Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2015 COMC 143

Date de la décision : 2015-08-13

TRADUCTION

 

 

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION

 

 

Score Retail Nederland B.V.

Opposante

et

 

Triple 5 Inc.

Requérante

 

 

 



 

1,503,671 pour la marque de commerce CHASIN

 

Demande

Présentation

[1]               Score Retail Nederland B.V. (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce CHASIN (la Marque) produite le 12 novembre 2010 par Triple 5 Inc. (La Requérante) sur la base de l’emploi projeté en liaison avec :

[Traduction]
Vêtements, nommément chemisiers, tailleurs jupes, nommément jupes et chemisiers, ensembles-pantalons, nommément pantalons et chemisiers, pantalons et vestes; ensembles shorts, nommément shorts et chemisiers, jupes, pantalons, shorts, robes, vestes, blazers, manteaux, foulards, chandails, tee-shirts, gilets, paletots d’auto, trench-coats, combinaisons-pantalons, chapeaux et gants; tricots et ensembles tricotés, nommément chandails et cardigans, chandails, robes en tricot, gilets en tricot, blazers en tricot, chemises, camisoles, chemisiers, caleçons longs, combinaisons, maillots, shorts et chaussettes; cravates, sous-vêtements, sacs de sport tout usage (les Produits).

[2]               L’Opposante a produit une déclaration d’opposition en vertu de l'article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi). Les motifs d’opposition invoqués sont fondés sur les articles : 30i), 16(3)a) et 2 (caractère distinctif). Tous ces motifs portent sur la question de la probabilité de confusion avec la marque de commerce CHASIN’ de l'Opposante. Les motifs d'opposition sont présentés en détail à l'annexe A de la présente décision.

[3]               Pour les raisons exposées ci-après, je rejette l'opposition.

Le dossier

[4]               La demande a été annoncée dans le Journal des marques de commerce du 25 mai 2011. L’Opposante a produit sa déclaration d’opposition le 25 octobre 2011. Le 25 novembre 2011, la Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle conteste chacun des motifs d’opposition invoqués par l'Opposante.

[5]               L’Opposante a produit en preuve les affidavits de Mme Jennifer Leah Stecyk, souscrit le 23 mars 2012, et de M. Johannes Wilhelmus Theodorus Peters, souscrit le 23 mars 2012. J’ai remarqué que l’entête de chacun de ces affidavits fait référence à un numéro de demande d’enregistrement différent de celui assigné à ce dossier. Je suppose qu’une telle différence est due à une erreur typographique.

[6]               La Requérante a produit en preuve l’affidavit de M. Vinit Soni, souscrit le 18 avril 2013.

[7]               M. Peters, Mme Stecyk et M. Soni ont tous été contre-interrogés et les transcriptions de leur contre-interrogatoire ont été versées au dossier.

[8]               Seule la Requérante a produit un plaidoyer écrit; aucune audience n'a été tenue.

Le fardeau de preuve incombant à chacune des parties

[9]               C'est à la Requérante qu'incombe le fardeau ultime de démontrer que sa demande d'enregistrement ne contrevient pas aux dispositions de la Loi, tel qu'il est allégué dans la déclaration d'opposition. Cela signifie que, si une conclusion déterminante ne peut être tirée une fois que toute la preuve a été présentée, la question doit être tranchée à l’encontre de la Requérante. L'Opposante doit, pour sa part, s'acquitter du fardeau de prouver les faits sur lesquels elle appuie ses allégations. Le fait qu’un fardeau de preuve initial soit imposé à l’Opposante signifie qu’un motif d’opposition ne sera pris en considération que s’il existe une preuve suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de ce motif d’opposition [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al. 2002 CAF 291 20 CPR (4th) 155; et Wrangler Apparel Corp c The Timberland Company2005 CF 722 41 CPR (4th) 223].

Remarques préliminaires

[10]           J’aimerais souligner que, pour prendre ma décision, j’ai pris en considération l’ensemble de la preuve au dossier, mais je ne ferai référence qu’aux éléments pertinents de cette preuve produite par les parties dans les motifs de ma décision.

[11]           En l’absence de plaidoyer écrit de la part de l’Opposante ou d’une audience au cours de laquelle l’Opposante aurait pu développer ses arguments basés sur la preuve produite, il est difficile de prédire quels auraient pu être ces arguments. Je tenterai d’associer la preuve au dossier avec les motifs d’opposition soulevés par l’Opposante, s’il y a lieu.

La preuve de l'Opposante

L’affidavit de Mme Stecyk

[12]           Mme Stecyk est une recherchiste en marques de commerce employée par le cabinet d’agents qui agit au nom de l’Opposante au moment de souscrire son affidavit.

[13]           Elle a produit en pièce A de son affidavit un imprimé tiré de la base de données en ligne de l’OPIC des détails de la demande d’enregistrement de la marque de commerce canadienne no 1,549,139 pour la marque de commerce CHASIN’ au nom de l’Opposante.

[14]           Elle déclare que le 21 et le 23 mars 2012, elle a mené des recherches sur Internet à l’aide du moteur de recherche Google dans le but d’obtenir des renseignements au sujet de la marque de commerce CHASIN’ de l’Opposante en entrant le terme « Chasin » ou « chasin’jeans » dans la zone de recherche. Elle a produit en pièce B des copies de pages Web, qui ont été téléchargées et imprimées à ces dates, de certains sites Web qu’elle a personnellement visités parmi ceux énumérés dans les résultats de recherches avec Google.

[15]           Elle a ensuite téléchargé et imprimé le 23 mars 2012 des pages Web du site Web www.jeansonline.com qu’elle a produites en pièce C. Il semble, selon ces pages, qu’un compte peut être créé pour commander des jeans à partir de ce site Web. Certaines des zones pour créer un compte ont été remplies, incluant le nom (« Jane Smith ») avec une adresse de Toronto en Ontario au Canada. De ces extraits, elle conclut que des vêtements en liaison avec la marque de commerce CHASIN’ de l’Opposante sont annoncés et offerts en vente au Canada.

L’affidavit de M. Peters et son contre-interrogatoire

[16]           M. Peters est le directeur de Score Group B.V. Au cours de son contre-interrogatoire, il a expliqué que l’Opposante est une filiale en propriété exclusive de Score Group B.V.

[17]           Il déclare que l’Opposante est située aux Pays-Bas et a, depuis aussi tôt que 1981, été impliquée dans la vente au détail de vêtements et d’accessoires de mode axée particulièrement sur les jeans. Il allègue que l’Opposante possède plusieurs marques de vêtements, mais qu’elle distribue également des vêtements et des accessoires vendus sous des marques de tiers.

[18]           M. Peters déclare également que la marque de commerce CHASIN’ a été adoptée et employée pour la première fois par l’Opposante au moins aussi tôt que 1998 et a été employée de façon continue depuis cette date en liaison avec des jeans, pantalons, vestes, chandails, chemises, tee-shirts, vêtements de tricot, sweat-shirts, chandails à capuchon, ceintures, chapeaux, sous-vêtements et chaussures. La marque de commerce CHASIN’ de l’Opposante a également été employée en liaison avec des services de magasin de détail et des ventes au détail en ligne pendant plus de 10 ans. Il a produit, en pièce A, une liste montrant les détails des enregistrements et des demandes d’enregistrement de l’Opposante pour la marque de commerce CHASIN’ à travers le monde. Je remarque que la demande canadienne no 1,549,139 mentionnée dans l’affidavit de Mme Stecyk est listée dans la pièce A.

[19]           M. Peters allègue que la marque de commerce CHASIN’ est et a été employée par l’Opposante en figurant bien en vue sur des vêtements et des accessoires de mode et/ou sur des pièces, des étiquettes et des étiquettes volantes apposées sur les vêtements et les accessoires de mode. Il a produit en pièce B de son affidavit des imprimés et des copies de photographies qui illustrent la façon dont la marque de commerce CHASIN’ a été employée au cours des dix années précédentes par l’Opposante en liaison avec des vêtements et des accessoires de mode. (Les produits CHASIN’).

[20]           M. Peters a également produit en pièce C de son affidavit des imprimés et des copies de photographies qui illustrent la façon dont la marque de commerce CHASIN’ a été employée au cours des dix années précédentes par l’Opposante en liaison avec des services de magasin de détail se distinguant par la vente de vêtements et d’accessoires de mode et en liaison avec la vente au détail en ligne de ces produits. Il déclare que l’Opposante exploite présentement des magasins de détail CHASIN’ dans divers endroits à travers l’Allemagne, les Pays-Bas et la Belgique. Il ajoute que les produits CHASIN’ sont disponibles dans trente-cinq (35) emplacements de magasin. Je remarque qu’il n’y a aucune référence à des magasins situés au Canada.

[21]                          M. Peters allègue que depuis 1998 et jusqu’à présent, les produits CHASIN’ ont été annoncés et offerts en vente par l’Opposante sur le site Web www.score.nl. En août 2008, l’Opposante a créé un site Web distinct, www.chasin.com, pour faire la promotion des produits CHASIN’. Puis, en décembre 2011, un magasin en ligne dédié uniquement à la vente des produits CHASIN’ a été ajouté au site Web www.chasin.com.

[22]           M. Peters affirme que les ventes des produits CHASIN’ ne se limitent pas aux magasins de détail CHASIN’ ou aux sites Web www.score.ni et www.chasin.com. L’Opposante distribue également ses produits CHASIN’ par d’autres voies et les produits CHASIN’ sont et ont été disponibles depuis bien avant novembre 2010 d’autres sources incluant par l’entremise du site Web www.jeansonline.com, qui expédie au Canada et aux États-Unis.

[23]           M. Peters déclare ensuite que les revenus générés par la vente des produits CHASIN’ de l’Opposante augmentent de façon constante depuis 2008 et dépassaient en mars 2012 48 306 261 €. Il a fourni les détails de ces revenus ventilés par année de 2008 à 2011. Il n’y a cependant aucune référence aux ventes canadiennes. Il fournit également les dépenses publicitaires totales approximatives dédiées à la promotion et l’annonce des produits CHASIN’ de l’Opposante, ventilées par année pour la même période, qui totalisent approximativement 5 millions €; mais ici encore il n’y a aucune référence au Canada.

[24]           M. Peters déclare ensuite qu’une grande visibilité et beaucoup de renseignements sont dédiés aux Produits CHASIN’ sur les sites Web de l’Opposante situés aux www.score.nl et www.chasin.com. Il a produit en pièce D de son affidavit des copies de pages présentant la marque de commerce CHASIN’ téléchargées et imprimées à partir de ces sites Web. Il a également produit en pièce E de son affidavit une copie du manuel de marque CHASIN de l’Opposante qui contient des renseignements et des exemples de matériel promotionnel liés à la marque CHASIN’.

[25]           M. Peters déclare également que les produits CHASIN’ ont aussi été énormément diffusés et annoncés par l’entremise de défilés de mode en direct, de publicités télévisées et sur Internet par Facebook, de même que sur de nombreux sites Web de tiers incluant YouTube.

[26]           Au cours de son contre-interrogatoire, M. Peters a déclaré que :

         L’Opposante avait en 1981 un magasin situé aux Pays-Bas.

         L’Opposante exploite 150 magasins en 2012 : certains sous SCORE et certains sous CHASIN’.

         Aucune des sociétés en exploitation sous le groupe de sociétés Score Group n’exploite de magasins de détail au Canada.

         Score Retail Nederland a employé la marque de commerce CHASIN’ pour la première fois en 1998.

         Il ne pouvait pas répondre à la question concernant des documents qui démontrent des preuves de vente par Jeans on Line (un distributeur) de jeans arborant la marque de commerce CHASIN’ au Canada.

         L’Opposante n’a pas fait de publicité à la radio, à la télévision, dans des journaux ou dans des magazines au Canada, mais déclare qu’elle a annoncé sa marque CHASIN’ sur Internet, qui pouvait être vue au Canada.

         Les images produites en pièce C de son affidavit ne représentent pas un magasin situé au Canada puisqu’il n’y a aucun magasin au Canada exploité par l’Opposante sous la marque de commerce CHASIN’.

         Les articles illustrés sur les différents pages Web en pièce D étaient offerts en vente à l’automne 2011 ou 2012.

         La langue du texte sur les pages produites en pièce D est du néerlandais.

         La pièce E est la bible CHASIN’ de l’Opposante et elle est rédigée en néerlandais. Elle est à usage interne.

         Les défilés de mode en direct mentionnés au paragraphe 11 de son affidavit ont eu lieu à Amsterdam et à Arnhem aux Pays-Bas.

         Les publicités télévisées mentionnées au paragraphe 12 de son affidavit ont été diffusées dans des pays européens.

         L’achalandage et la réputation de la marque de commerce CHASIN’ de l’Opposante au Canada viennent du fait que plusieurs personnes voulaient importer la marque, mais il ne connaît pas le nom de ces personnes et ne sait pas quand de telles demandes ont été formulées.

         Il n’a pas vérifié préalablement sa déclaration voulant que Jeans on Line expédiait des produits au Canada.

La preuve de la Requérante

Affidavit et contre-interrogatoire de M. Soni

[27]           M. Soni est le directeur général et chef de l’exploitation de la Requérante. Il est employé par la Requérante depuis 2001. Il explique d’une manière générale les activités de la Requérante qu’il décrit comme une entreprise familiale dont son père est le président, et au sein de laquelle sa mère, un frère et une sœur sont tous activement impliqués dans les activités. Il déclare que la Requérante fabrique pour le Canada et importe des vêtements qu’elle distribue en gros au Canada et ailleurs en liaison avec une série de marques de commerce dont elle est propriétaire.

[28]           M. Soni explique que chaque vêtement, que la Requérante a fabriqué pour le Canada ou qu’elle importe au Canada, comporte une étiquette de marque de commerce, une étiquette de composition et des étiquettes volantes apposées par le fabricant ou le fournisseur, selon le cas, suivant les instructions et directives de la Requérante.

[29]           M. Soni explique qu’au printemps/été 2010, la Requérante a décidé d’adopter une nouvelle marque de commerce pour une collection de vêtements qu’elle était en processus de créer et de développer. Il déclare qu’une recherche de marques de commerce a été menée dans le but de déterminer si la marque de commerce projetée CHASIN était disponible. Il déclare également qu’une enquête sommaire du marché canadien a été menée, et qu’elle n’a montré aucune preuve d’emploi au Canada de la marque de commerce CHASIN. Ainsi, des directives ont été données de poursuivre la production de la demande d'enregistrement en l’espèce.

[30]           Au cours de son contre-interrogatoire, M. Soni a expliqué dans quelles circonstances la Marque a été choisie et a fourni des détails de ce qu’il qualifie [Traduction] d’« enquête sommaire du marché canadien ».

[31]           M. Soni poursuit en déclarant que, une fois la demande produite, la Requérante a commencé à visiter des détaillants à travers le Canada pour proposer la vente de la collection de vêtements arborant la Marque. Il confirme, après avoir vérifié auprès des représentants de la Requérante, qui ont visité ou qui ont eu des contacts autrement avec des détaillants canadiens, qu’aucun d’entre eux n’avait rencontré qui que ce soit ayant mentionné, de quelque manière que ce soit, aucun autre produit « Chasin ».

[32]           M. Soni affirme que, depuis le 12 novembre 2010, la Requérante a commencé à vendre les Produits en liaison avec la Marque dans l’ensemble du Canada et continue de le faire.

[33]                          Il a joint, en pièce 1 de son affidavit, des exemples du type d’étiquettes et d’étiquettes volantes CHASIN qui seraient apposées sur chaque vêtement offert en vente par la Requérante en liaison avec la Marque, de même qu’une facture choisie au hasard datée du 22 décembre 2011 reçue pour ces étiquettes et étiquettes volantes.

[34]           M. Soni déclare que les Produits arborant la Marque vendus par la Requérante à ses clients leur sont expédiés dans des boîtes arborant la Marque. Il a produit en pièce 2 de son affidavit une photographie d’un échantillon de boîte employée par la Requérante pour expédier les vêtements CHASIN à des acheteurs au détail.

[35]           M. Soni a produit en pièce 3 de son affidavit des bons de commande choisis au hasard émis par la Requérante à MHR FASHION LIMITED, un fabriquant de Dhaka au Bangladesh, de même qu’une série de documents montrant que ces vêtements sont destinés à l’un des acheteurs au détail de la Requérante.

[36]           M. Soni explique que, depuis la production de sa demande, la Requérante a diffusé, auprès de ses acheteurs au détail, des affiches de points de vente présentant la Marque et il a produit, en pièce 5 de son affidavit, des échantillons de telles affiches. Il a également produit, en pièce 7 de son affidavit, une série de documents choisis au hasard montrés à ou diffusés auprès des détaillants à travers le Canada pour informer ces détaillants du type de vêtements que la Requérante offre en vente, et vend, au Canada en liaison avec la Marque.

[37]           M. Soni poursuit en expliquant que la Requérante distribue une liste de collection pour les Produits arborant la Marque qui indique le numéro de modèle actuel et les couleurs dans lesquelles les vêtements illustrés sont disponibles, pour permettre aux acheteurs de détail de choisir les vêtements qu’ils désirent acheter, dans les couleurs sélectionnées et dans les tailles nécessaires. Il produit en pièce 6 une telle liste de collection pour la saison printemps/été 2013.

[38]           M. Soni conclut son affidavit en faisant les déclarations suivantes [Traduction] :

         Depuis la production de la demande en l’espèce par la Requérante, personne, que ce soit un acheteur professionnel ou un consommateur ordinaire, avec lequel la Requérante est régulièrement en contact, n’a jamais suggéré avoir une connaissance quelconque des produits CHASIN qui émanent de quelqu’un d’autre que la Requérante;

         À la fois avant le 12 novembre 2010, la date de production de la demande d’enregistrement en l’espèce no 1,503,671, et depuis lors, des représentants de la Requérante ont eu des échanges avec de nombreux détaillants dans tout le Canada, et personne n’a jamais même fait référence à aucune autre source pour des produits CHASIN;

         Aucun des nombreux détaillants avec lesquels la Requérante a traité avant et depuis le 12 novembre 2010 n’a jamais informé la Requérante qu’aucun de leurs clients avait, d’aucune façon, fait référence à toute autre source de produits CHASIN que les produits CHASIN émanant de la Requérante.

[39]           Au cours de son contre-interrogatoire, M. Soni a déclaré que [Traduction] :

         il n’a pas vu, sur le marché canadien, la marque CHASIN’ de l’Opposante;

         Il a vu la marque à Amsterdam après le début de la procédure d’opposition au cours d’un voyage d’agrément;

         Il a identifié deux clients, nommément L’Aubainerie et Jean Machine à qui les Produits arborant la Marque ont été vendus au Canada;

         Il a confirmé que le dessin de la Marque présenté en pièce 1 de son affidavit a été fait par l’un des designers de la Requérante.

Motif d’opposition fondé sur l’article 30i)

[40]           L’article 30i) de la Loi exige uniquement qu’un requérant se déclare convaincu d’avoir le droit d’employer la marque visée par la demande au Canada en liaison avec les produits et services décrits dans la demande d'enregistrement. Une telle déclaration est comprise dans la présente demande d'enregistrement. Un opposant peut invoquer l’article 30i) dans des cas précis, comme lorsqu’on allègue la mauvaise foi d’un requérant [voir Sapodilla Co Ltd c Bristol Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC)]. Aucune allégation de ce genre n'est faite dans la déclaration d'opposition, et il n'y aucune preuve au dossier à cet effet. M Soni, au cours de son contre-interrogatoire, a expliqué dans quelles circonstances particulières la Marque a été choisie et il a confirmé qu’il n’a jamais vu ou eu connaissance que la marque de commerce CHASIN’ de l’Opposante a été employée au Canada avant la date de production de la demande d’enregistrement. En fait, il a confirmé que la première fois qu’il a vu la marque CHASIN’ de l’Opposante a été au cours d’un voyage d'agrément à Amsterdam après le début de la procédure d’opposition.

[41]           Par conséquent, considérant que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial, ce motif d’opposition est rejeté.

Le motif d’opposition fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement (article 16(3) de la Loi)

[42]           La date pertinente en vertu de ce motif est la date de production de la demande d’enregistrement [voir l’article 16(3) de la Loi].

[43]           Dans sa déclaration d’opposition, l’Opposante allègue que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque puisque, à la date de production de la demande (12 novembre 2010), la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce CHASIN’ de l’Opposante employée ou révélée antérieurement au Canada par l’Opposante.

[44]           Pour les raisons détaillées ci-dessous, je conclus que l’Opposante n’a pas établi l’emploi antérieur de sa marque CHASIN’ au Canada pas plus qu’elle était connue au Canada à la date pertinente.

[45]           L’Opposante ne fait aucune référence précise au Canada dans sa preuve. En fait, comme susmentionné, M. Peters, au cours de son contre-interrogatoire, a confirmé que l’Opposante n’exploite pas de magasins de détail au Canada sous la marque de commerce CHASIN’, pas plus qu’elle n’a annoncé la Marque au Canada dans des journaux, des magazines ou à la télévision ou à la radio. Il mentionne toutefois que des jeans arborant la marque de commerce CHASIN’ ont été vendus en ligne au Canada par l’entremise du site Web www.jeansonline.com. Lorsqu’il a été questionné au sujet de ces ventes au cours de son contre-interrogatoire, il n’était pas personnellement au courant qu’une seule vente ait été faite au Canada par l’entremise d’un tel site, et lorsqu’on lui a demandé de fournir des détails de ventes de jeans arborant la marque de commerce CHASIN’ au Canada par l’entremise de ce site Web, il a déclaré qu’il lui serait impossible de fournir un tel renseignement.

[46]           En ce qui concerne une vente éventuelle faite au Canada à Jane Smith de Toronto en Ontario, qui fait partie de la preuve produite par Mme Stecyk, s’il y a eu vente, elle aurait eu lieu le 23 mars 2012, ce qui est ultérieur à la période pertinente. Par conséquent, je ne peux en tenir compte aux fins de ce motif d’opposition.

[47]           En ce qui concerne le matériel promotionnel joint à l’affidavit de M. Peters (pièce C), il est principalement rédigé dans une langue étrangère, qu’il a identifiée au cours de son contre-interrogatoire comme étant du néerlandais. De plus, nous ne disposons d’aucun renseignement sur le nombre de Canadiens qui auraient vu le matériel produit, lequel provient principalement de divers sites Web.

[48]           Finalement, Mme Stecyk a mené quelques recherches sur Internet les 21 et 23 mars 2012, soit après la période pertinente. Par conséquent, les résultats de ces recherches sont très peu utiles pour l’Opposante.

[49]           En ce qui concerne la possibilité que la marque de commerce CHASIN’ de l’Opposante puisse avoir été révélée au Canada au cours de la période pertinente, je me réfère à la définition d’une marque de commerce « réputée révélée au Canada », énoncée à l’article 5 de la Loi, qui est libellé comme suit [Traduction] :

5. Une personne est réputée faire connaître une marque de commerce au Canada seulement si elle l’emploie dans un pays de l’Union, autre que le Canada, en liaison avec des produits ou services, si, selon le cas :

*       a) ces produits sont distribués en liaison avec cette marque au Canada;

*       b) ces produits ou services sont annoncés en liaison avec cette marque :

o    (i) soit dans toute publication imprimée et mise en circulation au Canada dans la pratique ordinaire du commerce parmi les marchands ou usagers éventuels de ces produits ou services,

o    (ii) soit dans des émissions de radio ordinairement captées au Canada par des marchands ou usagers éventuels de ces produits ou services,

et si la marque est bien connue au Canada par suite de cette distribution ou annonce.

[50]           Ainsi, afin de correspondre à cette définition, l’Opposante devait établir ce qui suit :

1)      Ses produits ou services étaient distribués au Canada en liaison avec sa marque de commerce CHASIN (ce qui n’est pas le cas);

2)      Ses produits ou services étaient annoncés en liaison avec sa marque de commerce CHASIN dans :

a)      toute publication imprimée mise en circulation au Canada (ce qui n’est pas le cas);

b)      des émissions de radio ordinairement captées au Canada (ce qui n’est pas le cas);

3)      Elle est devenue bien connue au Canada par suite de cette distribution ou annonce (ce qui n’est pas le cas).

[51]           Aucune de ces conditions n'a été respectée.

[52]           Dans l’ensemble, je conclus que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial d’établir qu’au 12 novembre 2010, l’Opposante avait employé au Canada la marque de commerce CHASIN’ ou qu’elle était connue des Canadiens à cette date.

[53]           Par conséquent, je rejette ce motif d'opposition.

Motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif

[54]           Ce motif d’opposition doit être évalué à la date de production de la déclaration d’opposition (25 octobre 2011) [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc 2004 CF 1185, 34 CPR (4th) 317 (CF)].

[55]           Dans Bojangles’ International, LLC c Bojangles Café Ltd, 2006 CF 657, 48 CPR (4th) 427, la Cour fédérale a procédé à une analyse exhaustive de Motel 6 Inc c No 6 Motel Limited, [1982]1 CF 638 et E & J Gallo Winery c Andres Wines Ltd [1976] 2 CF 3 et a conclu que [Traduction] :

         Une marque devrait être connue au Canada au moins jusqu'à un certain point pour annuler le caractère distinctif d'une autre marque;

         Subsidiairement, une marque pourrait annuler le caractère distinctif d’une autre marque si elle est bien connue dans une région précise du Canada;

[56]           J’ai examiné, en vertu du motif d’opposition précédent, la preuve de l’Opposante pour déterminer si elle avait employé la marque de commerce CHASIN’ au Canada ou si celle-ci était devenue connue dans une certaine mesure au Canada. La date pertinente la plus rapprochée n’a pas d’incidence significative sur l’examen fait précédemment. J’estime que l’Opposante n’a pas réussi à établir que sa marque de commerce CHASIN’ était connue au Canada dans une certaine mesure ou qu’elle était bien connue dans une région précise du Canada au 25 octobre 2011.

[57]           Dans ces circonstances, je rejette ce motif d'opposition, puisque l'Opposante ne s'est pas acquittée de son fardeau de preuve initial.

Décision

[58]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

_____________________________

Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Nathalie Tremblay, trad.

Agents au dossier

 

Method Law Professional Corporation                                   pour l’Opposante

 

Harold W. Ashenmil                                                                Pour la Requérante


 

Annexe A

Les motifs d’opposition soulevés par l’Opposante sont :

1.              La demande d’enregistrement n’est pas conforme aux exigences de l’article 30i) de la Loi sur les marques de commerce LRC 1985, ch T-13 (la Loi), puisque la Requérante ne pouvait avoir été convaincue d’avoir le droit d’employer la Marque au Canada parce que la Requérante connaissait ou aurait dû connaître l’existence des droits de l’Opposante relativement à la marque de commerce CHASIN’ et que son emploi de la Marque en liaison avec les Produits suggérerait faussement un lien avec l’Opposante et/ou attirerait l’attention du public sur les Produits ou activités de la Requérante de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada entre les produits, services ou activités de la Requérante et les produits, services ou activités de l’Opposante;

2.              En vertu des dispositions de l’article 38(2)c) de la Loi, la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque, parce que, à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce CHASIN’ qui avait été employée antérieurement au Canada et/ou révélée au Canada par l’Opposante en liaison avec une vaste gamme de produits et services et qui n’avait pas été abandonnée par l’Opposante;

3.              Suivant les dispositions de l’article 38(2)d) de la Loi, la Marque n’est pas distinctive de la Requérante, parce qu’elle ne distingue pas, ni n’est adaptée à distinguer, les produits de la Requérante des produits et services de l’Opposante, étant donné l’emploi, la promotion et la révélation antérieurs par l’Opposante au Canada et ailleurs de la marque de commerce CHASIN’ en liaison avec des produits et services et du fait de l'exploitation de longue date par l’Opposante du site Web www.chasin.com. L’Opposante a, depuis au moins aussi tôt que 2000, par l’entremise de son site Web, fourni des renseignements sur des vêtements et des accessoires de mode et offert des services de magasin de détail dans le domaine des vêtements, des chaussures, des jeans et des accessoires de mode et des produits en cuir.

 

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