Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS TRADUCTION

Référence : 2011 COMC 7

Date de la décision : 2011-01-24

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Canadian Dental Hygienists’ Association/L’Association canadienne des hygiénistes dentaires à l’encontre de la demande n1,101,486 pour la marque de commerce NATIONAL DENTAL HEALTH MONTH/MOIS NATIONAL DE LA SANTÉ DENTAIRE au nom de Canadian Dental Association/ L’Association Dentaire Canadienne

[1]               Le 2 mai 2001, Canadian Dental Association / L’Association Dentaire Canadienne (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce NATIONAL DENTAL HEALTH MONTH/MOIS NATIONAL DE LA SANTÉ DENTAIRE (la Marque) fondée sur l’emploi de la Marque au Canada depuis 1976 en liaison avec les services, tel que révisés :

Promotion d’une bonne santé dentaire pour tous les Canadiens, comprenant des soins dentaires réguliers pour prévenir et traiter les maladies buccales, et comprenant aussi une bonne hygiène buccale et un régime équilibré; et promotion de la profession dentaire au Canada par divers moyens, nommément journaux, revues, périodiques, dépliants, matériel publicitaire, radio, télévision, Internet, symposiums et événements parrainés

[2]               La demande a été publiée aux fins d'opposition dans le Journal des marques de commerce du 23 février 2005.

[3]               Le 25 juillet 2005, Canadian Dental Hygienists’ Association/L’Association canadienne des hygiénistes dentaires (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition dans laquelle elle plaide des motifs d’opposition fondés sur les alinéas 30a), 30b), 30i), 12(1)b), 12(1)d), 16(1)a) et 38(2)d) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi). La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle a nié les allégations de l’Opposante.

[4]               À l’appui de sa déclaration d’opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de Mme Susan A. Ziebarth.  Mme Ziebarth a été contre-interrogée et la transcription du contre-interrogatoire, les pièces et les réponses aux engagements ont toutes été versées au dossier.

[5]               Au soutien de sa demande, la Requérante a produit l'affidavit d’Erica Ann Fraser. Mme Fraser n'a pas été contre-interrogée.

[6]               Seule la Requérante a produit un plaidoyer écrit. Une audience a été tenue à laquelle les deux parties étaient représentées. À l'audience, l'Opposante a retiré le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 30a) de la Loi et une partie de son motif fondé sur l’alinéa 16(1)a), mais seulement dans la mesure où cela concernait ses marques qui n’avaient pas été employées depuis 1976.

Le fardeau de preuve et les dates pertinentes

[7]               Il incombe à la Requérante d’établir suivant la prépondérance des probabilités que sa demande satisfait aux exigences de la Loi. Un fardeau initial de preuve pèse toutefois sur l’Opposante, qui doit présenter une preuve recevable suffisante dont on puisse raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués au soutien de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Limitée c. Les Compagnies Molson Limitée (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), à la page 298].

[8]               Les dates pertinentes quant aux motifs d’opposition sont les suivantes :

         Alinéas 38(2)a)/ 30b) - la date du premier emploi par la Requérante;

         Alinéas 38(2)a)/30i) – la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.), à la p. 475];

         Alinéa 38(2)b)/Alinéa 12(1)d) – la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)];

         Alinéas 38(2)c)/16(1)a) - la date de premier emploi par la Requérante [voir article 16];

         Alinéa 38(2)d)/absence de caractère distinctif - la date de production de la déclaration d'opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.)];

Résumé de la preuve de l’Opposante

[9]               Susan A. Ziebarth est la directrice générale de l’Opposante, un organisme national à but non lucratif qui représente la voix et la vision de 14 000 hygiénistes dentaires au Canada. À titre de porte-parole en matière d’hygiène dentaire au Canada, l’Opposante contribue à la santé du public en favorisant la mise en place de normes pour l’exercice du métier d’hygiéniste dentaire, et en matière d’éducation, de recherche et de réglementation. Il est obligatoire d’être membre de l’organisme de l’Opposante pour exercer le métier d’hygiéniste dentaire en Saskatchewan, en Alberta, en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve, tandis que l’inscription est facultative dans les autres provinces/territoires. En contre-interrogatoire, il a été admis que la moitié des hygiénistes canadiens travaillant en cabinet vivent en Ontario (où l’inscription à l’organisme de l’Opposante est facultative) et la Ontario Dental Hygienists’ Association (ODHA) n’est pas régie par l’Opposante. Cependant, certains des membres de l’ODHA sont également membres de l’Opposante (contre-interrogatoire de Mme Zeibarth, Q. 132).

[10]           Des copies certifiées des enregistrements de l’Opposante pour NATIONAL DENTAL HYGIENE WEEK & Design/SEMAINE NATIONALE DE L’HYGIENE DENTAIRE & Dessin, enregistrement no LMC523366; NATIONAL DENTAL HYGIENE WEEK/SEMAINE NATIONALE DE L’HYGIENE DENTAIRE, enregistrement no LMC524598; et NATIONAL DENTAL HYGIENISTS WEEK/LA SEMAINE NATIONALE DES HYGIÉNISTES DENTAIRES, enregistrement no LMC605045ont été jointes à titre de pièces A, B et C à l’affidavit de Mme Zeibarth. Cette dernière ne dis pas que l’emploi de l’une ou l’autre de ces marques a été démontré dans les autres pièces jointes à son affidavit, mais je note qu’il est fait référence à « National Dental Hygiene Week » dans plusieurs articles de journaux parus dans des publications de tiers, qui ont été joints à son affidavit. La marque de l’Opposante NATIONAL DENTAL HYGIENE WEEK & Design/SEMAINE NATIONALE DE L’HYGIÈNE DENTAIRE & Dessin y figure au moins à une reprise. 

[11]           Des copies de mémoires, de procès-verbaux de réunions, de correspondance, de rapports annuels et d’autres documents publicitaires démontrant supposément l’emploi de différentes autres marques par l’Opposante (ou par les associations provinciales et les sociétés qui font partie de l’Opposante), comprenant DENTAL HEALTH WEEK, DENTAL PUBLIC HEALTH WEEK, DENTAL HEALTH MONTH, ORAL HEALTH MONTH FOR SENIORS, ORAL HEALTH MONTH FOR INFANTS AND TODDLERS, et ORAL HEALTH RESOURCE FOR THE ELDERLY, ont été jointes à l’affidavit de Mme Zeibarthà titre de pièces D – G. Cependant, ces documents contiennent très peu d’éléments de preuve d’emploi, voir aucun, de ces marques à titre de marques de commerce, au sens du paragraphe 4(2) de la Loi. De plus, aucune preuve de la distribution ou de la portée de ces documents n’a été produite. Enfin, le contre-interrogatoire de Mme Zeibarth montre que la grande majorité des activités de promotion ont été organisées par des parties tierces sans que l’Opposante en ait eu conscience ou qu’elle les surveille. 

[12]           L’Opposante admet, et la preuve montre, que l’Opposante n’approuve pas à l’avance et les activités promotionnelles des tiers et qu’elle n’a pas le contrôle sur les documents promotionnels conçus par ses membres, à savoir les associations provinciales ou les organismes régionaux. L’agent de l’Opposante a expliqué à l’audience que l’Opposante est un organisme à but non lucratif qui a employé ses marques de commerce en tout bonne foi dans le cadre de campagne d’éducation du public. L’agent de l’Opposante fait également valoir que, dans tous les cas, que certains sont à la fois membres de l’Opposante et d’organismes tiers (c’est-à-dire que les hygiénistes de l’Ontario sont membres de l’Opposante et de l’ODHA, bien que cette appartenance ne soit pas obligatoire). De plus, comme l’a expliqué Mme Zeibarth en contre‑interrogatoire, l’Opposante fournit à ses membres des directives permettant de ne pas perdre sa mission de vue, elle offre également des assurances et même du financement à certains et elle donne accès à des documents imprimés, des logos normalisés, du contenu pouvant être téléchargé sur internet et des modèles de sites Web.

Résumé de la preuve de la Requérante

[13]           Mme Fraser est une étudiante en droit travaillant pour les agents de marques de commerce de la Requérante. Des photocopies de définitions du dictionnaire pour les mots « dental », « health », « hygiene », « santé », « dentaire », et « hygiène » sont jointes à son affidavit.

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d)

[14]           L'Opposante a plaidé que la Marque n'était pas enregistrable en vertu de l'alinéa 12(1)d) de la Loi parce que la Marque crée de la confusion avec les marques de commerce déposées suivantes.

Marque

No d’enregistrement.

Marchandises et services

NATIONAL DENTAL HYGIENE WEEK/SEMAINE NATIONALE DE L’HYGIÈNE DENTAIRE

LMC524598

(1) Sensibilisation à l’hygiène dentaire et promotion des hygiénistes dentaires dans tout le Canada par des moyens divers, y compris imprimés, radio, télévision et Internet, ainsi que programmes de parrainage.

CDHA ACHD & DESIGN

 

 

LMC523366

(1) Sensibilisation à l’hygiène dentaire et promotion des hygiénistes dentaires dans tout le Canada par des moyens divers, y compris imprimés, radio, télévision et Internet, ainsi que programmes de parrainage.

NATIONAL DENTAL HYGIENISTS WEEK/LA SEMAINE NATIONALE DES HYGIÉNISTES DENTAIRE

LMC605045

(1) Sensibilisation à l’hygiène dentaire et promotion des hygiénistes dentaires dans tout le Canada par des moyens divers, y compris imprimés, radio, télévision et Internet, ainsi que programmes de parrainage.

 

[15]           L’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial en vertu de ce motif en démontrant que ces enregistrements sont toujours valides.  

[16]           La date pertinente pour évaluer la probabilité de confusion à l’égard de ce motif est la date de ma décision [Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et Registraire des marques de commerce, 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)].

[17]           Le meilleur argument de l’Opposante concernant la probabilité de confusion est fondé sur sa marque de commerce NATIONAL DENTAL HYGIENE WEEK/SEMAINE NATIONALE DE L’HYGIÈNE DENTAIRE (la marque nominale de l’Opposante) et la marque NATIONAL DENTAL HYGIENE WEEK/SEMAINE NATIONALE DE L’HYGIÈNE DENTAIRE et Dessin (le dessin-marque de l’Opposante) puisque ces marques sont celles qui ressemblent le plus à la marque de la Requérante. Je concentrerai donc mon raisonnement sur la probabilité de confusion entre la marque de la Requérante et ces marques. 

[18]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Selon le paragraphe 6(2) de la Loi, l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[19]           Au moment d’appliquer le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles qui sont mentionnées au paragraphe 6(5) de la Loi, soit : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son ou dans les idées qu’elles suggèrent. Le même poids ne sera pas nécessairement attribué à chacun de ces critères [voir, de façon générale, Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.).]

Alinéa 6(5)a) - le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[20]           La Marque et la marque nominale de l’Opposante ne possèdent pas de caractère distinctif inhérent fort, car elles sont toutes deux suggestives en anglais et en français des services en liaison avec lesquels elles sont employées. Le dessin‑marque de l’Opposante possède un caractère distinctif inhérent légèrement plus fort que la Marque en raison de son élément graphique.

[21]           En ce qui concerne la mesure dans laquelle les marques sont devenues connues, bien que la demande de la Requérante soit fondée sur l’emploi depuis le 1er février 2002, il n’y a aucune preuve que la Marque a été employée au Canada, ou qu’on y a fait la promotion. 

[22]           En ce qui concerne les marques de l’Opposante, Mme Zeibarth déclare que l’Opposante a employé ses deux marques de commerce depuis au moins aussitôt qu’Octobre 1988, mais je n’ai trouvé qu’une seule preuve d’emploi du dessin-marque de l’Opposante (Affidavit de Mme Zeibarth, pièce F, p. 82) et elle était datées du 3 septembre 2002. Par conséquent, j’estime que ce facteur ne favorise aucune des parties.

Alinéa 6(5)b) – la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[23]           La Requérante n’a fait la preuve d’aucun emploi de sa marque. Bien que les enregistrements de l’Opposante soient fondés sur l’emploi de ses marques depuis 1988, les enregistrements ne peuvent démontrer que l’emploi de minimis [voir Entre Computer Centers, Inc. c. Global Upholstery Co. (1992), 40 C.P.R. (3d) 427 (C.O.M.C.)]. Par conséquent, en l’absence de preuve d’emploi des marques des parties, je considère que la période pendant laquelle les marques de commerce ont été employées n’est que de peu d’importance   

Alinéas 6(5)c) et d) – le genre de marchandises, services ou entreprises et la nature du commerce

[24]           Les services des parties, bien que liés, ne sont pas les mêmes. À cet égard, les services visés par la demande incluent la promotion de la profession dentaire, alors que les services de l’Opposante font la promotion des hygiénistes dentaires. De plus, les lois provinciales et territoriales précisent que les dentistes et les hygiénistes dentaires sont des professions distinctes ayant chacune leur propre domaine de pratique (transcription du témoignage de Mme Ziebarth, p. 22-23 et 26-30).  

[25]           Bien que les dentistes et les hygiénistes dentaires soient deux professions distinctes, la preuve montre également ce qui suit :

         La majorité des hygiénistes dentaires travaillent dans des cabinets exploités par des dentistes (contre‑interrogatoire de Mme Zeibarth, p. 23)

         En Ontario, 85 % des hygiénistes dentaires travaillent dans des cabinets de dentistes privés conventionnels (contre‑interrogatoire de Mme Zeibarth, p. 28-29)

         La majorité des hygiénistes dentaires doivent être supervisés par des dentistes selon ce que prévoit la loi (contre‑interrogatoire de Mme Zeibarth, p. 28-29)

         Les patients qui reçoivent des soins de la part d’hygiénistes dentaires dans un cabinet dentaire sont les « patients des dentistes » (contre‑interrogatoire de Mme Zeibarth Zeibarth, p. 29)

[26]           Je considère donc que les voies de commercialisation employées par les deux parties pour leurs services promotionnels se recoupent. 

Alinéa 6(5)e) - le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[27]           La Requérante s’est appuyée sur la décision Kellogg Salada v. Maximum Nutrition Ltd. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.), à la p. 359, pour faire valoir que puisque les marques de l’Opposante ne possèdent pas de caractère distinctif fort, les petites différences entre elles et la Marque devraient suffire à les distinguer. À cet égard, la Requérante fait valoir que les deux dernières parties de chaque marque, à savoir santé/hygiène et mois/semaine, devraient suffir à distinguer les marques.

[28]           Cependant, la Cour fédérale nous a récemment rappelé que les marques doivent être analysées dans leur ensemble [voir The Chamberlain Group Inc. c . Lynx Industries, 2010 CF 1287]. En l’espèce, la Marque et les marques de l’Opposante comprennent des slogans bilingues composés des mêmes deux premiers mots, à savoir NATIONAL et DENTAL et leurs équivalents français. La construction grammaticale des marques est également la même. Toutefois, les deux derniers éléments des marques sont différents. Par conséquent, il y a une grande ressemblance entre la Marque et la marque nominale de l’Opposante dans l’apparence et dans le son. La différence est un peu plus faible entre la Marque et le dessin-marque de l’Opposante.

[29]           La Requérante soutient que les idées suggérées par les marques respectives sont différentes. À cet égard, la Requérante fait valoir que les marques de l’Opposante visent des services offerts au cours d’une semaine particulière alors que la Marque suggère des services offerts au cours d’un mois particulier. De plus, la Requérante fait valoir que l’expression « santé dentaire » a un sens plus large que l’expression « hygiène dentaire », en ce qu’elle inclut la santé bucco-dentaire, comme le traitement et la prévention des maladies buccales. À cet égard, les définitions fournies par la Requérante concernant les mots « dentaire », « santé » et « hygiène »sont les suivantes :

Dentaire : qui est relatif aux dents;

Santé : le fait de se sentir bien dans son corps et son esprit;

Hygiène : domaine de connaissance qui traite des mesures propres à conserver ou à améliorer la santé.

[30]           Toutefois, je ne suis pas convaincu que le consommateur moyen connaît la différence entre les termes « hygiène dentaire » et « santé dentaire ». De plus, j’estime que les idées suggérées par les marques sont similaires (ou du moins, qu’elles sont liées) dans la mesure où pour avoir la santé dentaire, il faut pratiquer l’hygiène dentaire. Je considère donc que les idées suggérées par les marques dans leur ensemble sont similaires, en ce que la marque de la Requérante suggère un mois de l’année où l’accent est mis sur la santé dentaire, alors que la marque de l’Opposante suggère une semaine de l’année où l’accent est mis sur l’hygiène dentaire.

Conclusion

[31]           Lorsque j’ai appliqué le test en matière de confusion, j’ai examiné la question sous l’angle de la première impression et du souvenir imparfait. Compte tenu de la conclusion que j’ai rendue ci-dessus, et en gardant à l’esprit, plus particulièrement : (i) que la Requérante n’a fourni aucune preuve d’emploi de la Marque; (ii) que les services des parties sont très semblables et leurs voies de commercialisation ne seraient pas différentes; (iii) la grande ressemblance entre les marques dans leur ensemble, je conclus que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y aurait aucune probabilité raisonnable de confusion entre sa marque et celles de l’Opposante. Le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)d) de la Loi est donc retenu. 

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)b)

[32]           Tout comme pour son motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)b), l’Opposante plaide que la Marque n’est pas enregistrable parce qu’elle est clairement descriptive de la nature des services en liaison avec lesquels il est allégué qu’elle a été employée, à savoir un mois national pour la promotion de la santé dentaire.

[33]           La question de savoir si la Marque de la Requérante donne une description claire ou une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des services visés par la demande doit être examinée du point de vue de l'acheteur ordinaire des services. En outre, le mot « nature » s'entend d'une particularité, d'un trait ou d'une caractéristique des services, et le mot « clair » signifie « facile à comprendre, évident ou simple » [voir Drackett Co. of Canada Ltd. c. American Home Products Corp (1968), 55 C.P.R. 29, à la p. 34]. Enfin, il ne faut pas scruter séparément chacun des éléments constitutifs de la Marque; celle-ci doit plutôt être considérée dans son ensemble et sous l'angle de la première impression [voir Wool Bureau of Canada Ltd. c. Registraire des marques de commerce, 40 C.P.R. (2d) 25 (C.F. 1re inst.), aux pages 27 et 28, et Atlantic Promotions Inc. c. Registraire des marques de commerce, 2 C.P.R. (3d) 183 (C.F. 1re inst.), à la page 186].

[34]           En l’espèce, la Marque ne comprend que des mots usuels du dictionnaire, et la requérante a renoncé à l’usage exclusif de chacun de ces mots en dehors de la marque de commerce dans son ensemble. Je conviens avec l’Opposante que la Marque décrit clairement, tant en anglais qu’en français, la nature des services visés par la demande. À cet égard, la Marque décrit le fait que la Requérante fait la « promotion de la santé dentaire pour les Canadiens …et qu’elle fait la promotion de la profession dentaire au Canada … » et elle fait la promotion d’un mois pour la santé dentaire au Canada. Toutefois, la question consiste à déterminer si la Marque dans son ensemble contrevient aux dispositions de l’alinéa 12(1)b) de la Loi.

[35]           L’alinéa 12(1)b) de la Loi empêche l’enregistrement d’une marque qui :

b) qu’elle soit sous forme graphique, écrite ou sonore, elle donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse, en langue française ou anglaise… (Non souligné dans l’original.)

[36]           Le libellé de la Loi donne à penser que la question de l’alinéa 12(1)b) doit être tranchée du point de vue du consommateur anglophone ou francophone moyen des marchandises ou des services, et non du consommateur bilingue moyen des marchandises et des services. Je souligne également que la Commission des oppositions a antérieurement décidé que l’alinéa 12(1)b) de la Loi n’empêche pas l’enregistrement d’une marque de commerce comprenant un mélange de mots français et anglais qui, pris individuellement, sont descriptifs des marchandises [voir Coca-Cola Co. c. Cliffstar Corp. (1993), 49 C.P.R. (3d) 358 (C.O.M.C.); Coca-Cola Ltd. c. FBI Brands Ltd. (1991), 40 C.P.R. (3d) 441 (C.O.M.C.); Wool Bureau of Canada Ltd. c. Bruck Mills Ltd. (1980), 61 C.P.R. (2d) 108 (C.O.M.C.), à la p. 113].

[37]           Dans Coca-Cola c. Cliffstar Corp., précité, l’ancien membre Martin de la Commission a considéré la question de l’application de l’alinéa 12(1)b) à la marque LE JUICE de la manière suivante :

[traduction] La marque projetée de la requérante comprend le mot français « le » et le mot anglais « juice ». Le premier mot est un article défini en français. Le dernier mot est clairement descriptif en anglais de la nature des marchandises « jus de fruits » et la requérante l’a concédé en incluant une renonciation dans sa demande. Toutefois, la combinaison des deux mots ne contrevient pas à l’alinéa 12(1)b) de la Loi, qui empêche l’enregistrement d’une marque de commerce :

 

b) qu’elle soit sous forme graphique, écrite ou sonore, elle donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse, en langue française ou anglaise. (Non souligné dans l’original.)

 

L’alinéa 12(1)b) de la Loi n’empêche pas l’enregistrement d’une marque de commerce comprenant une combinaison de mots français et anglais qui, pris individuellement, sont descriptifs des marchandises : voir les décisions de la Commission dans Coca-Cola Ltd. c. FBI Brands Ltd. (1991), 40 C.P.R. (3d) 441 et Wool Bureau of Canada Ltd. c. Bruck Mills Ltd. (1980), 61 C.P.R. (2d) 108 à la p. 113. (sur une question similaire, voir la décision Molson Companies Ltd. c. John Labatt Ltd. (1981), 58 C.P.R. (2d) 157, 129 D.L.R. (3d) 201 (C.F. 1re inst.).) De la même manière, l’alinéa 12(1)b) n’empêche pas l’enregistrement d’un mot anglais descriptif précédé d’un article défini français. Le deuxième motif n’est donc pas retenu non plus.

[38]           Dans Wool Bureau of Canada Ltd. c. Bruck Mills Ltd., précité, l’ancien président Partington a fait les commentaires suivants concernant la situation lorsqu’une combinaison de deux langues est considérée intégralement pour la création de la marque de commerce :

[traduction] Je note également que l’alinéa 12(1)b) de la Loi prévoit qu’une marque de commerce est enregistrable, si elle n’est pas « qu’elle soit sous forme graphique, écrite ou sonore, elle donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse, en langue française ou anglaise... » [Non souligné dans l’original.]. L’alinéa 12(1)b) de la Loi ne prévoit pas qu’une marque de commerce n’est pas enregistrable si elle donne une description claire ou qu’elle donne une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des marchandises en langues anglaise ou française lorsqu’une combinaison des deux langues est considérée dans son ensemble pour la création de la marque de commerce, comme c’est le cas pour la marque de commerce WOLAINE.

 

Bien que la situation ne soit pas exactement similaire à la présente affaire, le contrôleur adjoint dans Hallgarten's Appl'n (1949), 66 R.P.C. 105, a considéré une demande d’enregistrement pour la marque nominale « WHISQUEUR » pour des « liqueurs contenant du whisky ». Bien que la question dans cette affaire consistait à déterminer si la marque « WHISQUEUR » pouvait être enregistrée à titre de mot inventé, le contrôleur adjoint a fait les commentaires suivants aux pages 108 et 109 des motifs de sa décision :

 

Après avoir considéré attentivement les principes énoncés dans les affaires « Solio » et « Diabolo » et les arguments des avocats, je conclus que les observations présentées par M. Whitford sont toutes fondées et que le mot « Whisqueur » est enregistrable dans la partie A du registre à titre de mot inventé. J’ai tiré cette conclusion indépendamment du fait que la question de l’enregistrabilité du mot a déjà été considérée à une étape antérieure de la demande. Bien qu’il soit évident qu’il soit dérivé des mots « Whisky liqueur », j’estime néanmoins que le mot « Whisqueur » n’est ni une mauvaise prononciation, ni une variation insignifiante de ces mots composés, particulièrement lorsqu’on considère qu’il s’agit d’un mot à deux syllabes, alors que les mots « Whisky liqueur » en contiennent quatre. La réponse à l’argument selon lequel le mot ne peut être inventé aux termes de l’alinéa 9(1)c) en raison de son sens évident est, à mon avis, que l’évidence du sens ne doit pas être confondue avec l’évidence de la méthode de création ou de dérivation. En résumé, j’estime qu’il n’est pas correct de dire que le mot « Whisqueur » a un sens particulier défini pour la seule raison que sa dérivation est évidente pour un grand nombre de personnes. De plus, cette opinion semble être appuyée par les affaires citées, qui traitent de mots formés similairement au mot « Whisqueur » en télescopant deux mots à caractère descriptif. Par conséquent, dans l’affaire William's Ld.'s Application (34 R.P.C. 198), le mot « Chocaroons » (une abréviation évidente des mots « chocolate macaroons ») a été déclaré non enregistrable au motif que les Requérantes avaient employé le mot non pas comme marque de commerce, mais comme le nom d’un produit nouveau et distinct inventé par elles; néanmoins, les trois jugements rendus par la Cour d’appel établissent clairement que le mot « Chocaroons » aurait autrement pu être enregistrable à titre de « mot inventé ». L’enregistrement du mot « Sardovy » à titre de mot inventé a été cité antérieurement.

 

Bien qu’en l’espèce, ma tâche ne consiste qu’à trancher la question précise dont je suis saisi, j’estime qu’il est important de préciser que le registraire reçoit un très grand nombre de demandes d’enregistrement de marques de commerce pour des mots qui ont été créés similairement au mot « Whisqueur » en télescopant deux mots du dictionnaire (généralement descriptifs). Il est donc important que pour l’appréciation du caractère enregistrable ou non enregistrable de ces mots, le registraire applique une norme aussi uniforme que possible, car il est manifeste que la validité de l’enregistrement d’une de ces marques sera étroitement liée avec celle de quantité d’autres marques, et il est évident que la décision rendue en l’espèce pourrait être d’une importance considérable pour beaucoup d’autres propriétaires de marques de commerce …

 

Dans le cas de la marque de commerce WOLAINE, j’estime que le Canadien moyen ne donnerait pas à la marque de commerce le sens que lui conférerait quelqu’un qui examinerait la marque en décomposant ses éléments constitutifs en considérant sa dérivation des mots « wool + laine ».

 

[39]           On trouve un appui plus récent à la prétention selon laquelle la question de l’alinéa 12(1)b) ne devrait être considérée que d’un point de vue unilingue dans le passage suivant du membre Pelletier tiré de Movenpick Holding AG c. Exxon Mobil Oil Corporation (3 août 2010 C.O.M.C. (non publiée) demande no 1124172) :

De la perspective de la langue anglaise, la Marque est composée d’un mot français, « marché », et d’un mot anglais, « express ». La combinaison de mots français et anglais, même lorsque chacun de ces mots décrit les services, ne fait pas tomber la marque sous le coup de l’alinéa 12(1)b) de la Loi, qui empêche l’enregistrement d’une marque de commerce qui 

b) [...] qu’elle soit sous forme graphique, écrite ou sonore, […] donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse, en langue française ou anglaise […] (non souligné dans l’original)

En conséquence, on se saurait dire que dans la langue anglaise, la Marque décrit clairement des commerces de dépanneur.

 

[40]           En l’espèce, il a été dit que la Marque dans son ensemble ne peut être considérée comme donnant une description claire en anglais ou en français des services de la Requérante. Cependant, il ne s’agit pas en l’espèce d’une situation où la Requérante a combiné deux mots descriptifs pour créer un nouveau mot. Il ne s’agit pas non plus d’une situation où deux langues ont été combinées pour créer une marque de commerce. En l’espèce, il s’agit plutôt d’une situation où la Requérante a combiné une marque anglaise clairement descriptive à la marque française équivalente clairement descriptive afin de créer une marque qui serait clairement descriptive dans les deux langues pour le consommateur bilingue; la partie anglaise de la Marque n’est que la traduction de la partie française, et vice versa.

[41]           Je dois donc décider si l’intention du législateur concernant l’alinéa 12(1)b) de la Loi consistait à inclure les marques qui donnent une description claire ou une description fausse et trompeuse a) en anglais et/ou b) en français. Cela implique l’interprétation au sens de la loi du mot « ou », tel qu’il figure à l’alinéa 12(1)b) de la Loi.    

[42]           Dans son article intitulé Statutory Interpretation, Ruth Sullivan considère le mot « ou » comme étant toujours disjonctif, mais comme étant également soit inclusif, soit exclusif en ce qui concerne les solutions législatives auxquelles il se réfère (voir Ruth Sullivan, Statutory Interpretation, Concord: Irwin Law, 1997, à la p.89). Lorsque le mot « ou » est employé dans son sens exclusif, les solutions s’excluent mutuellement, c’est-à-dire que cela signifie a) l’anglais ou b) le français, mais pas les deux. Lorsque le mot « ou » est employé dans son sens inclusif, cependant, les solutions peuvent être cumulées, c’est-à-dire qu’il peut signifier a) l’anglais ou b) le français ou les deux. L’interprétation du mot « ou » au sens inclusif, par conséquent, peut être considérée comme équivalent au mot « et/ou » c’est-à-dire anglais et/ou français.

[43]           La jurisprudence a également établi que le mot « ou » dans une disposition peut être interprétée au sens inclusif, surtout si ce qui est requis pour respecter l’intention du législateur [voir Burlington Steel c. U.S.W.A. Local 4752 (1983), 11 L.A.C. (3d) 97 at 101, 102 (Ont. Arb. Bd.)]. Dans cette décision, la Ontario Arbitration Board a déclaré ce qui suit :

[traduction] dans tous les cas… pour respecter l’intention claire du législateur concernant l’article 94 de la Loi sur la Commission des affaires municipales de l’Ontario, L.R.O. 1970, ch. 323, le mot « ou » doit être lu de façon conjonctive et disjonctive, c’est‑à‑dire qu’il signifie « et/ou ».

… Les règles bien connues de l’interprétation des lois exigent que le mot « ou » soit interprété dans son sens ordinaire disjonctif, à moins qu’il soit nécessaire de l’interpréter au sens conjonctif pour respecter l’intention évidente du législateur ou d’éviter des conséquences absurdes. Maxwell, The Interpretation of Statutes, (12th ed.), p. 232-234.

[44]           La Cour suprême du Canada a également considéré le sens à donner au mot « ou » dans Clergue c. H.H. Vivian & Co. (1909), 41 R.C.S. 607. Bien que cette décision portait sur l’interprétation du libellé d’un contrat par opposition au libellé d’une loi, elle donne néanmoins à penser que les mots « ou » et « et » peuvent être échangés au besoin pour montrer l’intention des parties. Le juge Anglin a déclaré ce qui suit à la p. 617 :

[traduction] Les intentions des parties ne font aucun doute et, lorsque le sens l’exige, un grand nombre de décisions montrent qu’il est possible d’interpréter le mot « ou » comme un « et » et le mot « et » comme un « ou » afin de respecter l’intention des parties.

[45]           J’estime qu’il est nécessaire en l’espèce de lire le mot « ou » dans son sens inclusif (signifiant « et/ou ») pour respecter l’intention du législateur à l’alinéa 12(1)b) de la Loi pour les motifs suivants.

[46]           Comme cela a été expliqué ci-dessus, la question consistant à déterminer si la marque donne une description claire ou une description fausse et trompeuse des services visés par la demande doit être considérée du point de vue du consommateur moyen de ces services. Bien qu’aucune jurisprudence concernant l’alinéa 12(1)b) ne précise explicitement que le consommateur moyen peut être bilingue, je note que pour l’examen de la question de la confusion, la Cour suprême du Canada a accepté que le consommateur mythique est considéré comme étant un bilingue fonctionnel. Dans Mattel, précité, le juge Binnie a décrit le consommateur occasionnel ordinaire de la manière suivante au paragraphe 58 :

De toute évidence, le consommateur ne prend pas chacune de ses décisions d’achat avec la même attention, ou absence d’attention.  Il prend naturellement plus de précautions s’il achète une voiture ou un réfrigérateur, que s’il achète une poupée ou un repas à prix moyen : General Motors Corp. c. Bellows, [1949] R.C.S. 678.  Dans le cas de l’achat de marchandises ou de services ordinaires de consommation courante, ce consommateur mythique, quoique d’intelligence moyenne, est généralement en retard sur son horaire et a plus d’argent à dépenser que de temps à perdre à se soucier des détails.  Dans certains marchés, il conviendra de présumer le bilinguisme fonctionnel de cette personne : Four Seasons Hotels Ltd. c. Four Seasons Television Network Inc., (1992), 43 C.P.R. (3d) 139 (C.O.M.C.).  [Non souligné dans l’original.]

[47]           La décision Pierre Fabre Medicament c. SmithKline Beecham Corp. [2001] 2 F.C. 636 mérite également d’être soulignée ainsi que et l’extrait suivant tiré de Fox on Canadian Law of Trade-marks and Unfair Competition, 4th ed. [Kelly Gill and R. Scott Jolliffe (Toronto: Carswell, 2007-Rel.2)], à la p. 8.1(e) :

[traduction] Outre le fait d’apprécier si le francophone ou l’anglophone moyen penserait que les deux marques créent de la confusion, la cour doit déterminer si la personne bilingue moyenne serait confuse. Comme l’a déclaré le juge Joyal dans Boy Scouts of Canada c. Alfred Sternjakob GmbH & Co. KG (1984), 2 C.P.R. (3d) 407 (C.F. 1re inst.) :

On peut soutenir que le critère retenu dans la Loi sur les marques de commerce et les conclusions fondées sur les preuves quant à la confusion et la tromperie devraient être mesurés, non seulement en fonction de l'expérience anglophone, mais aussi de l'expérience francophone. Ce moyen aboutirait à une étude sur la signification de certains mots dans un contexte bilingue, où chaque langue a une égale présence.

Il est indéniable que la politique du Bureau des marques de commerce et la pratique des avocats et des agents devant ce Bureau sont de vérifier et d'analyser les conséquences descriptives, trompeuses, distinctives et prêtant à confusion qui découlent d'une adaptation française ou anglaise d'un mot en particulier ou de son utilisation comme marque de commerce enregistrée.

Et comme l’a dit le juge Strayer, (tel qu’il était alors) dans Scott Paper Co. c. Beghin-Sey S.A. (1985), 5 C.P.R. (3d) 225, à la p. 231 (C.F. 1re inst.) :

Je ne doute pas que le registraire des marques de commerce et la Cour doivent se montrer vigilants et repérer les possibilités de confusion entre les marques de commerce rédigées dans l'une ou les deux langues officielles du Canada. C'est ce qu'exige le statut constitutionnel et légal des deux langues à l'échelon fédéral, mais cela reflète aussi le fait qu'il existe plusieurs millions de Canadiens bilingues qui peuvent associer les termes d'une langue officielle avec leurs équivalents dans l'autre langue…

[48]           À mon avis, le législateur n’avait pas pour intention de permettre l’enregistrement d’une marque donnant une description claire ou une description fausse et trompeuse dans une des langues officielles du Canada si sa traduction dans une des langues officielles du Canada fait également partie de la marque. De plus, j’estime que le législateur n’avait pas l’intention que seul le consommateur anglophone moyen ou seul le consommateur francophone moyen soit considéré pour l’examen de la question soulevée en vertu de l’alinéa 12(1)b), surtout lorsqu’il est présumé que le consommateur moyen est un bilingue fonctionnel selon les autres articles de la Loi. Enfin, j’estime que l’intention du législateur n’était pas de permettre l’enregistrement de marques qui, bien que ne donnant peut-être pas de description claire ou de description fausse ou trompeuse dans l’ensemble pour un consommateur unilingue anglophone ou francophone, donne une description claire ou une description fausse et trompeuse dans l’ensemble pour un consommateur moyen bilingue.   

[49]           Au vu de ce qui précède, je considère que le législateur avait l’intention de donner au mot « ou », tel qu’il figure à l’alinéa 12(1)b) de la Loi, un sens inclusif, c’est-à-dire qui signifie « et/ou » dans les situations telles qu’en l’espèce. Je conclus donc que la Marque NATIONAL DENTAL HEALTH MONTH/MOIS NATIONAL DE LA SANTÉ DENTAIRE, dans son ensemble, donne une description claire de la nature et de la qualité des services visés par la demande en anglais et en français. Par conséquent, ce motif d’opposition est accepté.

[50]           J’ajouterais que le fait que les marques clairement descriptives de l’Opposante ont été déposées antérieurement n’est pas pertinent en l’espèce. La Commission n'a pas pour mandat d’expliquer les conclusions de la Section de l'examen de l’Office de la propriété intellectuelle. Une décision de la Section de l'examen ne lie pas l'Office et n'a aucune valeur de précédent [voir Interdoc Corp. c. Xerox Corp. (le 25 novembre 1998 C.O.M.C. (non publiée) demande n786491; Thomas J. Lipton Inc. c. Boyd Coffee Co. (1991), 40 C.P.R. (3d) 272 (C.O.M.C.), à la p. 277; Procter & Gamble Inc. c. Morlee Corp. (1993), 48 C.P.R. (3d) 377 (C.A.F.), à la page 386]. Dans tous les cas, ni l’enregistrabilité, ni la validité des marques de l’Opposante ne sont en cause en l’espèce.

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b)

[51]           Concernant la question de la non-conformité à l'alinéa 30b), le fardeau de preuve initial de l’Opposante est léger, car les faits se rapportant au premier emploi de la marque par la Requérante relèvent surtout de la connaissance de cette dernière (Tune Masters c. Mr. P's Mastertune Ignition Services Ltd. (1986), 10 C.P.R. (3d) 84 (C.O.M.C.), à la p. 89). L'Opposante peut s'acquitter de ce fardeau en s’appuyant non seulement sur sa preuve, mais aussi sur celle de la Requérante (Labatt Brewing Co. c. Molson Breweries, société en nom collectif (1996), 68 C.P.R. (3d) 216, p. 230 (C.F. 1re inst.)). Bien qu’elle puisse se fonder sur la preuve de la Requérante pour satisfaire au fardeau qui lui incombe relativement à ce motif, l'Opposante doit démontrer que la preuve de la Requérante est « manifestement » incompatible avec les prétentions formulées dans sa demande d'enregistrement.

[52]           C'est à la Requérante qu'il incombe ultimement de prouver que sa demande est conforme à l'article 30 de la Loi sur les marques de commerce. L'alinéa 30b) exige aussi qu'il y ait eu emploi ininterrompu, dans la pratique normale du commerce, de la marque de commerce visée par la demande d'enregistrement depuis la date revendiquée jusqu’à la date de production de la demande (voir Labatt Brewing Company Limited c. Benson & Hedges (Canada) Limited et Molson Breweries, société en nom collectif, [1996] 67 C.P.R.(3d) 258, p. 262 (C.F. 1re inst.)). 

[53]           L’Opposante fait valoir que la Requérante ne peut revendiquer qu’elle a employé la Marque en tant que marque de commerce parce que l’Opposante a démontré l’emploi de DENTAL HEALTH MONTH par différentes tierces parties. L’Opposante fait valoir que puisque la Marque a été employée par des tiers dans un sens descriptif, la Marque n’était pas distinctive des services de la Requérante à la date de premier emploi.

[54]           Il n’y a que de très peu d’éléments de preuve, voir aucun, présentés par l’Opposante qui sont antérieurs à la date de premier emploi de 1976 revendiquée par la Requérante. Dans tous les cas, la question du caractère distinctif n’est pas pertinente en ce qui concerne le présent motif d’opposition. Le fait que d’autres ont peut-être employé des marques similaires à celles de la Requérante n’est pas clairement incompatible avec la revendication de la Requérante voulant qu’elle ait employé la Marque depuis la date revendiquée de premier emploi. 

[55]           Au vu de ce qui précède, je ne suis pas convaincue que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve pour le présent motif d’opposition. Ce motif d’opposition est donc rejeté. 

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 38(2)d)

[56]           Le motif d’opposition de l’Opposante fondé sur l’alinéa 38(2)d) a été plaidé de la manière suivante :

[traduction] En ce qui concerne l’alinéa 38(2)d) et l’article 2 de la Loi, la marque de commerce visé par la demande n’est pas distinctive des services de la Requérante en ce que la marque de commerce ne distingue pas et n’est pas adaptée à distinguer les services de la Requérante de ceux des autres, y compris les services de l’Opposante, au vu, entre autres choses, des marques de commerce employées précédemment au Canada, comme cela a été expliqué précédemment.

 

[57]           À l’audience cependant, l’agent de l’Opposante a fait valoir que la Marque n’est pas distinctive : 1) parce qu’elle donne une description claire des services visés dans la demande; 2) en raison de l’emploi antérieur de marques similaires par l’Opposante et d’autres. Lorsqu’il a été interrogé sur les différences entre le motif tel que plaidé dans la déclaration d’opposition et son argument pour ce motif à l’audience, l’agent de l’Opposante a fait valoir que le motif fondé sur l’alinéa 38(2)d), tel que plaidé, était suffisamment large pour englober une revendication fondée sur l’alinéa 12(1)b). De plus, l’agent de l’Opposante a fait valoir que la déclaration d’opposition doit être considérée dans son ensemble.

[58]           La Cour d’appel fédérale a indiqué dans Novopharm Ltd. c. Astrazeneca AB (2002), 21 C.P.R. (4th) 289 qu’il faut considérer la preuve en conjonction avec les actes de procédure au moment d’analyser le fardeau de preuve dont la Requérante doit s’acquitter. La Cour a également conclu, cependant, que les motifs d’opposition doivent être exposés avec assez de détails pour permettre à la Requérante de répondre. 

[59]           En l’espèce, l’Opposante a invoqué l’alinéa 12(1)b) en tant que motif d’opposition distinct. La preuve de l’Opposante a également montré l’emploi de « dental health month » dans un sens descriptif par différents tiers avant la date pertinente.

[60]           D’un autre côté, l’Opposante n’a produit aucun plaidoyer écrit et ce n’est qu’à l’audience qu’elle a soulevé ce motif distinct fondé sur l’absence de caractère distinctif. 

[61]           Un examen du plaidoyer écrit de la Requérante montre qu’elle n’était pas au courant que l’Opposante avait l’intention de s’appuyer sur ce motif en particulier concernant l’absence de caractère distinctif. La Requérante aurait plutôt été induite en erreur par la référence aux marques de commerce de l’Opposante dans la déclaration d’opposition et elle a présumé que le motif de l’Opposante fondé sur l’absence de caractère distinctif reposait sur une allégation de confusion avec les marques de commerce de l’Opposante. 

[62]           Comme ce n’est qu’après l’étape de la présentation de la preuve en l’espèce que la Requérante a appris que l’Opposante se fondait sur ce motif distinct d’absence de caractère distinctif, je ne considérerai pas ce motif. Par conséquent, je conclus que puisque la Requérante n’a pas été convenablement avisé de l’élargissement du motif, le fait de l’accepter à cette étape‑ci des procédures causerait un préjudice important à la Requérante. Cependant, je précise que l’Opposante peut s’appuyer sur sa preuve d’emploi des mots « dental health month » par des tiers, même si ces parties n’ont pas été identifiées dans la déclaration d’opposition [voir Novopharm Ltd. c. AstraZeneca AB,précité; Novapharm Ltd. c. Astra Akteibolag (2001), 15 C.P.R. (4th) 327 (C.A.F.)].

[63]           Il appartient à la Requérante de démontrer pour ce motif que sa marque distingue véritablement ses marchandises de celles d'autres propriétaires au Canada, ou qu'elle est adaptée à les distinguer : [voir Muffin Houses Inc. c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 272 (C.O.M.C.)]. Pour que le motif d'opposition fondé sur le caractère distinctif soit retenu, il suffit à l'Opposante d'établir qu’à la date pertinente, ses marques de commerce (ou celles des autres) étaient devenues suffisamment connue pour annuler le caractère distinctif de la marque de la Requérante [voir Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44 (C.F. 1re inst.), à la page 58].

[64]           La preuve montre que diverses parties tiers ont employé « dental health month » et d’autres marques similaires en liaison avec la promotion de services de santé dentaire depuis avant la production de la déclaration d’opposition. Cet emploi par d’autres d’une marque semblable au point de créer de la confusion avec des services similaires avant la date pertinente permet à l’Opposante de s’acquitter de son fardeau de preuve.

[65]           En ce qui concerne le fardeau de preuve de la Requérante, cette dernière n’a présenté aucune preuve d’emploi de la Marque au Canada. Il n’y a donc aucune preuve que la Marque distingue vraiment ses services de ceux des autres au Canada. Ce motif d’opposition est donc retenu.

Les autres motifs d’opposition

[66]           Comme trois des motifs d’opposition de l’Opposante ont été accueillis, j’estime qu’il n’est pas nécessaire d’examiner les motifs d’opposition restants.

Décision

[67]           En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués en application du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande conformément aux dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi.

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Cindy R. Folz

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Jean-François Vincent

 

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