Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2012 COMC 7

Date de la décision : 2012‑01‑18

DANS L'AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Stella Cadente S.A.R.L. à l'encontre de la demande d'enregistrement no 1 308 568 pour la marque de commerce MISS ME au nom de Sweet People Apparel, Inc.

 

[1]               Le 27 juin 2006, Sweet People Apparel, Inc. (la Requérante) a produit une demande d'enregistrement pour la marque de commerce MISS ME (la Marque). La demande a été produite sur la base de l'emploi au Canada par Stella Cho, prédécesseure en titre de la Requérante, depuis au moins 2001 en liaison avec les marchandises suivantes :

Vêtements pour femmes et filles, nommément jeans, pantalons, shorts, vestes, gilets, jupes, robes, tee-shirts, chemisiers, cache-corsets, cardigans, chandails et ceintures (les Marchandises).

La Requérante s’est désistée du droit à l’usage exclusif du mot MISS en dehors de la Marque.

[2]               La demande a été annoncée aux fins d'opposition dans le Journal des Marques de commerce du 10 janvier 2007.

[3]               Le 12 mars 2007, Stella Cadente S.A.R.L. (l'Opposante) a produit une déclaration d'opposition dans laquelle elle soulève les motifs d’opposition suivants :

    [traduction]

a)      L'Opposante fonde son opposition sur le motif énoncé à l'alinéa 38(2)a) [de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi)], à savoir que la demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30, parce que la marque de commerce de la Requérante n'a pas été employée dans la pratique normale du commerce au Canada en liaison avec l'ensemble des marchandises décrites dans la demande d'enregistrement no 1 308 568, que ce soit depuis la date de premier emploi alléguée, en 2001, ou avant.

b)      L'Opposante fonde aussi son opposition sur le motif énoncé à l'alinéa 38(2)a), à savoir que la demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30, parce que la Requérante n'a pas, elle-même ou par l’entremise d’un licencié, employé la marque de commerce dans la pratique normale du commerce au Canada en liaison avec l'ensemble des marchandises décrites dans la demande d'enregistrement no 1 308 568, que ce soit depuis la date de premier emploi alléguée, en 2001, ou avant.

c)      L'Opposante fonde également son opposition sur le motif énoncé à l'alinéa 38(2)a), à savoir que la demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30, parce que Stella Cho n'est pas la prédécesseure en titre de la Requérante.

d)     Compte tenu des allégations formulées aux paragraphes a), b) et c), l'Opposante fonde aussi son opposition sur le motif énoncé à l'alinéa 38(2)d) de la Loi, à savoir que la marque de commerce revendiquée dans la demande no 1 308 568 n'est pas distinctive des produits de la Requérante décrits dans la demande.

[4]               La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie les allégations de l’Opposante.

[5]               À l'appui de son opposition, l'Opposante a produit un affidavit de Zeina Waked et une copie certifiée conforme des documents de constitution de la société 9160‑5519 Québec Inc. Au soutien de sa demande, la Requérante a produit un affidavit d'Eric Choi et des copies certifiées conformes des enregistrements portant les numéros LMC687210, LMC687211 et LMC687323. Les parties n’ont procédé à aucun contre-interrogatoire.

[6]               Seule la Requérante a produit un plaidoyer écrit. Il n’y a pas eu d’audience.

Fardeau de preuve et dates pertinentes

[7]               C'est à la Requérante qu'incombe le fardeau ultime d’établir, suivant la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Toutefois, l’Opposante doit s'acquitter du fardeau initial de présenter une preuve admissible suffisante qui permette de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués au soutien de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Limitée c. Les Compagnies Molson Limitée (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), à la page 298].

[8]               Voici les dates pertinentes applicables aux différents motifs d’opposition :

- alinéa 38(2)a) et article 30 de la Loi – la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.), à la page 475];

 

-    alinéa 38(2)d) de la Loi – la date de production de l’opposition [voir Metro‑Goldwyn‑Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re inst.)].

Motifs d’opposition fondés sur l’alinéa 30b)

[9]               Les trois premiers motifs d’opposition semblent tous alléguer un manquement à l'alinéa 30b) de la Loi. Je commencerai par l'analyse des premier et troisième motifs.

Premier motif d’opposition : défaut d'emploi de la Marque depuis la date alléguée

[10]           Dans le premier motif d'opposition, l'Opposante soutient que la Marque n'est pas employée depuis 2001, date revendiquée dans la demande.

[11]           L'Opposante a produit un affidavit de Zeina Waked, technicienne juridique qui travaille pour l’agent de marque de commerce de l’Opposante. Mme Waked a joint à son affidavit un communiqué de l'automne 2007 pour la marque MISS ME (pièce ZW‑1), dans lequel :

         il est indiqué qu'à l'automne 2005, Miss Me [traduction] « se lance sur le marché international et signe des ententes avec des distributeurs au Canada [...] »;

         la société 9160‑5519 Québec Inc. (9160-5519 Québec) est désignée comme distributrice canadienne.

Bien qu'il constitue du ouï-dire, le communiqué répond aux exigences relatives à la nécessité et à la fiabilité et est donc admissible. En effet, le communiqué était nécessaire pour permettre au déposant d'obtenir la preuve de l'emploi de la marque MISS ME, et il est fiable parce que la preuve de la Requérante traite de renseignements qu'il contient [La Compagnie de brassage Labatt c. Les Brasseries Molson, une société de personnes (1996), 68 C.P.R. (3d) 216 (C.F. 1re inst.)]. L'Opposante a aussi produit une copie certifiée conforme des documents de constitution en société de 9160‑5519 Québec, qui confirment que l'entité a été constituée le 9 septembre 2005. La preuve de l'Opposante selon laquelle MISS ME a signé une entente avec un distributeur canadien en 2005 soulève une question quant à l'exactitude de la date de premier emploi revendiquée au Canada et est suffisante pour permettre à l'Opposante de s'acquitter du fardeau initial peu exigeant qui lui incombe [voir Tune Masters c. Mr. P.'s Mastertune Ignition Services Ltd. (1986), 10 C.P.R. (3d) 84 (C.O.M.C.), à la page 89].

[12]           La Requérante a produit un affidavit d'Eric Choi, son président, qui atteste que la Requérante et ses prédécesseurs en titre ont vendu des vêtements et des accessoires vestimentaires pour femmes et filles arborant la marque MISS ME directement à des détaillants canadiens de 2001 à 2006, année durant laquelle la Requérante a accordé les droits de distribution au Canada à 9160‑5519 Québec (paragraphe 14). M. Choi affirme que les ventes de vêtements MISS ME à des détaillants canadiens se sont chiffrées à 137 000 $US en 2001 (paragraphe 18). Il fournit des échantillons d'étiquettes, d'étiquettes volantes et de factures qui corroborent l'emploi de la Marque au Canada par Miss Me, de 2001 à 2008 (pièces EC‑2 et EC‑8). Les factures font expressément état des types de vêtements suivants : jeans, pantalons, jupes, robes, cardigans et chandails. Je ferai remarquer que si l'Opposante a relevé des ambiguïtés dans la preuve de M. Choi relativement à l'emploi de la Marque en liaison avec chacune des Marchandises, elle aurait pu le contre-interroger.

[13]           Dans son affidavit, M. Choi atteste que Stella Cho a lancé la Marque et la collection de vêtements en 2001 (paragraphe 5) et il établit la chaîne de titres de la Marque. Il fournit notamment une copie de la déclaration de nom commercial fictif remise à Stella Cho, qui mentionne l'emploi de MISS ME en tant que nom commercial en Californie en date du 22 janvier 2001 et fait état de la cession de ce nom commercial et de la Marque à Bright Future Apparel, Inc. le 16 juillet 2001 (pièce EC‑1). M. Choi joint également à son affidavit une copie de la cession de ce nom commercial et de la Marque par Bright Future Apparel Inc. à la Requérante, le 28 décembre 2003 (pièce EC‑1). Des déclarations de nom commercial fictif pour MISS ME, aux noms de Bright Future Apparel, Inc. et de Sweet Pea Apparel, Inc. sont aussi jointes à l'affidavit (pièce EC‑1). Aucune de ces cessions n'est limitée à un territoire en particulier.

[14]           La preuve de la Requérante est suffisante pour satisfaire au fardeau ultime qui lui incombe d'établir l'emploi de la Marque depuis 2001 en liaison avec les Marchandises au Canada. Par conséquent, ce motif d’opposition est rejeté.

Troisième motif d’opposition : Stella Cho n'est pas la prédécesseure en titre de la Requérante

[15]           Dans le troisième motif d'opposition, l'Opposante soutient que la demande n'est pas conforme aux exigences de l’article 30 de la Loi, parce que Stella Cho n'est pas la prédécesseure en titre de la Requérante.

[16]           Tel qu'il est plaidé, ce motif d'opposition ne peut justifier le refus de la demande, puisque Stella Cho est un prédécesseur de la Requérante. Il importe peu que la demande ait d'abord été cédée à Bright Future Apparel Inc. avant d'être cédée à la Requérante, puisque le terme « predecessor » [prédécesseur] signifie simplement [traduction] « personne qui en a précédé une autre dans une fonction, une charge » [Black's Law Dictionary, 9e éd. (2009)]; or, Stella Cho a bien précédé la Requérante à titre de propriétaire de la Marque.

Deuxième motif d'opposition : la Requérante n'a pas employé la Marque

[17]           Le deuxième motif d'opposition diffère du premier seulement en ce que l'Opposante soutient que c'est la Requérante qui n'a pas employé la Marque depuis 2001. Stella Cho est nommée comme prédécesseure en titre dans la demande, et la preuve de la Requérante permet de conclure que Mme Cho a employé la Marque au Canada en 2001.

[18]           La Cour fédérale a ordonné que les oppositions soient évaluées en fonction des motifs d’opposition tels qu'ils sont plaidés. Si un opposant soutient qu'une demande contrevient à une disposition de la Loi en raison de circonstances précises, il n'est pas permis de repousser la demande au motif qu'elle ne respecte pas cette disposition de la Loi pour des raisons différentes de celles invoquées. Aux paragraphes 27 à 29 de la décision Le Massif inc. c. Station touristique Massif du sud (1993) inc. (2011), 95 C.P.R. (4th) 249 (C.F.), la Cour fédérale explique :

Or, la jurisprudence a reconnu que la Commission ne possède pas le pouvoir d’accueillir une opposition sur la base d’un motif qui n’a pas été invoqué par la partie opposante. Dans Imperial Developments Ltd.c. Imperial Oil Ltd., 26 A.C.W.S. (2d) 155, 79 C.P.R. (2d) 12, (le juge Muldoon), la Cour a énoncé qu’un organisme tel que le registraire des marques de commerce est créé par une loi et qu’il n’a aucun pouvoir inhérent et extrinsèque à sa législation constitutive. La Cour a en outre déclaré que le registraire appelé à trancher une opposition ne pouvait pas baser sa décision sur un motif qui n’avait pas été énoncé dans la déclaration d’opposition.

 

Plus récemment, dans l’arrêt Procter & Gamble Inc. c. Colgate-Palmolive Canada Inc., 2010 CF 231, 364 F.T.R. 288, au par. 26, [81 C.P.R. (4th) 343], le juge Boivin a également adopté ce principe jurisprudentiel :

 

La défenderesse soutient qu’il est établi en droit qu’il n’existe pas de compétence pour trancher une question qui ne se trouve pas dans la déclaration d’opposition et que la Cour n’a pas compétence pour entendre des questions qui n’ont pas été soulevées devant la Commission (McDonald’s Corp. c. Coffee Hut Stores Ltd. (1994), 76 F.T.R. 281, 55 C.P.R. (3d) 463, décision confirmée à (1996), 199 N.R. 106, 68 C.P.R. (3d) 168 (C.A.F.)). Je suis d’accord avec la défenderesse.

 

Je souscris à ces principes. En l’espèce, même si la Commission a rejeté la demande d’enregistrement sur la base du défaut de respecter les exigences de l’alinéa 30b) de la Loi et que l’opposition de la défenderesse était elle aussi fondée sur le défaut de respecter cet alinéa, l’opposition de la défenderesse avait trait à un « défaut » différent de celui sur lequel la Commission a fondé sa décision.

 

[19]           Étant donné que Stella Cho est nommée comme prédécesseure en titre et que la preuve de la Requérante permet de conclure que Mme Cho a employé la Marque au Canada en 2001, ce motif d’opposition est rejeté. De ce fait, il importe peu que la Requérante n'ait pas employé la Marque en 2001. Si l'Opposante avait plaidé que la demande contrevient à l'alinéa 30b) parce qu'elle ne comporte pas le nom de chaque prédécesseur en titre de la Requérante, je lui aurais donné raison, parce que la Requérante n'a pas nommé Bright Future Apparel Inc. dans sa demande [voir R.W.S. Hoists & Cranes Inc. c. Richards-Wilcox Canada Inc. (2004), 41 C.P.R. (4th) 258, à la page 265; Ritz Hotel Ltd. c. Shen Manufacturing Co. (1992), 47 C.P.R. (3d) 106 (C.O.M.C.), à la page 112]. Je souligne que rien n'empêchait l'Opposante de demander l'autorisation de modifier sa déclaration d'opposition après que la preuve détaillant la chaîne de titres de la Requérante lui a été signifiée.

 

Motif d’opposition fondé sur l’article 2

[20]           L'Opposante allègue en outre que la Marque n'est pas distinctive, étant donné les faits allégués relativement aux motifs d’opposition fondés sur l'alinéa 30b). Ni la preuve de l'Opposante ni la preuve de la Requérante n’étayent ce motif d'opposition. Les éléments de preuve produits par les parties n’appuient pas l'allégation de l'Opposante selon laquelle une entité quelconque, autre que la Requérante, employait la Marque à la date pertinente, le 12 mars 2007, date de production de la déclaration d'opposition. De plus, aucune preuve ne porte sur les entités autres que la Requérante ou ses prédécesseurs en titre ayant employé la Marque. Par conséquent, l'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait au regard de ce motif d'opposition, et le motif d’opposition est rejeté.

Décision

[21]           Exerçant les pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition conformément aux dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi.

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Natalie de Paulsen

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Dominique Lamarche, trad. a.

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