Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2013 COMC 168

Date de la décision : 2013-10-04

TRADUCTION

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45, engagée à la demande de Miller Thomson LLP, visant l’enregistrement no LMC591375 de la marque de commerce SMARTDESIGN au nom de SmartDesign.com Inc.

[1]               À la demande de Miller Thomson LLP (la requérante), le registraire des marques de commerce a délivré un avis au titre de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce LRC 1985, ch. T-13 (la Loi) le 20 avril 2011 à SmartDesign.com Inc. (l’inscrivante), propriétaire inscrit de l’enregistrement no LMC591375 pour la marque de commerce SMARTDESIGN (la marque).

[2]               La marque est enregistrée pour un emploi en liaison avec les services suivants :

Élaboration de la propriété intellectuelle, nommément élaboration de programmes d’études, élaboration de modèles et de méthodes pour l’enseignement et l’apprentissage, élaboration de nouvelles méthodes commerciales pour le commerce électronique, conception et élaboration de nouveaux régimes et structures de rémunération de société; services de consultation, ateliers et séminaires sur l’utilisation de la propriété intellectuelle élaborée.

[3]               Conformément à l’article 45 de la Loi, le propriétaire de la marque de commerce déposée doit montrer que la marque de commerce a été employée au Canada en liaison avec chaque marchandise et service que spécifie l’enregistrement, à un moment quelconque au cours des trois ans précédant immédiatement la date de l’avis et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. Dans la présente espèce, la période pertinente pour montrer l’emploi de la marque est entre le 20 avril 2008 et le 20 avril 2011.

[4]               Le paragraphe 4(2) de la Loi donne la définition suivante de l'« emploi » en liaison avec des services :

4(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

[5]               Il est bien établi que de simples allégations d’emploi ne suffisent pas pour montrer l’emploi dans le cadre de procédures en vertu de l’article 45 [Plough (Canada) Ltd c. Aerosol Fillers Inc (1980), 53 C.P.R. (2d) 62 (CAF)]. Même si le critère pour établir l’emploi dans ce type de procédures n’est pas exigeant [Woods Canada Ltd c. Lang Michener et al (1996), 71 C.P.R. (3d) 477 (CF)], et qu’une surabondance de preuves n’est pas nécessaire [Union Electric Supply Co c. Canada (registraire des marques de commerce) (1982), 63 C.P.R. (2d) 56 (CF], des faits suffisants doivent être présentés pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec les marchandises et les services mentionnés dans l’enregistrement durant la période pertinente. 

[6]               En ce qui concerne les services, lorsque le propriétaire de la marque de commerce annonce ses services au Canada et qu’il est prêt à les exécuter, l’emploi de la marque de commerce pour annoncer ces services répond aux exigences du paragraphe 4(2) [voir Wenward (Canada) Ltd c. Dynaturf Co (1976), 28 C.P.R. (2d) 20 (RMC)]. Autrement dit, la seule annonce des services au Canada ne suffit pas pour montrer l’emploi; à tout le moins, les services doivent pouvoir être exécutés au Canada. Par exemple, l’emploi d’une marque de commerce au Canada pour annoncer des services seulement disponibles aux États‑Unis ne répond pas aux exigences du paragraphe 4(2) [Porter c. Don the Beachcomber (1966), 48 C.P.R. 280 (C. de l’É.)].

[7]               En réponse à l’avis du registraire, l’inscrivante a produit la déclaration solennelle de Carolyn Hughes, propriétaire de l’inscrivante, faite le 21 novembre 2011. La requérante a déposé des représentations écrites et les deux parties étaient présentes à l’audience.

[8]               Dans sa déclaration, Mme Hughes affirme qu’elle est propriétaire de la marque de commerce déposée et propriétaire de l’inscrivante, et qu’elle emploie le nom commercial « Smart Design » ou « SmartDesign » dans son entreprise depuis 1995 au Canada et aux États‑Unis. Mme Hughes se décrit comme [traduction] « une architecte commerciale spécialisée dans la conception de modèles de gestion pour nouvelles initiatives, notamment : entreprises, organisations et environnements d’apprentissage. » Elle affirme que, durant la période pertinente, l’inscrivante [traduction] « a conçu plus de douze (12) modèles pour de nouvelles initiatives » dans divers « secteurs », notamment l’éducation, la santé, les voyages, les réseaux d’aqueduc et les services de démarrage. Elle déclare que, dans l’entreprise de l’inscrivante, « le processus de démarrage est aussi un de nos produits, alors lorsque nous cherchons des promoteurs, des partenaires et des clients, nous ne menons pas des activités précommerciales, nous menons nos activités commerciales. »

Preuve d’emploi durant la période pertinente

[9]               Dans sa déclaration, Mme Hughes affirme que, durant la période pertinente, l’inscrivante a consulté « des clients pour leur(s) jeune(s) entreprise(s) ». À l’appui, elle fournit des copies de communications par courriel entre elle et plusieurs personnes, constituant les pièces B, D, E, F et G.

[10]           Même si la marque apparaît dans la signature des courriels de Mme Hughes, je remarque qu’aucun des clients ou clients potentiels représentés dans les courriels ne semble résider au Canada. Par exemple, à la pièce B, la preuve indique que le client réside au Nouveau-Mexique; à la pièce G, la preuve indique que le client réside en Inde. 

[11]           À l’audience, Mme Hughes a admis qu’aucun client canadien n’est représenté dans la preuve. À ce titre, les courriels déposés en preuve créent une situation relativement unique, car même si je conclus que les courriels de l’inscrivante constituent l’exécution ou du moins l’annonce des services, ils ne constituent pas l’affichage de la marque au Canada. Par conséquent, la preuve ne suffit pas pour montrer l’emploi de la marque au sens du paragraphe 4(2) de la Loi. 

[12]           Les preuves sont problématiques à d’autres égards. Par exemple, la pièce G, constituée d’un courriel du 18 novembre 2001 envoyé par un client de Chennia, en Inde, [traduction] « décrivant les services exécutés par SmartDesign depuis janvier 2011 jusqu’à maintenant ». Mme Hughes affirme que [traduction] « le client et moi avons jugé qu’aux fins de la présente procédure, il était préférable de produire une lettre au lieu de dizaines de courriels remplis de censures pour protéger des renseignements commerciaux ». Mme Hughes n’atteste pas clairement de la véracité des faits mentionnés dans la lettre et la lettre en soi ne constitue pas une déclaration ou un affidavit fait sous serment. Au lieu d’attester directement des services exécutés par l’inscrivante pour ce client, Mme Hugues fournit une lettre rédigée par son client dont la date est ultérieure à la période pertinente et constituant un ouï-dire à première vue. 

[13]           En outre, je remarque que la pièce E ne constitue qu’une demande de renseignements relative à la vente d’un nom de domaine appartenant à l’inscrivante; elle ne fait pas clairement référence à un des services mentionnés dans l’enregistrement. De la même manière, la pièce F est très censurée; même si Mme Hughes affirme que cette pièce [traduction] « montre comment nous sommes partis d’une demande de renseignements pour réussir à établir un partenariat de conception et un consortium de publicité continus », la plus grande partie de la chaîne de courriels reproduite comporte une date ultérieure à la période pertinente. À ce titre, on ignore quels services mentionnés dans l’enregistrement, le cas échéant, ont été offerts à ce client en particulier durant la période pertinente.

[14]           Malheureusement, même si Mme Hughes a exécuté ses services au Canada durant la période pertinente, elle ne fournit aucune preuve concernant l’affichage ou l’annonce de la marque au Canada. Elle déclare que [traduction] « au fil des ans, nous avons utilisé différentes présentations de la marque, dont certaines sont jointes à titre de pièce A ». La pièce A est constituée de quatre pages comportant différents dessins de la marque SMARTDESIGN. L’une des pages semble être du papier à en‑tête vierge, car le nom, l’adresse et le site Web de l’inscrivante apparaissent dans la partie supérieure de la page. Toutefois, Mme Hughes ne fournit aucun contexte ni précision relativement à l’emploi de ces dessins de marque et, comme le fait remarquer la requérante, du papier à en‑tête vierge n’est pas suffisant pour montrer l’emploi d’une marque de commerce dans l’exécution ou l’annonce de services [d’après Smith, Lyons, Torrance, Stevenson & Mayer c. Pharmaglobe Laboratories Ltd (1996), 75 C.P.R. (3d) 85 (COMC)]. 

[15]           De façon similaire, même si Mme Hughes affirme que l’inscrivante [traduction] « est actuellement propriétaire du nom de domaine SMARTDESIGN.com, .info, .biz, .us, .in et .co, dont les enregistrements relèvent du domaine public », elle ne fournit aucune preuve relative à l’apparence ou au contenu des sites Web de l’inscrivante, durant la période pertinente ou durant une autre période.

[16]           Compte tenu de ce qui précède, je ne peux conclure que l’inscrivante a montré l’emploi de la marque en liaison avec les services au sens des articles 4 et 45 de la Loi.

Circonstances spéciales

[17]           En ce qui concerne la question de savoir si des circonstances spéciales justifient l’absence d’emploi de la marque, Mme Hughes n’aborde pas explicitement la question et déclare que [traduction] « nous avons maintenu nos activités commerciales et nous avons effectivement des preuves d’emploi de la marque durant la période pertinente ». Cependant, elle atteste aussi que la période pertinente [traduction] « correspond à la période pendant laquelle la récession s’est le plus fait sentir pour notre entreprise […] et débute dans un temps où les pistes et les contrats diminuaient à cause de la récession et se termine juste avant une hausse marquée de nos activités commerciales. »  

[18]           En règle générale, trois critères doivent être pris en compte pour décider si des circonstances spéciales justifient l’absence d’emploi, tel qu’énoncé dans Registraire des marques de commerce c. Harris Knitting Mills Ltd (1985), 4 C.P.R. (3d) 488 (CAF). Le premier est la période pendant laquelle la marque de commerce n’a pas été employée, le deuxième est si les motifs de l’absence d’emploi étaient indépendants de la volonté du propriétaire inscrit et le troisième est s’il existe une intention sérieuse de reprendre l’emploi sous peu.

[19]           La décision dans Smart & Biggar c. Scott Paper Ltd (2008), 65 C.P.R. (4th) 303 (CAF) fournit plus de précisions quant à l'interprétation du deuxième critère, en établissant que ce volet du critère doit être satisfait pour conclure que des circonstances spéciales justifient l'absence d'emploi de la marque de commerce. Autrement dit, les deux autres critères sont pertinents, mais ils ne peuvent constituer à eux seuls des circonstances spéciales si on les considère séparément.

[20]           Dans ses représentations écrites, la requérante indique que [traduction] « même si la [déclaration] fait état de la conjoncture économique en général, elle ne mentionne pas en quoi cette conjoncture, qui touche tous les commerçants, a empêché l’inscrivante d’employer sa marque de commerce ». À cet égard, la requérante allègue que [traduction] « lorsque les circonstances invoquées sont indépendantes de la volonté de l’inscrivante, mais qu’elles ne touchent pas seulement l’inscrivante, celle‑ci doit montrer en quoi ces circonstances l’on empêchée d’employer sa marque de commerce » [d’après American Airlines, Inc c. Plan B Strategies Inc (2005), 40 C.P.R. (4th) 269 (COMC)].

[21]           Cette approche est conforme à la décision dans John Labatt Ltd c. The Cotton Club Bottling Co (1976), 25 C.P.R. (2d) 115 (CF), dans laquelle les « circonstances spéciales » sont définies comme des « circonstances anormales, inhabituelles ou exceptionnelles ». Toutefois, les fluctuations du marché qui surviennent lors d’une récession ne sont pas inhabituelles ou exceptionnelles [Lander Co Canada Ltd c. Alex E Macrae & Co (1993), 46 C.P.R. (3d) 417 (CF]. Comme le fait remarquer la requérante, Mme Hughes ne donne aucune explication concernant le défaut apparent d’annoncer les services ou d’en faire la promotion au Canada en liaison avec la marque ou l’effet qu’ont eu les conditions économiques.

[22]           Compte tenu de tout ce qui précède, je ne suis pas convaincu que l’inscrivante a montré que des circonstances spéciales justifient l’absence d’emploi de la marque dans la présente espèce.

Décision

[23]            Par conséquent, en vertu du pouvoir qui m’est conféré par le paragraphe 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera radié conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi.

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Andrew Bene

Agent d’audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

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