Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2010 COMC 73

Date de la décision : 2010-06-10

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Westcan Greenhouses Ltd. à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1297989 pour la marque de commerce PATIO HARVEST au nom de Proven Winners North America LLC

[1]               Le 18 avril 2006, Proven Winners North America LLC [la Requérante] a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce PATIO HARVEST [la Marque] fondée sur l’emploi projeté de la marque au Canada et sur son emploi et enregistrement aux États-Unis d’Amérique sous le numéro 3104758 en date du 13 juin 2006, en liaison avec des plantes vivantes [les Marchandises].

[2]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 31 janvier 2007.

[3]               Le 7 août 2007, Westcan Greenhouses Ltd. [l’Opposante] a produit une déclaration d’opposition. Les motifs d’opposition peuvent être résumés comme suit :

a)      La marque n’est pas enregistrable, ainsi que le prévoit l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 [la Loi], parce qu’elle crée de la confusion avec la marque déposée PATIO PERENNIALS de l’Opposante, enregistrée sous le numéro LMC522921 à l’égard de « plantes vivantes ».

b)      La Requérante n’est pas la personne qui a droit à l’enregistrement de la Marque, suivant les dispositions des alinéas 16(2)a) et 16(3)a) de la Loi, parce qu’avant la date de production de la demande et à cette date, la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce PATIO PERENNIALS de l’Opposante, antérieurement employée au Canada.

c)      La Requérante n’est pas la personne qui a droit à l’enregistrement de la Marque, suivant les dispositions des alinéas 16(2)b) et 16(3)b) de la Loi, parce qu’avant la date de production de la demande et à cette date, la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce PATIO PERENNIALS, à l’égard de laquelle l’Opposante avait antérieurement produit une demande d’enregistrement au Canada.

d)     La Marque n’est pas distinctive, car elle ne permet pas de distinguer les Marchandises des marchandises de l’Opposante ni n’est adaptée à les distinguer ainsi, parce qu’elle crée de la confusion avec la marque de commerce PATIO PERENNIALS de l’Opposante.

[4]               Le 27 septembre 2007, la Requérante a signifié et produit une contre‑déclaration dans laquelle elle nie les allégations de l’Opposante et demande que l’Opposante soit tenue d’en faire la preuve.

[5]               Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit souscrit par Eric E. Voogt le 30 avril 2008, auquel étaient jointes les pièces A à I.

[6]               Au soutien de sa demande, la Requérante a produit l’affidavit souscrit par Anne Muter le 28 août 2008, auquel étaient jointes les pièces A à E.

[7]               Seule la Requérante a produit un plaidoyer écrit. Ni l’une ni l’autre partie n’a demandé la tenue d’une audience.


Preuve

Preuve de l’Opposante : Eric E. Voogt

[8]               M. Voogt est président et directeur de bureau de l’Opposante. Il déclare que l’Opposante exploite une entreprise de serres dont le siège est à Langley (Colombie‑Britannique) depuis plus de 27 ans. M. Voogt déclare également que l’Opposante est propriétaire de la marque de commerce PATIO PERENNIALS, enregistrée sous le numéro LMC522921 à l’égard de « plantes vivantes » [la Marque invoquée] sur la base d’une déclaration d’emploi produite le 19 janvier 2000 (pièce A). M. Voogt affirme que PATIO PERENNIALS est la marque principale de l’Opposante et que celle-ci l’emploie en liaison avec des plantes vivantes depuis le 19 janvier 2000.

[9]               La Requérante a relevé que la preuve de l’Opposante montre principalement la Marque invoquée sous les deux formes illustrées ci‑dessous; à cet égard, je ferai remarquer qu’aucune restriction n’oblige l’Opposante à employer la Marque invoquée sous une forme particulière du fait que l’enregistrement porte sur des mots servant de marque.

                                   

[10]           L’emploi des mots « patio perennials » [vivaces pour patios] comme partie intégrante des dessins montrés ci‑dessus peut être considéré comme un emploi de la Marque invoquée.  

[11]           M. Voogt a joint à son affidavit une copie d’écran de la page d’accueil du site Web de l’Opposante, www.patioperennials.com (pièce B), qui montre la Marque invoquée. Il déclare que le site est accessible partout au Canada et ailleurs, mais ne fournit aucune preuve sur le nombre de Canadiens qui l’ont visité. Sans ce renseignement, on ne peut reconnaître qu’une très faible valeur probante à une preuve de cette nature issue d’Internet [voir la décision Candrug Health Solutions Inc. c. Thorkelson (2007), 60 C.P.R. (4th) 35 (C.F.1re inst.), infirmée par (2008), 64 C.P.R. (4th) 431 (C.A.F.) (Candrug)]. La copie d’écran ne peut servir à prouver la véracité des déclarations qui y sont contenues. Le plus que l’on pourrait déduire de la pièce B de l’affidavit de M. Voogt est que la page d’accueil du site Web de l’Opposante existait à la date où la copie a été imprimée. En l’espèce, cependant, je ne peux même pas faire cette déduction, car la copie d’écran n’est pas datée.

[12]           M. Voogt atteste que l’Opposante vend ses plantes vivantes à des distributeurs et à des grossistes dans toute la Colombie‑Britannique, comme le montre la liste jointe à son affidavit (pièce C). La liste est une copie imprimée tirée du site Web de l’Opposante, aussi ne l’accepterai-je qu’à titre de preuve que le site Web existait le 23 avril 2008, date à laquelle la copie a été imprimée.

[13]           Dans son affidavit, M. Voogt déclare que les produits de l’Opposante sont [traduction] « offerts sur le site Web de l’Opposante ». Cette déclaration est ambiguë. On ne saurait dire si cela signifie que les marchandises de l’Opposante sont offertes à la vente sur le site Web ou si elles y sont seulement annoncées. Même si je tenais compte de la preuve provenant du site Web de l’Opposante présentée dans l’affidavit de M. Voogt, ces documents ne permettent pas de comprendre ce que l’Opposante entendait par cette déclaration. Je ne vois aucun élément, dans les pièces jointes à l’affidavit de M. Voogt, qui démontre que les marchandises de l’Opposante sont proposées à la vente sur le site Web de cette dernière.

[14]           L’affidavit de M. Voogt fournit des détails sur la façon dont les plantes vivantes de l’Opposante sont vendues en liaison avec la Marque invoquée. M. Voogt précise que des étiquettes sont apposées sur les plantes de l’Opposante, lesquelles sont vendues dans des contenants et distribuées dans des boîtes, qui arborent tous la Marque invoquée. Il présente des photographies qui illustrent la façon dont la Marque invoquée est apposée sur les produits et emballages de l’Opposante (pièces D à H). Je remarque qu’aucune de ces photographies n’est datée.

[15]           M. Voogt a aussi annexé à son affidavit une copie d’une brochure qui annonce les plantes vivantes de l’Opposante (pièce I). Bien que la brochure montre la Marque invoquée en de nombreux endroits, cet élément n’est pas reconnu comme un emploi aux termes du paragraphe 4(1) de la Loi, car l’emploi de la Marque invoquée dans la publicité est insuffisant en soi pour constituer un emploi en liaison avec les marchandises [voir BMW Canada Inc. c. Nissan Canada Inc. (2007), 60 C.P.R. (4th) 181 (C.A.F.)].

[16]           M. Voogt affirme en outre qu’il surveille le marché canadien et passe régulièrement en revue la publicité et le marketing de la concurrence, et qu’à son avis, l’Opposante est la seule entreprise au Canada qui emploie la Marque invoquée dans sa publicité ou ses activités de marketing. Je n’accorde aucun poids à l’opinion du déposant à ce sujet.

Preuve de la Requérante : Anne Muter

[17]           Mme Muter, étudiante en stage au service de l’agent de la Requérante, fournit les résultats de recherches effectuées le 27 août 2008 dans la Base de données sur les marques de commerce de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) concernant les marques déposées comportant l’élément PATIO et enregistrées en vue d’être employées en liaison avec des plantes. Elle donne également les résultats de recherches qu’elle a effectuées sur Internet le 28 août 2008 pour repérer des occurrences d’emploi des marques de commerce trouvées dans la Base de données.

Fardeau de preuve

[18]           C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois à l’Opposante de s’acquitter du fardeau initial de produire une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués au soutien de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Limitée c. Les Compagnies Molson Limitée (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), à la page 298].

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d)

[19]           La date pertinente pour l’examen de la confusion entre la Marque et la Marque invoquée, au titre de l’alinéa 12(1)d) de la Loi, est la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et Le registraire des marques de commerce (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)].

[20]           J’ai exercé le pouvoir discrétionnaire conféré au registraire de vérifier que l’enregistrement de la Marque invoquée est en règle à ce jour. L’Opposante ayant satisfait à son fardeau de preuve initial relativement à ce motif d’opposition, il incombe à la Requérante de convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la Marque invoquée.  

[21]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi prévoit que l'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[22]           Dans l'application du test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles qui sont expressément énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, de services ou d'entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent. Il n’est pas nécessaire d’attribuer un poids égal à chacun de ces facteurs. [Voir, en général, Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.)]

6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[23]           Les deux marques de commerce en cause sont composées de deux mots courants du dictionnaire. Comme il m’est loisible d’avoir recours à un dictionnaire pour déterminer la signification de mots, j’ai consulté le Canadian Oxford Dictionary et ai trouvé des définitions pour les mots « patio », « harvest » [récolte] et « perennial » [vivace], énoncées ci‑après [voir Insurance Co. of Prince Edward Island c. Prince Edward Island Insurance Co. (1999), 2 C.P.R. (4th) 103 (C.O.M.C.)].

[24]           Les deux marques en cause comportent le mot PATIO, dont la définition proposée est la suivante : [traduction] : « surface pavée, généralement sans toit, adjacente à une maison et dans le prolongement de celle-ci, qui sert à des activités récréatives extérieures ». Combiné aux mots « plantes vivantes », le mot PATIO évoque l’extérieur. Autrement dit, il pourrait tendre à indiquer que les plantes vivantes des parties sont destinées à être plantées à l’extérieur plutôt qu’à l’intérieur. De plus, je suis d’accord avec la Requérante pour dire que le mot PATIO évoque des plantes vivantes qui conviennent pour les patios.

[25]           Le mot HARVEST est défini comme [traduction] « le processus de cueillette des produits cultivés, etc., la saison où celle-ci est faite », une définition qui ne décrit pas des plantes vivantes. Bien que le mot HARVEST puisse se rapporter généralement à la plantation, à la culture et à la cueillette de plantes, qu’il s’agisse de récoltes agricoles ou autres, le mot n’évoque pas nécessairement la nature ou la qualité des plantes vivantes elles-mêmes.

[26]           Enfin, on propose pour le mot PERENNIALS la définition suivante : [traduction] « (d’une plante) qui dure plusieurs années », une définition qui décrit les marchandises liées à la marque. L’Opposante a reconnu ce caractère descriptif en se désistant de l’usage exclusif du mot PERENNIALS dans son enregistrement de la Marque invoquée.

[27]           Compte tenu de ce qui précède, la Marque, considérée dans son ensemble, possède un caractère distinctif plus marqué que la Marque invoquée.

[28]           Comme une marque de commerce peut acquérir une force accrue en devenant connue au Canada par la promotion ou l’emploi, j’examinerai maintenant la mesure dans laquelle les marques de commerce sont devenues connues au Canada. 

[29]           La Requérante n’a produit aucun élément de preuve se rapportant à l’emploi de la Marque après la production de la demande; de ce fait, je suis incapable de me prononcer sur la mesure dans laquelle la Marque est devenue connue.

[30]           Dans son affidavit, M. Voogt ne présente ni les chiffres d’affaires, ni les dépenses de publicité, ni aucun élément de preuve qui donne un aperçu de la mesure dans laquelle la Marque invoquée est devenue connue. Cela dit, l’affidavit de M. Voogt comporte néanmoins une preuve d’emploi de la Marque invoquée. L’examen de l’ensemble de l’affidavit de M. Voogt me permet de conclure que la Marque invoquée est devenue connue dans une certaine mesure.

Alinéa 6(5)b) – la période pendant laquelle chaque marque de commerce a été en usage

[31]           La demande d’enregistrement de la Marque a été produite le 18 avril 2006 et est fondée à la fois sur l’emploi projeté au Canada et sur l’emploi et l’enregistrement aux États-Unis d’Amérique. La Requérante n’a produit aucun élément de preuve visant à établir l’emploi de la Marque après la production de la demande.

[32]           En revanche, l’Opposante prétend, par l’intermédiaire de l’affidavit de M. Voogt, qu’elle emploie la Marque invoquée au Canada depuis la date de production de la déclaration d’emploi, soit le 19 janvier 2000. Je suis d’avis que l’affidavit de M. Voogt, qui comprend notamment une déclaration assermentée dans laquelle le déposant atteste l’emploi de la Marque invoquée depuis le 19 janvier 2000, établit l’emploi de la Marque. Par conséquent, ce facteur favorise l’Opposante.

Alinéas 6(5)c) et d) – le genre de marchandises et d’entreprises

[33]           Les deux marques en cause se rapportent à des plantes vivantes.

[34]           L’Opposante a présenté une preuve concernant la nature de son commerce. M. Voogt déclare plus particulièrement que l’Opposante exploite une serre où elle vend divers types de plantes vivantes à des distributeurs et des grossistes de toute la Colombie‑Britannique, en liaison avec la Marque invoquée. La Requérante n’a produit aucun élément de preuve quant à la nature de son commerce.  

[35]           Étant donné que les Marchandises sont identiques à celles décrites dans l’état déclaratif des marchandises enregistré de l’Opposante, j’estime qu’il est raisonnable de conclure que les voies de commercialisation des marques de commerce en cause pourraient être identiques ou se chevaucher.

Alinéa 6(5)e) – le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[36]           Dans la plupart des cas, le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son ou dans les idées suggérées est le facteur prédominant, auquel se greffent d’autres facteurs qui jouent un rôle secondaire dans l’ensemble des circonstances de l’espèce [voir Beverly Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstery Ltd. (1980), 47 C.P.R. (2d) 145, conf. par 60 C.P.R. (2d) 70 (C.F. 1re inst.)].

[37]           Il est reconnu que le premier élément d’une marque de commerce est le plus pertinent pour les besoins du caractère distinctif [voir Conde Nast Publications Inc. c. Union des Éditions Modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst.), à la page 188]. Néanmoins, en l’espèce, l’importance du premier élément (PATIO) est diminuée, car il suggère les marchandises qui sont liées à la marque [voir Vancouver Sushiman Ltd. c. Sushiboy Foods Co. (2002), 22 C.P.R. (4th) 107 (C.O.M.C.)]. Partant, l’attention sera axée sur l’élément HARVEST de la Marque, qui présente un caractère distinctif plus marqué. Comme l’a souligné la Cour dans l’arrêt United Artists Corp. c. Pink Panther Beauty Corp. (1998), 80 C.P.R. (3d) 247, à la page 263 (C.A.F.) :

Même s’il faut examiner la marque comme un tout (et non la disséquer pour en faire un examen détaillé), il est tout de même possible d’en faire ressortir des caractéristiques particulières susceptibles de jouer un rôle déterminant dans la perception du public.

[38]           En dernière analyse, lorsque j’examine les marques dans leur ensemble, je conclus qu’il existe une certaine ressemblance dans la présentation et le son étant donné la présence de l’élément PATIO dans chacune des deux marques, mais j’estime que cette ressemblance est atténuée du fait qu’elle procède d’un élément suggestif.

[39]           La Marque suggère l’idée de récolte ou de cueillette de plantes à l’extérieur. La Marque invoquée suggère l’idée de plantes vivaces (qui durent plusieurs saisons) que l’on peut planter à l’extérieur. Par conséquent, il existe un certain chevauchement dans les idées suggérées par l’une et l’autre marque, puisque toutes deux suggèrent des idées liées à l’extérieur et aux plantes. 

Autres circonstances : preuve de l’état du registre et de l’état du marché

[40]           Dans le cadre de l’analyse de la pertinence de la preuve relative à l’état du registre, il convient de souligner que cette preuve n’est pertinente que dans la mesure où il est possible d’en tirer des conclusions sur l’état du marché. Or, on ne peut tirer de conclusions sur l’état du marché que dans les cas où il existe un grand nombre d’enregistrements pertinents [voir Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432, (Ports); Del Monte Corporation c. Welch Foods Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.); Kellogg Salada Canada Inc. c. Maximum Nutrition Ltd. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.)].

[41]           Mme Muter a fait une recherche dans la Base de données de l’OPIC pour repérer des marques déposées comprenant le mot « Patio » en liaison avec des marchandises liées aux plantes.

[42]           Dans son affidavit, Mme Muter fournit des renseignements concernant les enregistrements des quatre marques de commerce suivantes, qui appartiennent à trois entités différentes, selon les résultats de sa recherche en date du 27 août 2008 :

a)      PATIO (LMC325723) – enregistrée le 10 avril 1987 par All Treat Farms Limited, d’Arthur (Ontario) à l’égard, notamment de semences pour gazon, fleurs, légumes et plantes; bulbes de fleurs et de plantes; arbustes et plantes;

b)      PATIOHIT (LMC577189) – enregistrée le 10 mars 2003 par Poulsen Roser ApS of Denmark à l’égard de roses, plantes et fleurs naturelles;

c)      TUDOR PATIO (LMC577424) – enregistrée le 12 mars 2003 par Poulsen Roser ApS of Denmark à l’égard de plantes et fleurs naturelles;

d)     PATIO TROPICS (LMC456701) – enregistrée le 19 avril 2004 par Hines Nurseries Inc. (propriétaire actuel : Hines Horticulture, Inc.) de la Californie à l’égard de plantes vivantes.

[43]           La demande « annoncée » en instance pour la marque PATIO GARDEN qu’a révélée la recherche de Mme Muter n’est pas pertinente pour l’examen de l’état du registre.

[44]           Mme Muter a aussi fait une recherche sur Internet pour repérer des éléments d’information censés démontrer [traduction] « l’emploi actif » des marques de commerce PATIOHIT (LMC577189), PATIO TROPICS (LMC456701) et PATIO GARDEN (pièces C à E).

[45]           Comme pièce C de son affidavit, Mme Muter a joint des copies d’écran de pages tirées des sites Web de Aldershot Greenhouses Ltd. et de Vandermeer Nursery Ltd., qui indiquent toutes deux offrir à la vente en Ontario des roses de marque PATIOHIT. Mme Muter a joint à son affidavit, comme pièce D, une copie d’une page de Yahoo! Canada Finance qui donne des renseignements sur la société Hines Horticulture, Inc., propriétaire de la marque de commerce PATIO TROPICS. Elle a également joint à son affidavit, comme pièce E, des copies d’écran de pages extraites d’un site Web annonçant les plantes de marque PATIO GARDEN.

[46]           Je ferai remarquer que la preuve provenant d’Internet présentée dans l’affidavit de Mme Muter est de peu d’utilité pour la Requérante. En effet, le contenu de ces sites Web constitue une preuve par ouï-dire. De plus, la seule existence d’un site Web ne prouve pas que ce site a été consulté par des Canadiens à quelque moment que ce soit [voir la décision Candrug, précitée]. Par conséquent, la seule conclusion que je peux tirer est que les sites Web introduits comme pièces à l’appui de l’affidavit de Mme Muter (et décrits au paragraphe 45, ci‑dessus) existaient le jour où les extraits ont été imprimés, soit le 23 avril 2008.

[47]           Outre les problèmes liés au ouï-dire qui touchent la preuve provenant d’Internet, l’affichage des marques de commerce sur ces cites Web ne saurait constituer un emploi des marques de commerce au sens du paragraphe 4(1) de la Loi. Plus particulièrement, aucun des sites Web concernés ne montre les marques de commerce PATIOHIT, PATIO TROPICS ou PATIO GARDEN apposées sur les marchandises mêmes (des plantes), imprimées sur leur emballage ou autrement associées aux marchandises.

[48]           Le but visé par la preuve de l’état du registre et de l’état du marché est de démontrer que l’élément PATIO, dans la Marque et la Marque invoquée, est si courant sur le marché que les consommateurs sont habitués à distinguer les différentes marques concurrentes qui comportent cet élément commun et savent que les marchandises et services liés à chacune d’elles proviennent de sources différentes [voir la décision Ports, précitée, et T. Eaton Co. c Viking GmbH & Co. (1998), 86 C.P.R. (3d) 382]. La preuve, en l’espèce, est insuffisante pour me permettre de tirer une telle conclusion, car à mon avis, quatre enregistrements appartenant à trois entités distinctes ne représentent pas un grand nombre d’enregistrements pertinents.

Conclusion relative à l’alinéa 12(1)d) de la Loi

[49]           Compte tenu de ce qui précède, je conclus que la preuve permet de conclure au même degré que les deux marques en cause créent de la confusion et qu’elles ne créent pas de confusion. Comme il incombe à la Requérante d’établir selon la prépondérance des probabilités que la Marque ne crée pas de confusion avec la Marque invoquée, je dois me prononcer contre la Requérante. La preuve de l’état du registre et celle de l’état du marché présentées dans l’affidavit de Mme Muter ne me permettent pas d’accorder à ces circonstances additionnelles une importance suffisante pour faire basculer la prépondérance des probabilités en faveur de la Requérante.  

[50]           Vu ce qui précède, je fais droit au motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) de la Loi. 

 

Motifs d’opposition fondés sur le droit à l’enregistrement

[51]           La date pertinente pour l’examen des motifs d’opposition fondés sur le droit à l’enregistrement est la date de production de la demande d’enregistrement de la Marque, en l’occurrence le 18 avril 2006 [voir les paragraphes 16(2) et 16(3) de la Loi].

[52]           Bien qu’il incombe à la Requérante d’établir, selon la prépondérances des probabilités, qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la Marque invoquée, l’Opposante a le fardeau initial d’établir que la marque de commerce dont elle se réclame au soutien de ses motifs d’opposition fondés sur les alinéas 16(2)a) et 16(3)a) de la Loi était employée à la date de production de la demande et n’avait pas été abandonnée à la date de l’annonce de la demande, soit le 31 janvier 2007 [paragraphe 16(5) de la Loi]. Quant aux motifs d’opposition fondés sur les alinéas 16(2)b) et 16(3)b), l’Opposante doit établir que sa demande en instance avait été produite à la date de production de la demande visant la Marque et qu’elle demeurait en instance à la date de l’annonce de la demande de la Requérante.

Alinéas 16(2)a) et 16(3)a) de la Loi

[53]           Pour établir l’emploi de la Marque invoquée, l’Opposante a produit l’affidavit de M. Voogt, par l’intermédiaire duquel elle affirme employer la Marque invoquée depuis le 19 janvier 2000. Une bonne partie des exemples d’emploi annexés à l’affidavit de M. Voogt ne portent pas de date, de sorte que je ne suis pas en mesure de déterminer si la Marque invoquée était ou non employée à la date pertinente. Seule une des pièces jointes à l’affidavit de M. Voogt, la pièce C, est datée; sur cette pièce figure une liste des distributeurs et grossistes de l’Opposante tirée du site Web de l’Opposante. La page en question porte la date du 23 avril 2008 et on y voit la Marque invoquée. Même si j’étais disposée à conclure, à partir de cette pièce, qu’en date du 23 avril 2008, l’Opposante vendait ses produits liés à la Marque invoquée aux grossistes et distributeurs répertoriés, cette conclusion demeurerait insuffisante pour étayer le motif d’opposition, puisque cette date est postérieure de près de deux ans à la date pertinente, qui est le 18 avril 2006.

[54]           Compte tenu de ce qui précède, je conclus que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de prouver l’emploi de la Marque invoquée avant la date de production de la demande visant la Marque, et en conséquence, je rejette les motifs d’opposition fondés sur les alinéas 16(2)a) et 16(3)a) de la Loi.

Alinéas 16(2)b) et 16(3)b) de la Loi

[55]           Dans sa déclaration d’opposition, l’Opposante justifie ses motifs d’opposition fondés sur les alinéas 16(2)b) et 16(3)b) par une demande [traduction] « antérieurement produite » pour la marque PATIO PERENNIALS, mais elle n’indique pas le numéro de série de cette demande. Suivant l’arrêt Novopharm Limited c. AstraZeneca AB (2002), 21 C.P.R. (4th) 289 (C.A.F.), je dois évaluer le caractère suffisant des actes de procédure en fonction de la preuve soumise. Or, l’Opposante n’a présenté aucune preuve concernant une demande en instance. Même si je déduisais que l’Opposante entendait fonder ces motifs d’opposition sur la demande afférente à la Marque invoquée, cette demande avait abouti à un enregistrement et n’était plus en instance à la date de l’annonce de la demande de la Requérante.

[56]           Par conséquent, je rejette les motifs d’opposition fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement, pour insuffisance des allégations formulées dans les actes de procédure. Subsidiairement, je rejette ces motifs d’opposition parce qu’ils ne constituent pas des motifs d’opposition valables.

Motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif

[57]           Si c’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer que la Marque est adaptée à distinguer, ou distingue véritablement, ses Marchandises de celles d’autres propriétaires au Canada [voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 272 (C.O.M.C.)], l’Opposante doit néanmoins satisfaire au fardeau de preuve initial d’établir les faits sur lesquels elle fonde son opposition quant à l’absence de caractère distinctif. La date pertinente pour l’appréciation du caractère distinctif est la date de production de l’opposition, soit le 7 août 2007 [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.)].

[58]           L’Opposante doit établir qu’à la date de production de la déclaration d’opposition, la Marque invoquée était devenue suffisamment connue pour annuler le caractère distinctif de la Marque [voir Bojangles’ International, LLC c. Bojangles Café Ltd. (2004), 40 C.P.R. (4th) 553, conf. par (2006), 48 C.P.R. (4th) 427 (C.F. 1re inst.); Metro-Goldwyn-Meyer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re inst.); Clarco Communications Ltd. c. Sassy Publishers Inc. (1994), 54 C.P.R. (3d) 418, à la page 431 (C.F. 1re inst.); Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413, à la page 424 (C.A.F.); Re Andres Wines Ltd. et E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, à la page 130 (C.A.F.)].

[59]           L’affidavit de M. Voogt introduit une preuve d’emploi de la Marque invoquée sous forme de photographies de produits et d’emballages des marchandises de l’Opposante arborant la Marque invoquée, mais ces photographies ne sont pas datées. De plus, l’affidavit ne comporte aucun élément de preuve qui me permette de tirer une conclusion quant à la mesure dans laquelle la Marque invoquée était devenue connue (par exemple, des chiffres d’affaires, des dépenses liées à la publicité ou tout autre élément de preuve qui donnerait un aperçu de la mesure dans laquelle la Marque invoquée est devenue connue sur le marché canadien).

[60]           Cela étant, l’Opposante ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer qu’à la date de la production de la déclaration d’opposition, la Marque invoquée était devenue suffisamment connue pour annuler le caractère distinctif de la Marque.

[61]           Compte tenu de ce qui précède, je rejette intégralement le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif.

Décision

[62]           Conformément aux pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande en application du paragraphe 38(8) de la Loi.

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Andrea Flewelling

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 

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