir être employée par tous les fournisseurs de services d'épicerie de détail.

[44]           La date pertinente pour évaluer ce motif d'opposition est la date de production de la déclaration d'opposition [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc (2004), 34 CPR (4th) 317 (CF)].

[45]           Une marque de commerce qui donne une description claire ou une description fausse et trompeuse est nécessairement non distinctive [Conseil canadien des ingénieurs professionnels c APA - The Engineered Wood (2000), 7 CPR (4th) 239 (CF 1re inst) à la p 253]. J’ai déjà conclu que la Marque donnait une description claire de la nature ou de la qualité des services de la Requérante à la date de production de la demande et il m’est impossible d’arriver à une conclusion différente en ce qui concerne son caractère descriptif ou distinctif à la date de production de l'opposition.

[46]           En conséquence, ce motif d'opposition est accueilli.

Article 30i)

[47]           L'article 30i) de la Loi exige que le requérant inclue dans sa demande une déclaration portant qu'il est convaincu qu’il a droit d’employer la marque de commerce au Canada. D'après la jurisprudence, lorsque le requérant a fourni la déclaration exigée, on ne peut conclure à la non-conformité à l'article 30i) de la Loi qu'en présence de circonstances exceptionnelles qui rendent la déclaration du requérant invraisemblable, telle une preuve de mauvaise foi ou de non-conformité à une loi fédérale [Sapodilla Co Ltd c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC) à la p 155; et Société canadienne des postes c le Registraire des marques de commerce (1991), 40 CPR (3d) 221 (CF 1re inst)]. La Requérante a fourni la déclaration exigée et la preuve n'appuie pas la conclusion que la présente espèce est un cas exceptionnel.

[48]           En conséquence, ce motif d'opposition est rejeté.

Article 12(1)c)

[49]           L'article 12(1)c) de la Loi prévoit qu'une marque de commerce est enregistrable si elle n'est pas constituée du nom, dans une langue quelconque, de l’un des produits ou de l’un des services à l’égard desquels elle est employée, ou à l’égard desquels on projette de l’employer. Pour contrevenir à l'article 12(1)c) de la Loi, la marque de commerce dans son ensemble doit être constituée du nom des produits ou services, selon l'impression immédiate ou première qu'aurait l'utilisateur moyen de ces produits et services [ITV Technologies, supra]. En l'espèce, bien que la Marque dans son ensemble donne une description claire des services de la Requérante, elle n'est pas constituée du nom de ces services, qui sont convenablement décrits dans la demande pour la Marque comme des [Traduction] « services d'épicerie de détail ». Par conséquent, je ne peux pas conclure que la Marque est non enregistrable aux termes de l'article 12(1)c) de la Loi.

[50]           En conséquence, ce motif d'opposition est rejeté.

Décision

[51]           Dans l'exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d'enregistrement selon les dispositions de l'article 38(8) de la Loi

______________________________

Lisa Reynolds

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Judith Lemire, trad.

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

 

 

DATE DE L’AUDIENCE : 2016-01-19

 

COMPARUTIONS

 

Michelle Nelles                                                                                    POUR L'OPPOSANTE

 

R. Scott MacKendrick                                                                         POUR LA REQUÉRANTE

 

AGENT(S) AU DOSSIER

 

Torys LLP                                                                                            POUR L'OPPOSANTE

 

Bereskin & Parr                                                                                   POUR LA REQUÉRANTE

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