Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2016 COMC 180

Date de la décision : 2016-11-21
[TRADUCTION CERTIFIÉE,
NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

 

Les Espaces Memoria Inc.

Opposante

et

 

Star-Jet Jewellers Ltd.

Requérante

 

 

 



 

1,655,159 pour la marque de commerce Memoria Imprints

 

Demande

Introduction

[1]        Les Espaces Memoria Inc. (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce Memoria Imprints (la Marque).

[2]        La demande vise des bijoux (les Produits) ainsi que les services suivants [Traduction] :

Gravure au laser d’empreintes digitales, d’empreintes de la main et d’empreintes de pattes sur des bijoux. Vente en gros de bijoux à des bijoutiers, à des fabricants de bijoux, à des créateurs de bijoux, à des orfèvres et à d’autres points de vente au détail, vente de bijoux au détail, marketing de bijoux de tiers au moyen de publicités dans des magazines, de brochures et de vidéos promotionnelles (les Services).

[3]        La demande a été produite par Star-Jet Jewellers Ltd. (la Requérante) le 9 décembre 2013 sur la base de l’emploi projeté au Canada.

[4]        Pour les raisons exposées ci-dessous, je repousse la demande.

Le dossier

[5]        La demande a été annoncée dans le Journal des marques de commerce du 29 octobre 2014.

[6]        Le 23 décembre 2014, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi). Les motifs d’opposition invoqués sont fondés sur les articles suivants : 30 (exigences), 12(1)d) (enregistrabilité), 16(3) (absence de droit à l’enregistrement) et 2 (caractère distinctif).

[7]          Le 9 mars 2915 [sic], la Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle conteste chacun des motifs d’opposition invoqués par l’Opposante.

[8]        Comme preuve, l’Opposante a produit l’affidavit de Jocelyne Dallaire Légaré, qui est daté du 30 juillet 2015, alors que la Requérante a choisi de ne produire aucune preuve.

[9]        Seule l’Opposante a produit un plaidoyer écrit et était représentée à l’audience.

Le fardeau de preuve incombant à chacune des parties

[10]    C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer que sa demande ne contrevient pas aux dispositions de la Loi, tel qu’il est allégué dans la déclaration d’opposition. Cela signifie que, s’il est impossible d’arriver à une conclusion déterminante une fois que toute la preuve a été présentée, la question doit être tranchée à l’encontre de la Requérante. L’Opposante doit, pour sa part, s’acquitter du fardeau initial de prouver les faits sur lesquels elle fonde ses allégations. Le fait qu’un fardeau de preuve initial soit imposé à l’Opposante signifie qu’un motif d’opposition ne sera pris en considération que s’il existe une preuve suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de ce motif d’opposition [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al 2002 CAF 291, 20 CPR (4th) 155; et Wrangler Apparel Corp c The Timberland Company 2005 CF 722, 41 CPR (4th) 223].

Remarques préliminaires

[11]    Je tiens à souligner qu’aux fins de ma décision, j’ai tenu compte de l’ensemble de la preuve au dossier, mais que je ne ferai référence, dans les motifs de ma décision, qu’aux parties pertinentes de la preuve.

[12]    Le présent dossier a été instruit postérieurement aux oppositions produites par l’Opposante à l’encontre des demandes no 1,615,907 pour la marque de commerce « MEMORIA loved remembered & dessin » et no 1,615,508 pour la marque de commerce « MEMORIA for all those memories & dessin » qui visaient des produits et services semblables à ceux visés par la présente demande. Sans surprise, l’Opposante a cité les décisions rendues par le registraire dans ces deux dossiers, soit de maintenir ses oppositions [voir Espaces Memoria Inc c Star-Jet Jewellers Ltd, 2015 COMC 167 (CanLII) et Espaces Memoria Inc c Star-Jet Jewellers Ltd, 2015 COMC 168 (CanLII) (les deux décisions antérieures du registraire)].

[13]    Je soulignerai les différences entre le présent dossier et ces deux dossiers antérieurs, mais, comme nous le verrons, ces différences n’auront pas d’incidence sur la présente décision. Dans tous les cas, en l’absence d’une preuve et d’un plaidoyer écrit ou verbal de la part de la Requérante, il est difficile de justifier un résultat différent des deux décisions antérieures du registraire étant donné les similitudes que présentent tous ces dossiers.

Motifs d’opposition rejetés sommairement

Motifs d’opposition fondés sur l’article 30

[14]    Dans sa déclaration d’opposition, l’Opposante a soulevé des motifs d’opposition fondés sur les articles 30e), h) et i) de la Loi. L’Opposante n’a présenté aucune observation à l’égard de ces motifs d’opposition, ni dans son plaidoyer écrit ni à l’audience.

[15]    Il n’y a au dossier aucune preuve à l’appui de l’un quelconque de ces motifs d’opposition.

[16]    En conséquence, je rejette tous ces motifs d’opposition parce que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial.

[17]    Les seuls motifs d’opposition restant à trancher en l’espèce sont donc ceux fondés sur les articles 12(1)d), 16(3) et 2 (caractère distinctif) de la Loi. Ces motifs sont tous liés à la question de la probabilité de confusion avec les marques de commerce MEMORIA et COLLECTION MEMORIA de l’Opposante.

Enregistrabilité de la Marque suivant l’article 12(1)d) de la Loi

[18]    La date pertinente pour l’analyse de ce motif d’opposition est la date de la décision du registraire [voir Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413, à la p 424 (CAF)].

[19]    Mme Dallaire Légaré est la présidente de l’Opposante depuis le 3 mai 2002. Elle a produit un certificat d’authenticité relativement à la marque de commerce MEMORIA (enregistrement no LMC647,454), qui est enregistrée en liaison avec les produits et services suivants [Traduction] :

Urnes, reliquaires, cercueils, signets, registres, cartes de remerciements, cadres pour photos et lampions (les produits MEMORIA); et

Services de salon funéraire; services funéraires prépayés; services de crémation; mausolée, terrains d’inhumation et columbariums; services d’arrangements funéraires, location de salles de réception, services d’hommages photo et vidéo, services de suivi de deuil, services d’assistance successorale, services de rapatriement, services d’art thérapie, services d’aide psychologique et juridique, vente de produits funéraires (les services MEMORIA).

[20]    Cependant, à la suite d’une procédure en vertu de l’article 45, les [Traduction] « cercueils » ont été supprimés de la liste des produits, et les [Traduction] « services de salon funéraire; services funéraires prépayés; services de crémation; mausolée, terrains d’inhumation et columbariums » ont été supprimés de la liste des services [voir Sim & McBurney c Les Espaces Memoria Inc. 2016 COMC 24 (CanLII)]. Compte tenu des deux décisions antérieures du registraire, ces modifications n’auront pas d’incidence sur la présente décision.

[21]    Mme Dallaire Légaré a également produit un certificat d’authenticité relativement à la marque de commerce COLLECTION MEMORIA (enregistrement no LMC786,566). Cependant, comme j’estime que la marque de commerce déposée MEMORIA de l’Opposante est celle qui est le plus susceptible de permettre à l’Opposante d’obtenir gain de cause, je bornerai mon analyse des critères pertinents à cette seule marque. Si cette marque de commerce ne permet pas à l’Opposante d’obtenir gain de cause, sa marque de commerce déposée COLLECTION MEMORIA ne le lui permettrait pas davantage

[22]    Par conséquent, l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial à l’égard de ce motif d’opposition.

[23]     Le test en matière de confusion est énoncé à l’article 6(2) de la Loi. Certaines des circonstances de l’espèce à prendre en considération pour évaluer la probabilité de confusion entre deux marques de commerce sont décrites à l’article 6(5) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ou les noms commerciaux ont été en usage; le genre de produits, services ou entreprises; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Ces facteurs ne forment pas une liste exhaustive et le poids qu’il convient d’accorder à chacun d’eux n’est pas nécessairement le même [voir Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée et al (2006), 49 CPR (4th) 401 (CSC); Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc (2006), 49 CPR (4th) 321 (CSC); et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc et al (2011), 96 CPR (4th) 361 (CSC)].

[24]    Le test énoncé à l’article 6(2) de la Loi ne concerne pas la confusion entre les marques elles-mêmes, mais la confusion portant à croire que des produits ou des services provenant d’une source proviennent d’une autre source. En l’espèce, la question que soulève l’article 6(2) est celle de savoir si un consommateur ayant un souvenir imparfait des marques de commerce de l’Opposante, croirait, à la vue des Produits et Services de la Requérante offerts en liaison avec la Marque, que ces derniers proviennent de l’Opposante, ou sont parrainés ou approuvés par l’Opposante.

Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[25]    Bien que MEMORIA soit un mot inventé, il est suggestif de « memorial » [monument commémoratif, funéraire] lorsqu’il est employé en liaison avec les produits MEMORIA et les services MEMORIA. Quant à la Marque, l’ajout de « Imprints » [impressions, empreintes] à « Memoria » n’accroît pas le caractère distinctif de la Marque. En fait, « Imprints » [impressions, empreintes] est certainement au moins très suggestif des services suivants [Traduction] : « gravure au laser d’empreintes digitales, d’empreintes de la main et d’empreintes de pattes sur des bijoux ».

[26]    Le caractère distinctif d’une marque de commerce peut être accru par l’emploi ou la promotion de la marque au Canada. La demande est fondée sur l’emploi projeté. Quant à la preuve d’emploi de la marque de commerce déposée MEMORIA de l’Opposante, elle est présentée par la voie de l’affidavit de Mme Dallaire Légaré.

Preuve d’emploi de la marque déposée de l’Opposante

[27]    Mme Dallaire Légaré affirme que l’Opposante est une entreprise familiale de quatrième génération, fondée par Alfred Dallaire, qui œuvre dans le domaine des services funéraires. L’Opposante est aujourd’hui présente dans la plupart des secteurs de la région métropolitaine de Montréal, de Laval et de Repentigny, et compte une douzaine de succursales, de complexes et de mausolées.

[28]    Mme Dallaire Légaré affirme qu’en 2003, la prédécesseure en titre de l’Opposante, Alfred Dallaire Inc (ADI), a fait l’objet d’une restructuration interne qui s’est traduite par le transfert de la moitié de ses actifs à l’Opposante, laquelle a été constituée en société le 3 mai 2002 sous la dénomination numérique 9116-2644 Quebec Inc., mais est aujourd’hui connue sous le nom de l’Opposante. L’Opposante a adopté la marque de commerce MEMORIA peu après.

[29]    Mme Dallaire Légaré allègue que les produits MEMORIA et les services MEMORIA sont présentés sur le site Web de l’Opposante à l’adresse www.memoria.ca. Elle affirme que le site Web est en exploitation depuis décembre 2003.

[30]    Comme pièce JDL-2, Mme Dallaire Légaré a produit des extraits du site Web montrant les produits MEMORIA qui sont vendus au Canada depuis 2003, notamment des urnes cinéraires, des reliquaires, des cercueils, des signets, des registres, des cartes de remerciements, des cadres pour photos et des lampions. Elle a également produit, comme pièce JDL-3, des extraits du site Web décrivant les services MEMORIA qui sont offerts au Canada depuis au moins 2003, notamment des services d’arrangements funéraires, la location de salles de réception, des mausolées, des columbariums, des services d’assistance successorale, des services de rapatriement et des services d’art thérapie.

[31]    J’estime utile, à ce stade, de reproduire ce qui figure sur les extraits de pages Web; je déterminerai plus loin si cette représentation constitue un emploi de la marque de commerce MEMORIA :

Je souligne également que, sauf indication contraire dans ma décision, sur la plupart des pièces produites, la marque de commerce MEMORIA est représentée dans un format identique à celui qui est reproduit ci-dessus.

[32]    Comme pièce JDL-5, Mme Dallaire Légaré a produit des extraits du site Web montrant des « keepsake jewelry » (des « bijoux reliquaires » en français) qui ont été vendus au Canada en liaison avec la marque de commerce MEMORIA depuis au moins aussi tôt que 2003. La marque de commerce qui figure sur chacune des pages produites a une forme identique à celle reproduite ci-dessus. Comme pièce JDL-6, elle a produit une photographie prise en 2003 qui montre différents bijoux reliquaires prenant la forme de colliers qui ont été vendus au Canada depuis aussi tôt que 2003.

[33]     Mme Dallaire Légaré allègue que certains des colliers, qui font partie de la nouvelle gamme créée en 2013 qui est vendue en liaison avec la marque de commerce MEMORIA, sont également montrés sur le site Web et, comme pièce JDL-7, elle a produit des extraits du site Web représentant ces colliers. Cependant, la marque de commerce qui figure près de la photo du collier est MEMORIA HARRICANA. Je souligne que chacune des pages Web produites arbore la marque de commerce Alfred Dallaire | MEMORIA, telle qu’elle est reproduite ci-dessus.

[34]    Mme Dallaire Légaré affirme que, dans la pratique normale des affaires, la marque de commerce MEMORIA figure sur les produits MEMORIA ou sur les sacs ou les pochettes dans lesquels ces produits sont vendus au Canada depuis au moins 2003. Comme pièce JDL-8, elle a produit un échantillon d’images montrant la marque de commerce MEMORIA sur certains des produits MEMORIA, dont des cartes, des signets et des lampions. Là encore, la marque de commerce qui figure sur la plupart de ces images est Alfred Dallaire | MEMORIA. Toutefois, sur certaines de ces images, les mots Alfred Dallaire et MEMORIA sont séparés par une ligne horizontale plutôt que par une ligne verticale, comme dans la représentation ci-dessus.

[35]    En ce qui concerne l’emploi de la marque de commerce MEMORIA en liaison avec des bijoux reliquaires, Mme Dallaire Légaré affirme que la marque figure sur les coffrets, les sacs et les pochettes dans lesquels ces bijoux sont vendus et mentionne à cet égard les images de ces emballages qu’elle a produites comme pièce JDL-8, qui montrent que les emballages arborent tous la marque de commerce Alfred Dallaire | MEMORIA telle qu’elle est reproduite ci-dessus.

[36]    Comme pièce JDL-9, Mme Dallaire Légaré a produit un coffret dans lequel les colliers créés en collaboration avec un tiers, identifié comme étant Harricana, sont vendus en liaison avec la marque de commerce MEMORIA depuis au moins 2013. Cependant, la marque de commerce qui figure sur le coffret est MEMORIA HARRICANA.

[37]    À titre d’exemple d’emploi de la marque de commerce MEMORIA en liaison avec les Services MEMORIA depuis 2003, Mme Dallaire Légaré a produit, comme pièce JDL-10, un dépliant que l’Opposante distribue dans ses succursales, complexes et mausolées, ainsi que par l’intermédiaire de kiosques exploités dans des centres commerciaux, lors d’événements spéciaux tenus à l’extérieur de ses succursales, complexes et mausolées ou lors de conférences données par des employés de l’Opposante.

[38]    Mme Dallaire Légaré allègue, en outre, que tous les produits et services MEMORIA de l’Opposante sont offerts en vente et vendus au Canada en liaison avec ses marques de commerce dans ses divers complexes et succursales de la région métropolitaine de Montréal et sur son site Web, ainsi qu’il appert des divers extraits produits.

[39]    Mme Dallaire Légaré affirme que la marque de commerce MEMORIA est affichée sur la devanture des complexes et succursales où les produits MEMORIA et les services MEMORIA sont vendus depuis 2003 et elle a produit, comme pièce JDL-12, une image de la devanture de son siège social, qui est situé sur la rue Laurier, à Montréal.

[40]    En ce qui concerne les chiffres de ventes, Mme Dallaire Légaré affirme simplement que les chiffres des ventes annuelles de produits et de services en liaison avec les marques de commerce MEMORIA et COLLECTION MEMORIA sont de l’ordre de millions de dollars. Cependant, aucune ventilation par année, par marque de commerce, par produit et par service n’est fournie. Comme pièce JDL-13, elle a produit des spécimens de factures remises à des clients canadiens entre 2010 et 2013 relativement à la vente de produits MEMORIA et de services MEMORIA. Les factures produites renvoient à certains des produits MEMORIA et les produits qui y sont décrits sont accompagnés de numéros de référence qui correspondent aux numéros de référence indiqués sur les pages Web produites qui sont décrites ci-dessus.

[41]    De plus, comme pièce JDL-14, elle a produit des spécimens de factures émises entre 2004 et 2015 relativement à la vente de bijoux reliquaires en liaison avec la marque de commerce MEMORIA. Je souligne que la marque de commerce MEMORIA est apposée en surimpression sur la plupart de ces factures. La piètre qualité des copies m’empêche de conclure qu’elle figure sur chaque facture.

[42]    Mme Dallaire Légaré affirme en outre que, chaque année, l’Opposante investit au Canada entre 500 000 $ et 700 000 $ en moyenne pour faire la publicité et la promotion de la marque de commerce MEMORIA au moyen de publicités dans la presse écrite (journaux et magazines), à la radio et à la télévision. Elle a produit, comme pièce JDL-15, une publicité pour des services funéraires qui est parue dans l’édition du 5 décembre 2012 du journal La Presse et, comme pièce JDL-16, un échantillon de publicités imprimées montrant la marque de commerce MEMORIA parues en 2009 et en 2012 dans des journaux italiens locaux distribués au sein de la communauté italienne. Aucune traduction française ou anglaise de ces publicités n’a cependant été fournie. De même, aucune information n’a été fournie en ce qui concerne l’importance de la distribution dont ces journaux italiens locaux font l’objet.

[43]    Lorsqu’elle a lancé sa gamme de colliers MEMORIA, l’Opposante a distribué des dépliants et, comme pièce JDL-17, Mme Dallaire Légaré a produit un spécimen de ces dépliants. Il n’y a aucune information sur la diffusion dont ce dépliant a fait l’objet. Je souligne en outre que les marques de commerce qui figurent dans ce dépliant sont : Alfred Dallaire | MEMORIA, Alfred Dallaire MEMORIA et MEMORIA HARRICANA.

[44]    Mme Dallaire Légaré explique que l’Opposante fait la promotion d’événements culturels et artistiques et, comme pièce JDL-18, elle a produit un échantillon de livres, de films, d’enregistrements musicaux et d’événements culturels auxquels la marque de commerce MEMORIA est associée. Or, différentes versions de la marque de commerce Alfred Dallaire MEMORIA figurent dans la documentation produite.

[45]    Depuis 2003, l’Opposante fait également la promotion de sa marque de commerce MEMORIA par la distribution d’articles promotionnels tels que des calendriers, des blocs-notes, des signets promotionnels, des cartes de souhaits et des parapluies et, comme pièce JDL-19, Mme Dallaire Légaré a produit des images de tels articles promotionnels. Aucune information n’est fournie en ce qui concerne l’importance de la distribution dont ces articles promotionnels ont fait l’objet et la période pendant laquelle ils ont été distribués. Enfin, la marque de commerce qui figure sur la plupart de ces images est Alfred Dallaire | MEMORIA, telle qu’elle est reproduite plus haut.

[46]     Mme Dallaire Légaré a également produit une copie d’un article paru dans l’édition du 10 novembre 2007 du journal La Presse concernant un prix décerné à l’Opposante pour la décoration intérieure de l’un de ses établissements de Montréal. Là encore, la marque de commerce ou le nom commercial mentionné est Alfred Dallaire MEMORIA. Enfin, comme pièce JDL-21, elle a produit des extraits d’articles portant sur les colliers MEMORIA parus en 2013 dans les journaux La Presse et Le Journal de Montréal. Cependant, la marque de commerce qui est mentionnée dans ces articles est HARRICANA X MÉMORIA.

[47]    Ainsi qu’il appert du résumé détaillé de la preuve de l’Opposante présenté ci-dessus, la marque de commerce MEMORIA est très peu employée seule. Je dois déterminer si l’emploi des différentes variantes de Alfred Dallaire MEMORIA, qui sont décrites ci-dessus, peut être considéré comme une preuve d’emploi de la marque de commerce MEMORIA. Il a été statué dans les deux décisions antérieures du registraire que l’emploi de Alfred Dallaire | MEMORIA, selon la variante reproduite ci-dessus ou avec une ligne horizontale séparant Alfred Dallaire de MEMORIA, conjugué à l’emploi de différentes polices de caractères, indique clairement aux consommateurs que Alfred Dallaire et MEMORIA sont deux marques de commerce distinctes. Par conséquent, ces variantes de Alfred Dallaire MEMORIA constituent un emploi de la marque de commerce MEMORIA. Je n’ai aucune raison de m’écarter de cette conclusion.

[48]    Compte tenu de ces conclusions, je conclus également que la marque de commerce MEMORIA est connue dans une certaine mesure dans la région de Montréal. Quant à la Marque, on ne peut pas considérer qu’elle est connue puisqu’il n’y a aucune preuve d’emploi de la Marque au dossier.

La période pendant laquelle les marques ont été en usage

[49]    Compte tenu de la preuve décrite ci-dessus, ce facteur favorise l’Opposante pour ce qui est de sa marque de commerce déposée MEMORIA.

Le genre des produits et services, et leurs voies de commercialisation

[50]    Pour disposer du motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d), je dois comparer les produits décrits dans la demande avec les produits et services visés par les enregistrements de l’Opposante [voir Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3, aux p 10 et 11 (CAF); Henkel Kommadnitgellschaft c Super Dragon (1986), 12 CPR (3d) 110, à la p 112 (CAF); Miss Universe Inc c Dale Bohna (1994), 58 CPR (3d) 381, aux p. 390 à 392 (CAF)]. Cet examen des états déclaratifs doit cependant être effectué dans l’optique de déterminer le genre probable d’entreprise ou de commerce envisagé par les parties, et non l’ensemble des commerces que le libellé est susceptible d’englober. Une preuve de la nature véritable des commerces exercés par les parties est utile à cet égard [voir McDonald’s Corp c Coffee Hut Stores Ltd (1996), 68 CPR (3d) 168 (CAF); Procter & Gamble Inc c Hunter Packaging Ltd (1999), 2 CPR (4th) 266 (COMC); et American Optical Corp c Alcon Pharmaceuticals Ltd (2000), 5 CPR (4th) 110 (COMC)].

[51]    Une analyse approfondie a été menée dans le cadre des deux décisions antérieures du registraire quant à la question de savoir si les produits respectifs des parties se recoupent. Le registraire a conclu qu’il existe un recoupement et je n’ai, en l’espèce, aucune raison de conclure autrement.

[52]    En ce qui concerne les services des parties, les Services diffèrent légèrement des services qui étaient visés par les deux demandes qui ont mené aux deux décisions antérieures du registraire, en ce que les Services comprennent le service supplémentaire décrit comme la [Traduction] « gravure au laser d’empreintes digitales, d’empreintes de la main et d’empreintes de pattes sur des bijoux ».

[53]     Comme l’a fait observer l’Opposante dans son plaidoyer écrit et à l’audience, l’enregistrement LMC647,454 de la marque de commerce MEMORIA vise encore des services d’arrangements funéraires. L’Opposante a démontré qu’elle offre des services de gravure sur urnes en marbre [voir la pièce JDL-10, à 10 pages de la fin du dernier document sous cet onglet].

[54]    Il appert de la preuve décrite ci-dessus que l’Opposante vend, dans ses salons funéraires et sur son site Web, des colliers et des pendentifs qui peuvent contenir des cendres d’un être cher, en liaison avec la marque de commerce MEMORIA. En revanche, je ne dispose d’aucun élément de preuve en ce qui concerne l’entreprise et les voies de commercialisation de la Requérante. Cependant, la description des Services m’amène à conclure que la Requérante se spécialise dans la vente de bijoux. Par conséquent, je conclus qu’il y a un certain recoupement entre les entreprises des parties.

[55]    Je ne dispose d’aucun élément de preuve en ce qui concerne les voies de commercialisation de la Requérante. Cependant, je peux inférer de la description des Services que la Requérante offrira ses Produits en vente dans des bijouteries, tandis que l’Opposante vend ses reliquaires dans ses salons funéraires. Les voies de commercialisation des parties sont donc différentes.

Le degré de ressemblance

[56]           Comme l’a fait observer la Cour suprême du Canada dans Masterpiece, dans la plupart des cas, le degré de ressemblance entre les marques en cause est le facteur le plus important.

[57]    L’Opposante soutient que les marques des parties ont un dénominateur commun, à savoir le mot « memoria ». Il s’agit de la partie distinctive et dominante de chacune de ces marques. En outre, il forme la totalité de la marque de l’Opposante, alors qu’il constitue la première partie de la Marque. Il a été statué antérieurement que la première partie d’une marque de commerce est souvent la plus importante [voir Conde Nast Inc c Union des Editions Modernes (1979), 46 CPR (2d) 183 (CF 1re inst);].

[58]    Le test en matière de confusion a été formulé en ces termes par le juge Binnie dans Veuve Clicquot, supra, au para 20 [Traduction] :

Le critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue de [la marque], alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce [antérieures] et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques.

[59]    La caractéristique commune dominante des marques des parties, c’est-à-dire le mot « memoria », conjuguée au genre des produits et services respectifs des parties, m’amène à conclure que l’idée suggérée par les marques des parties est la même, soit « à la mémoire de ». Les marques se ressemblent donc aussi bien visuellement, du fait de la présence du premier mot dominant « memoria », que dans le son et dans les idées qu’elles suggèrent. Je ne considère pas que l’ajout du mot « imprints » [impressions, empreintes] est suffisant pour rendre la présente espèce différente des deux décisions antérieures du registraire sur cette question.

[60]    Ce facteur favorise également l’Opposante.

Conclusion

[61]    Je conclus de mon analyse des critères pertinents que la Requérante ne s’est pas acquittée du fardeau ultime qui lui incombait de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque ne risque pas de créer de la confusion avec la marque de commerce MEMORIA de l’Opposante. Je fonde ma décision sur le fait que la marque de commerce de l’Opposante est connue dans une certaine mesure en liaison avec des bijoux reliquaires, des reliquaires et des services d’arrangements funéraires; qu’il y a un recoupement entre les produits et services des parties pour ce qui est des bijoux; et qu’il existe un degré de ressemblance considérable entre les marques dans la présentation, dans le son et dans les idées qu’elles suggèrent. Quant à la différence entre la Marque et la marque de commerce MEMORIA de l’Opposante, qui est décrite au paragraphe 59 ci-dessus, je ne considère pas qu’elle est suffisante pour permettre à un consommateur qui n’a qu’une vague connaissance de la marque de commerce MEMORIA de l’Opposante de conclure, à la première impression, que la Requérante est la source des Produits et des Services.

[62]    Par conséquent, j’accueille le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) de la Loi.

Absence de caractère distinctif de la Marque

[63]           Ce motif d’opposition doit être évalué à la date de production de la déclaration d’opposition (23 décembre 2014) [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc 2004 CF 1185, 34 CPR (4th) 317 (CF)].

[64]           Pour s’acquitter de son fardeau initial à l’égard de ce motif d’opposition, l’Opposante devait démontrer que sa marque de commerce MEMORIA était devenue suffisamment connue au Canada à la date du 23 décembre 2014 pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif [Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44, à la p 58 (CF 1re inst)].

[65]           La preuve décrite dans le cadre de mon analyse du motif d’opposition fondé sur l’enregistrabilité est suffisante pour me permettre de conclure que la marque de commerce MEMORIA de l’Opposante était connue au Canada, ou à tout le moins dans la région métropolitaine de Montréal, à la date pertinente. Le fardeau de preuve incombe donc maintenant à la Requérante, qui doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque ne risquait pas de créer de la confusion avec la marque de commerce susmentionnée de l’Opposante, et qu’elle était donc, à la date pertinente, adaptée à distinguer ou distinguait véritablement partout au Canada les Produits et les Services des produits MEMORIA et des services MEMORIA de l’Opposante [voir Muffin Houses Incorporated c The Muffin House Bakery Ltd (1985), 4 CPR (3d) 272 (COMC)].

[66]           La date pertinente plus lointaine qui s’applique à ce motif d’opposition n’aurait pas d’incidence substantielle sur mon analyse des critères pertinents aux fins de l’appréciation de la probabilité de confusion entre les marques en cause. Par conséquent, mon analyse des critères pertinents pour déterminer si la Marque risque de créer de la confusion avec la marque de commerce MEMORIA de l’Opposante aurait produit des résultats similaires.

[67]           Dans ces circonstances, je conclus que la Requérante n’a pas démontré que la Marque était distinctive ou était adaptée à distinguer les Produits et les Services des produits MEMORIA et des services MEMORIA de l’Opposante. Par conséquent, j’accueille ce motif d’opposition.

Autres motifs d’opposition

[68]    L’Opposante ayant obtenu gain de cause relativement à deux motifs d’opposition distincts, il n’est pas nécessaire que j’évalue les autres motifs d’opposition.

Décision

[69]    Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement conformément aux dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

_____________________________

Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Traduction certifiée conforme

Judith Lemire, trad.


 

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

 

 

DATE DE L’AUDIENCE : 2016-11-09

 

COMPARUTIONS

 

M. Barry Gamache                                                                                        POUR L’OPPOSANTE

 

Aucune comparution                                                                                    POUR LA REQUÉRANTE

 

AGENT(S) AU DOSSIER

 

Robic                                                                                                                    POUR L’OPPOSANTE

 

Sim & McBurney                                                                                           POUR LA REQUÉRANTE

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