Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

                                                                                 Traduction

Référence : 2012 COMC 168

Date de la décision : 2012-08-30

RELATIVEMENT AUX OPPOSITIONS par le Groupe Bikini Village inc. au sujet des demandes 1,376,728 et 1,378,458 concernant les marques de commerce BIKINI BAY et BIKINI BAY Design au nom de Bikini Bay Co. Ltd.

[1]               Le 19 décembre 2007, Bikini Bay Co Ltd. (le Requérant) a déposé la demande d'enregistrement de la marque de commerce BIKINI BAY no 1,376,728, fondée sur son emploi au Canada depuis au moins le 1er mars 2001. La déclaration des marchandises et des services visés dans la demande, tel qu'elle a été révisée le 25 août 2008, est la suivante :

Marchandises : (1) Maillots de bain pour femmes et hommes (sic), vêtements de bain, shorts, cache-maillots; (2) accessoires de mode, nommément lunettes de protection, lunettes de soleil, sacs de plage, bonnets de bain, serviettes de plage; (3) accessoires vestimentaires, nommément chapeaux, casquettes de baseball.

Services : (1) Exploitation de magasins de détail spécialisés dans la vente de maillots de bain pour femmes et hommes (sic), vêtements de bain, shorts, cache-maillots, accessoires de mode, nommément lunettes de protection, lunettes de soleil, sacs de plage, bonnets de bain, serviettes de plage; (2) fabrication de maillots de bain pour femmes et hommes (sic), vêtements de bain, shorts, cache-maillots, accessoires de mode, nommément lunettes de protection, lunettes de soleil, sacs de plage, bonnets de bain, serviettes de plage; (3) importation et distribution de maillots de bain pour femmes et hommes (sic), vêtements de bain, shorts, cache-maillots, accessoires de mode, nommément lunettes de protection, lunettes de soleil, sacs de plage, bonnets de bain, serviettes de plage.

[2]               Le Requérant s'est désisté du droit à l'usage exclusif du mot BIKINI, en dehors de la marque de commerce.

[3]               Le 9 janvier 2008, le Requérant a déposé la demande d'enregistrement de la marque de commerce BIKINI BAY Design (affiché ci-dessous) no 1,378,458, fondée sur son emploi au Canada depuis au moins le 1er mars 2001.

Bikini Bay Design

[4]               La déclaration des marchandises pour la demande numéro 1,378,458, tel qu'elle a été révisée le 25 août 2008, est la même que celle de la demande numéro 1,376,728, mais la déclaration des services est légèrement différente : (1) Exploitation de magasins de détail spécialisés dans la vente de vêtements de bain, de vêtements de plage, d’accessoires de mode et vestimentaires; (2) fabrication de vêtements de bain (sic), de vêtements de plage, d’accessoires de mode et vestimentaires; (3) importation et distribution de vêtements de bain (sic), de vêtements de plage, d’accessoires de mode et vestimentaires.

[5]               Les demandes ont été annoncées en vue de la procédure d'opposition dans le Journal des marques de commerce du 1er octobre 2008 (no 1,378,458) et du 22 octobre 2008 (no 1,375,728).

[6]               Le 1er décembre 2008, le Groupe Bikini Village inc. (l'Opposant) a produit une déclaration d'opposition contre la demande no 1,378,458. Le 22 décembre 2008, l'Opposant a produit une déclaration d'opposition contre la demande no 1,376,728. Les motifs de l'opposition dans chaque déclaration d'opposition, lesquels doivent être lus de pair avec les annexes A et B des présentes, sont essentiellement les mêmes. En résumé, ils allèguent que :

         la demande n'est pas conforme aux exigences prévues aux paragraphes 30(b) et (i) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi);

         la marque de commerce ne peut pas être enregistrée au titre de l'alinéa 12(1)d) de la Loi, puisqu'elle crée de la confusion avec les marques de commerce enregistrées de l'Opposant :


Marque de commerce

Numéro d'enregistrement

BIKINI VILLAGE & DESIGN

TMA319,349

BIKINI VILLAGE

TMA648,662

OCEAN BIKINI VILLAGE

TMA679,246

OCEAN BIKINI VILLAGE (& DESSIN)

TMA679,247

         le Requérant n'est pas la personne qui a droit à l'enregistrement de la marque de commerce au titre de l'alinéa 16(1)a) de la Loi, étant donné la confusion avec les marques de commerce BIKINI VILLAGE et BIKINI VILLAGE & Design (TMA319,349) précédemment utilisées par l'Opposant ou ses prédécesseurs en titre;

         le Requérant n'est pas la personne qui a droit à l'enregistrement de la marque de commerce au titre de l'alinéa 16(1)b) de la Loi, étant donné la confusion avec la marque de commerce BIKINI VILLAGE & Design (TMA319,349) concernant laquelle une demande a déjà été déposée;

         le Requérant n'est pas la personne qui a droit à l'enregistrement de la marque de commerce au titre de l'alinéa 16(1)c) de la Loi, étant donné la confusion avec les marques de commerce BIKINI VILLAGE et OCEAN BIKINI VILLAGE précédemment utilisées par l'Opposant ou ses prédécesseurs en titre;

         la Marque ne présente aucun caractère distinctif au titre de l'article 2 de la Loi.

[7]               Le Requérant a produit et signifié une contre-déclaration le 20 janvier 2009 concernant la demande no 1,378,458 et le 10 février 2009 concernant la demande no 1,376,728, niant les allégations de l'Opposant. Le 10 février 2009, l'Opposant a également produit une contre-déclaration modifiée relativement à la demande no 1,378,458. Après avoir examiné le dossier, j'ai remarqué que la lettre envoyée au nom du Registraire le 24 février 2009 confirme à tort l'acceptation d'une demande modifiée, puisqu'il est évident que la lettre avait pour but l'autorisation de présenter une contre-déclaration le 10 février au titre de l'article 44 du Règlement sur les marques de commerce, DPRS/96-195 (le Règlement).

[8]               À l'appui de chaque proposition, et au titre de l'article 41 du Règlement, l'Opposant a produit l'affidavit de Lise Lahaise, directrice des activités pour l'entreprise de l'Opposant, daté du 26 mai 2009 (l'affidavit Lahaise 2009) et l'affidavit de Jocelyne Genest, technicienne juridique embauchée par l'agent de marques de commerce de l'Opposant, daté du 27 mai 2009. L'Opposant a produit en contre-preuve un deuxième affidavit de Lise Lahaise, daté du 4 mai 2010 (l'affidavit Lahaise 2010) pour chaque opposition, au titre de l'article 43 du Règlement. Les déposants de l'Opposant n'ont pas été contre-interrogés par le Requérant.

[9]               À l'appui de chaque proposition, et au titre de l'article 42 du Règlement, le Requérant a produit l'affidavit de Boris Kisliuk, président de l'entreprise du Requérant, daté du 18 septembre 2009 (l'affidavit Kisliuk 2009) et l'affidavit de Stacey Pompeo, commis juridique embauchée par l'agent de marques de commerce du Requérant, daté du 23 septembre 2009. Au titre de l'article 44 du Règlement, le Requérant a également produit un deuxième affidavit de Boris Kisliuk daté du 9 septembre 2010 (l'affidavit Kisliuk 2010) et l'affidavit de Consuelo Burstin, concepteur Web/gestionnaire de projet pour Burstin Marketing Group Inc., daté du 23 août 2010, comme preuve supplémentaire à l'appui de chaque demande. Les déposants du Requérant n'ont pas été contre-interrogés par l'Opposant.

[10]           Le Requérant et l'Opposant ont tous deux produit des observations écrites pour chaque procédure d'opposition. Conformément à ce qui est brièvement décrit ci-dessous, une question issue des circonstances entourant la production des observations écrites du Requérant a fait l'objet d'une discussion préliminaire lors de l'audience tenue pour les deux procédures d'opposition et les deux parties y étaient représentées.

[11]           Au moment de résumer le dossier de chaque opposition au début de l'audience, j'ai remarqué que le Requérant n'avait produit d'observation écrite que pour la demande numéro 1,378,458. Le Requérant a soutenu qu'il avait produit une observation écrite pour chaque demande et que ces observations écrites étaient essentiellement identiques. Après avoir fait un examen plus approfondi des dossiers, j'ai remarqué que l'observation écrite pour la demande numéro 1,376,728 avait été placée par erreur dans le dossier de la demande numéro 1,378,458 pour des raisons que j'ignore. Or, avant de poursuivre avec l'audience, j'ai donné à l'Opposant l'occasion de revoir l'observation écrite du Requérant concernant la demande numéro 1,376,728. L'Opposant était d'accord pour dire que l'observation écrite était essentiellement identique à celle que le Requérant avait produite pour la demande numéro 1,378,458 et l'Opposant a accepté que l'audience continue.

Obligations et dates critiques

[12]           Il incombe au Requérant de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Toutefois, il revient à priori au Requérant de présenter suffisamment de preuves recevables desquelles on peut raisonnablement conclure que les faits allégués à l'appui de chaque motif d'opposition existent [voir John Labatt Ltd c. Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (C.F. 1re inst.) à 298; et Dion Neckwear Ltd c. Christian Dior, SA (2002), 20 CPR (4e) 155 (CAF)].

[13]           Les dates critiques qui s'appliquent aux motifs d'opposition sont les suivantes :

         alinéa 38(2)a) et paragraphes 30(b) et 30(i), ‑la date de soumission de la demande [voir Georgia-Pacific Corp c. Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC) à 475];

         alinéas 38(2)b)/12(1)d), la date de ma décision ‑[voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)];

         alinéas 38(2)c)/16(1)a), b) et c), la date de premier emploi alléguée;

         alinéa 38(2)d) et article 2, ‑la date de soumission de l'opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c. Stargate Connections Inc (2004), 34 CPR (4e) 317 (CF)];

Analyse des motifs d'opposition

[14]           D'emblée, je rejette de façon sommaire les motifs d'opposition présentés contre chaque demande au titre du paragraphe 30(i) et de l'alinéa 16(1)b), pour les raisons suivantes :

         lorsqu'un requérant présente la déclaration requise en vertu du paragraphe 30(i) de la Loi, ce motif ne doit être accepté que dans des situations exceptionnelles, comme lorsqu'il y a preuve de mauvaise foi de la part du requérant [voir Sapodilla Co Ltd c. Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC) à 155]. Ce n'est pas le cas ici. De plus :

         alinéa 16(1)b), ce motif d'opposition fondé sur la demande précédemment soumise par l'Opposant pour la marque de commerce BIKINI VILLAGE & Design a été invoqué de manière inadéquate. La demande alléguée était déjà parvenue à enregistrement (no TMA319,349) à la date de l'annonce de chaque marque de commerce [voir Governor and Co of Adventurers of England trading into Hudson’s Bay c. Kmart Canada Ltd (1997), 76 CPR (3d) 526 (COMC)].

[15]           Comme la preuve et les observations présentées respectivement par les parties dans chaque procédure sont les mêmes et qu'il n'existe pas de différence importante entre les deux procédures, je vais étudier les deux demandes ensemble pour l'analyse des autres motifs d'opposition. Je ferai référence à l'ensemble des marques de commerce du Requérant en utilisant l'expression « marques BIKINI BAY », et je les distinguerai les unes des autres si je juge qu'il est nécessaire de le faire. En outre, j'utiliserai la forme singulière au moment d'étudier un affidavit à titre de référence aux affidavits essentiellement identiques produits par le déposant dans chaque procédure. Je n'accorderai pas de poids à l'opinion d'un déposant qui demande à ce que les questions de fait et de droit soient tranchées par le Registraire dans le cadre des procédures actuelles.

[16]           Comme j'analyserai les autres motifs d'opposition, bien que ce ne soit pas nécessairement selon leur ordre de présentation, en regard des preuves pertinentes au dossier, je présenterai d'abord des commentaires préliminaires sur la contre-preuve de l'Opposant et sur les preuves supplémentaires fournies par le Requérant.

Remarques préliminaires

Contre-preuve de l'Opposant

[17]           Le Requérant n'a présenté aucune observation quant à la recevabilité de l'affidavit Lahaise 2010 en tant que preuve au titre de l'article 43 du Règlement. Néanmoins, je suis d'avis que je suis habilitée à examiner cette question moi-même, particulièrement étant donné l'exigence juridique voulant qu'une telle une preuve se limite strictement aux matières servant de réponse aux preuves déposées en vertu de l'article 42 du Règlement.

[18]           L'affidavit Lahaise 2010 ne devrait pas servir à combler les lacunes de la preuve de l'Opposant. Toutefois, il ne s'agit pas seulement de déterminer si la preuve aurait pu être incluse dans la preuve de l'Opposant. Il s'agit de déterminer si la preuve répond bien aux questions soulevées dans la preuve déposée par le Requérant en vertu de l'article 42 du Règlement, à savoir l'affidavit Kisliuk 2009 et l'affidavit Pompeo, et si elle permet de répondre aux questions imprévues. Cela dit, à la lumière des observations de l'Opposant, je conclus que l'affidavit Lahaise 2010 ne prétend pas être une réponse à l'affidavit Pompeo, lequel ne fait que présenter en preuve les certificats d'authenticité des demandes originales et modifiées pour chacune des marques BIKINI BAY. Quoi qu'il en soit, j'estime que l'affidavit Lahaise 2010 ne vient pas répondre à l'affidavit Pompeo.

[19]           Au moment de déterminer si l'affidavit Lahaise 2010 répond correctement à l'affidavit Kisliuk 2009, je n'accorde aucune importance à la déclaration du déposant indiquant que son affidavit est déposé en tant que contre-preuve de l'Opposant [para. 7]. Incidemment, cette déclaration ne semble pas concorder avec la déclaration du déposant voulant que l'affidavit soit une suite de son premier affidavit [para. 6]. J'aimerais ajouter que cette dernière déclaration vient sans doute corroborer la conclusion selon laquelle la preuve présentée dans l'affidavit Lahaise 2010 ou une partie de celui-ci pourrait facilement avoir déposée en tant que partie intégrante de la preuve de l'Opposant en vertu de l'article 41 ou avec la permission du Registraire en vertu de l'article 44 du Règlement.

[20]           Comme je n'accorde aucun poids aux opinions du déposant relativement aux questions de fait ou de droit qu'il faut trancher dans le cadre des procédures actuelles, il n'est pas pertinent de déterminer si les déclarations aux paragraphes 22, 31, 39, 48 et 49 de l'affidavit Lahaise 2010 constituent une contre-preuve adéquate. Par souci de commodité, je discuterai à partir d'ici du reste de la preuve en la répartissant en trois catégories, comme dans l'affidavit Lahaise 2010, à savoir la nature des marchandises et des services [para. 10 à 21]; la nature du commerce [para. 23 à 38]; et la notoriété des marques de commerce de l'Opposant [para. 40 à 47].

[21]           Je suis d'avis que la preuve concernant la nature des marchandises et des services ne vient répondre à aucun nouveau fait figurant dans l'affidavit Kisliuk 2009 et pourrait facilement avoir été déposée en tant que partie intégrante de la preuve de l'Opposant. Il en est de même pour une partie de la preuve relative à la nature du commerce [para. 23 à 30] et pour la preuve qui prétend démontrer la notoriété des marques de commerce de l'Opposant à la suite de publicités. Cependant, j'estime que la preuve relative à la nature du commerce présentée aux paragraphes 32 à 38 de l'affidavit Lahaise 2010, laquelle prétend démontrer des cas de confusion, pourrait être admise comme contre-preuve adéquate, étant donné l'essence du témoignage de M. Kisliuk quant à l'absence de cas de confusion [para. 17 et 28 de l'affidavit Kisliuk 2009].

[22]           À la lumière de ce qui précède, je ne tiendrai pas compte, dans mon analyse des motifs d'opposition, de la preuve présentée dans l'affidavit Lahaise 2010 relativement à la nature des marchandises et des services, à la notoriété des marques de commerce de l'Opposant et à la portion de la preuve concernant la nature du commerce. Je ne considérerai que les paragraphes 32 à 38 de l'affidavit Lahaise 2010 en tant que preuve adéquate au titre de l'article 43 du Règlement.

Preuve supplémentaire du Requérant

[23]           Il est évident que l'affidavit Kisliuk 2010 et l'affidavit Burstin produits par le Requérant comme preuve en vertu de l'article 44 du Règlement prétendent répondre aux portions de l'affidavit Lahaise 2010 dont je ne tiendrai pas compte. Par conséquent, les deux affidavits perdent toute leur importance et ne seront pas traités.

Enregistrabilité en vertu de l'alinéa 12(1)d) de la Loi

[24]           L'Opposant a fourni un certificat d'authenticité pour chaque enregistrement allégué à l'appui du motif d'opposition [Pièce JG1 de l'affidavit Genest]. Ayant exercé le pouvoir discrétionnaire du Registraire, je confirme que chaque enregistrement allégué existe en date d'aujourd'hui et donc que l'Opposant s'est acquitté du fardeau initial qui lui incombait aux termes de l'alinéa 12(1)d) de la Loi. Il reste donc à déterminer si le Requérant s'est acquitté de son obligation juridique d'établir, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre les marques BIKINI BAY et l'une ou l'autre des marques de commerce enregistrées de l'Opposant.

[25]           Je crois que la comparaison des marques BIKINI BAY et le mot servant de marque BIKINI VILLAGE (no TMA648,662) de l'Opposant enregistré en association avec les marchandises que sont les « maillots de bain pour femmes et hommes (sic), vêtements de bain, shorts, cache-maillots; vêtements de réchauffement, souliers de danse et ensembles d’exercice; publications imprimées, nommément magazines, calendriers et affiches » et les services touchant « l'exploitation de magasins de vente au détail pour les marchandises susmentionnées » permettra de déterminer efficacement le résultat du motif d'opposition fondé sur le droit d'enregistrement, particulièrement du fait que toute preuve d'utilisation pertinente du dessin de marque BIKINI VILLAGE (TMA319,349) peut servir de preuve d'utilisation du mot servant de marque. Autrement dit, s'il n'y a aucune probabilité de confusion entre les marques BIKINI BAY et le mot servant de marque BIKINI VILLAGE enregistré par l'Opposant, il est peu probable qu'il y ait confusion entre les marques BIKINI BAY et l'une des trois autres marques de commerce enregistrées et alléguées par l'Opposant.

[26]           Le critère relatif à la confusion concerne le principe de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi indique que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[27]           En appliquant le critère relatif à la confusion, je dois tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles précisément énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. Il n'est pas nécessaire que ces facteurs se voient attribuer le même poids. [Voir Mattel, Inc c. 3894207 Canada Inc (2006), 49 CPR (4e) 321 (CSC); Veuve Clicquot Ponsardin v Boutiques Cliquot Ltée et al (2006), 49 CPR (4e) 401 (CSC); et Masterpiece Inc c. Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4e) 361 (CSC) pour consulter une discussion exhaustive sur les principes généraux qui régissent le critère relatif à la confusion.]

[28]           Pour le moment, j'aimerais aborder les observations du Requérant en ce qui concerne le désistement au droit à l'usage exclusif du mot BIKINI dans l'enregistrement présenté par l'Opposant. Je me contenterai de dire que lorsqu'il s'agit d'un motif d'opposition au titre de l'alinéa 12(1)d), un désistement dans la demande ou l'enregistrement n'a que peu, voire aucune conséquence [voir Canadian Tire Corp c. Hunter Douglas Inc (2010), 81 CPR (4e) 304 (COMC) au paragraphe 36].

[29]           Récemment, dans l'affaire Masterpiece, la Cour suprême du Canada a pris en considération l'importance de l'alinéa 6(5)e) au moment d'analyser le risque de confusion (voir le paragraphe 49) :

... le degré de ressemblance, soit le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce même s’il est mentionné en dernier lieu au par. 6(5) ... si les marques ou les noms ne se ressemblent pas, il est peu probable que l’analyse amène à conclure à la probabilité de confusion. En effet, ces autres facteurs ne deviennent importants que si les marques sont jugées identiques ou très similaires... En conséquence, certains prétendent que, dans la plupart des cas, l’étude de la ressemblance devrait constituer le point de départ de l’analyse relative à la confusion [...].

[30]           Par conséquent, je vais maintenant étudier l'évaluation de la probabilité de confusion entre les marques BIKINI BAY et le mot servant de marque BIKINI VILLAGE enregistré par l'Opposant, en tenant compte des circonstances en l'espèce et en commençant par le degré de ressemblance entre les marques.


Le degré de ressemblance entre les marques dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent

[31]           Au moment d'étudier le degré de ressemblance entre les marques, la loi stipule clairement qu'il faut les prendre dans leur totalité; il ne convient pas de placer les marques de commerce côte à côte et de les comparer pour observer des similarités ou des différences entre les éléments ou composantes de chacune. Dans l'affaire Masterpiece, la Cour suprême estime que pour comparer les marques, il est préférable de se demander d'abord si l'un des aspects de celles-ci est particulièrement frappant ou unique [voir Masterpiece au paragraphe 64].

[32]           Habituellement, c'est la première partie d'une marque qui est la plus importante au moment d'établir la distinction entre deux marques. Lors que la première portion, ou la portion dominante, d'une marque est un mot commun descriptif, son importance diminue [voir Conde Nast Publications Inc c. Union des Editions Modernes (1979), 46 CPR (2d) 183 (C.F. 1re inst.); Vancouver Sushiman Ltd c. Sushiboy Foods Co (2002), 22 CPR (4e) 107 (COMC)].

[33]           Dans les cas qui nous occupent, le mot BIKINI peut être considéré comme la première portion dominante de chacune des marques en cause. Toutefois, comme le mot BIKINI est descriptif, on tend à minimiser l'importance du préfixe dans les marques des parties et, de manière accessoire, à cibler davantage les autres composantes. Je reconnais que le mot BAY, lorsqu'on le lit ou qu'on l'entend, ne ressemble pas au mot VILLAGE. Néanmoins, je ne suis pas prête à conclure que le mot BAY est particulièrement « frappant » en tant qu'élément des marques BIKINI BAY puisque dans le contexte des vêtements de bain, il évoque « l'échancrure d'une côte, s'enfonçant dans les terres » [voir Le Larousse].

[34]           Les observations écrites du Requérant n'abordent pas spécifiquement l'idée suggérée par les marques. Dans une observation verbale, le Requérant a indiqué que le mot VILLAGE n'est pas lié à l'eau. L'Opposant soutient que l'idée suggérée est semblable, puisque les mots VILLAGE et BAY laissent entendre l'idée d'un lieu géographique. Je suis d'avis que les observations de l'Opposant ont un fondement.

[35]           Finalement, j'estime qu'il existe un juste degré de ressemblance entre les marques de commerce en cause.

Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[36]           J'évalue le caractère distinctif inhérent des marques BIKINI BAY et de la marque de commerce BIKINI VILLAGE comme étant environ le même dans le contexte des marchandises et des services en cause. Chaque marque de commerce est composée de mots du dictionnaire, l'un desquels décrit un maillot de bain deux pièces pour femme. À mon avis, les caractéristiques du dessin de marque du Requérant n'augmentent pas considérablement son caractère distinctif inhérent. À l'exception du fait que les mots « bikini bay » sont prédominants, les palmiers évoquent des plages tropicales.

[37]           La force d'une marque de commerce peut être accrue si elle devient connue au Canada par la promotion ou l'utilisation. Par conséquent, je devrai maintenant étudier la preuve en tenant compte de la mesure dans laquelle les marques de commerce sont devenues connues au Canada.

[38]           En ce qui concerne la preuve de l'Opposant produite par voie de l'affidavit Lahaise 2009, je remarque d'abord que mon utilisation subséquente des termes « les marques BIKINI BILLAGE » reflète la référence collective du déposant à l'ensemble des marques énumérées à l'annexe A de chaque déclaration d'opposition. De même, mon utilisation subséquente des termes « marchandises et services » reflète la référence collective du déposant aux marchandises et services identifiés dans les enregistrements et la demande de l'Opposant relativement aux marques BIKINI VILLAGE.

[39]           D'après les déclarations de Mme Lahaise, l'entreprise de l'Opposant a été fondée en 1978 [para. 8]. En 1983, le nom de la boutique STUDIO CARMEN, située à Montréal, a été modifié pour BIKINI VILLAGE, devenant ainsi le premier maillon d'une chaîne de boutiques prospères spécialisées dans les vêtements de bain [para. 10]. En 1989, 25 boutiques BIKINI VILLAGE étaient exploitées dans les provinces du Québec et de l'Ontario [para. 11]. En 2009, les activités de l'Opposant se sont développées et il possédait alors 59 boutiques exploitées sous les bannières BIKINI VILLAGE et OCEAN BIKINI VILLAGE (regroupées sous l'appellation « boutiques BIKINI VILLAGE » par le déposant); il y avait 55 boutiques exploitées sous la bannière BIKINI VILLAGE au Québec, en Ontario, en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick, puis 4 boutiques exploitées sous la bannière OCEAN BIKINI VILLAGE au Québec [paragraphes 12 à 16, Pièce LL2]. Les boutiques BIKINI VILLAGE offrent un large éventail de vêtements de bain, d'accessoires de plage et de vêtements de croisière associés aux marques BIKINI VILLAGE de même qu'aux marques les plus populaires de l'industrie [para. 18].

[40]           Afin de démontrer la manière dont les marques BIKINI VILLAGE sont utilisées en lien avec les marchandises et les services ainsi que dans les publicités depuis au moins aussitôt que novembre 1983, l'information suivante est annexée en tant que pièces de l'affidavit : des extraits du magazine Maillots/Swimwear publié entre 1985 et 1999 et du magazine Tropic publié depuis 2006 par l'Opposant; des publicités produites entre 2004 et 2009, y compris des annonces publiées dans des revues et journaux canadiens variés; une promotion par courriel réalisée en 2005; un dépliant distribué dans les boutiques BIKINI VILLAGE expliquant aux clients les façons d'utiliser un sarong; des extraits du site Web de l'Opposant; des articles de papeterie; des copies de photos illustrant les vitrines d'une boutique BIKINI VILLAGE en 1987 et d'une boutique BIKINI VILLAGE en exploitation à la date de l'affidavit; un sac en plastique; des exemples de nouveautés; des images de certaines marchandises et une carte cadeau [paragraphes 24 à 38, Pièces LL4 à LL16].

[41]           Selon la répartition annuelle fournie dans l'affidavit, l'Opposant a dépensé entre 2004 et 2008 un montant total de 4,2 millions de dollars pour la promotion et l'annonce des marchandises et des services associés aux marques BIKINI VILLAGE dans les boutiques BIKINI VILLAGE, sur Internet et dans les médias imprimés; on estime les dépenses pour 2009 à 500 000 $ [para. 40].

[42]           Selon la répartition annuelle fournie dans l'affidavit, les ventes de l'Opposant pour les années 2004 à 2008 s'élèvent à environ 191 millions de dollars [para. 41]. D'après ce que je comprends de la preuve, ces chiffres sont liés aux ventes de vêtements de bain, d'accessoires de plage et de vêtements de croisière associés aux marques BIKINI VILLAGE ainsi qu'aux autres marques de vêtements de bain, d'accessoires de plage et de vêtements de croisière offerts dans les boutiques BIKINI VILLAGE. Autrement dit, il n'y a aucune information concernant le chiffre des ventes de ventes de vêtements de bain, d'accessoires de plage et de vêtements de croisière associés aux marques BIKINI VILLAGE en regard du chiffre des ventes de ces marchandises associées aux autres marques offertes dans les boutiques BIKINI VILLAGE.

[43]           Maintenant, en ce qui a trait à la preuve du Requérant produite par voie de l'affidavit Kisliuk 2009, je remarque d'abord que d'après l'en-tête, les termes « Bikini Bay » sont utilisés tout au long de l'affidavit en référence au Requérant. Cependant, selon une interprétation raisonnable de l'affidavit, il semble que ces termes soient également utilisés par le déposant pour désigner le nom de ses boutiques ou la marque de ses vêtements de bain. Quoi qu'il en soit, toute ambiguïté issue de l'utilisation des termes « Bikini Bay » par le déposant sera résolue au détriment du Requérant; [voir Conde Nast, supra].

[44]           Selon les déclarations de M. Kisliuk, le nom « Bikini Bay » a été choisi par sa mère pour l'ouverture d'une boutique spécialisée exclusivement dans les vêtements de bain et la mode balnéaire. La mère de M. Kisliuk a ouvert « sa première boutique Bikini Bay » à Toronto, avec lui et son père, en avril 1993; une autre boutique a été ouverte à Richmond Hill en juin 1993 [paragraphes 5 et 6]. Le logo créé en 1993, lequel « [traduction] contient le nom de l'entreprise et procure à la personne qui le regarde un sentiment de vacances dans les tropiques » a été placé à l'extérieur de la première boutique. [para. 7, Pièce A]. L'entreprise du Requérant a été constituée en société le 21 novembre 1995 [para. 8].

[45]           M. Kisliuk fournit les adresses de 14 boutiques ouvertes en Ontario par sa mère ou le Requérant entre avril 1993 et avril 2009 [para. 9]. Une carte « grattez et épargnez » utilisée à l'ouverture du point de vente de Toronto en 1996 est jointe à l'affidavit [para. 33, Pièce L]. En avril 2009, on comptait 10 boutiques exploitées par le Requérant en Ontario [para. 10]. M. Kisliuk présente des photos de sacs en plastique utilisés dans chacune des boutiques [para. 33 Pièces Q et R].

[46]           M. Kisliuk affirme que les annonces du Requérant étaient centrées sur « [traduction] les médias imprimés conventionnels ou les publicités à la radio ». Selon la répartition annuelle fournie dans l'affidavit, le Requérant a dépensé au total 56 279 dollars pour ces publicités entre 2004 et 2008 [para. 19]. La copie d'une annonce publiée dans la version du 7 mai 2000 de la section « In Fashion » du Toronto Star  est jointe à l'affidavit [para. 33, Pièce N].

[47]           D'après les déclarations de M. Kisliuk, à l'exception des publicités imprimées et des annonces à la radio, les efforts de marketing du Requérant ont été centrés sur les commandites, particulièrement des commandites de diverses éditions du Toronto Sun  portant sur les maillons de bain et le concours de beauté Miss Canada Globe 2007 [para. 20]. Le Requérant s'est également centré sur le marketing visuel direct, lequel consiste principalement à donner des primes au client, comme des sacs de plage pouvant être transformés en serviette de plage, des casquettes de baseball et des sacs de plage [para. 21 et 33, Pièces C, E et S]. Le montant dépensé par le Requérant entre 2004 et 2008 pour d'autres formes de publicité que les annonces imprimées et à la radio « [traduction] ont été négligeable et n'ont totalisé que quelques centaines de dollars pour chacune de ces années. Plutôt que d'engager d'importantes dépenses, les efforts [du Requérant] étaient centrés sur une commercialisation élargie et sur la publicité croisée par le personnel dans les boutiques » [para. 22]. M. Kisliuk a déposé une copie d'une brochure promotionnelle valide offrant un rabais de 10 % sur l'achat de vêtements; la brochure est remise aux agents de voyage participants qui à leur tour la remettent aux clients qui réservent un forfait vacances [para. 33, Pièce I].

[48]           Selon la répartition annuelle fournie dans l'affidavit, les recettes totales du Requérant pour les exercices financiers de 2004 à 2008 (lesquels se terminent le 31 août) s'élèvent à environ 23 152 192 $ [para. 24]. Je remarque que bien que nous ne sachions par avec certitude s'il fait référence à l'exercice financier ou à l'année civile du Requérant, M. Kisliuk affirme au paragraphe 13 que « [traduction ] en date de 2008, la vente de vêtements de bain Bikini Bay représentait environ 30 % des ventes totales [du Requérant] pour cette année-là ». D'après les déclarations de M. Kisliuk, les ventes d'autres marques de vêtements de bain, qu'il s'agisse des marques du Requérant ou de tiers, représentaient environ 65 % des ventes totales en 2008, ce qui comprend 10 % des ventes de vêtements de bain de marque BODY GLOVE, lesquels sont vendus autant par le Requérant que par l'Opposant [para. 13]. Je vais revenir sur la vente de vêtements de bain BODY GLOVE par les deux parties lorsqu'il sera question de la nature des marchandises et des services offerts par les parties.

[49]           Enfin, M. Kisliuk dépose une copie d'étiquette « [traduction] utilisée par Bikini Bay depuis l'ouverture de sa première boutique en 1992 » (c'est moi qui souligne); l'étiquette originale de la « [traduction] marque de vêtements de bain Bikini Bay [du Requérant] » utilisée depuis 1996 alors que la marque a été introduite jusqu'en 2002; l'étiquette utilisée depuis 2002 et l'étiquette amovible utilisée depuis 2004 pour les « [traduction] vêtements de marque Bikini Bay vendus dans les boutiques [para. 33, Pièces J, K, O et P].

[50]           À mon avis, l'affidavit Kisliuk 2009 de même que l'affidavit Lahaise 2009 sont critiquables, particulièrement si l'on tient compte de la preuve touchant la circulation ou la distribution de matériel publicitaire et promotionnel. En outre, la présentation de la preuve par des références collectives aux marques BIKINI VILLAGE et aux marchandises et services rend discutable l'affidavit Lahaise 2009. Cela dit, je suis en mesure de conclure, à la lumière de la preuve fournie, que la marque de commerce BIKINI VILLAGE de l'Opposant est devenue considérablement connue au Canada, et ce, dans une plus large mesure que les marques BIKINI BAY.

[51]           Au final, je conclus que le caractère distinctif acquis de la marque de commerce BIKINI VILLAGE est supérieur à celui des marques BIKINI BAY. Par conséquent, l'étude globale du premier facteur favorise l'Opposant.


La période pendant laquelle chaque marque de commerce a été en usage

[52]           Les marques BIKINI BAY ont fait l'objet d'une demande d'enregistrement fondée sur l'utilisation au Canada depuis le 1er mars 2001. Toutefois, comme indiqué plus haut, la preuve du Requérant établit que les marques BIKINI BAY auraient été utilisées à priori en association avec l'exploitation d'une boutique de vêtements de bain et de mode balnéaire en avril 1993. Quand même, cette première utilisation ne peut avoir été faite par le Requérant, car la date de constitution en société est le 21 novembre 1995. Au plus, on pourrait raisonnablement conclure à partir de la preuve que le Requérant lui-même aurait d'abord utilisé les marques BIKINI BAY en 1996 lorsqu'il a ouvert le point de vente de Toronto et y a introduit la marque de vêtements de bain BIKNI BAY.

[53]           Cela dit, rien n'indique que la date de premier emploi alléguée dans les demandes relatives aux marques BIKINI BAY, ou celle établie dans la preuve, doit être prise en compte au moment d'évaluer le risque de confusion en vertu de l'alinéa 12(1)d) de la Loi. En effet, l'Opposant est favorisé d'une façon ou d'une autre par ce facteur, puisque sa marque de commerce a été enregistrée sous le numéro TMA648,662 en fonction de son utilisation au Canada depuis au moins aussitôt que novembre 1993, date qui est corroborée par la preuve de l'Opposant.

Le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce

[54]           Au moment d'étudier la nature des marchandises, des services et des activités des parties, ainsi que la nature du commerce des parties, c'est la déclaration des marchandises et des services figurant dans les demandes ainsi que les déclarations des marchandises et des services figurant dans l'enregistrement qui régissent l'évaluation du risque de confusion an vertu de l'alinéa 12(1)d) de la Loi [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c. Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); et Mr Submarine Ltd c. Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF)].

[55]           Le Requérant concède que la nature générale des marchandises des parties, à savoir les vêtements de bain, est la même. Toutefois, il fait valoir qu'il faut prendre en considération le type exact de vêtements de bain. Plus précisément, le Requérant soutient que le paragraphe 10 de l'affidavit Lahaise 2010 établit que les marchandises de l'Opposant comprennent des vêtements de bain vendus aux femmes de 20 à 45 ans, alors que le Requérant souligne qu'environ 70 % de ses marchandises sont vendues à des femmes plus âgées, à des enfants et à des hommes. Je dois noter ici que le paragraphe 10 de l'affidavit Lahaise 2010 fait partie de la contre-preuve dont je ne tiendrai pas compte. Quoi qu'il en soit, je crois que le fait d'exclure de cette preuve n'a aucune conséquence sur l'évaluation du risque de confusion, ne serait-ce que parce que la déclaration des marchandises figurant dans l'enregistrement de l'Opposant couvre les maillots de bain pour hommes et femmes et les vêtements de bain. Le Requérant soutient également que la preuve qu'il a produite détermine qu'il vend des marchandises qui recoupent celles de l'Opposant, mais que ces marchandises chevauchantes ne constituent qu'environ 10 % des ventes du Requérant. Je comprends que la marque de vêtements de bain BODY GLOVE offerte dans les boutiques des deux parties constitue les produits pour lesquels le Requérant reconnaît un chevauchement. Sans vouloir offenser le Requérant, je ne comprends pas comment sa position définitive, à savoir qu'il n'existe qu'un chevauchement sans importance entre les marchandises vendues par les parties, peut être utile en l'espèce.

[56]           Au final, je conclus à l'identité, au chevauchement, à la similarité ou à une relation entre les marchandises enregistrées de l'Opposition, c'est-à-dire les maillots de bain pour hommes et femmes (sic), les vêtements de bain, shorts, cache-maillots; vêtements de réchauffement, [...] et ensembles d’exercice, et les marchandises identifiées dans chaque demande. Pareillement, je conclus à l'identité, au chevauchement, à la similarité ou à une relation entre les services enregistrés de l'Opposant et les services identifiés dans chaque demande.

[57]           La nature du commerce des parties est la même, ce qui n'est pas mis en cause par le Requérant. J'aimerais ajouter que la preuve concerne le fait que trois des boutiques du Requérant sont situées dans des centres commerciaux où se trouve également une boutique exploitée par l'Opposant et que trois autres boutiques du Requérant sont situées à proximité des boutiques de l'Opposant [para. 16 de l'affidavit Kisliuk 2009].

Les circonstances en l'espèce : état du marché et de l'enregistrement

[58]           M. Kisliuk affirme avoir effectué une recherche sur le « site Web canada411.com et a produit la liste de « neuf autres commerces de vêtements de bain dont le nom d'entreprise contient le mot « bikini » [para. 29, Pièce G]. Je n'accorde aucune importance à la recherche du déposant. Je me contenterai de dire qu'il n'existe aucune preuve me permettant de conclure que l'une des neufs entreprises était active à la date de la recherche, information qui est d'ailleurs inconnue, ni à quelque autre moment.

[59]           M. Kisliuk a produit des imprimés de deux enregistrements et de deux demandes concernant des marques de commerce, y compris le mot « bikini », lesquels ont été trouvés lors d'une recherche dans la Base de données des marques de commerce canadiennes, recherche qui a été effectuée à sa demande [para. 30, Pièce H]. La preuve de l'état de l'enregistrement n'est pertinente que dans la mesure où des inférences peuvent en être tirées relativement à  l'état du  marché; des inférences au sujet de l'état du  marché ne peuvent être tirées que lorsqu'un nombre important d'enregistrements pertinents sont localisés [voir Ports International Ltd c. Dunlop Ltd (1992), 41 CPR (3d) 432 (COMC); Welch Foods Inc c. Del Monte Corp (1992), 44 CPR (3d) 205 (C.F. 1re inst.); and Maximum Nutrition Ltd c. Kellogg Salada Canada Inc (1992), 43 CPR (3d) 349 (CAF)]. Même si je conviens que les enregistrements des marques de commerce BIKINI BEACH et SKINBIKINI ainsi que l'application autorisée de la marque de commerce BIKINI BAR sont pertinents, trois marques de commerce ne suffisent pas pour tirer une conclusion quant à l'état du marché.

Circonstances en l'espèce : preuve de confusion réelle

[60]           La preuve présentée par l'Opposant démontrant de réelles situations de confusion est accueillie, à la lumière des paragraphes 32 à 38 de l'affidavit Lahaise 2010, comme une contre-preuve acceptable.

[61]           Le témoignage de Mme Lahaise porte essentiellement sur le fait qu'elle est personnellement au courant de plusieurs cas de confusions survenus au cours des années. Toutefois, comme le présente à juste titre le Requérant, il n'existe aucun détail quant au nombre de tels cas, à leur fréquence ou aux moments où ils seraient survenus, sauf un. L'unique cas documenté de confusion concerne un échange de courriels datant du mois d'avril 2010 entre l'Opposant et un client, relativement à des vêtements de yoga que le client croyait à tort avoir achetés à la boutique de l'Opposant au Upper Canada Mall, l'un des centres commerciaux où les deux parties exploitent une boutique; les vêtements de yoga avaient été achetés à la boutique du Requérant [para. 35, Pièce LL8].

[62]           Le Requérant n'a pas contesté l'admissibilité de la Pièce LL8 comme preuve digne de foi d'un cas de confusion réelle. Le Requérant a plutôt soutenu ceci au paragraphe 34 de son observation écrite : « [traduction]... ce cas isolé de confusion réelle ne suffit pas pour annuler la présomption qu'il n’y a aucun risque de confusion fondé sur l'utilisation depuis longtemps concurrente entre [les marques BIKINI BAY] et les marques de commerce [de l'Opposant] ».

[63]           Il a souvent été dit qu'un opposant n'est pas tenu de prouver des cas de confusion. C'est au requérant qu'il incombe de démontrer l'absence de risque de confusion. Le fait qu'il n'existe aucune preuve de confusion ne libère aucunement le requérant du fardeau de la preuve qui lui revient. Une conclusion défavorable pourrait être tirée de l'absence de preuve d'une réelle confusion dans une situation où les marques coexistent depuis longtemps [voir Mattel Inc, supra à la page 347]. Dès qu'est mentionnée comme un facteur pertinent une longue période de coexistence des marques sur le marché sans indication de cas de confusion, ce facteur n'est pas considéré comme étant déterminant, mais il est simplement utilisé pour appuyer la conclusion du Registraire relativement à l'absence de risque de confusion.

Circonstances en l'espèce : famille de marques de commerce

[64]           L'Opposant présente sa famille de marques de commerce contenant les mots BIKINI VILLAGE comme une situation supplémentaire renforçant le risque de confusion entre les marques de commerce en cause. Toutefois, je ne juge pas nécessaire de tenir compte de cette situation supplémentaire pour statuer en faveur de l'Opposant.

Conclusion quant au risque de confusion

[65]           Il revient au Requérant de démontrer qu'en date d'aujourd'hui, ses marques BIKINI BAY ne pourraient raisonnablement pas créer de la confusion avec la marque de commerce BIKINI VILLAGE de l'Opposant. Cela signifie que le Requérant doit prouver qu'il est plus probable qu'il y ait absence de confusion que présence de confusion.

[66]           En appliquant le critère relatif à la confusion, j'ai étudié la situation sur le principe de la première impression et du souvenir imparfait. Après avoir pris en considération l'ensemble des circonstances en l'espèce, je conclus que le Requérant ne s'est pas acquitté de la responsabilité juridique qui lui incombait. Pour tirer cette conclusion, j'ai tenu compte des éléments suivants : le degré de ressemblance entre la marque de commerce BIKINI VILLAGE et chacune des marques BIKINI BAY; le caractère distinctif acquis de la marque de commerce BIKINI VILLAGE et sa durée d'emploi; l'identité, le chevauchement, la similarité ou la relation entre les marchandises et les services décrits dans chaque demande et certaines marchandises enregistrées de l'Opposant de même que les services enregistrés de l'Opposant; et l'identité des voies commerciales des parties.

[67]           Compte tenu de ce qui précède, le motif d'opposition fondé sur le droit d'enregistrement s'appuyant sur le numéro d'enregistrement TMA648,662 pour la marque de commerce BIKINI VILLAGE est accueilli en regard de chaque demande; je n'aborderai donc pas les autres marques de commerce.


Absence de caractère distinctif

[68]           Le motif d'opposition invoqué concerne la probabilité de confusion entre les marques BIKINI BAY et les marques de commerce et noms commerciaux allégués par l'Opposant dans sa déclaration d'opposition. Pour s'acquitter de son fardeau initial, l'Opposant doit démontrer qu'une ou plusieurs de ses marques de commerce ou noms commerciaux allégués sont devenus suffisamment connus à la date de production de la déclaration d'opposition pour annuler le caractère distinctif de la marque de commerce du Requérant [voir Motel 6, Inc c. No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (C.F.1re inst.); Bojangles’ International, LLC and Bojangles Restaurants, Inc c. Bojangles Café Ltd (2006), 48 CPR (4e) 427 (C.F.)].

[69]           Je suis convaincue que la preuve détermine que la marque de commerce BIKINI VILLAGE de l'Opposant est devenue suffisamment connue en date du 1er décembre 2008 pour annuler le caractère distinctif de la marque de commerce BIKINI BAY Design. De même, la preuve établit que la marque de commerce de l'Opposant est devenue suffisamment connue en date du 22er décembre 2008 pour annuler le caractère distinctif de la marque de commerce BIKINI BAY. En outre, à la lumière des preuves au dossier, l'évaluation de chaque facteur visé au paragraphe 6(5) à la date de production de la déclaration d'opposition plutôt qu'à la date actuelle n'a pas d'incidence considérable sur mon analyse précédente des circonstances en l'espèce pour ces cas.

[70]           Dans la mesure où le motif d'opposition fondé sur le caractère non distinctif relativement à chaque demande s'appuie sur le risque de confusion entre la marque du Requérant et la marque de commerce BIKINI VILLAGE de l'Opposant, j'accepte ce motif pour des raisons semblables à celles présentées relativement au motif d'opposition présenté au titre de l'alinéa 12(1)d).

Autres motifs d'opposition

[71]           Comme j'ai déjà accepté l'opposition à chacune des demandes sur le fondement de deux motifs, je n'aborderai pas les motifs d'opposition fondés sur l'absence de droit à l'enregistrement en vertu des alinéas 16(1)a) et c) de la Loi ni le motif d'opposition fondé sur la non-conformité en vertu du paragraphe 30(b) de la Loi.


Décision

[72]           Conformément aux pouvoirs qui me sont délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette les demandes 1,376,728 et 1,378,548 au titre du paragraphe 38(8) de la Loi.

______________________________

Céline Tremblay

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Sophie Ouellet, trad. a.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.