Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION

 

Citation: 2010 COMC 23

 

 

PROCÉDURE PRÉVUE À L’ARTICLE 45

MARQUE DE COMMERCE : SMART ONES

NUMÉROS D’ENREGISTREMENT : LMC462292, LMC462504 et LMC474010

 

 

[1]   Le 25 septembre 2007, à la demande du cabinet Stikeman Elliott S.E.N.C.R.L., s.r.l. (la « partie requérante »), le registraire a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13, (la Loi) à Weight Watchers International, Inc., la propriétaire inscrite à l’époque de la marque de commerce susmentionnée. Le 12 décembre 2007, l’Office de la propriété intellectuelle du Canada a enregistré une cession de l’enregistrement par Weight Watchers International Inc. à H.J. Heinz Company (l’« inscrivante »).

 

[2]   La marque de commerce SMART ONES est enregistrée en vue d’un emploi en liaison avec les marchandises suivantes :

SMART ONES (LMC462292) : « vinaigrettes, mayonnaise et sauces pour pâtes »

SMART ONES (LMC462504) : « produits de boulangerie, nommément muffins et pains »

SMART ONES (LMC474010) : « soupes préparées, fromage, pizzas et biscuits »

 

[3]   Selon l’article 45 de la Loi, le propriétaire inscrit de la marque de commerce doit, à l’égard de chacune des marchandises et/ou de chacun des services que spécifie l’enregistrement, indiquer si la marque a été employée au Canada à un moment quelconque au cours de trois ans précédant la date de l’avis, et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour établir l’emploi commence le 25 septembre 2004 et se termine le 25 septembre 2007 (la « période pertinente »).

 

[4]   L’« emploi » en liaison avec des marchandises est défini aux paragraphes 4(1) et 4(2) de la Loi comme suit :

4. (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[]

(3) Une marque de commerce mise au Canada sur des marchandises ou sur les colis qui les contiennent est réputée, quand ces marchandises sont exportées du Canada, être employée dans ce pays en liaison avec ces marchandises.

 

En l’espèce, c’est le paragraphe 4(1) qui s’applique.

 

[5]   En réponse à l’avis du registraire, l’inscrivante a fourni l’affidavit de Jason Farrell, chef du service des aliments surgelés de H.J. Heinz Company of Canada Ltd. (Heinz Canada), souscrit le 20 mars 2008 et accompagné des pièces A à G; l’affidavit de Dean Bierkan, co‑directeur du contentieux de l’inscrivante et avocat en chef en matière de marques de commerce de l’inscrivante et de sa filiale, Heinz Canada, jusqu’à sa retraite en 2006, affidavit souscrit le 18 mars 2008 et accompagné des pièces A, B et C; enfin l’affidavit de Terri Frank, avocate générale adjointe de Weight Watchers International, Inc. (Weight Watchers), souscrit le 18 mars 2008. Les parties ont produit des observations écrites et n’ont pas demandé la tenue d’une audience.

 

[6]   Pour établir son droit de propriété de la marque de commerce pendant la période pertinente, l’inscrivante s’appuie sur les affidavits de Beirkan et de Frank. Chacun de ces affidavits montre que le transfert du titre de Weight Watchers à l’inscrivante a été effectué le 29 septembre 1999, conformément aux accords conclus par les deux parties le 22 juillet 1999 et le 29 septembre 1999. Une annexe de l’accord du 22 juillet 1999, indiquant que certaines marques de commerce, dont les enregistrements de la marque SMART ONES numéro LMC455672, LMC462292, LMC462504 et LMC474010, devaient être transférées à l’inscrivante dans le cadre de l’accord a été jointe à titre de pièce A à l’affidavit de Beirkan. Un contrat d’exploitation, daté du 29 septembre 1999, par lequel Weight Watchers reconnaît la propriété exclusive de l’inscrivante relativement aux marques de commerce SMART ONES à compter de cette date, a été joint à son affidavit à titre de pièce B. Une copie de confirmation de cession datée du 4 décembre 2007 et inscrite au Bureau des marques de commerce, y a également été jointe à titre de pièce C. Compte tenu de ce qui précède, j’admets que l’inscrivante a acquis ses droits de propriété dans la marque de commerce en 1999.

 

[7]   J’examinerai maintenant l’affidavit de Jason Farrell à la recherche d’éléments de preuve concernant l’emploi de la marque au cours de la période pertinente.

 

[8]   À titre préliminaire, je souligne qu’il est possible de soulever la question de savoir si l’affidavit de M. Farrell est pertinent pour la procédure relative aux enregistrements en cause. M. Farrell ne fournit pas de raison à l’appui de ses connaissances, et il ne s’ensuit pas forcément qu’à titre de chef du service des produits, chargé des produits alimentaires surgelés, il aurait acquis des connaissances à l’égard des marchandises en cause dans le cadre de ses fonctions (puisqu’il ne s’agit pas apparemment de produits alimentaires surgelés). Quoi qu’il en soit, compte tenu de mes conclusions exposées ci‑dessous, il n’est pas nécessaire de trancher cette question.

 

[9]   La déclaration de M. Farrell se rapporte presque exclusivement à des produits alimentaires surgelés qui ne font pas l’objet des enregistrements en cause, mais plutôt de l’enregistrement numéro LMC455672 de l’inscrivante. Je souligne que M. Farrell a joint à son affidavit à titre de pièce D les emballages de 10 produits alimentaires surgelés, dont les suivants : Three Cheese Ziti Marinara, Shrimp Marinara, Ravioli Florentine et Fettuccini Alfredo; la pièce A comporte des factures y afférentes. À l’exception des « pizzas » et des « muffins anglais », ni l’affidavit ni les pièces jointes ne mentionnent aucune autre marchandise décrite dans les enregistrements en cause.

 

[10]           Dans son plaidoyer écrit, l’inscrivante soutient cependant que, vu qu’elle a établi l’emploi de la marque en liaison avec des produits contenant des « sauces pour pâtes » et du « fromage » (à savoir la pièce D), je devrais conclure qu’elle a établi l’emploi en liaison avec ces marchandises. Toutefois, il m’est impossible de le faire. Il est bien établi que l’article 45 exige que le propriétaire de la marque fournisse une preuve indiquant, « à l’égard de chacune des marchandises » si la marque de commerce a été employée; l’emploi de la marque en liaison avec des produits qui contiennent les marchandises en tant qu’ingrédient ne suffit pas pour maintenir l’enregistrement, sauf s’il est établi que les marchandises énumérées dans l’enregistrement constituent l’ingrédient principal des marchandises telles qu’elles sont vendues [Cordon Bleu International Ltée/Cordon Bleu International Ltd. c. Renaud Cointreau & Cie (2000), 10 C.P.R. (4th) 379 (C.F. 1re inst.)].

 

[11]           Rien dans la preuve n’indique que l’un ou l’autre des ingrédients principaux qui entrent dans la composition des produits dont il est question à la pièce D constituent les marchandises énumérées dans les enregistrements. Je souligne que les emballages fournis indiquent que les plats à base de pâtes sont des produits surgelés se composant d’un [traduction] « produit cuit supplémenté à base de macaroni » qui est énuméré comme premier ingrédient. Il m’est donc impossible de conclure que l’emploi des « sauces pour pâtes » a été établi. Suivant le même raisonnement, en l’absence d’une preuve contraire, je ne suis pas d’avis que le « fromage » est l’ingrédient principal des produits en question.

 

[12]            Dans le même ordre d’idées, l’inscrivante soutient également que l’emploi de la marque en liaison avec « Double Fudge Cake » devrait être considéré comme un emploi en liaison avec les marchandises « produits de boulangerie, nommément muffins et pains » et « biscuits ». Vu que le gâteau n’est pas généralement considéré comme un muffin, un pain ou un biscuit, et en l’absence d’une preuve contraire, il m’est impossible de conclure que l’emploi de la marque en cause en liaison avec le produit « Double Fudge Cake » constitue un emploi de la marque en liaison avec les autres marchandises énumérées dans les enregistrements en cause.

 

[13]           M. Farrell soutient dans son affidavit que la « pizza » et les « produits de boulangerie, nommément muffins » sont devenus connus au Canada grâce à Internet. Il y joint des extraits du site Web de l’inscrivante comportant une date de l’année 2008 et annonçant de la pizza au pepperoni et un sandwich muffin anglais. Même si je devais conclure qu’un sandwich muffin anglais comprendrait les « produits de boulangerie, nommément muffins », l’affidavit n’indique pas comment la marque a été associée, au Canada, aux marchandises en question de façon à satisfaire aux exigences du paragraphe 4(1) de la Loi; la publicité ne suffit pas à elle seule à établir l’emploi en liaison avec les marchandises [voir, par exemple, BMW Canada Inc. c. Nissan Canada Inc. (2007), 60 C.P.R. (4th) 181 (C.A.F.)], et rien ne démontre qu’elles ont été vendues au Canada pendant la période pertinente au moyen du site Web en question. Par conséquent, je ne suis pas convaincue que l’emploi de la marque en cause a été établi en liaison avec de la « pizza » et des « produits de boulangerie, nommément muffins ». 

 

[14]           La déclaration de M. Farrell portant que Heinz Canada a l’intention de réintroduire la pizza au pepperoni et les muffins anglais de marque SMART ONES dans un proche avenir ne change rien à ma conclusion au sujet des marchandises en question, puisque la preuve de l’inscrivante ne démontre pas que le défaut d’emploi est attribuable à des circonstances spéciales. Bien que l’inscrivante présente certains faits à cet égard dans ses observations écrites, il ne faut pas en tenir compte; l’affidavit même n’indique pas la date à laquelle les produits en question ont été vendus pour la dernière fois au Canada, ni ne fournit pas suffisamment de détails me permettant de conclure que le défaut d’emploi était indépendant de la volonté de l’inscrivante. Dans Scott Paper Ltd. c. Smart & Biggar (2008), 65 C.P.R. (4th) 303, la Cour d’appel fédérale a statué ainsi :

 

[…] l’intention de l’inscrivant de reprendre l’emploi d’une marque qui était absente du marché ne peut correspondre aux circonstances spéciales qui justifient le non‑emploi de la marque, et ce, même si des mesures ont été prises pour actualiser ces plans. Les plans d’usage futur n’expliquent pas la période de non‑emploi et ne sauraient donc constituer des circonstances spéciales.

 

Par conséquent, pour établir l’existence des circonstances spéciales en l’espèce, il faudrait la date du dernier emploi de la marque ainsi qu’une explication acceptable concernant la période de défaut d’emploi, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

 

[15]           Comme j’ai conclu que la preuve ne suffit à démontrer l’emploi de la marque de commerce en liaison avec les marchandises énumérées dans les enregistrements en cause, il n’est pas nécessaire d’examiner l’argument de la partie requérante portant que tout emploi de la marque par Heinz Canada ne saurait être favorable à l’inscrivante.

 

[16]           Compte tenu de tout ce qui précède et du fait qu’aucune circonstance particulière n’a été évoquée pour expliquer l’absence d’emploi de la marque de commerce en cause en liaison avec les marchandises, je conclus que l’inscrivante n’a pas respecté les exigences de l’article 45 et du paragraphe 4(1) de la Loi. En conséquence, et dans l’exercice des pouvoirs qui me sont délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, les enregistrements numéro LMC462292, LMC462504 et LMC474010 pour la marque de commerce SMART ONES seront radiés conformément aux dispositions du paragraphe 45(5) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13.

 

FAIT À GATINEAU (QUÉBEC), LE 26 FÉVRIER 2010.

 

 

 

P. Heidi Sprung

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

 

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer

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