Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2011 COMC 169

Date de la décision : 2011-09-19

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Iwasaki Electric Co. Ltd. à l’encontre de la demande n° 1,142,430 pour la marque de commerce HORTILUX au nom de Hortilux Schréder B.V.

 

 

 

Introduction

[1]               Le 31 mai 2002, Hortilux Schréder B.V. (la Requérante; parfois appelée Schréder) a produit la demande n° 1,142,430 visant à faire enregistrer la marque de commerce HORTILUX (la Marque) basée sur l’emploi au Canada depuis au moins le 27 août 1997. La demande a été modifiée le 10 septembre 2008 de sorte que la liste des marchandises est désormais la suivante :

Appareils d’éclairage et réflecteurs de lampe vendus aux entreprises commerciales horticoles (les Marchandises).

[2]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 25 octobre 2006. Iwasaki Electric Co. Ltd. (l’Opposante; parfois appelée Iwasaki) a produit une déclaration d’opposition le 26 mars 2007 et le registraire l’a fait parvenir à la Requérante le 31 mai 2007.

[3]               La Requérante a produit une contre-déclaration le 28 juin 2007 dans laquelle elle niait les motifs d’oppositions invoqués par l’Opposante.  

[4]               L’Opposante a produit les affidavits de Len Thomas, Peter Berkhout et Keith T.S. Ward alors que la Requérante a produit les affidavits de George Dickinson et Gwendoline A. MacIsaac. Monsieur Ward, Mme MacIsaac et M. Dickinson ont été contre-interrogés et la transcription de leur contre-interrogation a été versée au dossier.

[5]               Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit et étaient représentées à l’audience.

Les motifs d’opposition

[6]               Les motifs d’opposition soulevés par l’Opposante, tel qu’ils figurent dans sa déclaration d’opposition, peuvent être résumés ainsi :

1.      La demande ne satisfait pas aux exigences de l’al. 30b) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985 ch. T-13 (la Loi), parce que la Requérante n’employait pas la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises à la date de premier emploi revendiquée dans la demande;

2.      La Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque suivant l’al. 37(1)c) de la Loi parce que, à la date de l’annonce de la demande, soit le 25 octobre 2006, la Marque créait de la confusion avec la marque HORTILUX, laquelle fait l’objet de la demande en coinstance n° 1,064,360 présentée par l’Opposante. La demande de l’Opposante n’a pas été abandonnée à l’une ou l’autre des dates pertinentes en l’espèce. Par conséquent, le registraire aurait dû refuser l’enregistrement de la Marque;

3.      La Marque n’est pas distinctive au sens de l’al. 38(2)d) et de l’art. 2 de la Loi, parce qu’elle ne distingue pas, et ne peut distinguer, les Marchandises, ni n’est adaptée à distinguer les Marchandises des marchandises et services d’autres propriétaires, et plus particulièrement, ceux de l’Opposante puisque la Marque crée de la confusion avec la marque HORTILUX de l’Opposante, laquelle a été employée et révélée au Canada en liaison avec des lampes électriques depuis au moins le 31 décembre 1997.

[7]               Dans  une décision interlocutoire datée du 27 août 2007, le registraire a radié le deuxième motif d’opposition. Par conséquent, seuls les premier et troisième motifs doivent être examinés.

Fardeau de la preuve dans une procédure d’opposition à une marque de commerce

[8]               Bien qu’il incombe à la Requérante de démontrer que sa demande est conforme aux dispositions de la Loi, l’Opposante a toutefois le fardeau initial de présenter suffisamment d’éléments de preuve admissibles à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition. Si l’Opposante s’acquitte de ce fardeau initial, la Requérante doit ensuite prouver, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition ne devraient pas faire obstacle à l’enregistrement de la Marque [voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al c. Seagram Real Estate Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 325 (C.O.M.C.); John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), et Wrangler Apparel Corp. c. The Timberland Company [2005] C.F. 722].

Dates pertinentes

[9]               La date pertinente pour l’analyse des motifs d’opposition varie selon le motif :  

  non-respect des exigences de l’art. 30 de la Loi : date de production de la demande (31 mai 2002);

  caractère distinctif de la Marque : date de production de la déclaration d’opposition (26 mars 2007) [voir Andres Wines Ltd. and E & J Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, p. 130 (C.A.F.), et Metro-Goldwyn-Meyer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re inst.)].

Motif d’opposition fondé sur l’al. 30b)

[10]           C’est à l’Opposante alléguant le non-respect de l’al. 30b) de la Loi qu’incombe le fardeau de la preuve, mais celui-ci a été qualifié de peu exigeant. De plus, l’Opposante peut s’appuyer sur la preuve produite par la Requérante elle-même [voir York Barbell Holdings Ltd. c. ICON Health & Fitness, Inc. (2001), 13 C.P.R. (4th) 156]. Toutefois, cette preuve doit soulever de sérieux doutes quant à l’exactitude des déclarations faites par la Requérante dans sa demande [voir Tune Masters c. Mr. P’s Mastertune Ignition Services Ltd. (1986) 10 C.P.R. (3d) 84 (C.O.M.C.), Labatt Brewing Co. c. Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 C.P.R. (3d) 216 (C.F. 1re inst.), et Williams Telecommunications Corp. c. William Tell Ltd., (1999) 4 C.P.R. (4th) 107 (C.O.M.C.)].

[11]           Monsieur Ward est le président et le chef de l’exploitation (COO) de Eye Lighting International of North America, Inc. (Eye Lighting), et ce, depuis le 20 janvier 2000. Il affirme que Eye Lighting est une filiale de l’Opposante, entreprise de haute technologie établie à Tokyo. Il explique que l’Opposante œuvre principalement dans le domaine de l’éclairage, y compris des lampes.

[12]           Il prétend que l’Opposante a accordé à Eye Lighting une licence exclusive d’utilisation de la marque HORTILUX au Canada et ailleurs, mais qu’elle conserve le contrôle direct sur la nature et la qualité des lampes électriques vendues au Canada par Eye Lighting en liaison avec la marque HORTILUX. Il affirme que Standard Products Inc. (SPI) est le principal client/représentant/distributeur de Eye Lighting au Canada.

[13]           Monsieur Ward prétend que la Requérante a cessé d’utiliser la Marque en décembre 1997. Il soutient que [traduction] « la Requérante a remplacé son nom Hortilux par Hortilux Schréder en décembre 1997 ». Il ajoute que tout emploi depuis décembre 1997 a été un emploi de la marque HORTILUX SCHRÉDER, et non de la Marque. Monsieur Dickinson, un représentant des ventes de la filiale en propriété exclusive P.L. Light Systems (P.L. Light) de la Requérante depuis 2005, affirme que la Requérante [traduction] « s’appelait initialement Hortilux B.V. À la suite d’un changement fait au sein de la société en septembre 1997, elle est devenue Hortilux Schreder B.V ».

[14]           Je voudrais maintenant souligner que je reproduis dans la présente décision l’orthographe utilisée par les différents déposants, soit « Schréder » ou « Schreder ». Je ne considère pas cette différence comme étant importante dans ma décision, sauf lorsqu’il est question des noms de famille.

[15]           La déclaration de M. Ward au sujet de l’emploi d’une marque de commerce particulière plutôt qu’au sujet de l’emploi de la Marque est une conclusion en droit et fait partie de la question que je dois trancher dans le cadre de ce motif d’opposition. Je constate toutefois que l’Opposante soutient que la preuve de la Requérante démontre l’emploi de la marque HORTILUX SCHREDER et non de la Marque.

[16]           La Requérante a attiré mon attention sur la décision que la Cour fédérale a rendue récemment dans Hortilux Schreder B.V. c. Iwasaki Electric Co. Ltd 2011 CF 967, où la présente Requérante a interjeté appel de la décision du registraire de rejeter son opposition à la demande produite par la présente Opposante à l’enregistrement de la marque HORTILUX. L’appel a été accueilli, la décision du registraire a été annulée et la demande d’enregistrement n° 1,064,360 pour la marque de commerce HORTILUX a été refusée. La demande n° 1,064,360 a été produite le 23 juin 2000, avant la présente demande. Dans cette demande, Iwasaki a revendiqué le 31 décembre 1997 comme date de premier emploi (après la date de premier emploi revendiquée par Schréder dans la présente demande).

[17]           Une lecture du jugement rendu par le juge Russell dans Hortilux m’amène à conclure qu’il n’a pas tiré de conclusion sur la question de savoir si l’emploi de HORTILUX SCHRÉDER constitue un emploi de la Marque. Dans son analyse relative à l’argument soulevé par Iwasaki selon lequel Schréder avait abandonné l’emploi de la Marque, le juge Russell affirme au paragraphe 96 que la preuve versée au dossier démontrait [traduction] « l’emploi continu des marques de commerce et noms commerciaux HORTILUX et HORTILUX SCHREDER » de Schréder. Cette conclusion était en partie fondée sur des éléments de preuve qui ne se trouvent pas dans le présent dossier (un affidavit de M. Brok et les pièces jointes).

[18]           Par conséquent, les questions suivantes demeurent sans réponse : à savoir si la preuve au dossier permet de conclure que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial en vertu de l’al. 30b) de la Loi, et dans l’affirmative, la Requérante s’est-elle acquittée de son fardeau de prouver qu’elle a employé la Marque à compter de la présumée date de premier emploi?

[19]           Pour s’acquitter du fardeau initial à l’égard de ce motif d’opposition, l’Opposante se fonde sur la preuve de la Requérante, à savoir l’affidavit de M. Dickinson, plus particulièrement la pièce 1 jointe à son affidavit, et une partie de la transcription de son contre-interrogatoire.

[20]           Je ne pense pas que le changement de nom de la Requérante dont il est question précédemment soit suffisant en soi pour permettre à l’Opposante de s’acquitter de son fardeau initial. Cependant, au paragraphe 8 de son affidavit, M. Dickinson affirme que [traduction] « la pièce 1 est une copie d’un collant représentatif qui est apposé sur toutes les boîtes de Marchandises reçues par un acheteur au Canada ». Pendant son contre-interrogatoire, il a répondu aux questions 68 et suivantes en donnant plus de renseignements sur ce que représente exactement la pièce 1 jointe à son affidavit. Par souci de clarté, je reproduis ci-après cette pièce :

[21]           La partie supérieure, où les mots « HORTILUX » et « SCHRÉDER » apparaissent dans la même taille et la même police, mais où le mot « SCHRÉDER » est écrit juste dessous de « HORTILUX », est une étiquette d’expédition typique qui est fixée aux boîtes contenant les Marchandises. La partie inférieure de la pièce 1, où les mots « HORTILUX » et « SCHRÉDER » sont écrits sur la même ligne, mais séparés par une ligne courbe et la partie d’un cercle, est un ruban d’emballage.

[22]           Il est important de souligner qu’il n’y a aucune autre preuve documentaire pour illustrer l’emploi de la Marque par la Requérante. De plus, M. Dickinson affirme que la pièce 1 est un collant représentatif utilisé par la Requérante. Bien que ce dernier ne précise depuis quand ce collant est utilisé par la Requérante, il faut présumer qu’il est utilisé environ depuis que la Requérante a changé son nom commercial pour Hortilux Schréber B.V. en septembre 1997, tel qu’il est allégué au paragraphe 2 de l’affidavit de M. Dickinson.

[23]           Comme il a été énoncé dans Brasserie Labatt Ltée c. Benson & Hedges (Canada) Ltée (1996), 67 C.P.R. (3d) 258 (C.F. 1re inst.), à la p. 262, un non-emploi de la Marque en dehors de la pratique normale du commerce serait un motif suffisant pour repousser la demande à l’égard d’un motif d’opposition fondé sur l’al. 30d) de la Loi. Si je conclus que l’emploi de la marque HORTILUX SCHRÉDER ne constitue pas un emploi de la Marque et qu’il n’y a aucune autre preuve d’emploi de la Marque au dossier, je n’aurais d’autre choix que de statuer en faveur de l’Opposante à l’égard de ce motif d’opposition puisqu’il n’y aurait aucune preuve d’emploi de la Marque de septembre 1997 au 31 mai 2002.

[24]           Le critère applicable a été ainsi énoncé par le juge Pratte dans Registraire des marques de commerce c. Compagnie L’informatique CII Honeywell Bull, Société Anonyme et al. (1985), 4 C.P.R. (3d) 523 :

Il ne s’agit pas de déterminer si CII a trompé le public quant à l’origine de ses marchandises. Elle ne l’a manifestement pas fait. La seule et véritable question qui se pose consiste à se demander si, en identifiant ses marchandises comme elle l’a fait, CII a employé sa marque de commerce « Bull ». Il faut répondre non à cette question sauf si la marque a été employée d’une façon telle qu’elle n’a pas perdu son identité et qu’elle est demeurée reconnaissable malgré les distinctions existant entre la forme sous laquelle elle a été enregistrée et celle sous laquelle elle a été employée. Le critère pratique qu’il faut appliquer pour résoudre un cas de cette nature consiste à comparer la marque de commerce enregistrée et la marque de commerce employée et à déterminer si les distinctions existant entre ces deux marques sont à ce point minimes qu’un acheteur non averti concluerait [sic], selon toute probabilité, qu’elles identifient toutes deux, malgré leurs différences, des marchandises ayant la même origine.

 

[25]           De plus, dans Nightingale Interlock Ltd. c. Prodesign Ltd. (1984), 2 C.P.R. (3d) 535, le registraire a affirmé ce qui suit :

[traduction] La jurisprudence relative à la question de savoir quelles variantes dans une marque de commerce sont acceptables est complexe et souvent contradictoire, mais, selon moi, le mieux est de considérer qu’elle pose deux principes fondamentaux :

L’emploi d’une marque conjointement avec d’autres éléments constitue l’emploi de la marque en soi en tant que marque de commerce si le public, du point de vue de la première impression, considère que la marque en soi est employée en tant que marque de commerce. Il s’agit d’une question de fait qui dépend de facteurs comme la question de savoir si la marque ressort par rapport aux autres éléments, par exemple par l’utilisation de caractères différents ou de dimensions différentes (voir p. ex. Standard Coil Products (Canada) Ltd. c. Standard Radio Corp. et al. (1971), 1 C.P.R. (2d) 155, p. 163, [1971] C.F. 106 (C.F. 1re inst.)), ou la question de savoir si les autres éléments seraient perçus comme des éléments purement descriptifs ou comme une marque de commerce ou un nom commercial distinct : voir p. ex. Carling O'Keefe Ltd. c. Molson Cos. Ltd. (1982), 70 C.P.R. (2d) 279 (C.O.M.C.), p. 280‑281, appliquant Bulova Accutron Trade Mark, [1969] R.P.C. 102 (Ch. D.), p. 109-110.

[26]           Appliquant ces principes à la marque de commerce employée par la Requérante, soit HORTILUX SCHRÉDER, plutôt qu’à la Marque, je conclus que l’ajout du mot SCHRÉDER n’est pas à ce point minime qu’un acheteur non averti conclurait qu’elles identifient toutes les deux, malgré leurs différences, des marchandises ayant la même origine.

[27]           La Requérante a tenté de minimiser l’importance de l’ajout du mot SCHRÉDER à la Marque en présentant des éléments de preuve selon lesquels ce mot serait considéré comme un nom de famille par un acheteur moyen. Je renvoie à l’affidavit de Mme Gwendoline A. MacIsaac. Elle était une stagiaire en droit au bureau d’Ottawa de l’agent de la Requérante. Le 28 août 2008, elle a effectué une recherche sur le site Web Canada411.ca dans le but de trouver la liste des personnes dont le nom de famille commence par « SCHRE » et elle a produit les résultats comme pièce GM-2. Elle a obtenu 989 inscriptions, mais elle a réduit la liste aux noms commençant par « SCHRE » et terminant par « ER » ou « ERS » ou « DL ». Deux cent dix-sept personnes répondaient à ces critères.

[28]           Elle a ensuite effectué une recherche semblable sur le moteur de recherche Canada411.ca dans le but de trouver la liste des personnes dont le nom de famille est SCHROEDER. Elle a obtenu 1591 inscriptions et a produit seulement les trois premières pages de résultats de cette recherche. Elle a fait une recherche similaire pour le nom de famille SCHRODER, lequel a généré 170 inscriptions et elle a produit les trois premières pages de résultats de cette recherche.  

[29]           En partant du principe que l’ajout d’un nom de famille commun à une marque de commerce n’est pas important et n’amènerait pas un consommateur à penser que les produits portant la version modifiée d’une marque de commerce ont une origine différente, la Requérante n’a trouvé que 14 personnes ayant le nom de famille SCHREDER et aucune ayant le nom SCHRÉDER. Compte tenu de la rareté des personnes portant ce nom de famille au Canada, je ne peux pas conclure que le consommateur canadien moyen associerait le mot SCHRÉDER à un nom de famille.

[30]           Je n’ai pas examiné d’autres noms de famille (par exemple SCHRECKER, SCHREADER, SCHROEDER) puisqu’ils ne sont pas le mot supplémentaire dont il est question en l’espèce. Encore une fois, même si je décidais que SCHRÉDER était un nom de famille, j’estime qu’un tel ajout est important pour la Marque.

[31]           Par conséquent, ayant conclu que l’emploi de la marque HORTILUX SCHRÉDER ne constitue pas un emploi de la Marque et comme il n’y a aucune autre preuve d’emploi de la Marque, la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau de prouver qu’elle a employé la Marque depuis la présumée date de premier emploi revendiquée dans sa demande. Je maintiens donc le premier motif d’opposition.

Caractère distinctif de la Marque

[32]           En ce qui concerne ce motif d’opposition, il revient à l’Opposante de s’acquitter du fardeau de preuve initial de démontrer que sa marque HORTILUX était devenue suffisamment connue le 26 mars 2007, date de production de la déclaration d’opposition, pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif [Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44, p. 58]. Une fois que l’Opposante s’est acquittée de ce fardeau, la Requérante doit établir, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque n’était pas susceptible de créer de la confusion avec la marque susmentionnée de l’Opposante du fait qu’elle était adaptée à distinguer réellement au Canada les Marchandises des marchandises de l’Opposante [voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 272].

[33]           Monsieur Thomas est le directeur du marketing de Eye Lighting. Il occupe ce poste depuis janvier 2006. Il agit pour Eye Lighting à différents titres depuis 1994.

[34]           Il a produit comme pièce A jointe à son affidavit une copie de l’ordre du jour d’une réunion, sur lequel apparaît HORTILUX sous forme manuscrite, à laquelle il a assisté le 5 août 1997 et au cours de laquelle il a été question des lampes LU 1000/B et LU 1000B/I. Il dit avoir travaillé sur le dessin du monogramme et sur l’emballage des lampes électriques de marque HORTILUX (marchandises de l’Opposante) pendant l’été 1997 en envisageant les terminer à l’automne 1997.

[35]           Il affirme que la marque HORTILUX apparaît sur le monogramme créé à l’été 1997. Il explique la façon dont le monogramme a été créé en collaboration avec Tampoprint International Corporation. Il a produit comme pièce B quelques lettres qui ont été échangées avec cette entreprise en août 1997. Je constate que la marque qui apparaît sur les dessins est EYE HORTILUX. La facture émise par Tampoprint et versée au dossier est datée du 1er octobre 1997.

[36]           De plus, Eye Lighting travaillait sur le graphisme du manchon devant servir à l’emballage, lequel portait la marque HORTILUX. Il a produit une copie de ce graphisme préparé par Dixie Graphics daté du 2 septembre 1997. Je remarque cependant que la marque figurant sur le manchon est EYE HORTILUX.

[37]           Monsieur Thomas a produit un registre indiquant que Eye Lighting a vendu deux appareils à SPI le 15 octobre 1997 pour une somme nulle. Dans son jugement, le juge Russell a conclu que cette transaction ne pouvait pas être considérée comme un emploi dans la pratique normale du commerce. Par conséquent, je rejette cette partie de la preuve. Cependant, le 31 décembre 1997, Eye Lighting a vendu 36 appareils à SPI dans la pratique normale du commerce (voir la pièce G jointe à l’affidavit de M. Thomas). Il déclare que le monogramme HORTILUX et le graphisme du manchon décrits ci-dessus étaient apposés sur les marchandises de l’Opposante vendues à SPI à ce moment-là.

[38]           Monsieur Thomas a produit comme pièce H les « Bulletins de renseignements techniques », lesquels contiennent des renseignements sur les marchandises de l’Opposante et lesquels ont été diffusés en septembre 1997, en octobre 1998 et en juin 2001. Je constate qu’il y a des références à EYE HORTILUX ™ sur ces documents.

[39]           Il a produit comme pièce I un échantillon d’un document daté de juillet 1998 envoyé par Eye Lighting aux consommateurs potentiels sur le marché horticole et distribué aux consommateurs potentiels lors des foires commerciales. Les inscriptions suivantes apparaissent sur la pièce : EYE MULTI-METAL ACE HORTILUX ™ et HORTILUX ™.

[40]           En 1999, Eye Lighting a modifié l’emballage avec SPI. En juin 1999, Eye Lighting, en collaboration avec SPI, a créé du nouveau matériel promotionnel, y compris des brochures, des affiches et des étagères pour exposer les produits. Ils portaient tous la marque HORTILUX. Il a produit comme pièce J la deuxième page de l’une de ces brochures où il était écrit ce qui suit :

[traduction] Iwasaki Electric, fabricant de lampes de marque « EYE », a le plaisir de lancer sa nouvelle gamme de lampes conçues expressément pour les gens de l’industrie horticole.

 

Encore une fois, la marque qui apparaît sur la brochure est EYE HORTILUX. Cependant, à la page 3 de la brochure de 1999, déposée comme pièce K jointe à son affidavit, il y a une mention de la marque HORTILUX ™.

[41]           Monsieur Ward (président de Eye Lighting) prétend que HORTILUX est le nom commercial d’une gamme de lampes de serre qui fournissent plus d’énergie dans les spectres violet, bleu et vert, procurant ainsi des niveaux optimaux d’énergie spectrale pendant toutes les étapes de croissance des plantes. Il a produit comme pièce A une brochure décrivant les lampes de serre HORTILUX. Cependant, les marques de commerce figurant sur la brochure varient de EYE HORTILUX & dessin à HORTILUX SUPER SHP, HORTILUX METAL ACE, HORTILUX ULTRA ACE et HORTILUX-BLUE.

[42]           Monsieur Ward soutient que la marque HORTILUX est employée depuis au moins le 31 décembre 1997 et la pièce B jointe à son affidavit est une copie de la facture originale établie par Eye Lighting pour SPI qui indique la vente de lampes électriques portant la marque HORTILUX. Il a aussi produit d’autres factures en date de février, juillet, octobre et décembre 1998 pour prouver la vente des marchandises de l’Opposante au Canada en liaison avec la marque HORTILUX.

[43]           Il fournit les chiffres d’affaires annuels au Canada pour la vente des marchandises de l’Opposante portant la marque HORTILUX. Les ventes annuelles ont été minimales en 1997, mais elles sont passées de 99 000 $ en 1998 à plus de 2,5 millions de dollars en 2006, atteignant plus de 4,6 millions de dollars en 2003. J’examinerai l’admissibilité de ces chiffres puisque cette partie de la preuve est contestée par la Requérante.

[44]           Il soutient que Eye Lighting a consacré une partie de ses revenus à la publicité et à la promotion. Cependant, les chiffres de dépenses annuels couvrent l’Amérique du Nord. Il n’y a aucune ventilation pour le Canada. Eye Lighting a notamment utilisé le publipostage, la publicité pour les revues spécialisées en commerce, la vente directe, la représentation à des foires commerciales, le matériel de vente comme des affiches et de l’emballage comme moyens de faire connaître et de promouvoir les marchandises de l’Opposante en liaison avec la marque HORTILUX partout au Canada et en Amérique du Nord. Il fournit une liste des publications dans lesquelles des publicités ont été faites, mais nous n’avons aucun chiffre relatif à leur diffusion au Canada. Il a produit des échantillons de ces publicités. La marque HORTILUX figure seule sur quelques-unes de ces publicités.

[45]           La Requérante prétend que, outre les chiffres de vente pour les marchandises de l’Opposante portant la marque HORTILUX, il y a peu d’éléments de preuve qui pourraient permettre de conclure que la marque HORTILUX de l’Opposante était connue au Canada dans une certaine mesure. Par conséquent, l’Opposante ne se serait pas acquittée de son fardeau initial. Le motif d’opposition devrait donc être rejeté.

[46]           La Requérante fonde son argument sur le fait que pendant son contre‑interrogatoire, M. Ward a admis qu’il n’avait aucune connaissance personnelle des chiffres de vente fournis dans son affidavit. Monsieur Ward est le président de l’Opposante et il a demandé l’aide du service de la comptabilité pour fournir ces chiffres, mais il n’a pas été en mesure d’identifier la personne du service qui lui a donné les renseignements pendant son contre-interrogatoire et il n’a pas vu les documents contenant ces renseignements. La Requérante estime donc que les chiffres de vente indiqués dans l’affidavit de M. Ward constituent une preuve par ouï-dire inadmissible puisqu’ils ne sont pas visés par les exceptions prévues relativement à la règle du ouï-dire et que l’Opposante n’a pas démontré que ces renseignements étaient nécessaires et fiables. Par conséquent, sans ces chiffres de vente, l’Opposante n’a pas prouvé que sa marque HORTILUX était connue au Canada avant la date pertinente.

[47]           Même si je ne tenais pas compte de ces chiffres de vente, j’estime que l’Opposante a établi que sa marque HORTILUX était connue dans une certaine mesure au Canada à la date pertinente, et ce, pour les raisons précisées ci-après. Monsieur Berkhout a travaillé pour P.L. Light Systems Canada Inc. (P.L. Light Canada) de 1984 à mai 2001. Il affirme que, de par son emploi chez P.L. Light Canada, il était au courant de la relation commerciale entre P.L. Light Canada et SPI qui a débuté en 2000. Toutefois, il était difficile de savoir s’il y avait une telle relation entre P.L. Light Canada et la Requérante et/ou sa filiale en propriété exclusive P.L. Light.

[48]           Il affirme qu’il sait que P.L. Light Canada a acheté des lampes de marque HORTILUX produites par Eye Lighting, la titulaire de licence de l’Opposante. Il ajoute qu’il connaît bien les produits HORTILUX de l’Opposante et qu’il a connu ces produits en 1999. Il ajoute que P.L. Light Canada voulait acheter les produits HORTILUX de l’Opposante parce qu’ils étaient des produits établis dans le marché des jardins intérieurs. Enfin, il dit qu’en 2000 P.L. Light Canada a acheté les produits HORTILUX de l’Opposante auprès de SPI.

[49]           Cette preuve établit que les produits HORTILUX de l’Opposante étaient connus au Canada à la date pertinente. Je constate que M. Berkhout ne parle pas de la marque EYE HORTILUX ni de toute autre marque pour désigner les produits de l’Opposante. Il les appelle les produits HORTILUX. Comme je l’ai déjà mentionné, la preuve documentaire produite par l’Opposante comporte des références à la marque HORTILUX utilisée seule. Je n’ai pas donc besoin de déterminer si l’une ou l’autre des autres marques employées par l’Opposante constitue un emploi de la marque HORTILUX. Enfin, je n’ai pas à statuer sur l’admissibilité des chiffres de vente de l’Opposante contenus dans l’affidavit de M. Ward, car, même sans ces chiffres, la preuve au dossier me permet de conclure que la marque HORTILUX de l’Opposante était connue au Canada dans une  certaine mesure à la date pertinente.

[50]           Comme l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial, je dois maintenant évaluer, selon la prépondérance des probabilités, si la Marque est susceptible de créer de la confusion avec la marque HORTILUX de l’Opposante. Le test applicable à cette question est énoncé au par. 6(2) de la Loi. Je dois prendre en considération l’ensemble des circonstances pertinentes de l’espèce, y compris celles énumérées au par. 6(5) : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son ou dans les idées qu’elles suggèrent.

[51]           Ces critères ne sont pas exhaustifs et il n’est pas nécessaire d’accorder le même poids à chacun d’eux. Dans l’arrêt Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc. et al. 2011 C.S.C. 27, rendu récemment par la Cour suprême du Canada, il est clairement indiqué que le facteur le plus important parmi ceux énumérés au par. 6(5) de la Loi est le degré de ressemblance entre les marques.

[52]           En l’espèce, les marques des parties sont identiques. De plus, comme l’Opposante l’a fait valoir, le juge Russell a conclu dans Hortilux que les marques des parties créaient de la confusion. Cependant, la Requérante prétend que la preuve au dossier démontre que les voies commerciales des parties sont différentes et que, dans Hortilux, la Cour n’a pas eu affaire à une demande contenant une restriction dans les voies commerciales employées par la Requérante pour la vente de ses Marchandises.

[53]           La Requérante affirme qu’elle vend les Marchandises seulement à l’industrie horticole commerciale, et non au détail aux consommateurs, alors que l’Opposante vend ses produits HORTILUX aux magasins de détail, généralement des magasins au détail spécialisés dans la culture hydroponique à domicile, lesquels les vendent directement aux consommateurs. Même si je statuais en faveur de la Requérante en examinant le facteur prévu à l’al. 6(5)c) de la Loi, il reste que les marques de commerce sont identiques et que les marchandises sont des ampoules (pour l’Opposante) et des systèmes d’éclairage et des réflecteurs de lampe (pour la Requérante), tous ces produits d’éclairage étant destinés à des fins horticoles. Ces deux facteurs l’emportent clairement sur tout avantage que la Requérante peut avoir si on examine seulement les voies commerciales utilisées par les parties.

[54]           Par conséquent, je conclus que la Requérante n’a pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque n’est pas susceptible de causer de la confusion avec la marque de commerce déposée HORTILUX de l’Opposante. La Marque n’était donc pas distinctive à la date pertinente. Je maintiens le troisième motif d’opposition.

 

Conclusion

[55]           Dans l’exercice des pouvoirs que m’a délégués le registraire des marques de commerce en vertu du par. 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement de la Marque de la Requérante, conformément au par. 38(8) de la Loi.  

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Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Mylène Borduas

 

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