Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2015 COMC 161

Date de la décision : 2015-09-10

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION

 

 

Taste of BC Fine Foods Ltd.

 

Opposante

et

 

Karry Chi-Wai Au-Yeung

Requérant

 

 

 



 

1,559,169 pour la marque de commerce

TASTE OF B.C.

 

 

Demande

[1]               Le 10 janvier 2012, Karry Chi-Wai Au-Yeung (le Requérant) a produit une demande d'enregistrement pour la marque de commerce TASTE OF B.C. (la Marque), qui fait l'objet de la demande no 1,559,169, fondée sur l'emploi projeté en liaison avec ce qui suit [Traduction] :

PRODUITS :

Confiseries à base de fruits, grignotines, nommément croustilles de maïs, croustilles de pommes de terre et mélanges de grignotines à base de fruits, soupes, bœuf séché, poisson fumé, conserves et condiments, nommément moutarde, chutney, confitures, gelées, marmelade et sirop; souvenirs, nommément aimants, cuillères, signets, épinglettes de fantaisie décoratives, pièces de monnaie, appliques, écussons, plaques pour porte-clés, chaînes porte-clés, décalcomanies, autocollants pour pare-chocs, autocollants, fanions en tissu et en papier, drapeaux en tissu et en papier, briquets, gravures, figurines en étain et en jade, grandes tasses à café, verres à liqueur, chopes, salières et poivrières, assiettes, sous-verres, cendriers, repose-cuillères, décorations de Noël, cadres, chandelles, chandeliers et grandes tasses de voyage; articles de papeterie, nommément étuis à crayons, gommes à effacer, crayons, blocs-correspondance, stylos, tampons en caoutchouc, presse-papiers et carnets d'adresses; articles en papier, nommément cartes postales, livres souvenirs, cartes à jouer, affiches, calendriers, carnets, reproductions artistiques, épreuves photographiques, lithographies, reproductions en couleur, photos artistiques, sacs-cadeaux et cartes de souhaits; produits textiles, nommément gants de cuisinier, torchons, cravates, tabliers, sacs en tissu, foulards, napperons, appliques au fer chaud et fourre-tout; bijoux; articles cadeaux en cristal, nommément cristal décoratif avec thèmes ou images d'art autochtone de la côte Ouest, nommément verres, presse-papiers, prismes, sculptures, statues et vases; objets d'art, nommément capteurs de rêves, attrape-soleil, ornements des Premières Nations, masques, plaques et tambours; sculptures, gravures en pierre et en bois ainsi que peintures.

SERVICES :

Services de magasin de vente au détail de produits alimentaires, de souvenirs, d'articles de papeterie, d'articles en papier, de produits textiles, de bijoux, d'articles-cadeaux et d'objets d'art.

[2]               La demande a été annoncée dans le Journal des marques de commerce du 19 septembre 2012.

[3]               La déclaration d'opposition a été produite le 19 novembre 2012. Elle invoque cinq motifs d'opposition en vertu de l'article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch. T‑13 (la Loi) qui peuvent être résumés comme suit :

1. En vertu des articles 38(2)a) et 30e) de la Loi, à la date de production de la demande, le Requérant n'avait pas l'intention d'employer la Marque au Canada en liaison avec tous les Produits et les Services énoncés dans la demande.

2. En vertu des articles 38(2)a) et 30i) de la Loi, le Requérant ne pouvait pas être convaincu et ne peut pas être convaincu de son droit à l'emploi de la Marque au Canada en liaison avec les produits et les services décrits dans la demande, parce que le droit de la société du Requérant d'employer la Marque accordé en vertu d'une licence précédente a pris fin et parce qu'à la date de production de la demande, le Requérant avait connaissance des droits de l'Opposante à l'égard de la Marque et qu'il ne peut réclamer de droit de propriété à l'égard de la Marque.

3. En vertu des articles 38(2)c) et 16(3)a) de la Loi, à la date de production de la demande relative à la Marque, la Marque créait de la confusion avec les marques de commerce TASTE OF B.C., TASTE OF BC et TASTE OF BC & Dessin de l'Opposante (les Marques de l'Opposante), employées antérieurement au Canada par l'Opposante, sa prédécesseure ou les deux en liaison avec bon nombre de produits et services identiques ou semblables.

4. En vertu des articles 38(2)c) et 16(3)c) de la Loi, à la date de production de la demande relative à la Marque, la Marque créait de la confusion avec le nom commercial Taste of BC de l'Opposante, employé antérieurement au Canada par l'Opposante, sa prédécesseure ou les deux.

5. En vertu des articles 38(2)d) et 2 de la Loi, la Marque ne distingue pas ni n'est adaptée à distinguer les produits et services du Requérant des produits et services de tiers, et plus particulièrement des produits et services de l'Opposante, que l'Opposante, sa prédécesseure ou les deux ont vendus ou exécutés en liaison avec les Marques de l'Opposante.

[4]               Le Requérant a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle il conteste l'ensemble des motifs d'opposition.

[5]               Au soutien de son opposition, l'Opposante a produit deux affidavits d'Harold Steven Atkinson, l'un souscrit le 19 juillet 2013 (comme preuve principale) et l'autre souscrit le 18 mars 2014 (comme preuve en réponse), de même qu'un affidavit d'Aleah Nicole Scarfo. M. Atkinson a été contre-interrogé le 25 septembre 2014; des copies de la transcription de son contre-interrogatoire ainsi que ses réponses aux engagements ont été versées au dossier.

[6]               Au soutien de sa demande, le Requérant a produit un affidavit qu'il a lui-même souscrit. Le Requérant n'a pas été contre-interrogé relativement à son affidavit.

[7]               Les parties ont toutes deux produit un plaidoyer écrit et étaient toutes deux représentées à l'audience qui a été tenue le 28 août 2015.

Fardeau de preuve et dates pertinentes

[8]               C'est au Requérant qu'incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L'Opposante a toutefois le fardeau initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l'existence des faits allégués à l'appui de ses motifs d'opposition [voir John Labatt Limited c The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), p. 298].

[9]               Les dates pertinentes qui s'appliquent aux motifs d'opposition sont les suivantes :

1. article 33(2)a)/article 30 – la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469, p. 475 (COMC) et Tower Conference Management Co c Canadian Exhibition Management Inc (1990), 28 CPR (3d) 428, p. 432 (COMC)];

2. articles 38(2)c)/16(3) – la date de production de la demande [voir l'article 16(3) de la Loi];

3. article 38(2)d)/article 2 – la date de production de la déclaration d'opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc (2004), 34 CPR (4th) 317 (CF)].

Remarque préliminaire

[10]           J'aimerais souligner que, si j'ai tenu compte de l'ensemble de la preuve et des observations au dossier, je ne mentionnerai précisément que les parties qui se rapportent directement aux conclusions que j'ai tirées.

Article 30i) de la Loi

[11]           L'article 30i) de la Loi exige simplement que le Requérant se déclare convaincu d'avoir droit d'employer la Marque au Canada en liaison avec les produits et services décrits dans la demande. Une telle déclaration est comprise dans la présente demande. La question est maintenant de savoir s'il était raisonnable que le Requérant soit convaincu d'avoir ce droit.

[12]           Les parties ne sont pas des étrangères lorsqu'il est question de litiges ayant pour objet la marque de commerce TASTE OF BC, tant devant les tribunaux provinciaux de la C.-B. que devant la Commission des oppositions des marques de commerce (demande no 1,435,428 repoussée par le membre Carrière; Taste of BC Fine Foods Ltd c Karry Chi-Wai Au-Yueng 2013 COMC 192). Je résumerai maintenant les faits pertinents tels qu'ils sont énoncés dans la preuve au dossier dont je dispose.

[13]           M. Atkinson allègue que, au printemps 2001, lui et sa femme ont commencé à vendre des produits de saumon fumé aux magasins du « marché » de la gare maritime de la baie Swartz près de Sidney, en Colombie-Britannique, exerçant leurs activités dans la société en nom collectif enregistrée Nachalah Farm. Il affirme que Nachalah Farm a employé la marque de commerce TASTE OF BC au marché de la baie Swartz pendant la haute saison touristique entre avril et octobre de chacune des années 2002, 2003 et 2004 en liaison avec des produits de saumon et de saumon fumé. En 2004, Nachalah Farm a étendu ses activités à l'exploitation d'un deuxième établissement à la gare maritime de la baie Departure à Nanaimo, en Colombie-Britannique, et d'un troisième établissement à la gare maritime de Tsawwassen située à Tsawwassen, en Colombie-Britannique. Il affirme qu'elle a aussi élargi sa gamme de produits pour offrir du [Traduction] « pâté au saumon, soupes et chaudrées, sandwichs roulés, paninis et quiches au saumon ».

[14]           M. Atkinson affirme que le 17 novembre 2004, lui et sa femme ont constitué l'Opposante en société et ont transféré tous les droits à l'égard de la marque de commerce et du nom commercial TASTE OF BC à l'Opposante. M. Atkinson confirme que lui et sa femme ont continué d'exercer un contrôle sur les caractéristiques et la qualité des produits de l'Opposante, ses kiosques de marché de détail et son site Web.

[15]           M. Atkinson affirme que, le 21 juin 2005, l'Opposante a ouvert un magasin de détail et un restaurant-minute au marché du quai de Tsawwassen sous le nom de TASTE OF BC. Il a produit des copies de photographies qu'il a prises de l'enseigne employée dans le magasin en 2005. Il affirme également que l'Opposante a continué à exploiter ses établissements de la baie Swartz et de la baie Departure pendant la haute saison touristique d'avril à octobre. Il affirme que tous les établissements ont présenté une enseigne sur laquelle était inscrit le nom commercial TASTE OF BC.

[16]           M. Atkinson affirme qu'en juin 2008, le Requérant s'est montré intéressé à acheter le magasin TASTE OF BC de l'Opposante situé à Tsawwassen, en C.-B. La preuve montre que le 4 août 2008, la société du Requérant, Delane Industry Co. (Delane) et l'Opposante ont signé un contrat d'achat-vente (CAV) pour l'achat et la vente des actifs du magasin de Tsawwassen de l'Opposante.

[17]           Après la vente du magasin de détail de Tsawwassen à Delane, M. Atkinson affirme que l'Opposante a continué d'exploiter un magasin de détail à la baie Swartz jusqu'en octobre 2009; elle a aussi continué à vendre en ligne ses produits de saumon fumé et ses boîtes-cadeaux jusqu'en 2010, lorsque le site Web a été piraté. Il joint à son affidavit du 19 juillet 2013 des copies du site Web de l'Opposante tel qu'il s'affichait de novembre 2008 à février 2009 (Pièce 25). Il soutient que les imprimés étaient représentatifs de la manière dont le site Web de l'Opposante était présenté jusqu'à la fin de 2009.

[18]           M. Atkinson joint également à son affidavit du 19 juillet 2013 des spécimens d'étiquettes arborant la marque de commerce TASTE OF BC de juin 2005 à octobre 2006 (Pièce 9) de même que des copies du site Web de l'Opposante qui, affirme-t-il, sont représentatives de la manière dont il était présenté de juin 2005 à avril 2009 (Pièce 10). Il joint également des étiquettes, des menus et des tableaux d'affichage employés en liaison avec les produits de saumon fumé, les chaudrées, les mélanges d'épices et les paninis de l'Opposante qui arborent tous la marque TASTE OF BC, telle qu'elle était présentée après décembre 2006 (Pièce 12). Comme preuve des ventes de l'Opposante, M. Atkinson a fourni pendant le contre-interrogatoire des déclarations de TPS faisant état de ventes de plus de 300 000 $ en 2007 et de plus de 150 000 $ en 2008 et des ventes minimales de 2009 à 2012 (les ventes faites après 2010 étant issues de commandes remplies par l'Opposante à la demande directe de clients canadiens et étrangers).

[19]           Les parties ne se sont vraiment pas entendues à propos des détails liés au transfert du magasin de Tsawwassen de l'Opposante à Delane en 2008.

[20]           Dans son premier affidavit, M. Atkinson explique qu'un point de vente au détail au marché du quai de Tsawwassen nécessitait le consentement de la société BC Ferries pour changer de nom et que, par conséquent, dans le cadre de la vente, l'Opposante a octroyé à Delane une licence de six mois l'autorisant à employer le nom commercial et la marque de commerce Taste of BC au point de vente au détail afin de donner le temps à Delane d'obtenir le consentement nécessaire.

[21]           Les clauses 9 et 10a) du CAV, que M. Atkinson joint à son affidavit du 19 juillet 2013, sont libellées comme suit [Traduction] :

9. Conditions – La présente concerne une vente d'actifs seulement. Le Vendeur convient d'accorder une licence d'emploi du nom « Taste of BC » et de toutes les marques de commerce déposées et non déposées liées à la Marque Taste of BC à l'acheteur pendant une période maximale de six mois suivant la date de la signature. Les marques de commerce et les noms commerciaux seront employés dans l'exploitation du magasin Taste of BC au quai de Tsawwassen seulement et ne seront pas apposés sur des produits ou des articles en vente à moins d'une approbation écrite et expresse de Taste of BC Fine Foods Ltd.

10. Généralités – Il n'existe aucune autre garantie, déclaration, promesse ou entente que celles qui sont énoncées aux présentes, lesquelles demeureront toutes en vigueur après la date de la signature.

[22]           Dans son affidavit, le Requérant affirme que, en raison d'une infestation de souris dans son bureau, sa copie du CAV a été détruite et, pour la conclusion de la vente, le Requérant a donc demandé à son avocat de préparer un document d'après sa compréhension de l'entente de principe. Cette entente est jointe comme pièce à l'affidavit du Requérant et, comme on peut le constater ci-dessous, elle n'est pas incompatible avec les conditions du CAV [Traduction] :

1. Nous consentons par les présentes à vendre et à acheter le magasin Taste of BC de Tsawwassen aux prix convenus pour tout le matériel, les améliorations locatives, les décorations pour 50 000 $ et l'équipement de barbecue pour 22 500 $, pour un total de 72 500 $.

2. Delane Industry Co. Ltd. a versé un dépôt de 15 000 $.

3. La date d'acquisition sera fixée au 15 août 2008.

4. À la date d'acquisition, Steve [M. Atkinson] sera autorisé à reprendre tous ses stocks et son système informatique et un congélateur à ouverture supérieure se trouvant dans la zone de stockage à sec.

5. Steve doit nous laisser suffisamment de fournitures pour que nous puissions travailler pendant quelques jours. Comme il est très difficile d'obtenir une approbation de la société de gestion et de BC Ferries, Steve doit par conséquent nous laisser employer l'enseigne du magasin pendant six mois. Après six mois, il peut venir la reprendre.

[23]           Dans son affidavit du 19 juillet 2013, M. Atkinson affirme que, avant l'expiration de la licence prévue dans le CAV, l'Opposante a offert à Delane la possibilité de renouveler la licence. M. Atkinson joint à son affidavit du 19 juillet 2013 une copie d'un document intitulé « Offer to Renew » (Offre de renouvellement) dans lequel il est fait mention de l'expiration de la licence le 15 février 2009. Le Requérant a refusé de signer le renouvellement. En réaction, M. Atkinson a entamé des procédures contre le Requérant à la Cour des petites créances de la C.-B. le 22 avril 2009, s'opposant à l'emploi de la Marque par le Requérant et alléguant la commercialisation trompeuse.

[24]           Le Requérant s'est opposé au fait qu'il y avait déjà eu une licence relative à la Marque octroyée par l'Opposante à la société du Requérant, Delane. Cependant, ainsi qu'il est démontré ci-dessus, même dans son propre souvenir de l'entente, le Requérant mentionne la permission d'employer l'enseigne pendant six mois seulement. Il semble que le Requérant est confus quant au lien entre la permission d'employer l'enseigne et les droits à l'égard de la marque de commerce figurant sur l'enseigne.

[25]           S'il existe une preuve ultérieure dans laquelle il est fait mention de [Traduction] « l'achalandage de l'entreprise » dans la liste des actifs figurant dans une entente datée du 16 août 2008 (Pièce 6 jointe à l'affidavit du Requérant), l'Opposante soulève le point intéressant suivant : si le Requérant croyait réellement qu'il avait acheté l'achalandage attaché à la marque de commerce, pour quelle raison la demande relative à la Marque ne mentionne-t-elle pas l'emploi antérieur par l'Opposante et Delane en tant que prédécesseures en titre?

[26]           Une décision en faveur de l'Opposante a été rendue par la Cour des petites créances de la C.-B. en 2010. Le Requérant a été préclus d'employer la Marque en liaison avec l'exploitation de son entreprise [Taste of BC Fine Foods Ltd c Delane Industry Co Ltd, Jugement de la Cour provinciale de la C.-B. daté du 1er novembre 2010 – joint à l'affidavit du 19 juillet 2013 de M. Atkinson, dans la Pièce 22].

[27]           Un litige subséquent a été engagé par le Requérant à la Cour provinciale de la C.-B. le 6 juillet 2011, pour lequel une décision a été rendue le 18 septembre 2014. Le Requérant soutient que, compte tenu de la décision de 2014 de la Cour provinciale de la C.-B., l'Opposante ne peut revendiquer un droit de propriété à l'égard de la marque de commerce TASTE OF BC.

[28]           En réalité, l'essentiel des observations verbales du Requérant relativement à ce motif d'opposition repose sur la pertinence de cette décision. À l'audience, le Requérant a fait valoir que, à l'époque pertinente, rien n'empêchait le Requérant d'employer la Marque au Canada. Plus précisément, le Requérant soutient que, compte tenu du fait que l'Opposante n'avait pas de marque de commerce déposée et qu'elle avait été précluse par la décision de 2014 de la Cour provinciale de la C.-B. de faire valoir la commercialisation trompeuse contre le Requérant, l'Opposante n'avait plus le contrôle de l'achalandage attaché à la marque de commerce TASTE OF BC.

[29]           Le Requérant soutient également que, même s'il y avait eu un accord de licence (ce que le Requérant nie et affirme plutôt que l'achalandage attaché à la marque de commerce TASTE OF BC en liaison avec le magasin de Tsawwassen a été transféré à Delane), l'Opposante n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'exécuter. Ainsi, le Requérant fait valoir que, à compter de la date à laquelle l'Opposante a déposé sa première demande auprès de la Cour des petites créances de la C.-B., elle a essentiellement abandonné sa capacité de faire valoir la marque de commerce TASTE OF BC.

[30]           L'Opposante soutient que la décision de 2014 de la Cour provinciale de la C.-B. ne devrait pas être admissible et, si elle est admissible, elle ne peut être invoquée comme preuve de la véracité des conclusions de fait qui y sont tirées.

[31]           Je suis d'accord avec l'Opposante sur cette question. En premier lieu, la décision de 2014 de la Cour provinciale de la C.-B. n'a pas été produite en preuve de la bonne manière. Plus précisément, je souligne que, en général, les règles de preuve qui sont applicables à la Cour fédérale du Canada s'appliquent également aux procédures d'opposition. Ainsi, conformément à l'article 23(1) de la Loi sur la preuve au Canada, la preuve d'une procédure ou pièce quelconque d'un tribunal du Canada peut se faire au moyen d'une ampliation ou d'une copie certifiée de la procédure ou pièce. Le Requérant n'a pas fourni une telle preuve de la procédure devant la Cour provinciale de la C.-B.

[32]           En outre, même si le Requérant avait produit cette preuve de la bonne manière, ce type de preuve n'est pas admissible pour établir la véracité de son contenu (c.-à-d. les conclusions de fait), mais sert plutôt à établir qu'une décision a été rendue et que les conclusions tirées dans cette décision reposaient sur la preuve dont disposait le juge dans cette affaire en particulier [voir Novopharm Ltd c Burroughs Wellcome Inc (maintenant inscrite au nom de Glaxo Wellcome Inc) (1999) (demande no 747,265; m.c. : Dessin en forme de bouclier; 28 mai 1999) (COMC); et Scott & Aylen c Nintendo of America Inc (1992), 47 CPR (3d) 102, p. 105 (COMC)].

[33]           Troisièmement, la question en litige dans l'affaire de la Cour provinciale de la C.B. ne serait pas la même que celle que soulève le présent motif d'opposition. Les conclusions du juge dans la procédure devant la Cour provinciale de la C.B. seraient propres aux faits entourant le litige dans lequel les parties se sont engagées sur le marché de la C.-B.

[34]           Compte tenu de ce qui précède, il apparaît clairement que, à la date de production (10 janvier 2012), le droit d'employer la Marque du Requérant et/ou de Delane demeurait en litige dans une procédure engagée devant la Cour provinciale de la C.-B. découlant du transfert des actifs de l'Opposante à Delane en août 2008. De plus, à la date de production, les parties étaient également engagées dans une procédure d'opposition concernant l'autre demande du Requérant relative à la marque de commerce TASTE OF BC (1,435,428), qui a finalement été repoussée par le registraire le 6 novembre 2013.

[35]           La situation en l'espèce est analogue à l'affaire Lifestyles Improvement Centers, LLP c Chorney 2007 CanLII 80905 (COMC). Dans cette affaire, un ancien licencié avait produit une demande d'enregistrement relative à la marque de commerce employée sous licence. Le concédant de licence du requérant a été déclaré en faillite aux États-Unis après que le requérant a produit sa demande d'enregistrement relative à la marque de commerce. L'opposant affirmait être propriétaire des droits sur la marque visée par la demande après avoir acquis les actifs du concédant de licence du requérant dans la procédure de faillite aux É.-U. L'un des contrats signés par le requérant renfermait une clause dans laquelle le requérant s'était engagé à ne pas enregistrer les marques de commerce employées sous licence.

[36]           La membre de la Commission Jill Bradbury a affirmé ce qui suit dans son appréciation du motif d'opposition fondé sur l'article 30i) de la Loi :

[Traduction]
l'alinéa 30i) exige simplement de la requérante qu'elle déclare qu'elle était convaincue qu'elle avait le droit d'employer la Marque au Canada. La présente demande renferme une telle déclaration, mais il est tout de même possible de se demander s'il était raisonnable de la part de la requérante d'être convaincue qu'elle avait ce droit.

[37]           Après avoir examiné les faits pertinents se rapportant à ce motif d'opposition, elle a conclu ce qui suit :

[Traduction]
Cependant, il ressort clairement de la jurisprudence que les licenciés, les distributeurs et autres mandataires ne devraient pas être autorisés à usurper les marques de commerce de leurs mandants [voir par exemple McCabe c Yamamoto & Co (America) (1989), 23 CPR (3d) 498 (C.F.P.I.)]. Je ne veux pas parler de « mauvaise foi » dans les circonstances de l'espèce, car il ne m'apparaît pas clair que Mme Chorney a compris qu'il n'était pas approprié dans son cas de produire la présente demande. Néanmoins, il me semble qu'elle avait un important fardeau, soit celui de démontrer qu'elle pouvait non seulement monopoliser la Marque dans la région où elle peut avoir acquis une réputation, mais aussi la monopoliser dans tout le Canada. J'estime qu'elle ne s'est pas acquittée de ce fardeau. Le motif fondé sur l'alinéa 30i) est par conséquent accueilli.

[38]           La présente espèce est également analogue à l'affaire Biker Rights Organization (Ontario) Inc c Sarnia-Lambton Biker Rights Organization 2012 COMC 189, dans laquelle le requérant était un ancien licencié de l'opposant qui, après avoir déterminé que l'enregistrement relatif à une marque de commerce de l'opposant était expiré, a entrepris de produire une demande relative à la marque en son propre nom. Dans cette affaire, la membre de Paulsen a conclu ce qui suit :

[Traduction]
Bien qu'il se puisse que les dirigeants de la Requérante n'aient pas compris qu'il était inapproprié de présenter une demande, cela n'empêche pas l'Opposante d'avoir raison au motif de l'alinéa 30i) puisque la Requérante ne peut s'acquitter de sa charge de démontrer qu'elle peut déclarer qu'elle était autorisée à employer la Marque au Canada [Lifestyles Improvement Centers, LLP c Chorney (2007), 63 CPR (4th) 261 (COMC) au paragr. 41].

[39]           De même, en l'espèce, je ne veux pas parler de « mauvaise foi » en lien avec la déclaration du Requérant contenue dans sa demande selon laquelle il était convaincu qu'il avait droit d'employer la Marque au Canada.

[40]           En appliquant le principe énoncé dans Chorney ci-dessus, le Requérant avait l'important fardeau de démontrer qu'il pouvait employer la Marque en liaison avec les Produits et les Services au Canada à l'exclusion des tiers, dont l'Opposante. À la date de production de la demande, l'Opposante s'opposait à l'emploi de la Marque par Delane, tant devant la Cour provinciale de la C.-B. que devant la Commission des oppositions des marques de commerce.

[41]           Compte tenu de ce qui précède, notamment de la clause du CAV se rapportant à l'engagement de Delane à ne pas employer la Marque en liaison avec des produits; de l'offre de l'Opposante de renouveler la licence d'emploi de la Marque en liaison avec l'exploitation du magasin de Tsawwassen que le Requérant a refusé de signer; des litiges devant les tribunaux de la C.-B. se rapportant à un différend entre les parties à propos de l'emploi de la Marque, un qui a donné lieu à un jugement contre le Requérant et un autre qui était toujours en instance à la date pertinente, je conclus que le Requérant ne s'est pas acquitté de son fardeau de démontrer que, le 10 janvier 2012, il était raisonnable de sa part de se déclarer convaincu d'avoir droit d'employer la Marque partout au Canada.

[42]           Compte tenu de ce qui précède, ce motif d'opposition est accueilli.

Motifs fondés sur l'absence de droit à l'enregistrement – articles 16(3)a) et c) de la Loi

[43]           L'Opposante a le fardeau initial d'établir l'emploi d'une ou de plusieurs de ses marques de commerce et/ou nom commercial TASTE OF BC invoqués avant la date de production de la demande relative à la Marque (10 janvier 2012), de même que le non-abandon de ses marques/nom invoqués à la date de l'annonce de la demande (19 septembre 2012).

[44]           L'emploi par l'Opposante et sa prédécesseure en titre Nachalah Farm a été exposé en détail ci-dessus dans mon analyse du motif d'opposition fondé sur l'article 30i). J'estime que cette preuve démontre clairement l'emploi par l'Opposante et/ou sa prédécesseure en titre de la marque de commerce et du nom commercial TASTE OF BC en liaison avec divers produits de saumon, l'exploitation d'un magasin de détail et l'offre d'aliments chauds antérieurement à la date de production de la demande relative à la Marque.

[45]           L'Opposante a maintenant le fardeau initial d'établir qu'elle n'avait pas abandonné sa marque de commerce et son nom commercial TASTE OF BC à la date de l'annonce de la demande relative à la Marque. Il est bien établi en droit que, pour établir l'abandon, il faut non seulement une absence de preuve d'emploi, mais également une preuve pouvant étayer une conclusion d'intention d'abandon.

[46]           S'il est vrai que les ventes de produits et de services de l'Opposante en liaison avec la marque de commerce et le nom commercial TASTE OF BC avaient nettement diminué à la date de l'annonce de la demande, l'Opposante explique les raisons de cette baisse des ventes. M. Atkinson explique que les stocks de saumon avaient diminué et qu'il a commencé à avoir de la difficulté à conserver des stocks dans ses magasins. En réaction, les dirigeants de l'Opposante ont constitué la société Taste of BC Aquafarms et ont investi des fonds dans l'établissement d'une entreprise aquacole terrestre. Les dirigeants de l'Opposante se sont ensuite concentrés sur l'entreprise aquacole et ont seulement maintenu des ventes minimales de produits par l'entremise de l'Opposante à la demande directe de clients canadiens et étrangers. En contre-interrogatoire, M. Atkinson a fait valoir que Taste of BC Aquafarms Inc. a commencé à pêcher du poisson en janvier 2014 et il a confirmé les plans de l'Opposante de produire des produits de saumon fumé et de rouvrir un magasin touristique.

[47]           Il apparaît donc clairement que l'Opposante n'avait pas l'intention d'abandonner la marque de commerce et le nom commercial TASTE OF BC; au contraire, elle avait plutôt la ferme intention de reprendre l'emploi en liaison avec des produits du saumon et l'exploitation d'un magasin de détail dès que les stocks de saumon seraient rétablis.

[48]           Compte tenu de ce qui précède, j'estime que l'Opposante s'est acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait à l'égard de ce motif d'opposition. Je dois maintenant déterminer si le Requérant s'est acquitté du fardeau de démontrer qu'il n'existe pas de probabilité de confusion selon la prépondérance des probabilités.

[49]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. L'article 6(2) de la Loi porte que l'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[50]           Lorsqu'il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles expressément énoncées à l'article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent. Le poids qu'il convient d'accorder à chacun de ces facteurs n'est pas nécessairement le même. [Voir, de manière générale, Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc (2006), 49 CPR (4th) 321 (CSC) et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 96 CPR (4th) 361 (CSC).]

[51]           En l'espèce, j'estime qu'il n'est pas nécessaire de procéder à une analyse approfondie de la confusion. Les marques des parties sont presque identiques, la seule différence étant la présence de points entre les lettres B et C dans la Marque (il n'y a pas de point entre ces lettres dans la marque de commerce TASTE OF BC de l'Opposante). L'Opposante a fourni une preuve d'emploi de la marque de commerce et du nom commercial TASTE OF BC de l'Opposante en liaison avec certains des Produits et Services, et j'accepte la prétention de l'Opposante selon laquelle les autres produits sont tous de nature à être vendus dans le type de magasin touristique de détail pour lequel l'Opposante a établi l'emploi. De plus, les voies de commercialisation des parties sont identiques, les parties étant toutes deux engagées dans le commerce touristique dans les gares maritimes de la C.-B.

[52]           Compte tenu de ce qui précède, j'estime que le Requérant ne s'est pas acquitté de son fardeau de démontrer qu'il n'existe pas de probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce et le nom commercial TASTE OF BC de l'Opposante, et ce motif d'opposition est par conséquent accueilli.

Autres motifs

[53]           Comme j'ai déjà repoussé la demande relative à la Marque pour deux motifs d'opposition, j'estime qu'il n'est pas nécessaire que j'examine les autres motifs d'opposition.

Décision

[54]           Dans l'exercice des pouvoirs qui me sont délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d'enregistrement au titre de l'article 38(8) de la Loi.

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Andrea Flewelling

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Marie-Pierre Hétu, trad.

Date de l'audience : 2015-08-28

 

Comparutions

 

Kristi Zychowka                                                                      Pour l'Opposante

 

James Wagner                                                                          Pour le Requérant

 

Agents au dossier

 

Lamarche & Lang                                                                    Pour l'Opposante

 

Magellan Law Group LLP                                                      Pour le Requérant

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